Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/cardon s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 2p. 383).

CARDON s. m. (kar-don — du lat. carduus, chardon). Crust. Nom vulgaire du crangon commun.

— Bot. Plante de la famille des composées et de la tribu des carduacées, appartenant au même genre que l’artichaut : On sème la graine du cardon dans le courant du printemps. (V. de Bomare.) || On donne aussi ce nom aux côtes ou nervures médianes comestibles des feuilles de la plante. || Nom sous lequel on désigne, en Amérique, les cactus et les agaves ; à Ténériffe, l’euphorbe des Canaries ; en Espagne, le scolyme.

— Encycl. Le cardon est une plante bisannuelle, originaire des côtes de Barbarie, et qui, depuis longtemps introduite dans les jardins, est devenue plus grande, plus agréable au goût et moins épineuse. C’est la plus volumineuse de nos plantes potagères ; elle atteint facilement 2 m, à 2 m. 50 de haut, et les feuilles ont généralement plus de 1 m. Ces feuilles, d’un vert tendre, larges et découpées, sont couvertes d’un duvet blanchâtre, et quelquefois épineuses, comme dans la variété de Tours. Les côtes ou nervures de ces feuilles sont canaliculées, larges, épaisses et charnues ; la tige est cannelée, cotonneuse, pleine et légèrement rameuse ; au sommet de chaque rameau est une tête aplatie à sa base, à peu près semblable au réceptacle d’un artichaut. Cette tête s’ouvre et s’élargit peu à peu, et enfin laisse voir dans son milieu un groupe de fleurs bleuâtres qui sont composées chacune de cinq parties. La graine, oblongue, lisse, verdâtre et garnie d’aigrettes, a la forme et la grosseur d’un grain de froment.

Le cardon existe encore en diverses contrées à l’état sauvage. Transporté, il y a quelques années, aux environs de Montevideo, il s’y est tellement multiplié qu’il occupe maintenant à lui seul des plaines immenses, et infeste, dit-on, les campagnes du Rio de la Plata et de l’Uruguay. Cultivée dans nos jardins, cette plante a produit plusieurs variétés, parmi lesquelles nous signalerons les suivantes : 1° Le cardon de Tours, ainsi nommé parce que la culture en était autrefois limitée aux environs de cette ville, où elle était célèbre dès le XVIe siècle ; la côte en est pleine, légèrement concave, un peu rougeâtre, tendre et délicate. On cultiverait sans doute bien davantage cette excellente variété, si ses aiguillons nombreux n’en rendaient la récolte pénible. 2° Le cardon d’Espagne atteint quelquefois la hauteur de 3 à 4 m. ; les côtes en sont larges, épaisses, charnues, mais filandreuses et d’une saveur moins délicate que dans le précédent. 3° Le cardon plein inerme, tout à fait dépourvu d’épines, à côtes plus épaisses encore que dans le cardon d’Espagne, réunit les qualités des deux autres. 4° Le cardon à côtes rouges est une belle variété, à côte très-large, très-pleine, et à feuille extrêmement douce. 5° Enfin, le cardon Pavis est remarquable entre tous par son volume et la largeur de ses côtes. La principale utilité du cardon consiste dans ses feuilles, ou plutôt dans leurs côtes ou nervures médianes, qu’on mange sous le nom de cardes, préparées de diverses manières ; c’est un mets très-délicat. Il en est de même de la racine de la plante. Les fleurs ont, comme celles de l’artichaut, la faculté de faire cailler le lait. Le cardon se multiplie par ses graines. Sous le climat de Paris, les semis ont lieu sur couche en avril, et en pleine terre dans le mois de mai. On peut semer à demeure ou en pépinière. Les pieds doivent être espacés d’un mètre dans tous les sens. On doit sarcler nt arroser fréquemment jusqu’au moment où les cardes sont bien formées. On lie alors les feuilles de chaque plante avec de la paille ou de l’osier, puis on dispose par-dessus une couverture de paille sèche et longue, qu’on maintient avec des liens ; enfin, on rapproche la terré en butte autour de la plante pour maintenir le bas de la couverture. Au bout de trois semaines environ, les cardes sont devenues parfaitement blanches, et dès lors on peut les livrer à la consommation. Laissées plus longtemps dans cet état, elles pourriraient ; il ne faut donc empailler que successivement, au fur et à mesure des besoins. Avant les fortes gelées, on arrache en motte, par un temps sec, et on replante dans une cave ou dans la serré à légumes les pieds que l’on destine à la provision d’hiver. Ils y blanchissent lentement et peuvent se garder jusqu’à la fin de l’hiver, si l’on a eu la précaution de les lier huit ou quinze jours avant de les arracher. Dans le Midi, la culture du cardon est beaucoup plus simple : il suffit de sarcler et d’arroser de temps en temps. Quelques amateurs, au contraire, suivent un mode de culture très-savant et très-compliqué, que nous allons exposer. Dans cette méthode, les semis se font en place, tantôt dès le mois de septembre, tantôt seulement en mars ou en avril, sur une terre meuble, profonde, très-légère et bien fumée, avec un engrais déjà consumé en partie. On sarcle et on arrose comme à l’ordinaire, en ayant soin d’éclaircir les pieds trop rapprochés. Vers la fin de juin on cesse d’arroser et on laisse agir l’ardeur du soleil pendant tout le mois de juillet, puis on arrache tout le plant pour le mettre en place. Dès ce moment, on sarcle et on arrose avec le plus grand soin jusqu’au milieu de l’automne À cette époque, on met à nu les racines supérieures et on les recouvre immédiatement avec du fumier, que l’on rend plus actif en l’arrosant avec de l’urine. Lorsque les plantes ont acquis une grosseur convenable, ce qui arrive ordinairement dès le mois de décembre, on fait lier et on butte comme dans les cas précédents. Nous avons décrit plus haut la méthode ordinairement employée pour faire blanchir les cardes ; en voici une autre encore peu usitée, bien qu’elle soit plus facile et tout aussi efficace. Elle consiste à lier les cardes de façon à pouvoir les introduire dans un tuyau de poterie du genre de ceux qui servent à la conduite des eaux de fontaine ;