Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/césar s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (3, part. 3p. 802).

CÉSAR s. m. (sé-zar — du lat, cœsar ou cœso, enfant extrait du sein de sa mère par incision, opération qui a été depuis appelée opération césarienne. Jules César était né de cette façon. D’autres prétendent que ce nom fut donné à un membre de la famille de Jules qui avait une abondante chevelure, en latin cœsaries). Hist. Nom donné aux empereurs romains de la famille de Jules César, plus tard à tous les empereurs romains : Suétone a écrit la vie des douze Césars. (Acad.) Les cendres de Germanicus seront portées au tombeau des Césars. (Mass.) Ce que les esprits généreux regrettaient, dans la Rome des Césars, c’était moins la liberté perdue que les mœurs anéanties. (O. de Vallée.)

Errant dans le palais, sans suite et sans escorte,
La mère de César veille seule à sa porte.
Racine.

Venez tous admirer la fête où vous invite
Néron César, consul pour la troisième fois.
V. Hugo.

|| Titre affecté, dans la suite, à l’héritier présomptif de l’empire romain : Dioctétien régla qu’il y aurait toujours deux empereurs et deux Césars. (Montesq.) |Titre que se donnèrent les empereurs d’Allemagne, se considérant comme les successeurs des empereurs d’Occident : Ces Césars d’Allemagne ne furent point des hommes médiocres. (L. Veuillot.)

— Par ext. Empereur, souverain, héros, homme puissant : Si les vœux de la terre y faisaient quelque chose, on verrait moins de Césars et plus de Raphaëls. (P.-L. Cour.)

Les Césars enchaînent la terre.
Sous leurs drapeaux ensanglantés.
Balzac.

|| Homme d’un courage éprouvé : C’est un César, un vrai César.

Faute de cultiver la nature et ses dons, Oh ! combien de Césars devenus Laridons ! La Fontaine.</poem>

— Nom que l’on donne fréquemment à des chiens de chasse :

Laridon et César, frères dont l’origine
Venait de chiens fameux, beaux, bien faits et hardis,
Hantaient, l’un les forêts, et l’autre la cuisine.
La Fontaine.

— Loc. prov. : Il veut être César ou rien, Se dit d’un homme qui hasarde tout pour parvenir. || II faut rendre à César ce qui appartient à César, Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Ce proverbe est tiré de l’Évangile, où il est employé dans un sens littéral.

— Encycl. Voici ce que dit M. Guizot sur le titre de César : « Les princes qui, par leur naissance ou leur adoption, appartenaient à la famille des Césars, prenaient le nom de César. Après la mort de Néron, ce nom désigna la dignité impériale elle-même, et ensuite le successeur choisi. On ne peut assigner avec certitude l’époque à laquelle il fut employé pour la première fois dans ce dernier sens. Bach (Hist. jurispr. rom., p. 304) affirme, d’après Tacite (HisL, liv. I, chap. XV) et Suétone (Galba, chap. xvii), que Galba donna à Pison Licinianus le titre de César, et que ce fut là l’origine de l’emploi de ce mot ; mais les deux historiens disent simplement que Galba adopta Pison pour successeur, et ne font nulle mention du nom de César. Aurelius Victor (In Traj., p. 348, édit. Arntzen) dit qu’Adrien reçut le premier ce titre lors de son adoption ; mais comme l’adoption d’Adrien est encore douteuse, et que d’ailleurs Trajan, à son lit de mort, n’eût probablement pas créé un nouveau titre pour un homme qui allait lui succéder, il est plus vraisemblable qu’AElius Verus fut le premier qu’on appela César, lorsqu’Adrien l’eut adopté (Spart., In JElio Vero, chap. I et II). »

L’historien anglais Gibbon fait les remarques suivantes sur le même sujet : « Lorsque nous avons examiné toutes les parties qui composaient l’édifice de la puissance impériale, nous avons souvent désigné sous le nom bien connu d’Auguste celui qui en avait jeté les fondements avec tant d’art ; cependant il ne reçut ce nom qu’après avoir mis la dernière main à son ouvrage. Né d’une famille obscure, dans la petite ville d’Aricie, il s’appelait Octave, nom souillé par tout le sang versé dans les proscriptions. Lorsqu’il eut asservi la république, il désira pouvoir effacer le souvenir de ses premières actions. Comme fils adoptif du dictateur, il avait pris le surnom glorieux de César ; mais il avait trop de jugement pour espérer d’être jamais confondu avec ce grand homme, pour désirer même de lui être comparé. On proposa dans le sénat de donner un nouveau titre au chef de l’État. Après une discussion sérieuse, celui d’Auguste fut choisi parmi plusieurs autres, et parut rendre d’une manière convenable le caractère de paix et de piété qu’il affectait constamment. Ainsi le nom d’Auguste était une distinction personnelle, celui de César indiquait la famille illustre qui s’était frayé un chemin au trône. Il semblait que le premier dût expirer avec le prince qui l’avait reçu ; l’autre pouvait se transmettre par adoption, et passer avec les femmes dans une nouvelle branche. Néron aurait donc été le dernier prince qui eût eu le droit de réclamer une si noble extraction ; cependant, à sa mort, ces titres se trouvaient déjà liés, par une pratique constante, avec la dignité impériale ; et depuis la république jusqu’à nos jours, ils ont été conservés par une longue suite d’empereurs romains, grecs, francs et allemands. Il s’introduisit bientôt cependant une distinction entre ces deux titres : le souverain se réservait le nom sacré d’Auguste, tandis que ses parents étaient le plus communément appelés Césars. Tel fut, au moins, depuis le règne d’Adrien, le titre donné à l’héritier présomptif de l’empire. »

La dignité de César subsista aussi sous le second empire jusqu’à Alexis Comnène, qui, ayant désigné Nicéphore Mélissène comme César, et voulant donner une plus haute dignité à son propre frère Isaac, créa ce dernier Sébastocrator, avec la prééminence sur Mélissène, ordonnant que, dans les allocutions et les discours publics, Isaac Sébastocrator fût nommé le second et Mélissène le troisième.