Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/bâtard, arde adj.

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 1p. 349).

BÂTARD, ARDE adj. (bâ-tar, ar-de. — Ce mot, qui primitivement s’écrivait bastard, comme le prouve la présence de l’accent circonflexe, est formé du radical bas, joint au mot, également celtique, tars (extraction). Roquefort, dans son glossaire, assure que l’on disait autrefois fils de bas, frère de bas, pour bâtard. Nous trouvons, en gallois, basdarz ; en irlandais, basdard ; en écossais, basart ; en breton, bastart et bastard. L’italien et l’espagnol ont conservé la forme primitive dans bastardo). Qui est né de parents non mariés l’un à l’autre : Un enfant bâtard. Une fille bâtarde.

Il faut être bâtard, pour coudre sa misère
Aux misères d’autrui
A. de Musset.

Vos mères aux laquais se sont prostituées ;
Vous êtes tous bâtards.
V. Hugo.

— Dégénéré ou altéré : Une race bâtarde. Un olivier bâtard. La reinette bâtarde. C’est une espèce de guitare bâtarde, où il faut arrondir les bras et faire saillir la hanche, invention de l’empire, pour faire poser les femmes à la grecque. (F. Soulié.) Un ordre secret du roi le pria de le reconnaître, sous peine de Bastille éternelle, à cause de je ne sais quel commerce de monnaie bâtarde. (F. Souiic.) || Sans caractères tranchés : La Picardie est une contrée bâtarde, où le langage est sans accentuation, et le paysage sans caractère. (Ste-Beuve.) Les régimes qu’on croise ne produisent que des gouvernements bâtards. (É. de Gir.) || Tenant à la fois de deux choses contraires ou opposées : Les Martyrs, d’après certains critiques, appartiennent au genre bâtard du poème en prose. L’expérience le fit renoncer à ce rôle mixte et bâtard. (Ste-Beuve.) Le mélodrame est un genre bâtard. (Chésurolle.)

— Prov. L’hiver n’est pas bâtard ; s’il ne vient tôt, il vient tard, Tôt ou tard, il fait toujours froid en hiver.

— Techn. Sucre bâtard, ou substantiv. bâtard, Sucre dont le sirop a été fourni par des résidus de raffinage. || Pâte bâtarde, Pâte de boulangerie entre dure et molle.

— Art milit. Épée bâtarde, Épée pouvant également servir à une ou à deux mains.

— Mar. Tout à fait semblable de dimensions et de formes : Deux canots bâtards. || Pièces bâtardes, Nom donné à deux canons montés tribord et bâbord du coursier. || Hunier, canot bâtard, Hunier, canot de grandeur moyenne, qui peuvent remplacer, au besoin, le grand ou le petit hunier, le grand ou le petit canot. || Voile bâtarde, Sur les galères, Grande voile qui ne s’emploie qu’avec un temps presque calme. || Marée bâtarde, Fausse marée, petite marée, marée des quadratures, par opposition aux grandes marées des syzygies.

— Archit. Porte bâtarde, Porte intermédiaire entre la porte cochère et la petite porte : Une petite porte bâtarde donnait entrée à cette sombre maison. (Balz.) Au tintement réitéré d’une sonnette, une porte bâtarde s’ouvrit. (E. Sue.)

…… Ici, je suis de garde.
Et je ne puis t’ouvrir que la porte bâtarde.
Regnard.

— Mus. Mode bâtard, Nom donné, dans le plain-chant, aux modes hyperéolien et hyperphrygien, qu’on avait rejetés des modes authentiques et plagaux.

— Calligr. Écriture bâtarde, ou simplement bâtarde. V. BÂTARDE.

— Pathol. Qui ressemble à une maladie, sans en avoir tous les caractères essentiels : Une pleurésie bâtarde.

— Hortic. Plante bâtarde, Plante sauvage ou non greffée : De la laitue bâtarde. Un rosier bâtard. || Plante qui porte le nom d’un genre auquel elle n’appartient pas.

— Écon. agric. Vache bâtarde, Vache dont le lait diminue à une seconde portée. || Laine bâtarde, Laine de seconde tonte.

— Hist. nat. Croisé, produit par des sujets qui appartiennent à des espèces ou à des variétés différentes : Un chien bâtard de dogue et de mâtin. Un oiseau de chasse bâtard.

— Substantiv. Personne née de parents non mariés ensemble : Un bâtard, une bâtarde. Les bâtards ont droit à la succession du père ou de la mère qui les a reconnus. (Acad.) Louis XIV prévoyait la confusion et les conflits que cette race équivoque de bâtards légitimés pouvait apporter dans l’ordre monarchique. (Ste-Beuve.) Il ne pouvait braver les préjugés du monde, à ce point de faire élever sa bâtarde avec sa fille légitime. (X. de Montépin.) Les biens des moines servaient d’apanage aux bâtards des rois, aux plus honteuses faveurs de leurs maîtresses. (Peyrat.) En vérité, il n’y a que les bâtards, pour avoir du bonheur. (Alex. Dum.)

Un bâtard échappé des pirates du Nord
A soumis l’Angleterre
Voltaire.

Charmant bâtard, cœur noble, âme sublime !
Le tendre amour me faisait sa victime,
Mon salut vient d’un enfant de l’amour.
Voltaire.

Bâtard adultérin, Celui qui est né de deux personnes, dont l’une au moins est mariée, mais qui ne sont pas mariées l’une à l’autre. || Bâtard simple, Celui qui est né de deux personnes libres des liens du mariage.

— Fig. Œuvre qui n’est pas produite par la personne à qui on l’attribue : Il y a des gens qui substituent leurs vers aux miens ; je ne fais pas grand cas de mes vers, mais enfin j’aime mieux mes enfants tortus et bossus que les beaux bâtards que l’on me donne. (Volt.) || Fausse imitation d’un autre objet :

C’est comme un temple grec tout recouvert en tuile ;
Je ne sais quoi d’informe et n’ayant pas de nom,
Comme un grenier à foin bâtard de Parthénon.
A. de Musset.

— Anc. cout. Bâtard de Caux, Cadet sans fortune, parce que, dans la coutume de Normandie, les cadets du pays de Caux n’entraient point en partage avec leurs aînés.

— Antonyme. Légitime.