Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/atticisme s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 894-895).

ATTICISME s. m. (att-ti-si-sme — du gr. attikismos, même sens ; dérivé de attikos, attique). Finesse de goût, délicatesso, pu—’de langage et d’eloéution particulière

x Athéni

; pureté, élégance du langage

plus hautes et

Z’atticisme des Grecs et l’urbanité des Romains. (La Bruy.) Ces plaisanteries n’avaient rien de /’atticisme grec. (Volt.) L’atticisme, si difficile à saisir et à imiter, était le bon goût de l’antiquité. Il y avait beaucoup ^’atticisme à la cour d’Auguste et à celle de Louis 'XIV. (Tissot.) Il y a de /’atticismk dans ftacine, Massillon, Voltaire ; il n’y en a pas dans CorneiUe, dans Bossuet. (Tissot.) A ttir.us serait le modèle achevé de f atticisme, si Fénelon n’eût pas existé. (Tissot.) Térencea pour mérite principnl /’atticisme* fi/ la politesse de langage. (Th. Gaut.)

Du Romain il a la justesse,

Gresset.

C’est dans le bon esprit gaulois

Que le gentil ninttre François (Rabelais)

Appelle pantfifrruiMisme,

Que Nully, La Fare et Sonin

Puisent cet enjouuient bénin

armes courtes et tranchantes, cet atticismk de raison, que ce long équipage de figures, que ces ornements qui traînent par terre, qoe cette pompe ennuyeuse de l’éloquence d Athènes. (Balz.) il Signifie aussi Urbanité à la fois élégante, fine et piquante, confine était colle des Athéniens : La politesse est bien fade, s’il ne s’y mêle un peu d atticisme.

— Gramm. gr. Forme particulière au dialecte attique.

— Encycl* Le sens moderne du mot atticisme ne doit pas nous occuper en ce moment ; il comprend un certain mélange d’élég, de goût, de pureté, de

plus facile à

„„, „.. exprimer, et il ressort mieux des

exemples que. de la meilleure définition qui puisse en être donnée. Ce qu’il faudrait préciser ici, c’est la valeur exacte qu’attachaient les anciens au mot atticisme ; car Cicéron, Quintilien et tous ceux, qui, chez les Romains et chez les Grecs, ont étudié les secrets de l’éloquence et du style, parlaient souvent de Vatticisme, et il s’agit de savoir ce qu’ils entendaient dire. La forme même du mot montre que X’atticisme était une qualité particulière aux habitants d’Athènes, une manière d’exprimer ses pensées et même de prononcer les mots qui était naturelle aux Athéniens, que ceux-ci contractaient à leur insu dans le milieu où ils étaient placés, et que les habitants des campagnes ou des autres villes ne parvenaient h imiter que d’une manière incomplète. On sait que Théophraste, l’auteur des Caractères, est un des écrivains grecs qui ont écrit le plus purement leur langue ; il était donc attique par les idées, par le choix des expressions, par la forme des phrases ; mais il n’était pas né à Athènes, ce n’est pas dans cette ville qu’il avait passé son enfance ni sa jeunesse, et, quand il parlait, il y avait dans son accent quelque chose qui le faisait reconnaître pour un étranger. La marchande de légumes a qui il adressa un jour-la parole n’eut besoin que d’entendre quelques mots pour juger qu’il n’était pas Athénien. (V. Marchande.) 11 serait impossible de dire aujourd’hui en quoi l’accent attique différait des au très manières de prononcer propres ayx diverses parties de la Grèce ; nous pouvons mieux juger du style, puisque nous possédons les ouvrages de presque tous les écrivains chez qui les maîtres de l’éloquence

chez chac,

pas toujours consisté dans une qualité immuable et dont tes limites fussent bien déterminées. Avant Périclès, la précision était le principal caractère de Vatticisme, avec la pro’ priété et la vigueur de l’expression ; Hésiode même, lorsque la langue eut fait des progrès qui le faisaient paraître un peu vieux, était toujours fort goûté des Athéniens, parce que la sécheresse de son style était rachetée par la netteté et par une certaine élégance. Cette première forme de Vatticisme manquait un peu de chaleur ; il est permis de croire que la sévérité des arénpngiies, ces juges si respectés, en fut la cause originelle, puisqu’ils interdisaient aux orateurs tous mouvements pathétiques, et ne voulaient entendre que l’exposition nette et claire dés faits et des preuves, tant ils craignaient que les passions soulevées par les charmes puissants de l’éloquence n’étouffassent dans leur propre cœur le sentiment de la justice. L’éloquence de Périctès, tout en restant attique, s anime et prend une force jusque-là inconnue" ; ses discours, a la vérité, ne nous sont pas parvenus d’une manière directe ; mais ceux que Thucydide lui prête sont pleins de vigueur et de feu, et nous savonspar un vers d’Aristophane que, lorsqu’il parlait en public, sa voix était comme un tonnerre qui troublait toute la Grèce. Déraosthèile appartient aussi à l’atticisme vigoureux et fort, il en est le représentant, le plus illustre. « Ce qui, chez lui, rappelle l’ancien et pur atlicisme, c’est qu’il, ne cherche point te beau, mais il le produit sans y penser ; c’est qu’il se sert de la parole comme un homme modeste de son habit pour se couvrir ; c’est qu’il fait penser aux choses qu’il dit, non à ses paroles.» (Fénel.) Mais il donne à son style toute la vigueur qui remplit son âme ; son élégance est mâle, austère, et -pourtant pleine d’une chaleur-qui entraîne. Un peu avant Démosthène, on trouve dans Xénophon le modèle le plus parfait peut-être du vrai style attique, tel que l’entendaient Cicéron et Quintilieti, et tel que l’entendent aussi nos-professeurs d :éloquence et nos rhéteurs, c’est-à-dire d’un style qui se distingue surtout parla simplicité, la netteté, l’élégance et la gra< : e des pensées comme des expressions. Démétrius de Phalère vient enfin nous montrer une dernière phase de l’atticisme, un atticistne un peu dégénéré, OÙ quelques-unes des qualités propres aux bons écrivains d’Athènes se mêlent déjà aux. défauts qui plus tard caractérisèrent ce qu’on appela le style asiatique ; l’élégance commence à se transformer en abondance, la force en éclat, la grâce en recherche. Cicéron, chez les Latins, peut donner une idée assez juste de cet atlicisme ; cependant, comme il joignait à l’abondance une grande sûreté de goût, il est resté beaucoup plus près de l’atticisme vrai que dQ genre asiatique.

Si nous appliquons à notre propre littérature la recherche de toutes ces qualités de style dont l’atticisme est l’assemblage, nous trouverons que nos poètes les plus attiques sont Racine ; Voltaire, dans ses poésies légères ; Casimir Delavigne et Alfred de Musset,

l’atticisme chez Mme de Sévigné, Fontenelle, Massillon, Voltaire, historien ou écrivant sa nombreuse correspondance. Enfin Rousseau et Lamennais peuvent être regardés comme les principaux représentants de l’atticisme énergique et plein de chaleur.

L’atticisme des Athéniens prenait chez les Romains le nom d’urbanité (de urbs, ville,

Paris, cet immense foyer de la littérature et des arts, estau reste de la France ce qu’Athènes était à la Grèce, ce que Rome était à l’Italie. Et cependant aucun mot n’exprime chez nous ce privilège attaché à un langage particulier à la, capitale ; soit parce que la langue française n a pas cette finesse d’expressions, ce rhythme, cette prosodie particulière aux deux langues anciennes, soit plutôt parce que la grande facilité de communications qui règne chez nous a introduit le cosmopolitisme dans le langage comme dans les mœurs.