Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/attelage s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 3p. 886-887).

ATTELAGE s. m. (a-te-la-je — rad. atteler). Action ou manière d’atteler des bêtes de somme : S’entendre à /’attelage. Voilà un attelage promptement fait. Bien n’est sincère à Paris, ni les visages, ni les toilettes, ni les dîners à trois services, ni les nombreux domestiques, ni les attelages. (Edm. Texior.)

— Par ext. Bêtes de somme, bœufs, chevaux, etc., employés ensemble à tirer la charrue, traîner une voiture : /.’attelage d’un fermier, d’un routier. Ce cultivateur n’a pas moins de dix attelages. L’attelage de quatre chevaux que le paysan pousse en avant est maigre, exténué. (G. Sand.^ Il nous faut donner ici du reposa notre attelage. (G. Sand.) Le cocher fouetta son attelage. (E. Sue.) Pas l’apparence d’habitation humaine ; pas même un attelage de buffies charriant des pierres. (Th. Gaut.) Pouchàn est le soleil vainqueur des ténèbres et des nuages ; la poésie lui donne des chèvres pour attelage. (A. Maury.)

Femmes, moine, vieillards, tout était descendu : L’attelage suait, soufflait, était rendu.

La Fontaine.

|| Se dit particulièrement d’une ou plusieurs paires de chevaux appareillés pour être attelés à un carrosse, à une voiture de luxe : Un bel attelage. Un attelage bien assorti. Il lui est mort un des plus beaux chevaux de son attelage. (Acad.). Cet ambassadeur avait à son entrée six beaux attelages. (Trév.)

Attelage à la Daumont, Mode spécial d’accoupler et de conduire les cevaux de luxe. V. Daumont.

— Par dénigr. Assemblage, association :

Trois poulets d’Inde avec monsieur Feraient un fringant attelage. Vadé.

||Inus.

Encycl. Agr. et écon. rur. Peu de questions présentent autant d’intérêt, au point de vue agricole et économique, que la question des différents modes d’attelage ; aucun sujet n’a donné lieu il plus de controverses : on a cherché d’abord à savoir lesquels, des chevaux ou des bœufs, méritent la préférence pour les travaux de lagrande culture ; on s’est demandé ensuite lequel valait mieux, atteler les bêtes bovines au collier ou les atteler au joug ; enfin, on s’est préoccupé du nombre Se chevaux qu’il convenait d’employer pour chaque attelage, et, par suite, de la construction des voitures.

Vaut-il mieux employer les chevaux pour les travaux de la grande culture, ou est-il préférable de se servir des bœufs ? La question, ainsi posée, a été résolue de bien des façons, mais toujours à un point de vue trop général, trop théorique, par conséquent, exclusif et peu pratique. Aujourd’hui, enfin, on semble avoir compris que résoudre, en théoricien, une question de ce genre, ce n’est pas la résoudre, mais vouloir appliquer k tous les pays une règle particulière à la contrée, à la province ou à la localité que l’auteur a eu en vue dans son étude. Cette manière de procéder a donné lieu à de funestes erreurs, capables de causer aux agriculteurs des pertes considérables. Sans avoir la prétention d’indiquer des règles générales là où il n’en peut exister, nous nous bornerons à guider le choix du cultivateur dans les. différentes circonstances qui peuvent se produire.

Si l’on s’arrête à considérer en particulier chacune des deux espèces d’animaux qui nous occupent, on reconnaît que l’allure du cheval est plus vive, qu’il a plus d’élan pour surmonter un obstacle imprévu, et qu’il peut présenter par conséquent, en moins de temps, la même somme de travail, avantage précieux surtout à l’époque des grands travaux de l’ensemencement ou de la moisson. D’un autre côté, le travail du bœuf est plus égal, plus continu ; sa nourriture n’a pas besoin d’être aussi choisie. Il ne se rebute pas comme le cheval, il se tient mieux sur les terrains en pente et les mauvais chemins ; enfin, après plusieurs années d’utiles et laborieux services, il peut se revendre plus cher quelquefois qu’il n’a coûté. Des deux côtés, comme on le voit, les avantages sont balancés ; ce ne peut donc être que d’après les circonstances locales que l’on doit déterminer dans quels cas l’usage des chevaux ou celui des bceuis est k préférer.

Dans les pays où les pâturages sont abondants, où les travaux se trouvent à peu près également répartis entre les saisons de l’année, ou les terres sont en pente, les chemins difficiles, les bœufs sont en état de rendre plus de services que les chevaux. De même encore, la lenteur du bœuf, combinée avec sa force, le rend très-propre aux travaux durs et pénibles qui exigent une résistance constante et uniforme, tels que les labours profonds dans les terrains durcis, ou les charrois sur des pentes escarpées. Enfin, l’usage des bœufs est préférable pour tous les travaux où il faut développer une grande force. D’autre, part, on doit donner la préférence au cheval dans les grandes exploitations, dans les pays de plaines où le grain est abondant et où les pâturages sont rares ; dans ceux où les chemins sont aisés. Le cheval peut rendre encore de très-grands services lorsque les travaux de la ferme n’ont pas pu être également répartis entre toutes les époques de l’année, et qu’ils s’accumulent parfois de manière à exiger subitement un grand déploiement de forces, sous peine, pour le cultivateur, d’éprouver des pertes considérables. Mais les avantages ou les inconvénients de l’emploi de tel ou tel mode d’attelage ne sont pas toujours aussi tranchés, et le choix devient difficile a faire dans la pratique ; alors il faut surtout s’en rapporter à l’expérience. Ainsi, l’emploi des chevaux ou des bœufs aux travaux de la grande culture dépend de bien des circonstances, que le cultivateur doit consulter et dont il peut seul être juge.

Quant à la petite culture, ce n’est ni l’usage des bœufs, ni celui des chevaux que l’on doit conseiller, mais celui des vaches. L’expérience a démontré depuis longtemps combien cette pratique était utile, et déjà Olivier de Serres en parlait en ces termes : « Ayant des vaches de relais comme des chevaux de poste, le coutre ne séjournera jamais, et les maniant par tel ordre avec douceur, on s’en servira, sans grandes tares de leurs portées et de leur-laitage. » Cette méthode, excellente pour les petites fermes, ne pourrait, sans de graves inconvénients, être appliquée aux grandes exploitations. Les principaux de ces inconvénients seraient une diminution notable dans la quantité de lait, et la nécessité où l’on se trouverait d’employer un nombre de vaches trois fois plus considérable pour exécuter la même somme de travail. Enfin, même dans la petite culture, il y a avantage à ne pas employer les vaches au labourage, lorsqu’on se trouve dans le voisinage des villes, où le lait peut se vendre 20 et jusqu’à 25 centimes le litre. Du reste, l’usage d’employer les vaches aux travaux des champs est a peu près général dans le centre et le midi de la France. On peut citer en particulier les vaches d’Auvergne, qui, lorsqu’elles sont bien nourries, suffisent aisément au travail de la ferme sans qu’il y ait une diminution sensible dans la quantité de leur lait.

Lorsqu’on se sert des bœufs ou des vaches pour les besoins de la culture, vaut-il mieux les atteler au joug qu’au collier ? Les deux méthodes sont usitées, et chacune a ses partisans. Cependant, il semble que l’atlelage au joug devrait être regardé comme de tous points préférable. Outre qu’il est moins exposé à blesser les animaux, il leur permet un meilleur emploi de leur force ; l’atlelage au collier, au contraire, parait moins avantageux sous tous ces rapports : il peut blesser l’animal, même en employant une sous-ventrière ; de plus, la confection d’un bon collier, est très-difficile ; d’ailleurs, un collier, même bien fait, ne donne pas à l’animal la faculté de développer toute sa puissance musculaire. En effet, chez le bœuf, la plus grande force ne réside pas, comme chez le cheval, dans le poitrail ; c’est son cou robuste qui est le siège de sa force. Aussi, l’attelage au joug semble-t-il le plus naturel pour les bêtes bovines et le plus approprié à leur conformation. Pour ce qui est du nombre de chevaux à employer dans les attelages, on peut établir en principe que, sauf certains cas assez rares, il doit y avoir avantage à augmenter le nombre de chevaux jusqu’à trois ou quatre, parce que la déperdition de force qui résulte de la divergence du tirage est inférieure à l’avantage qu’on retire de l’emploi d’une seule voiture mais qu’un nombre de chevaux plus considérable pour un même attelage occasionne une perte qui n’a pas de compensation suffisante. Le désavantage des attelages multiples, provient de l’inégalité dans la taille des animaux, des angles que forment les traits dans tous les sens, du poids des cordes, de leur extensibilité, de la résistance qu’offrent les animaux placés en arrière, à la force qui tend à les amener sur la ligne de tirage des premiers, de la fatigue qu’éprouve le limonier par la pression des brancards, et de ce que tous les animaux n’agissent pas en même temps. En plaçant les traits en ligne droite et en les employant aussi courts que possible on diminue ces inconvénients. Quant à la construction des voitures, il est évident, d’après ce qui vient d’être dit, qu’il y a ordinairement beaucoup d’avantage à les construire légères, et à n’atteler que peu d’animaux à chacune ; car plusieurs chevaux à la même voiture produisent rarement un très-grand effort ensemble, d’où il résulte que les uns se fatiguent et les autres ne travaillent pas suffisamment.

Les anciens préféraient les attelages de front aux attelages en ligne ; on voyait chez eux des attelages de quatre, de six, et même de dix chevaux ; aujourd’hui, excepté en Russie, il est très-rare de rencontrer plus de deux ou trois chevaux de front, à part en certaines circonstances solennelles, où l’économie de force et de travail est considérée comme de peu d’importance.