Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/amputation s. f.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 302-303).

AMPUTATION s. f. (an-pu-ta-si-on — rad. amputer). Chirur. Opération par laquelle on enlève, à l’aide d’instruments tranchants, un membre, une portion de membre, un muscle, un ligament, etc.; Amputation du bras, de la jambe. Subir une amputation. L’amputation est la dernière ressource de la chirurgie. (J. Cloquet.) L’amp’jtation doit, en général, être considérée comme une ressource extrême de la chirurgie. (Dict. des se. méd.)

membre sain est plus douloureuse que ne l’est celle d’un membre malade. (Balz.) Un employé de chemin de fer, rédigeant le rapport d’un accident arrivé à un voyageur sur la ligne, s’exprimait ainsi: « Blessures très-graves à la tète; on espère cependant que /’amputation ne sera pas nécessaire. »

— Par anal. Action de couper, en général : Les écrevisses survivent plusieurs jours à /’amputation de leur queue. (Maquel.) Un industriel d’un nouveuu genre a pénétré dans une maison sous un prétexte quelconque, et y a coupé tous les cordons de sonnette : cette amputation générale a singulièrement égayé tes locataires. (Gaz. des Trib.)

— Fig. Amoindrissement, restriction : Telle est /’amputation qu’ont fait subir au suffrage universel les chirurgiens de la législature. (Le Siècle.)

— Hist. judic. Amputation du poing, des

tion de certains c ;

u de certains délits

— Encycl. Chirur. Quelques chirurgiens donnent un sens général au mot amputation et l’appliquent à l’excision de toute partie saillante, comme la langue, la mamelle, le pénis, le col utérin, etc. ; alors il est spécifié par un complément. Employé seul et dans un sens absolu, il s’entend toujours du retranchement d’un membre, et c’est ce dernier sens que nous lui donnons ici. On doit distinguer l’amputation de la résection, qui consiste à enlever les extrémités articulaires des os, ou une partie des os longs, ou même certains os tout entiers, sans retranchement des parties molles. Il existe deux ordres à ! amputations, les unes dans la continuité des membres, les autres dans leur contiguïté ou dans leurs articulations : ces dernières sont appelées amputations dans l’article ou’désarticulations.

I. — On connaît trois méthodes générales à.’amputations dans la continuité : la méthode circulaire, la méthode à lambeaux et la méthode ovalaire.

La méthode circulaire est celle par laquelle on parvient à l’os à l’aide d’une incision circulaire des parties molles. Autrefois on pratiquait l’amputation circulaire en coupant les parties molles d’un seul trait jusqu’à l’os ; ce procédé avait l’inconvénient de produire la conicité du moignon par suite de la rétraction inévitable de la peau et des chairs. Aujourd’hui, on a sqin de faire la section des téguments, des muscles et de l’os successivement et à des hauteurs différentes, de manière mie la plaie représente un cône creux au fond (lu ? quel se trouve l’extrémité de l’os, et que celle ci soit suffisamment recouverte pour ne point faire saillie.

La méthode à lambeaux comprend deux procédés : le procédé à un lambeau et le procédé à deux lambeaux. Le premier consista à détacher un lambeau de la partie la plus charnue de la région où l’on opère, assez long et large pour pouvoir couvrir toute la plaie après l’enlèvement de l’os, et assez épais pour ne pas se gangrener. Le second consiste à tailler deux lambeaux, l’un en avant, l’autre

ils se joignent par leurs faces saignantes, et ferment ainsi toute la plaie.

La méthode ovalaire, appelée aussi oblique, ne diffère de la méthode circulaire qu’en ce que l’on fait remonter l’incision des téguments plus haut d’un côté que de l’autre. Les amputations ovalaires sont, en quelque sorte, une transition des amputations circulaires aux amputations à lambeaux.

II. — Les désarticulations sont plus promptes et plus faciles que les amputations dans la continuité ; elles offrent le triple avantage de ne point exiger la section des os, de mieux se prêter à la réunion immédiate, et de permettre de conserver plus de longueur au moignon. Leurs inconvénients sont de mettre à nu le plus souvent de larges surfaces osseuses ou cartilagineuses, d’obliger à opérer sur les points les moins abondamment pourvus de parties molles. Du reste, il n’est pas vrai, comme on l’a cru longtemps, qu’elles exposent plus que les amputations dans la continuité aux accidents nerveux, au tétanos, aux abcès, aux fusées purulentes, etc.

Les méthodes à lambeaux et ovalaire sont ordinairement employées dans les désarticulations ; mais la méthode circulaire pourrait, à la rigueur, leur être également appliquée.

IX.~V amputation faite, le chirurgien doit se rendre maître du sang par la ligature ou la torsion des vaisseaux artériels intéressés dans la division des parties molles (V. Hémostatiques). "Vient ensuite le pansement, qui diffère selon que l’on a en vue la réunion immédiate ou par première intention ou la réunifin par seconde intention (V. Plaies). On ne saurait y apporter trop de soin, en raison des accidents graves qui peuvent, a la suite d’une amputation, menacer la vie de l’opéré. Ces accidents sont l’hémorragie, la ’pourriture d’hôpital, l’infection purulents, etc.

IV. — Les instruments nécessaires pour pratiquer les amputations les plus compliquées sont un tourniquet, un garrot, une pelote à manches ou autres objets propres à suspendre momentanément le cours du sang dans le membre ; des couteaux de diverses longueurs ; un bistouri droit, un bistouri convexe ; une scie avec des lames de rechange pour la section des os ; des pinces à disséquer, des ciseaux courbes ou droits ? des tenailles incisives, des érignes, des aiguilles à suture, un ténaculum. Pour le pansement, on a besoin de fils cirés simples, doubles, triples, quadruples, dont on forme des ligatures de longueurs et de grosseurs différentes, des bandelettes agglutinatives, de la charpie brute, en boulettes et en plumasseaux, des compresses longuettes, carrées et d’autres formes encore, des bandes de toile. Il faut, en outre, de l’agaric, des éponges, de l’eau tiède et de l’eau froide dans des vases différents, un peu de vin, de vinaigre, d’eau de Cologne. Toutes ces pièces constituent ce que l’on appelle l’appareil à amputation.

V. — o Dernière ressource, moyen extrême de la chirurgie, l’amputation, dit M. Velpeau,

’ ne doit être pratiquée qu’en désespoir de cause. Déjà grave par elle-même, elle a encore comme conséquence nécessaire la mutilation du sujet En présence des cas qui semblent la réclamer, l’homme de l’art ne doit point oublier que le but de la chirurgie est de conserver, non de détruire... Les cas qui réclament l’amputation méritent une attention particulière, et ils deviendront de moins en moins nombreux, à mesure que la médecine fera des progrès. Pour justifier une amputation, il ne suffit pas que le mal qui la réclame ne puisse guérir d’une autre manière, il faut encore qu’on puisse l’enlever en totalité et qu’il y ait des chances raisonnables de sauver la vie du sujet. » M. J. Cloquet assigne à toute amputation l’un des trois buts suivants, dans lesquels il fait rentrer toutes les indications : 1° débarrasser le malade d’une altération qui met sa vie en danger, soit par la nature même. de la maladie, soit parce qu’il y a défaut de circonstances extérieures nécessaires à la guérison, ainsi que cela se remarque souvent à la guerre ;’ 2* substituer une plaie régulière ’à une plaie irrégulière ; 3° enlever une portion de membre qui gêne ou rend impossibles les fonctions que le membre doit accomplir.

VI. — Selon S. Cooper, c’est la nature elle-même qui a indiqué à l’homme la pratique hardie de l’amputation. Il vit que, dans certains cas, la gangrène d’un membre s’arrêtait vers un point, que la suppuration s’établissait entre les parties mortes et les parties saines,

— que tout ce qui était frappé de mort se détachait, que les surfaces où la suppuration s’était établie guérissaient, et qu’ainsi le malade était rendu à la santé par les seules forces do la nature : il n’en fallut pas davantage pour pouver que la perte d’un membre n’était pas un obstacle à la guérison. Pendant longtemps on n’eut recours aux amputations que dans les


parce qu’ils ne possédaient paSjde procédés efficaces pour prévenir l’hémorragie, soit pendant, soit après l’opération. La ligature des artères, indiquée par Celse, ne commença à être pratiquée d’une façon méthodique qu’au xvic siècle, par Ambroise Paré, L’idée de l’amputation circulaire en plusieurs temps, pour éviter la conicité du moignon, appartient à J.-L. Petit et Cheselden, chirurgiens duxvme siècle. L’amputation à un seul lambeau fut pratiquée pour la première fois parLowdham, d’Oxford, en 1679 ; le procédé à deux lambeaux est dû à Ravaton et il Vermalle (1739) ; la méthode ovalaire date du commencement de ce siècle ; elle fut généralisée en 1827 par Scoutteten. Ajoutons que la découverte des anesthésiques, qui suppriment la douleur, est venue apporter un secours très-puissant à la chirurgie des amputations. V. Anesthésiques.