Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/amphithéâtre s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 300).

AMPHITHÉÂTRE s. m. (an-fi-té-â-tre — du gr. amphi, autour ; theatron, théâtre). Chez les anciens, Grand édifice de forme ronde ou ovale, garni de gradins, d’où l’on assistait aux— combats de gladiateurs ou de bêtes féroces : L’amphithéâtre de Vespasièn ou Colisée. L’amphithéâtre de Nimes, d’Arles. Ce ne fut guère que sous Auguste que les amphithéâtres déployèrent à Borne toute leur magnificence. (Encycl.) L’arène était la partie de l’amphithéâtre dans laquelle se donnaient les combats de gladiateurs et de bêtes féroces. (.Millin.) Les gradins inférieurs de l’amphithéâtre étaient pour les citoyens distingués ; les suivants pour ceux des classes inférieures du peuple. (Millin.) Tant que Rome garda la dépravation de ses mœurs païennes, ses amphithéâtres occupèrent le premier rang parmi tous ses monuments. (Guiraud.) Vérone a un amphithéâtre qui rappelle le Colisée de Home. (Ad. Paul.)

— Fig. : Le monde est un vaste amphithéâtre où chacun est placé tant bien que mal sur son gradin ; on croit que la suprême félicité est sur les gradins les plus élevés, c’est une erreur. (Mme « de Maintenon.)

— Par ext. Ensemble des spectateurs qui se trouvent dans un amphithéâtre : Tout l’amphithéâtre se leva pour le regarder. (Volt.)

— Dans nos théâtres, Partie de la salle qui s’élève en pente devant la scène,’soit immédiatement au-dessus du parterre, soit aux rangs supérieurs des loges : Billet d’amphithéâtre. Amphithéâtre des premières loges, du parterre.

— Lieu où les professeurs d’anatomie, de chimie, etc., font leurs démonstrations, donnent leurs leçons : L’amphithéâtre du Jardin des Plantes. L’amphithéâtre de l’École de médecine. L’amphithéâtre de la Sorbonne.

— Particulièrem., Salle où se font les dissections : Que de malheureux ne sortent de l’hôpital que pour aller à l’amphithéâtre ! La fréquentation des amphithéâtres de dissection dispose aux maladies adynamiques. (Chomel.) Nos amphithéâtres sont des écoles anatomiques où la mort enseigne à épeler la vie. (Descuret.) ;

— Se dit, par analogie, d’un terrain, d’un site quelconque qui va en s’élevant graduellement : De chaque côté, le terrain s’élève en amphithéâtre. Ici des coteaux s’élèvent comme en amphithéâtre. (Fén.) Naples est bâtie en amphithéâtre au bord de la mer. (Mme de Staël.) La petite ville de Trévoux s’élève en amphithéâtre sur la gauche de la Saône. (Malte-Brun.) La partie de la ville qu’on aperçoit en se retournant est aussi —très-bien disposée pour le coup d’œil, et présenté un amphithéâtre de rues et de terrasses plus agréables avoir qu’à parcourir. (Gér. de Nerv ;)

Le village au-dessous forme un amphithéâtre.

Boileau.

Des monts et des coteaux le vaste amphithéâtre
Disparaît tout à coup sous un voile grisâtre.

Saint-Lambert.

Et, dans l’enfoncement de l’horizon bleuâtre,
De ces monts fugitifs le long amphithéâtre

Delille.

— Encycl. Chez les anciens, les amphithéâtres étaient de grands édifices de forme ronde ou elliptique, présentant, comme leur nom même l’indique, l’aspect d’un double théâtre. Ils étaient spécialement affectes aux combats de gladiateurs ou de bêtes féroces, et quelquefois aux représentations dramatiques. Voici quelle était le plus souvent leur disposition. Au centre était l’arène, réservée. aux combattants, entourée d’un large mur, haut de douze à quinze pieds. À partir de ce mur ou soubassement, appelé podium, s’élevaient en gradins, jusqu’au faîte de l’édifice, les sièges destinés aux spectateurs. Ces gradins étaient coupés de distance en distance par de petits escaliers de communication, et les divisions ainsi formées s’appelaient coins (cunei), à cause de leur forme angulaire. Chaque escalier aboutissait à une porte de dégagement appelée du nom énergique et pittoresque de vomitoire. Enfin, pour faciliter la circulation, des gradins plus hauts et plus larges que les autres, servant en quelque sorte de paliers, divisaient l’amphithéâtre sur sa hauteur ; on les nommait précinctions, ou encore baltei (baudriers, objets dont ils affectaient la forme). La section des gradins supérieurs s’adossait, dans tout son pourtour, à un portique couvert, en colonnade du côté de l’amphithéâtre, fermé vers l’extérieur, et servant tout à la fois de promenoir et d’abri. Deux portes situées à chaque extrémité de l’édifice, sur son grand axe, donnaient entrée dans l’arène : l’une se nommait porte sanitaire (sanavioaria) ; c’est par elle qu’arrivaient les combattants ; l’autre, porte mortuaire (mortualis ou libitinensis) ; elle servait à l’enlèvement des gladiateurs mis hors de combat. Des caveaux voûtés, disposés autour de l’arène, renfermaient les bâtes féroces destinées à entrer en lice, ou l’eau qui devait transformer l’arène en lac pour les namnachies. (V. ce mot.) Extérieurement, l’amphithéâtre offrait’un ou deux étages de portiques en arcades, avec des colonnes ou des pilastres. Des mâts fixés dans l’entablement servaient a tendre les cordages destinés à supporter le velarium, immense voile qui abritait les spectateurs contre le soleil ou la pluie.

Le plus ancien amphithéâtre de l’Italie qui ait subsisté jusqu’à nos jours paraît être celui de Sutri (l’antique Sutrium) ; c’est un ouvrage des Etrusques, admirable, unique en son genre ; il est entièrement taillé dans le roc et mesure environ mille pas de circonférence ; il a conservé tous ses couloirs, ainsi que six rangs de gradins. Au commencement de ce siècle, le marquis Savorelli, possesseur d’une villa dont fait partie ce curieux monument, a eu le bon esprit de faire enlever le sable, les buissons et les arbres qui avaient envahi l’enceinte. On assigne également une haute antiquité à l’amphithéâtre de Capoue, qui présente au centre quelques constructions dont les archéologues n’ont pu s’expliquer la destination. Quelques auteurs attribuent aux Capouans, peuple aussi sanguinaire qu’efféminé, l’invention des combats de gladiateurs et celle du velarium. Leur amphithéâtre, en partie détruit par les Romains après le passage d’Annibal, fut rebâti sous Jules-César, réparé, embelli sous Adrien, et dédié à Antonin le Pieux. Au moyen âge, il fut transformé en citadelle ; les Sarrasins y soutinrent un siège

it ; plusieurs murs furent renversés, dans la suite les matériaux furent employés à la construction de la cathédrale et d’autres édifices. Il en reste encore, toutefois, des débris fort beaux.

L'amphithéâtre ou colisée de Pouzzoles, où Auguste assista à des jeux célébrés en son honneur, contenait quarante mille spectateurs. Il est actuellement dans un état de dégradation presque complète ; mais le vaste réservoir souterrain qui contenait l’eau destinée aux naumachies est à peu près intact ; les Italiens le nomment le labyrinthe.

Le grand amphithéâtre de Lucques, encombré au dedans, mais assez bien conservé au dehors, remonte aux premiers temps des Césars : au moyen âge, les citoyens lucquois y tenaient des assemblées politiques, ce qui le fit appeler le Parlascio.

L’amphitfiéàtre de Pompéi, préservé contre les injures des’barbares et du temps par la couche de cendre dans laquelle il a été si longtemps enseveli, pouvait contenir jusqu’à vingt mille personnes, plus que la ville ne comptait d’habitants ; mais les populations du voisinage ne manquaient pas de s’y porter aux jours de spectacles. Tacite nous apprend que ce lieu de réjouissances devint le théâtre d’une affreuse scène de carnage (atrox cœdes) entre les habitants de Pompéi et ceux de Nuceria, venus pour assister a un combat Me gladiateurs.

L’Italie compte plusieurs autres amphithéâtres, dont les plus remarquables sont décrits aux villes où ils se trouvent. Il nous suffira de citer : en Italie, le célèbre Colisée de Rome, les amphithéâtres de Vérone, de Paestum, d^Albe, d’Otricoli, de Syracuse, d’Agrigente, de Catane ; en Grèce, ceux d’Argos et de Corinthe ; en Espagne, celui d’Hipella ; en France, ceux de Fréjus et d’Autun, et les arènes de Nîmes et d’Arles.