Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abondance s. f.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 24-25).

ABONDANCE s. f. (a-bon-dan-se — lat. abundantia, même sens). Grande quantité, profusion : L’abondance de ses aumônes a répondu à la tendresse de son cœur. (Fléch.) Malheur à vous qui vivez à Sion dans l’abondancede toutes choses ! (Le Maist. de Sacy.) L’abondance du gibier tentera les chasseurs. (J.-J. Rouss.) La richesse des hommes, c’est l’abondance des choses. (Fr. Bastiat.)

État où l’on jouit de tout ce qui est nécessaire à la vie, biens, richesses, etc. : L’abondance a remplacé la disette (Acad.) Combien manquent de tout, pendant que le riche est dans l’abondance, dans le luxe, dans les délices ! (Bourdal.) L’ambitieux ne jouit point de sa prospérité, il sèche et dépérit au milieu de son abondance. (Mass.) Du pain, pour celui qui a faim, est l’abondance. (Mirab.)

Faites régner sur nous l’abondance et la paix.
J.-B. Rousseau.
…La liberté seule entretient l’abondance.
Voltaire.
Pour elles, à sa porte élevant ce palais,
Il leur y fit trouver l’abondance et la paix.
Racine.

|| Fertilité, fécondité : Un pays d’abondance. Répandre dans les diverses contrées la fertilité et l’ abondance. (La Bruy.) Un fleuve majestueux et bienfaisant porte paisiblement dans la ville l’abondance qu’il a répandue dans les campagnes. (Mass.)

Réprimez, d’une main avare et difficile.
De ce terrain fécond l’abondance inutile.
Voltaire.

Grenier d’abondance. Magasin très-vaste et rempli de grains, que l’on tient en réserve pour les années de disette ou par précaution administrative.

— Grande quantité de mets, bonne chère : Je m’accommode également du grand monde et de la retraite, de l’abondance et de la frugalité. (Le Sage.)

— Se dit, dans les colléges, du vin mêlé de beaucoup d’eau, que l’on sert à table aux pensionnaires : Nous ne sommes plus ici au collége et vous n’êtes plus maître d’étude : en avant, marche ! j’ai faim et j’ai hâte d’oublier l’abondance. (L. Ulbach.)

— Fig. Abondance de cœur, Plénitude de sentiment, épanchement affectueux : Il faudrait que sa bouche parlât selon l’abondance du cœur, c’est-à-dire qu’elle répandit sur le peuple la plénitude de la science évangélique et les sentiments affectueux du prédicateur. (Fén.) Ils ont quelquefois des moments où la vérité leur échappe d’abondance de cœur. (Mass.) L’abondance de cœur rend tout supportable. (Dufresny.) || Parler d’abondance, Parler sans préparation, improviser Je les habituerais plusieurs fois la semaine à parler d’abondance sur un sujet donné. (La Harpe.) En Italie, les prédicateurs parlent assez communément, d’abondance. (Marmontel.) Il n’y a que les sujets pathétiques sur lesquels il soit possible de parler d’abondance. (Marmontel.)

— Littér. Affluence de mots et de tours heureux pour exprimer les nuances des idées, des sentiments et des images ; facilité d’élocution, richesse d’expressions : L’abondance n’est pas toujours la marque de la perfection des langues. (Bouhours.) Il y a dans le style une abondance qui en fait la richesse et la beauté. (Marmontel.) L’abondance du style suppose l’abondance des sentiments et des idées. (Marmontel.) C’est un ouvrage qui, par la solidité et l’abondance de l’instruction, se fait pardonner sans peine. (Fontenelle.) Les termes de ma langue ne venaient plus se présenter à mon imagination avec la même abondance qu’auparavant. (Volt.)

Souvent trop d’abondance appauvrit la matière.
Boileau.
Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile.
Boileau.

— Myth. Corne d’abondance, Corne remplie de fleurs et de fruits, qui est le symbole qu’on donne pour attribut à diverses divinités mythologiques, telles que Cybèle, Cérès, etc., auxquelles l’antiquité païenne attribuait la production des biens de la terre.

— Ces mots, corne d’abondance, font souvent la matière d’une épigramme d’assez mauvais goût, que l’on dirige contre les maris trompés :

Jean, l’an passé, fit sa femme d’Hortense ;
Chez lui, depuis, on roule sur l’argent,
Et chacun dit qu’en la prenant
Il a trouvé la corne d’abondance.
Cité par Salentin (de l’Oise).

— Prov. Abondance de biens ne nuit pas, On accepte encore, par mesure de prévoyance, une chose dont on a déjà une suffisante quantité.

D’abondance, loc. adv. De plus, en outre : Ajoutez d’abondance que, parmi les artistes, je trouvais des hommes instruits. (Marmontel.) Remarquons d’abondance que la comtesse se plaît avec mon maître. (Marivaux.) || Cette locution est famil. et très-peu usitée aujourd’hui.

En abondance, loc. adv. Abondamment, en grande quantité : Le bananier ne peut croître, même dans son climat, lorsqu’il n’a pas d’eau en abondance. (B. de St-P.)

Syn. : Abondance (Parler d’). Abondance (Parler avec). Le premier signifie improviser, parler sans préparation ; le second signifie parler avec facilité, en donnant à ses idées tous les développements convenables.

Syn. Abondance, aisance, opulence, richesse. Les richesses sont les ressources qu’on a à sa disposition : On estimerait peu les richesses, si elles ne donnaient à la vanité le plaisir d’avoir ce que les autres n’ont pas. (Stanislas.) L’abondance résulte de l’affluence de toute sorte de biens : Ensuite Mentor me faisait remarquer la joie et l’ abondance répandue dans toute la campagne d’Égypte. (Fén.) L’aisance permet de se procurer les commodités de la vie : À Genève l’aisance du plus grand nombre vient d’un travail assidu, d’économie et de modération, plutôt que d’une richesse positive. (J.-J. Rouss.) L’opulence consiste dans une grande et brillante fortune : Crassus balançait le crédit de Pompée par une opulence énorme. (Roll.)

Syn. Abondance (En), abondamment, amplement, etc. V. Abondamment..

Antonymes. Défaut, dénûment, détresse, disette, famine, indigence, insuffisance, manque, misère, pauvreté, pénurie, rareté.

Épithètes. Honnête, heureuse, agréable, joyeuse, précieuse, grande, ample, riche, fastueuse, superflue, importune, stérile.