Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abattement s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 13).

ABATTEMENT s. m. (a-ba-te-man — rad. abattre). Action d’abattre ; état de ce qui est abattu : L’abattement des arbres. Abattement d’un grand nombre de pièces de gibier. Dans ce sens, on dit plutôt abattage.

— Fig. Affaiblissement des forces morales ; découragement, anxiété extrême, tristesse profonde : Sans cette espérance, je tomberais dans l’abattement. (Bourdal.) Dans l’abattement, l’âme se relève aux pieds de la croix. (Imit. de J.-C.) Tous ses discours, toutes ses actions faisaient paraître de l’abattement. (La Rochef.) Au milieu de la tristesse et de l’abattement de la cour, la sérénité seule de son auguste front rassurait les frayeurs publiques. (Mass.) Jamais Alexandre n’était si résolu que dans l’abattement des troupes. (St-Evrem.) Ne cherchez pas à me tirer de l’abattement où je suis tombé. (J.-J. Rouss.) Un homme véritablement courageux est à l’abri de l’ivresse de la prospérité et de l’abattement du malheur. (De Ségur.)

La colère est superbe, et veut des mots altiers ;
L’abattement s’exprime en des termes moins fiers.
Boileau.

— Diminution considérable des forces physiques ; prostration : Le jeûne fait sur votre corps des impressions de langueur et d’abattement. (Mass.) Les chaleurs m’ont jeté dans de grands abattements. (Boileau.) Il avait les mouvements tristes, la voix faible, l’abattement d’un convalescent. (Balz.)

À cet abattement que vous laissez paraître,
J’ai, s’il faut l’avouer, peine à vous reconnaître.
Lemercier
|| Se dit aussi de l’expression particulière que donnent aux traits, au visage, à tout le corps, une tristesse profonde, le découragement, etc. : Autrefois les tyrans ne reconnaissaient les chrétiens qu’à l’abattement de leur visage. (Mass.) Elle n’avait plus cette expression d’ abattement que donne l’esclavage. (G. Sand.)
L’abattement se peint dans ses traits douloureux.
Baour-Lormian.

— S’empl. quelquefois au pluriel : Cette idée les jette dans des abattements d’esprit. (Bourdal.) Ces langueurs, ces abattements que Tertullien a si bien appelés des parures de mort. (Mass.)

— Anc. jurispr. Prise de possession d’un héritage sur lequel on avait un titre apparent de propriété, lorsqu’on s’y introduisait sans violence, aussitôt après la mort du possesseur et avant que son héritier l’eût occupé.

— Chass. Action de découpler les chiens.

Épithètes. Naturel, passager, court, long, profond, lourd, pesant, total, complet, triste, douloureux, morne, sombre, mortel, lâche.

Syn. Abattement, accablement, anéantissement, prostration. L’abattement est une langueur que l’âme éprouve à la suite d’un mal qui lui arrive ; il peut n’être que momentané, et quand il se prolonge, il conduit à l’accablement. Celui-ci se dit du corps et de l’âme ; le corps est accablé par suite de fatigue et de maladie ; l’esprit est accablé quand il est près de succomber sous le poids de ses peines. L’anéantissement est l’état d’une âme qui a succombé, qui a perdu toute force, toute vie ; mais cette idée étant nécessairement hyperbolique, le mot ne diffère guère du précédent quant au sens réel. La prostration est un accablement complet de l’âme et du corps tout ensemble.