Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abatage s. m. (supplément 2)

Administration du grand dictionnaire universel (17, part. 1p. 5-6).

* ABATAGE s.m. — Fig.Verte réprimande : Voyons, maman, tu ne voudrais pas me flanquer un abatage la veille de mon mariage. (Gyp.)

— Jeux. Au baccara, action d’abattre son jeu : Supposons d’abord qu’il n’y ait pas d’abatage. (Badoureau.) || Série de cartes abattues : Pourquoi ne dirait-on pas : C’est un bel abatage ? (Fr. Sarcey.)

— Encycl. Abatage des arbres par la dynamite. L’art militaire et l’industrie privée emploient quelquefois la dynamite pour opérer l’abatage des arbres. C’est un moyen expéditif et relativement économique, car il épargne une main-d’œuvre longue et pénible. On entoure l’arbre à la hauteur voulue d’un cordon de pétards attachés à une licelle ; la charge est un peu plus forte du côté où il doit tomber. On amorce un seul des pétards, auquel on met le feu, son explosion provoque instantanément celle des autres. Quand la charge est assez forte, la section se l’ait d’une façon très nette et presque sans éclisses.

Un autre procédé moins rapide, mais exigeant moins de matière explosive, consiste à forer dans l’arbre plusieurs trous disposés comme les rayons d’une roue ; la charge sa bourre dans ces trous ; l’explosion est simultanée. Quand l’abatage des arbres a pour but la mise en culture d’une forêt, il faut aussi extirper les souches, ce qui se fait en forant un trou vertical dans l’axe du tronc, trou dans lequel on place et on fait détoner une certaine charge. Ces procédés sont d’un emploi continu dans les forêts du Brésil. Suivant le système employé, la consommation de dynamite est :

Pour un arbre de 0m, 10 de diamètre par le premier procédé, 100 grammes ; par le second, 100 grammes ;

Pour un arbre de 0m, 20 de diamètre par le premier procédé, 500 grammes ; par le second, 100 grammes ;

Pour un arbre de 0m,30 de diamètre par le premier procédé, 1.000 grammes ; par le second, 300 grammes ; Pour un arbre de 0m, 10 de diamètre par le premier procédé, 2.000 grammes ; par le second, 500 grammes.

— Abatage des bœufs. Les procédés d'abatage des bœufs sont au nombre de six : 1° l'égorgement ; 2° l'emploi du merlin ordinaire ; 3° l'énervation ; 4° l'emploi du merlin anglais ; 5° l'emploi du masque frontal à cheville percutante ; 6° la dynamite.

L'égorgement n'est guère usité que chez les Israélites, qui se proposent, en employant ce procédé répugnant et barbare, d'être agréables au Seigneur. Cinq sacrificateurs juifs, désignées par le grand rabbin, sont attachés à l'abattoir de La Villette, à Paris, où ils tranchent religieusement chaque matin un nombre de fanons proportionné aux besoins de la population Israélite de la capitale. Ils doivent connaître à première vue la pureté ou l'impureté des animaux et les organes que le Lévitique défend de manger. Au moment de l'immolation, l'animal, dont les pieds de derrière sont liés, est amené près d'un treuil, dont un brusque mouvement le renverse sur le flanc droit, la gorge tendue. Le sacrificateur se dirige vers la victime en prononçant ces paroles « Béni soit le Seigneur qui nous a jugés dignes de ses préceptes et nous a prescrit l'égorgement. » Ensuite, il se baisse et coupe la gorge de la bête ; il a eu soin de constater d'abord, en passant deux fois l'ongle sur le tranchant de son damas, que cet instrument n'est point ébréché car, s'il l'était, la tradition enseigne que le bœuf pourrait avoir peur et que son sang se coagulerait dans le cœur sans pouvoir en sortir ; or, l'Ecriture dit « Vous ne mangerez d'aucun sang ». En se relevant, le sacrificateur s'assure qu'il n'a pas touché avec son damas la colonne vertébrale, ce qui rendrait la viande impure puis, quand les aides ont ouvert l'animal, il regarde si les poumons, l'estomac, la vésicule du fiel et de la rate sont dans les conditions exigée par la loi religieuse ; autrement, l'animal serait déclaré impur et refusé pour la boucherie juive. Lorsqu'on emploie le merlin ordinaire, on frappe l'animal entre les cornes avec cette masse en fer, qui pèse 25 kilogr. et dont le manche est long de 0m, 90. Le bœuf, violemment étourdi, tombe aussitôt si le boucher est adroit ; mais, dans le cas contraire, il faut s'y reprendre à plusieurs reprises, et l'agonie est longue, horrible à voir, surtout lorsque le bœuf s'équasille. En Angleterre, on se sert d'un merlin spécial terminé par un emporte-pièce. Si le garçon boucher s'y prend bien, l'animal peut être tué du coup ; quand il est novice dans son métier et que le coup est mal donné, l'emporte-pièce reste dans la tête, et il faut le retirer pour recommencer, ce qui augmente et prolonge les souffrances de l'animal. — Le procédé de l’énervation, qui consiste à sectionner la moelle épinière â l'aide d'un stylet qu'on enfonce entre l'occipital et la première vertèbre cervicale, abat l'animal instantanément ; mais la mort ne se produit, en général, qu'un quart d'heure après. — M. Bruneau, président de la commission des abattoirs de LaVillette, a imaginé un procédé plus rationnel que les précédents (v. abattoirs, au tome XVI du Grand Dictionnaire) ; il consiste à emprisonner la tête de l'animal dans un masque, au milieu duquel, à hauteur convenable, est encastrée dans le cuir une plaque de fer adhérente au front et percée d’un trou en son milieu par ce trou, on enfonce un boulon en pointe ou à emporte-pièce d'un coup de maillet, le boulon pénètre de 0m,05 à 0m, 06 dans le cervelet du bœuf, dont la mort est instantanée. — En 1878, on a fait, à l'abattoir central de Birmingham, une série d'expériences pour s'assurer exactement du moyen le plus rapide d'abattre les animaux de boucherie. « La Commission d'examen, dit M. Henri de Parville, a donné la préférence à l'abatage par la dynamite. Une faible dose de dynamite est posée sur le front de l'animal. La substance explosive est reliée par un ftl à une batterie électrique. On appuie sur une touche, et le bœuf tombe foudroyé. On a pu, avec la même batterie, abattre à la fois plusieurs bœufs. La mort a lieu instantanément. C'est la torpille appliquée à l'abatage des animaux, comme elle avait déjà été appliquée à l'abatage des arbres et des roches. »

D'autre part, la municipalité de Saint-Etienne ayant voulu prescrire l'emploi exclusif de l'appareil de M. Bruneau pour l'abatage des grands animaux de boucherie, son arrêté fut déféré au ministre de l'intérieur, qui invita le préfet de la Loire à en prononcer l'annulation pour excès de pouvoir. Un des considérants de l'arrêté en question semble établir qu'en 1881 l'appareil Bruneau ne s'était pas vulgarisé. Il porte, en effet, qu'à Paris, Lyon et dans les autres grandes villes de France, la plus entière liberté est laissée aux boucheries en ce qui


concerne le mode d'abatage, et qu'à Paris, notamment, le procédé Bruneau n'est employé que par son auteur et par un très petit nombre de bouchers.

— Abatage des veaux et des moutons. Pour abattre les veaux, on les couche de flanc sur une table et on leur fait au cou une large entaille. Quant aux moutons, ils sont couchés sur une table, le ventre en l'air et la tête pendante puis, le garçon boucher les égorge, sans se laisser émouvoir par leurs bêlements.