Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abandonné, ée part. pass.
ABANDONNÉ, ÉE (a-ban-do-né) part. pass. du v. Abandonner. Quitté, délaissé entièrement : L’amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. (Pascal.) Il semble que l’être qui pense soit abandonné et solitaire au milieu de l’univers physique, et la pensée a besoin du commerce de la pensée. (Thomas.) Nos pères avaient dit : Il y a des enfants abandonnés, donc il faut les recueillir. (Gerbet.)
Il n’a pas un asile et meurt abandonné.
— Il est souvent suivi d’un complément, régi par la prép. de ou par : Il se vit tout à coup abandonné des deux partis. (Fléch.) L’homme fortuné fut abandonné de la fortune. (Fén.) Le malheureux Arbogaste, abandonné de Dieu et des hommes… (Fléch.) Gratien, abandonné de ses troupes. (Boss.) Le peuple romain, presque toujours abandonné de ses souverains. (Montesq.) Les terres étaient abandonnées par les laboureurs. (Volt.) Les molécules d’eau abandonnées par l’air perdent l’état élastique. Ariane, désolée dans les déserts, abandonnée par un ingrat, ne se repentait point de l’avoir suivi. (Montesq.)
L’île de Jupiter se vit abandonnée.
D’être par un époux trahie, abandonnée,
Tout cela n’était rien près de mon embarras.
— Laissé, livré : Croyez-vous que votre vie soit abandonnée aux vents et aux flots ? (Fén.) Je méritais d’être privé de votre secours et d’être abandonné à moi-même. (Fén.) Les viandes furent abandonnées aux pauvres. (Volt.) L’imbécile Claude, espèce de femme, abandonné à des femmes perdues, est un prince détestable. (Roubaud.)
Quel mortel oserait plaindre sa destinée ?
S’obstine à reculer cette heureuse journée.
|| Cédé : Marchandise abandonnée pour tel prix. || Peu fréquenté, désert : Le lieu est charmant, mais agreste et abandonné. (J.-J. Rouss.) On croit errer dans les parcs abandonnés de Versailles. (Chateaub.) Les endroits les plus abandonnés devenaient pour moi des lieux préférés. (Chateaub.) || Négligé, peu cultivé : Deux simples aventuriers, dont l’éducation avait été si abandonnée, qu’ils ne savaient ni lire ni écrire. (Volt.) Quand un commerce de détail ne permet pas à une marchande d’être bien vêtue, il est abandonné. (J.-B. Say.)
Les feux abandonnés languissent expirants.
Et ce vide effrayant frappe encor mes esprits.
|| Impudent, licencieux, dépravé : Il faut que vous passiez pour les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais. (Pascal.) Le pécheur le plus dissolu, le plus faible, le plus abandonné. (Mass.) Adieu, famille abandonnée, maison sans mœurs. (Beaumarch.)
— Prov. Il faut être abandonné de Dieu et des hommes pour agir ainsi. Se dit d’une personne qui agit de la manière la plus contraire à son honneur et à ses intérêts.
— Jurispr. Choses abandonnées, Choses dont le propriétaire ne veut plus. || Biens abandonnés, Héritage qui n’a plus ni propriétaire ni possesseur. || Terres abandonnées, Terres que la mer a laissées à sec. || Animaux, pâturages abandonnés, Laissés sans garde, délaissés soit pour toujours, soit momentanément, mais sans renonciation au droit de propriété.
— Chass. Chien abandonné, Chien courant qui a pris les devants d’une meute, et s’est élancé sur la bête.
— Substantiv. Celui, celle qui est dans l’abandon, qui se trouve sans secours, sans soutien : Vous voudriez donner tout ce qui est à vous, jusqu’à votre sang, pour soulager les pauvres et les abandonnés. (G. Sand.) || On comprend sous le nom d’abandonnés tous ceux qui, nés de père et mère inconnus, en ont été délaissés ; on les appelait autrefois enfants trouvés ; on les nomme aujourd’hui enfants assistés.
— Fig. Celui, celle qui mène une conduite déréglée : C’est une infâme qui va courir le pays avec eux, et qu’ils ne sauraient regarder que comme une abandonnée. (Boil.)
Et ne veux point brûler pour une abandonnée.