Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abaissement s. m.
ABAISSEMENT s. m. (a-bè-se-man — rad. abaisser). Action d’abaisser ; état de ce qui est abaissé ; diminution de hauteur : L’abaissement d’un mur. L’abaissement des eaux. L’abaissement du mercure dans le baromètre. (Acad.) L’abaissement de ce mur, qui ôtait la vue à cette maison, l’a bien égayée. (Furetière.) L’élévation et l’abaissement journaliers des eaux de l’Océan. (J.-J. Rouss.)
— Par extens. Amoindrissement : Abaissement des salaires, du cens électoral, des taxes. La concurrence produit l’abaissement des prix et celui des salaires. (Blanqui.)
— Diminution de force, d’intensité, d’étendue : L’abaissement de la voix, du ton. L’oreille étai accoutumée à sentir la différence des longues et des brèves, comme aussi de l’élévation et de l’abaissement de la voix. (Rollin.)
— Fig. État de déchéance, affaiblissement de pouvoir, d’autorité, etc. : Louis XI travailla beaucoup à l’abaissement de la maison de Bourgogne. (Acad.) Le grand dessein de Richelieu a été d’affermir l’autorité du prince par l’abaissement des grands. (La Bruy.) L’abaissement des États dépend de la faiblesse d’esprit de ceux qui les gouvernent. (Napol. Ier.) Un abaissement moral est le symptôme et le prélude d’un abaissement politique. (De Broglie.) Dans son abaissement comme dans ses gloires, la France est toujours la reine du monde. (Proudh.) Le duc de Choiseul, indigné de l’abaissement de la France, préparait sourdement la guerre contre la Prusse et l’Angleterre. (Lamart.) Avec l’abaissement du caractère est venu la servitude. (Lacordaire.) Il y a de l’abaissement pour une nation d’être dominée par une femme. (Bautain.) La véritable grandeur est celle qui n’a pas besoin de l’abaissement des autres. (Daru.)
Le prompt abaissement de tous ses ennemis.
— Dégradation morale, état de servitude : L’abaissement des ilotes. L’abaissement des hommes sous le joug de la féodalité. (Guizot.) Il y a dans la domesticité une sorte d’abaissement dont on ne se relève jamais. (De Théis.) L’abaissement de la femme est un indice précurseur de l’abaissement des nations. (Mme Romieu.) || État d’humiliation forcée ou volontaire : L’abaissement du parfait chrétien. Les Juifs charnels n’entendaient ni la grandeur ni l’abaissement du Messie. (Pascal.) Psyché se jeta à leurs pieds pour toute réponse, et les baisa : cet abaissement excessif leur causa beaucoup de confusion et de pitié. (La Fontaine.) Dieu a voulu naître dans la faiblesse et l’abaissement (Bourdal.) Il n’est pas d’abaissement que l’ambition ne subisse dans l’espoir de dominer. (J. Simon.)
— Dégénérescence : Abaissement de la littérature. Abaissement de l’art. Abaissement du goût. La nature veut l’élévation des races, elle ne veut pas leur abaissement. (Alph. Esquiros.) Un tel régime conduit à l’abaissement de la pensée publique. (J. Favre.)
— Fig. et absol. État opposé à celui de puissance, de prospérité : Naître, vivre dans l’abaissement. (Acad.) Le pécheur est souvent élevé aux honneurs, tandis que l’homme de bien vit dans l’abaissement. (Mass.)
— Se dit au pluriel : Il avait des faiblesses qui n’édifiaient pas trop son peuple, et des abaissements qui le rendaient presque méprisable. (Fléch.) Il y a de la grandeur dans certains abaissements. (Balz.)
— Particulièrem. Se dit de l’humilité chrétienne et des sacrifices qu’elle inspire : Son honnêteté la sollicite à venir prendre part aux abaissements de la vie religieuse. (Bossuet.) La mesure de nos abaissements en ce monde sera la mesure de notre gloire dans l’autre. (Bourdal.)
— Abaissement légal de la femme chez les Romains, État d’humiliation infligé à la femme romaine, qui était privée de toute espèce de droit.
— Abaissement de classe, Peine administrative infligée à un fonctionnaire qui a commis quelque faute, et que l’on fait descendre d’un degré dans l’échelle administrative.
— Jurispr. Abaissement d’un degré dans la peine, Application de la peine immédiatement inférieure à celle qui aurait été appliquée si la loi n’avait pas été adoucie, grâce à l’admission de circonstances atténuantes. || Abaissement de deux degrés, Emploi plus large encore de l’indulgence dans l’application d’une peine.
— Algèb. Abaissement d’une équation, Réduction d’une équation à un degré moindre.
— Géom. Abaissement d’une perpendiculaire, Action de mener une perpendiculaire à une ligne d’un point pris hors de cette ligne.
— Astron. Abaissement d’un astre, du pôle, Quantité dont ils semblent s’être abaissés par rapport à l’horizon.
— Chir. Abaissement de la cataracte, Opération qui consiste à faire descendre au-dessous du niveau de la pupille le cristallin devenu opaque : Il fut guéri par un abaissement de la cataracte, que la nature seule opéra. (Fontenelle.)
— Pathol. Abaissement de la matrice, Descente de la matrice dans le vagin.
— Blas. Modification apportée à des armoiries pour conserver le souvenir d’une action déshonorante. Les abaissements sont très-rares ; la plupart des héraldistes en nient même l’existence. En voici cependant un cas rapporté par Mézeray. Le fils aîné de Marguerite, comtesse de Flandre, et de Bouchard d’Avesnes, ayant outragé sa mère en présence de saint Louis, ce prince ordonna qu’en punition de son crime, il retranchât la langue et les griffes du lion de sable qu’il portait en champ d’or, pour signifier, dit l’historien, « qu’il ne devoit avoir ni paroles, ni armes contre sa mère. »
— Syn. Abaissement, objection, bassesse. Ces trois mots forment gradation : abaissement est moins fort que bassesse, bassesse moins fort qu’abjection. L’abaissement est le résultat d’une action, d’un accident ; la bassesse est quelque chose d’essentiel, de permanent. L’abaissement est relatif à un état précédent ; il s’applique à plusieurs choses différentes, l’esprit, le caractère, le goût, la condition, la fortune ; il exprime un changement ; il peut se prendre en bonne part ; ainsi il y a des abaissements volontaires que peut rechercher l’humilité chrétienne. La bassesse exprime toujours, d’une façon générale et absolue, un état d’infériorité qui exclut la considération, soit que cet état d’infériorité puisse être imputé au vice, soit qu’on l’attache à la naissance et à la condition. Quant à l’abjection, elle appelle le mépris, et suppose presque toujours l’immoralité.
— Épithèt. Pénible, triste, douloureux, profond, humble, honteux, lâche, infâme, forcé, — volontaire, glorieux.