Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/abaissement s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 1p. 8-9).

ABAISSEMENT s. m. (a-bè-se-man — rad. abaisser). Action d’abaisser ; état de ce qui est abaissé ; diminution de hauteur : Labaissement d’un mur. Labaissement des eaux. Labaissement du mercure dans le baromètre. (Acad.) Labaissement de ce mur, qui ôtait la vue à cette maison, l’a bien égayée. (Furetière.) L’élévation et labaissement journaliers des eaux de l’Océan. (J.-J. Rouss.)

— Par extens. Amoindrissement : Abaissement des salaires, du cens électoral, des taxes. La concurrence produit labaissement des prix et celui des salaires. (Blanqui.)

— Diminution de force, d’intensité, d’étendue : Labaissement de la voix, du ton. L’oreille étai accoutumée à sentir la différence des longues et des brèves, comme aussi de l’élévation et de labaissement de la voix. (Rollin.)

— Fig. État de déchéance, affaiblissement de pouvoir, d’autorité, etc. : Louis XI travailla beaucoup à labaissement de la maison de Bourgogne. (Acad.) Le grand dessein de Richelieu a été d’affermir l’autorité du prince par labaissement des grands. (La Bruy.) Labaissement des États dépend de la faiblesse d’esprit de ceux qui les gouvernent. (Napol. Ier.) Un abaissement moral est le symptôme et le prélude d’un abaissement politique. (De Broglie.) Dans son abaissement comme dans ses gloires, la France est toujours la reine du monde. (Proudh.) Le duc de Choiseul, indigné de labaissement de la France, préparait sourdement la guerre contre la Prusse et l’Angleterre. (Lamart.) Avec labaissement du caractère est venu la servitude. (Lacordaire.) Il y a de labaissement pour une nation d’être dominée par une femme. (Bautain.) La véritable grandeur est celle qui n’a pas besoin de labaissement des autres. (Daru.)

César, à qui les dieux semblaient avoir promis
Le prompt abaissement de tous ses ennemis.
Brébeuf.

— Dégradation morale, état de servitude : Labaissement des ilotes. Labaissement des hommes sous le joug de la féodalité. (Guizot.) Il y a dans la domesticité une sorte dabaissement dont on ne se relève jamais. (De Théis.) Labaissement de la femme est un indice précurseur de labaissement des nations. (Mme Romieu.) || État d’humiliation forcée ou volontaire : Labaissement du parfait chrétien. Les Juifs charnels n’entendaient ni la grandeur ni labaissement du Messie. (Pascal.) Psyché se jeta à leurs pieds pour toute réponse, et les baisa : cet abaissement excessif leur causa beaucoup de confusion et de pitié. (La Fontaine.) Dieu a voulu naître dans la faiblesse et labaissement (Bourdal.) Il n’est pas dabaissement que l’ambition ne subisse dans l’espoir de dominer. (J. Simon.)

L’abaissement, mon fils, convient aux malheureux.
Longepierre.
Contemplez de Bayard l’abaissement auguste.
De Belloy.

— Dégénérescence : Abaissement de la littérature. Abaissement de l’art. Abaissement du goût. La nature veut l’élévation des races, elle ne veut pas leur abaissement. (Alph. Esquiros.) Un tel régime conduit à labaissement de la pensée publique. (J. Favre.)

— Fig. et absol. État opposé à celui de puissance, de prospérité : Naître, vivre dans labaissement. (Acad.) Le pécheur est souvent élevé aux honneurs, tandis que l’homme de bien vit dans labaissement. (Mass.)

Dans quel abaissement ma gloire s’est perdue !
Lamartine.

— Se dit au pluriel : Il avait des faiblesses qui n’édifiaient pas trop son peuple, et des abaissements qui le rendaient presque méprisable. (Fléch.) Il y a de la grandeur dans certains abaissements. (Balz.)

— Particulièrem. Se dit de l’humilité chrétienne et des sacrifices qu’elle inspire : Son honnêteté la sollicite à venir prendre part aux abaissements de la vie religieuse. (Bossuet.) La mesure de nos abaissements en ce monde sera la mesure de notre gloire dans l’autre. (Bourdal.)

Abaissement légal de la femme chez les Romains, État d’humiliation infligé à la femme romaine, qui était privée de toute espèce de droit.

Abaissement de classe, Peine administrative infligée à un fonctionnaire qui a commis quelque faute, et que l’on fait descendre d’un degré dans l’échelle administrative.

— Jurispr. Abaissement d’un degré dans la peine, Application de la peine immédiatement inférieure à celle qui aurait été appliquée si la loi n’avait pas été adoucie, grâce à l’admission de circonstances atténuantes. || Abaissement de deux degrés, Emploi plus large encore de l’indulgence dans l’application d’une peine.

— Algèb. Abaissement d’une équation, Réduction d’une équation à un degré moindre.

— Géom. Abaissement d’une perpendiculaire, Action de mener une perpendiculaire à une ligne d’un point pris hors de cette ligne.

— Astron. Abaissement d’un astre, du pôle, Quantité dont ils semblent s’être abaissés par rapport à l’horizon.

— Chir. Abaissement de la cataracte, Opération qui consiste à faire descendre au-dessous du niveau de la pupille le cristallin devenu opaque : Il fut guéri par un abaissement de la cataracte, que la nature seule opéra. (Fontenelle.)

— Pathol. Abaissement de la matrice, Descente de la matrice dans le vagin.

— Blas. Modification apportée à des armoiries pour conserver le souvenir d’une action déshonorante. Les abaissements sont très-rares ; la plupart des héraldistes en nient même l’existence. En voici cependant un cas rapporté par Mézeray. Le fils aîné de Marguerite, comtesse de Flandre, et de Bouchard d’Avesnes, ayant outragé sa mère en présence de saint Louis, ce prince ordonna qu’en punition de son crime, il retranchât la langue et les griffes du lion de sable qu’il portait en champ d’or, pour signifier, dit l’historien, « qu’il ne devoit avoir ni paroles, ni armes contre sa mère. »

Syn. Abaissement, objection, bassesse. Ces trois mots forment gradation : abaissement est moins fort que bassesse, bassesse moins fort qu’abjection. L’abaissement est le résultat d’une action, d’un accident ; la bassesse est quelque chose d’essentiel, de permanent. L’abaissement est relatif à un état précédent ; il s’applique à plusieurs choses différentes, l’esprit, le caractère, le goût, la condition, la fortune ; il exprime un changement ; il peut se prendre en bonne part ; ainsi il y a des abaissements volontaires que peut rechercher l’humilité chrétienne. La bassesse exprime toujours, d’une façon générale et absolue, un état d’infériorité qui exclut la considération, soit que cet état d’infériorité puisse être imputé au vice, soit qu’on l’attache à la naissance et à la condition. Quant à l’abjection, elle appelle le mépris, et suppose presque toujours l’immoralité.

Épithèt. Pénible, triste, douloureux, profond, humble, honteux, lâche, infâme, forcé, — volontaire, glorieux.