Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/a priori loc. lat.

Administration du grand dictionnaire universel (1, part. 2p. 531).

À PRIORI (a-pri-o-ri.— mots lat. qui signif., de ce qui est avant).’ Log. Se dit des vérités, des idées, des jugements, qui découlent de principes généraux, puisés dans la raison pure et non dans l’expérience : Les preuves ontologiques de l’existence de Dieu sont des preuves a priori. (Brisbarre.)

— Se dit aussi de l’action do juger, do raisonner, on devançant l’expérience : Baisonner

’ îf baser son raisonnement sur des

très. Les systèmes démontrés

nent difficilement l’examen. (Acad.) Les lois ne se formèrent nulle part A priori ; partout elles découlèrent des besoins de la société. (Ramsay.) Chercher a priori à se faire une idée des attributs de Dieu, c’est une méthode de philosopher gui ne peut conduire à aucune véritable connaissance. (Condorc.) Les gouvernements sans base, les gouvernements créés a priori sont éphémères : leur emblème est une pyrami<

priori, et par une sorte d’anticipation-dépourvue d’expérience ? Evidemment non ; ce serait la préjuger, mais non la déterminer.régulièrement. (Damiron.) Il y a un grand danger à vouloir rédiger des constitutions a priori, et les philosophes sont plus impropres que d’autres à cette besogne, parce qu’ils ont des idées systématiques et une espèce d’idéalisme politique auxquels ils veulent plier les réalités vivantes. (A. Nettement.) Les sciences physiques ne se peuvent construire k priori, sur des notions pwes, mais requièrent l’observation des faits. (Proudh.)

— Se met en opposition avec a posteriori, car ces deux expressions ayant entre elles’un rapport intime, rapport de contraste, comme antécédent et conséquent, cause et effet, etc., se trouvent souvent dans la même phrase : Je me suis aperçu que la différence dans la manière d’argumenter nous éloignait le plus dans tes systèmes que nous soutenons : vous argumentes a posteriori et moi a priori. (Frédéric II.) On peut très-bien par l’observation s’élever jusqu’à l’absolu, et voici, me dit M. Van Ileusde, comment je pose lèproblème de la philosophié : trouver a posteriori ce qui est en soi-même. (V. Cousin.) En tout sujet, il y a deux sortes de preuves : les unes a priori, les autres a posteriori et de fait. (Taine.) Entre l’histoire telle que la conçoit M. Cuisot et l’histoire telle qu’elle se manifeste.par les événements, il y a la même différence qu’entre la mécanique rationnelle et la mécanique appliquée à un genre déterminé de corps. Mais les formules de la mécanique rationnelle permettent de résoudre tous les problèmes se la mécanique appliquée, tandis que l’histoire a priori de M. Guizot est souvent muette pour l’explication de l’histoire a posteriori, c’est à-dire de la véritable histoire. (Gust. Planche.)

— Encycl. La locution a priori et son antonyme a posteriori présentent un sens philosophique très-clair ; mais on ne saisit peut-être pas tout d’abord le lien qui rattache ce sens à l’etymologie. Ouvrez lo dictionnaire de l’Aca APR

demie, vous trouverez : — A posteriori, de ce qui suit, de ce qui est postérieur. — A priori, d’un principe antérieur ; voilà qui est trop littéral, trop court pour être intelligible. Postérieur a quoi ? Antérieur à quoi ? Tous les autres dictionnaires, vrais moutons de Panurge, se contentent de répéter l’oracle... sans l’interpréter. Quand je raisonne a posteriori, je pars d’idées particulières puisées dans l’expérience et qui me conduisent à des synthèses auxquelles on donne quelquefois le nom de principes. Evidemment, on ne peut dire que ces idées particulières soient dans mon esprit postérieures à ces principes. Elles sont tout simplement postérieures a l’expérience qui me les a fournies. Quand je raisonne a priori, en philosophie, en politique, dans les sciences, je pars d’idées générales puisées dans la raison, et dont je déduis les conséquences en dehors des données de l’expérience et sans attendre ces données. Ainsi juger, raisonner a priori, c’est juger, raisonner en devançant l’expérience ; juger, raisonner a posteriori, c’est juger, raisonner en suivant l’expérience, c’est-à-dire en prenant pour point de départ et pour base les données fournies par l’expérience.

Caractères des jugements a priori et des jugements a posteriori. Il est impossible de réduire tout, dans l’esprit humain, soit à des jugements a posteriori, comme l’a tenté le sensualisme, soit à des jugements a priori, comme l’a tenté l’idéalisme. Il faut se résoudre à faire la part aux deux espèces de jugements. Mais quels sont les caractères auxquels nous pouvons reconnaître qu’un jugement a priori appartient légitimement à l’esprit humain. Ces caractères sont la nécessité et l’universalité. Les corps sont pesants : voilà un jugement a posteriori, parce que la connexion entre l’idée de pesanteur et celle de corps ne nous apparaît pas comme nécessaire ; c’est l’expérience seule qui nous en atteste la réalité. Tout changement a une cause : voilà un jugement a priori, parce que la connexion entre l’idée de changement et celle de cause nous apparaît comme nécessaire ; c’est la raison seule qui nous en atteste la réalité. En effet, l’expérience ne montre que des faits qui se succèdent et jamais un rapport nécessaire, tel que celui de causalité. Remarquez que les idées générales dues à l’expérience et a l’induction n’auraient qu’une généralité incomplète, c’est-à-dire n’atteindraient pas l’universalité, si un élément a priori, le principe de la stabilité des lois de la nature, .no venait leur donner ce dernier caractère. Il ne faut pas confondre avec la distinction des jugements a priori et des jugements a posteriori, celle des jugements analytiques et des jugements synthétiques. Le jugement analytique est celui dans lequel l’idée exprimée par l’attribut est logiquement renfermée.dans l’idée exprimée par !e sujet ; le jugement synthétique, celui dans lequel la notion de l’attribut se lie rationnellement ou empiriquement à celle du sujet, mais sans y être renfermée logiquement. Tous les jugements analytiques sont des jugements a priori, parce que la réalité de la connexion qu’ils expriment n’est pas donnée par l’expérience, mais repose sur le principe de contradiction ou d’identité qui affirme que le même est le même. Quant aux jugements synthétiques, les uns sont a priori, les autres a posteriori. Des deux jugements cités plus haut : les corps sont pesants ; tout changement a une cause ; le premier est un jugement synthétique à posteriori, le second un jugement synthétique a priori. Kant a divisé les sciences en deux classes ; celles qui sont fondées sur des jugements synthétiques a posteriori ou sciences empiriques, et celles qui sont fondées sur des jugements synthétiques a priori ou sciences théorétiques. Les premières sont les sciences d’observation et d’expérience, par exemple, l’histoire naturelle dos animaux, des plantes et des minéraux, une partie de la physique, etc. Les sciences théorétiques sont les mathématiques, la haute physique et la métaphysique. Kant établit que cette dernière classe de sciences tout entière a pour base des jugements synthétiques apriori.

Méthodes à priera et à posteriori. La méthode a priori, c’est-à-dire la méthode qui ne fait usage que de conceptions et de raisonnements a priori, a été appliquée avec éclat, sinon avec succès, à l’ensemble des connaissances humaines, par Descartes au xvii= siècle, par Schelling et Hegel au commencement du xixe ; mais on peut dire que la méthode a posteriori, la"-méthode expérimentale, tend aujourd’hui à prévaloir définitivement, aussi bien dans les sciences morales et politiques, que dans la philosophie naturelle. La première, après avoir surexcité les ambitions et les espérances de l’esprit humain, n’a pas tardé à le laisser retomber des hauteurs où elle l’avait élevé ; elle o créé des systèmes, brillantes, mais fragiles constructions, qu’on a vues successivement s’écrouler les unes sur les autres. La seconde, cheminant sur un terrain solide, n’a cessé de faire des conquêtes nouvelles et les a toujours gardées. Du reste, en dépit des prétentions contraires de l’idéalisme et du sensualisme, si l’on examine dans les grands systèmes la mise en œuvre do la méthode a priori, et dans l’édifice de nos sciences, celle de la méthode a posteriori, on peut s’assurer que là des matériaux ont été empruntés à l’expérience, bien que la provenance en paraisse déguisée, qu’ici, au contraire, il y a des éléments qui dépassent l’es. APR

périence pure, éléments sans lesquels l’expé Henri Saint-Simon avait cru remarquer que l’esprit humain, dans son mouvement, suit alternativement la route a priori et la route a posteriori, et que le caractère des grandes découvertes scientifiques était de faire passer d’une route k l’autre, en un mot, de changer, selon son expression, la direction des travaux de l’atelier scientifique. Il expliquait de cette. façon les longs intervalles qui séparent ces découvertes de premier ordre, et qu’on peut appeler révolutionnaires. Il ajoutait que les conceptions apriori étant simples, demandant l’unité de combinaison, ne peuvent être le résultat des efforts de plusieurs ; qu’il faut, au contraire, trop de temps et de détails pour qu’un seul homme puisse envisager l’ensemble des choses a posteriori : de là cette autre loidu progrès scientifique, posée également par Saint-Simon, que les grandes découvertes sont faites alternativement par une seule et par