Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Voûte s. f.

Administration du grand dictionnaire universel (15, part. 4p. 1199-1203).

VOÛTE s. f. (voû-te. — V. voussoir). Archit. Ouvrage de maçonnerie fait en arc, et dont les pièces se soutiennent les unes les autres : Voûte en plein cintre. Voûte en anse de panier, en demi-globe, Voûte surbaissée. Voûte en ogive. Cintre de la voûte. Il est constant aujourd’hui que les Égyptiens connurent l’art de construire des voûtes. (Batissier.)

Oh ! que j’aime, aux voûtes gothiques,
Les vieux saints de pierre athlétiques !

A. de Musset.

|| Clef de voûte, Voussoir qui occupe la partie supérieure de la voûte, et qui maintient tous les autres voussoirs, et fig. Objet principal dont tous les autres dépendent : Quand la clef de Voûte d’un système est une hypothèse, le système lui-même n’est qu’un jeu d’esprit.

— Par anal. Objet disposé en forme de voûte : La voûte d’une caverne, d’un antre. Une voute de feuillage. Les anciens faisaient du ciel une voûte de cristal, (A. Martin.)

.. Des marronniers les hautes avenues
S’arrondissent en voûte et nous cachent les nues.

Castel.

— Poétiq. Voûte du ciel ou des cieux, Voûte céleste, Voûte azurée, Ciel, firmament : Quel est donc le puissant architecte qui a suspendu sur nos têtes la voute immense des cieux (Fén.) La Vérité, chassée de la terre, a répandu son flambeau à la voûte des cieux : le génie l’y aperçoit encore. (Ch. Nod.)

Aimable Paix, vierge sacrée,
Descends de la voûte azurés.

J.-B. Rousseau

||Sous la voûte du ciel, Sur la terre, dans le monde :

..... Hélas ! nul mortel
Ne vit exempt de maux sous la voûte du ciel.

A. Chénier.

— Fr.-maçonn. Voûte d’acier, Suite d’épées croisées au-dessus de la tête des hauts dignitaires de la maçonnerie, par des maçons formant la haie sur leur passage.

— Mar. Voûte d’arcasse, Prolongement du pont, à l’arrière d’un navire. || Petite


voûte, Saillie située au-dessus de la voûte d’arcasse.

Techn. Partie antérieure de l’arc d’un fer de cheval, opposée à la pince. || Partie supérieure d’un fourneau à réverbère, qui est disposée en forme de dôme.

Anat. Voûte du crâne, Partie supérieure de la boîte osseuse que forment les os du crâne. || Voûte du palais ou Voûte palatine, Cloison qui forme la paroi supérieure de la bouche et la paroi inférieure des cavités nasales. || Voûte à trois piliers ou à quatre piliers, Partie du cerveau consistant en une lame molle, blanche, fibreuse, ayant la forme d’un triangle recourbé sur lui-même, et dont le sommet, tourné en avant et en bas, serait bifurqué.

Encycl. Archit. Le mot voûte, pris dans son acception la plus générale, donne l’idée d’une pièce courbe, qui conserve une forme déterminée en vertu des actions et des résistances qui lui sont appliquées. Les voûtes sont des constructions en pierre, en bois ou en métal, que l’art a imaginées pour remplacer les planchers et les combles, afin de les rendre plus durables et de les mettre à l’abri des incendies. C’est un assemblage de parties solides juxtaposées, auxquelles on a donné le nom de voussoirs. Ceux-ci sont séparés par des joints, le plus généralement normaux à la surface affectée par la voûte. Selon leur mode de génération, les voûtes sont en plein cintre, en arc de cercle, en anse de panier, en ogive ; elles sont surhaussées ou surbaissées. Outre ces voûtes, que l’on peut appeler voûtes cylindriques ou en berceau, à cause du mode de génération de leur surface intérieure, et qui sont mises en usage le plus habituellement, on distingue : les voûtes paraboliques, elliptiques et en chaînette ; ces trois dernières espèces sont, comme les premières, surhaussées ou surbaissées, suivant qu’elles sont construites sur le grand ou sur le petit axe. Il en existe encore de différentes formes, que l’on appelle : voûtes coniques, voûtes sphériques, conoïdes ou sphéroïdes. Ces voûtes, classées parmi les voûtes simples, sont formées par des lignes droites, allant d’une courbe à une autre ou d’un point à une courbe, ou bien par des courbes de même genre, posées les unes sur les autres et diminuant dans un rapport déterminé selon d’autres courbes qui se croisent sur l’axe ; ou bien encore par une courbe quelconque qui, en se mouvant autour de son axe, forme une surface composée d’autant de cercles que la courbe a de points. Les voûtes sont dites composées lorsqu’elles sont formées par la réunion de plusieurs parties de voûtes simples ; telles sont : les voûtes d’arête, à une, à deux ou à trois arêtes ; les voûtes à nervures ; celles en éventail ; les voûtes en arc de cloître, etc.

La surface intérieure d’une voûte se désigne sous le nom de douelle ou d’intrados, et la surface extérieure sous celui d’extrados. Les voûtes sont supportées par des piliers que l’on appelle pieds-droits, et les points où elles se raccordent avec ces derniers sont ce que l’on nomme les naissances. La montée d’une voûte ou la flèche est la hauteur verticale du sommet de l’intrados au-dessus des naissances. Le voussoir placé au sommet de la voûte prend le nom de clef, et celui qui est situé immédiatement au-dessus des naissances le nom de voussoir de retombée. Les voûtes sont droites ou biaises, selon que l’axe longitudinal coupe perpendiculairement ou obliquement l’axe transversal. Elles peuvent avoir leurs naissances de niveau ou inclinées, ce qui produit dans les voûtes simples beaucoup de variétés ; de plus, elles peuvent être irrégulières, incomplètes ou composées de différentes parties combinées d’une infinité de manières, susceptibles de plus ou moins de difficulté. Les voûtes pratiquées dans des murs ou des massifs prennent le nom d’arcs ou arcades ; les joints de leurs voussoirs forment des angles ou crossettes pour se raccorder avec les assises horizontales de ces murs ou massifs. Ces arcs, qui peuvent être droits ou biais, se font dans des murs aplomb, en talus, circulaires en plan ou en tour ronde. La rencontre d’une voûte cylindrique avec une autre forme, dans celle qui est pénétrée, une espèce d’évidement qu’on appelle lunette. La forme de cette dernière varie avec le diamètre et la direction des voûtes qui se rencontrent ; de là sont sorties : les lunettes droites, résultant de deux berceaux qui se pénètrent perpendiculairement et horizontalement ; les lunettes biaises, lorsque la rencontre a lieu obliquement et horizontalement, et les descentes, lorsque l’obliquité d’un berceau qui en pénètre un autre, est dans le sens de la hauteur. Ces dernières sont, comme les lunettes, droites ou biaises, selon que la direction de la projection sur le plan horizontal de l’axe de la descente est perpendiculaire ou inclinée à celle de la voûte rencontrée. Les voûtes d’arête peuvent être formées par plusieurs berceaux espacés également ou inégalement, parallèles entre eux ou obliques, de niveau ou inclinés ; enfin, elles peuvent présenter une infinité de combinaisons différentes, dont le nombre peut être encore augmenté par la variété des courbes que l'on peut employer pour cintre primitif. Ces voûtes se projettent, soit sur un plan rectangulaire régulier ou irrégulier, soit sur un polygone régulier ou irrégulier, soit sur un plan circulaire ou elliptique. Elles sont de niveau ou surhaussées ; dans le premier cas, les voûtes qui se croisent ont une montée constante dans toute leur longueur, de telle sorte que leur point de rencontre est placé au point de croisement des génératrices horizontales des berceaux ; dans le second cas, ce point est placé à une hauteur plus grande des naissances des voûtes primitives que la clef de ces dernières. C’est par le recoupement de voûtes en arcs ogivaux que sont formées les voûtes gothiques ; on pourrait, avec n’importe quelle courbe, construire de même des voûtes d’arête surélevées. Ces sortes de voûtes ne sont, à proprement parler, qu’une combinaison d’arcs droits qui se réunissent à une clef centrale ou à plusieurs clefs particulières, selon qu’elles sont à une, à deux ou à trois arêtes. Les voûtes en arc de cloître, comme les précédentes, peuvent présenter une infinité de combinaisons différentes, soit comme construction, soit comme projection. Elles s’exécutent sur des quadrilatères ou des polygones réguliers ou irréguliers, ou sur des plans circulaires et elliptiques. Ces sortes de voûtes sont appelées barlongues lorsqu’elles sont projetées sur un plan rectangulaire, c’est-à-dire lorsqu’elles ont deux côtés opposés plus longs que les deux autres. Elles ont sur les voûtes d’arête l’avantage de pouvoir soutenir un plafond, en leur milieu ; ce mode de construction est fréquemment employé pour les grandes salles, dans les édifices importants. Les voûtes coniques et conoïdes sont celles dont la surface intérieure est celle d’un cône, ou dont la forme se rapproche de la figure de ce solide. Ces voûtes sont droites, biaises ou inclinées, à simple ou à double embrasement, selon qu’elles sont percées perpendiculairement ou obliquement, horizontalement ou dans une inclinaison avec l’horizon, dans un mur droit ou en talus. Les voûtes coniques, érigées sur deux murs qui forment un angle, de manière que le cintre de face représente la base du cône, prennent le nom de trompes ; dans ce cas, elles sont droites, dans l’angle rachetant un angle saillant, ou dans l’angle rachetant une tour ronde, selon qu’elles sont construites pour supporter un mur droit en saillie sur un autre, ou deux murs se rencontrant suivant un angle saillant, ou un mur circulaire. Les voûtes conoïdes sont engendrées par une droite qui s’appuie sur uns droite et une courbe et se meut parallèlement à un plan donné. La courbure de ces sortes de voûtes peut être quelconque : hyperbolique, parabolique, etc., et leur base, circulaire, ovale ou elliptique. Les voûtes sphériques sont formées en plan et en élévation par une demi-circonférence de cercle de même rayon. Ces voûtes, qui peuvent être construites aussi sur plan carré, sont si avantageuses, qu’on peut les couper en deux ou plusieurs parties égales par des plans verticaux passant par le centre. Ces parties de voûtes sphériques ou dômes prennent les noms de niches et de trompes en niche sur le coin. Les voûtes sphéroïdes peuvent être projetées sur des plans circulaires ou elliptiques ; les premières, désignées aussi sous le nom de voûtes sphériques surbaissées ou de voûtes en cul-de-four, et encore de voûtes sphériques surhaussées, ne diffèrent des voûtes sphériques que par la courbe de leur cintre, formée par une ellipse ou imitation d’ellipse, au lieu d’une demi-circonférence de cercle. Les voûtes sphéroïdes sur un plan elliptique ont leur surface intérieure produite par l’ellipse du plan qui a tourné autour de son grand axe ou grand diamètre ; en sorte que toutes les coupes ou sections verticales qui sont faites dans le sens de la largeur, parallèlement au petit axe ou petit diamètre, sont des demi-circonférences de cercle. Les parties de voûtes sphériques ou sphéroïdes qui résultent du retranchement de plusieurs portions de ces voûtes par des plans verticaux et horizontaux prennent le nom de pendentifs. Ces sortes de voûtes sont employées pour établir un plan circulaire ou elliptique sur un plan carré ou rectangulaire, ou sur un polygone quelconque dans lequel il paraît inscrit. Les dômes élevés au-dessus de la croisée des nefs d’une église sont érigés de cette manière. À ces différentes espèces de voûtes, qui représentent à peu près toutes celles qu’on a employées jusqu’à ce jour dans la construction des édifices, on peut ajouter les suivantes : la trompe en tour ronde sur un mur droit et les vis de Saint-Gilles rondes et carrées, dont on fait usage pour soutenir un escalier tournant autour d’un noyau plein ou évidé, et qui ne sont qu’un composé de voûtes d’arête et d’arcs de cloître.

Rondelet, dans son Traité sur l’art de bâtir, admet que le point de départ de la construction des voûtes a été l’emploi des pierres plates pour recouvrir les espaces vides. Ce genre de couverture, auquel on ne peut donner le nom de voûtes puisqu’il ne se composait que d’une seule pièce, a d’abord été formé d’une pierre plate posée horizontalement sur deux appuis extrêmes, puis de trois ou plusieurs pierres assises en saillie les unes sur les autres, de manière à couvrir l’espace vide et à obtenir une surélévation du plafond. À ces constructions, qui ont l’avantage de se soutenir sans poussée, mais qui sont rarement possibles, a succédé l’emploi des pierres plates posées obliquement sur les appuis et se contre-butant au sommet, ou disposées en forme de polygone. De cette der-nière forme à celles qui sont adoptées aujourd’hui, il n’y avait qu’un pas à franchir, mais il ne le fut pas aussi rapidement qu’on pourrait le penser. Le mode de construction employé jusqu’alors ne permettait pas aux constructeurs anciens de se rendre un compte immédiat des effets que produirait l’emploi d’une courbe, principalement comme résistance ; en effet, dans le cas des couvertures horizontales, les pierres sont soutenues sur leurs lits dans toute leur étendue, tandis que, dans une voûte dont le cintre est un demi-cercle, par exemple, il ne paraît y avoir que les deux premières qui posent, toutes les autres ne se soutenant que par leurs joints, en vertu de leur forme en coin. Ces joints, qui sont plus ou moins obliques, doivent former, avec la surface courbe de la voûte, des angles égaux et droits, afin de procurer à chaque pierre une résistance égale et, de plus, une espèce de renvoi régulier des efforts d’une pierre à l’autre, depuis celle qui forme la clef jusqu’à celles qui portent sur les pieds-droits.

On admet, en général, que la première forme d’intrados fut la ligne circulaire, comme étant la plus facile à imiter. Après elle, et avec les progrès de la science, sont venues : les lignes paraboliques, elliptiques, hyperboliques, ainsi que la chaînette, la cissoïde et la cassinoïde.

L’appareil des voûtes, en général, varie avec la position qu’elles occupent dans l’espace et leur but. Le tracé et la coupe de chacune des pierres qui entrent dans leur construction sont du ressort de cette partie de la géométrie descriptive à laquelle on a donné le nom de stéréotomie. Nous n’entrerons pas dans le détail de ces tracés, qui varient avec la direction des efforts ; nous nous contenterons de donner ici les croquis représentatifs des diverses formes de voûtes, avec le mode de génération propre à chacune d’elles.

Les voûtes en plate-bande sont de deux sortes : elles sont appareillées ou non appareillées. Ces dernières, employées par les anciens pour former les architraves des entre-colonnements pycnostyle, systyle et diastyle, étaient formées de pierres de grande dimension s’appuyant par leurs extrémités sur les colonnes et se touchant dans l’axe de celles-ci. La figure 1 fait voir la disposition adoptée pour ce genre de voûtes.

Fig. 1.

Les plates-bandes appareillées, représentées par la figure 2, et dont on fait un très-grand usage aujourd’hui pour couvrir les baies des fenêtres et des portes, semblent avoir été appliquées pour la première fois dans l’émissarium du lac Albano. Elles sont formées de voussoirs taillés en coin, de manière à empêcher le glissement d’une ou plusieurs d’entre elles. Ces voûtes plates, comme on le voit, sont établies sur des principes complètement opposés à ceux qu’on admet dans la construction des voûtes à surface courbe, pour lesquelles les joints des pierres qui se touchent doivent faire des angles droits et égaux avec les surfaces apparentes qu’elles

Fig. 2.


forment. Il faudrait, d’après ce principe, que les joints d’une voûte plate fussent verticaux ; mais, comme il ne peut exister de cohésion suffisante entre des pierres jointes ensemble par des plans verticaux, on n’a pu obtenir cet effet qu’en déterminant sur les pieds-droits, au moyen de plans inclinés, des efforts latéraux, d’où résulte une pression inclinée a l’horizon. Lorsque ces voûtes sont construites entre deux murs parallèles, la régularité de l’appareil exige que les voussoirs soient disposés selon la direction des faces de ces murs. Dans les voûtes plates établies sur un plan carré ou sur un plan circulaire, les rangs des claveaux forment des carrés ou des cercles concentriques, suivant le cas, et les clefs sont carrées ou rondes. Quant à celles que soutiennent des piliers isolés, leurs claveaux sont parallèles aux faces intérieures et se rencontrent à angle droit sur les diagonales. Ce genre de voûtes, qui peut varier beaucoup par la forme de son plan, ne convient pas pour traverser les espaces d’une grande étendue. D’après Rondelet, on ne peut les employer qu’en donnant aux murs une épaisseur égale au quart ou au moins au cinquième de la portée. On les utilise encore quelquefois pour former des plafonds de peu d’étendue.

Les voûtes en plein cintre sont engendrées par une droite qui se meut en restant horizontale et en s’appuyant sur une demi-circonférence dont le diamètre est égal à la distance des pieds-droits. Les voûtes en arc de cercle sont engendrées par une droite qui se meut en restant horizontale, en s’appuyant sur un arc de cercle rencontrant les pieds-droits suivant un angle dont la valeur est moindre que 90°. Dans ces voûtes, comme dans toutes

Fig. 3.


les autres en général, les joints sont perpendiculaires aux tangentes menées à l’intrados, aux points de rencontre de ces ligues avec la courbe. L’appareil de ces berceaux est excessivement simple et le plus facile à projeter ; toutefois, lorsque les axes transversal et longitudinal se coupent suivant un angle moindre que 90°, c’est-à-dire lorsque les voûtes sont de celles dites biaises, il existe certaines difficultés causées par la recherche des trajectoires donnant la direction des lignes de joints, de façon que chacune d’elles soit perpendiculaire aux têtes.

Les voûtes en anse de panier sont engendrées par une droite qui se meut en restant horizontale et en s’appuyant sur une courbe à plusieurs centres, dont les extrémités sont, comme dans le cas du plein cintre, tangentes

Fig. 4.


aux pieds-droits. Ces voûtes, qui ne présentent de difficultés que dans leur tracé, s’appareillent comme les précédentes. On décrit ordinairement l’intrados par rayons de courbure successifs, et la courbe est spécifiée par le nombre, des centres : on en trace à trois centres, à cinq centres, à sept et jusqu’à vingt et un centres. La figure 4 représente une voûte en anse de panier à trois centres. Pour simplifier et même éviter les calculs assez compliqués que nécessite le tracé de l’intrados de ces voûtes, MM. Michal et Lerouge, ingénieurs des ponts et chaussées, ont dressé des tables qui renferment, pour diverses montées, les valeurs des rayons nécessaires pour effectuer le tracé.

Les voûtes en ellipse sont engendrées par une droite qui se meut en restant horizontale, et en s’appuyant sur une demi-ellipse dont l’axe, grand ou petit, suivant le cas, est égal à la distance des pieds-droits. L’appareillage s’exécute toujours en dirigeant les joints perpendiculairement à la courbe de l’intrados. Pour tracer cette dernière, on emploie les


méthodes connues et enseignées par la gêné-

Fig. 6.


ration même de l’ellipse, ou bien ou fait usage


d’un compas spécial établi sur la différence des demi-axes. Depuis quelques années, ces voûtes sont utilisées pour remplacer les voûtes en anse de panier, qui, malgré tout le soin apporté à leur construction, laissent toujours voir les points de raccord.

Lorsque les pieds-droits qui doivent soutenir la voûte ne sont pas d’aplomb, ou lorsqu’il n’y a pas d’inconvénient à ce que la voûte fasse un angle avec les pieds-droits, on peut y employer, outre le cercle et l’ellipse, une infinité d’autres courbes, telles que la parabole, l’hyperbole, la chaînette ; les figures 6 et 7 représentent, la première une voûte parabolique et la seconde une voûte en chaînette. On peut remarquer en passant que, dans les voûtes circulaires et elliptiques, la clef a une épaisseur moindre que celle des naissances ; que, dans les voûtes en chaînette, l’épaisseur est constante du sommet aux naissances, et que, dans les voûtes paraboliques, l’épaisseur à la clef est plus forte qu’aux naissances.

Fig. 6 et 7.

Les voûtes en ogive ou gothiques sont engendrées par une droite qui se meut sur

Fig. 8.


deux arcs de cercle qui rencontrent les pieds-droits tangentiellement ou suivant un certain angle, et qui se réunissent sur la verticale passant au milieu de l’intervalle des pieds-droits. Ces voûtes peuvent être surbaissées ou surhaussées, suivant qu’elles sont tracées avec des rayons plus petits ou plus grands que la distance qui sépare les pied-droits. Celles qui sont décrites avec cette dernière prennent le nom d’ogives tiers-point, parce que les lignes qui joignent, les naissances entre elles et à la clef forment un triangle équilatéral, d’où il suit que, dans ce genre de voûtes, le plus généralement employé, la corde des arcs est égale au rayon, et, par suite, que la montée est environ les 0,866 du rayon.

Les voûtes sphériques ont leur surface intérieure engendrée par un quart de circonférence qui tourne autour de son rayon vertical pris comme axe. On donne le nom de dôme à la partie extérieure de ces voûtes, et celui de coupole à la partie intérieure. L’appareil qui convient le mieux aux voûtes sphériques, tant pour la solidité que pour la facilité de l’exécution, consiste à établir des rangs horizontaux formant des couronnes concentriques. On a aussi employé la méthode des rangs ver-

Fig. 9


ticaux ; mais les difficultés qu’occasionné ce genre d’appareil l’ont fait abandonner ; toutefois, on l’utilise encore pour les niches ou pour les trompes dans l’angle qui rachètent


une tour, en en restreignant l’emploi aux constructions d’une très-faible étendue.

Les niches sont des demi-voûtes sphériques ; elles peuvent s’appareiller de trois manières


différentes : ou par rangs horizontaux formant des demi-couronnes, ou par rangs verticaux, ou en forme de trompe. Celle que

Fig. 10.


représente la figure 10 est appareillée en trompe.

La figure 11 fait voir la forme et la direction des joints d’une trompe en niche sur le

Fig. 11.


coin, qui n’est autre chose qu’une portion de voûte sphérique.

Les voûtes sphéroïdes ou en cul-de-four sont formées par une ellipse ou une imitation

Fig. 12.


d’ellipse ; la disposition d’appareil qui leur convient le mieux, tant pour la solidité que pour la précision et la facilité de l’exécution, est aussi la disposition par rangs horizontaux en forme de couronne. La figure 12 représente une voûte sphéroïde sur plan circulaire.

Les pendentifs, qui, comme on l’a vu plus haut, servent à établir un plan circulaire ou elliptique sur un plan carré ou polygonal quelconque, sont des triangles sphériques, qui paraissent ne porter que sur une pointe. Pour corriger ce mauvais effet et agrandir en même temps le diamètre de la voûte sphérique qu’ils continuent, on a adopté, dans certains cas, une disposition en pan coupé en ligne droite, qui transforme la face des pendentifs en une surface irrégulière, à laquelle on a donné le nom de sphérico-cylindrique, et qui est terminée par trois ares de cercle et une ligne droite, à sa base. Les voûtes en pendentifs s’appareillent par rangs de voussoirs horizontaux, ou par voussoirs disposés en forme de panache ; ce mode d’appareil leur a fait donner le nom de panaches. La surface de ces derniers est supposée formée par des arcs de cercle, qui, au lieu d’être compris dans des plans qui tendent à l’axe du dôme, le sont dans des plans qui se réunissent dans l’intérieur de chaque pilier.

Dans les voûtes composées, formées de la réunion de plusieurs parties de voûtes simples, les rangs des voussoirs sont disposés comme ils le seraient dans les voûtes dont ils proviennent. Ainsi, dans les voûtes d’arête et celle d’arcs de cloître, composées de parties de voûtes cylindriques dont les axes se croisent au centre, les rangs des voussoirs sont parallèles à ces axes. Les voûtes d’arête, telles

Fig. 13.


que celle que représente la figure 13, sont composées de parties triangulaires qui ont des angles pour appui ; de plus, les rangs de voussoirs forment dans ces voûtes des angles saillants, qui sont d’autant plus aigus que le nombre des côtés du polygone sur lequel elles sont projetées est plus grand ; il en résulte que les voûtes d’arête sur un plan polygonal ont d’autant moins de solidité que le nombre des côtés est plus grand.


Les voûtes d’arête établies avec des ogives prennent le nom de voûtes d’arête gothiques ; elles sont à une seule, à double ou à triple arête ; les figures 13, 14 et 15 font voir la forme qu’adopte chacune d’elles. Ces sortes de voûtes ne sont composées que d’une combinaison d’arcs droits ou segments de cercle, qui se réunissent pour former différents compartiments ; l’endroit où tous ces arcs se rencontrent est la clef de la voûte, que l’on taille en pyramide tronquée et renversée. Dans les voûtes à double arête (figure 14), au lieu d’un seul plan coupant les parties de berceau en lunettes, on suppose deux sections au droit de chaque pénétration, formant ensemble un angle plus ou moins ouvert, et l’intervalle qu’elles laissent entre elles est rempli par une troisième partie de berceau qui se raccorde avec les deux autres. Les voûtes gothiques à triple arête (figure 15) ne sont qu’une combinaison d’arcs droits qui se réunissent à une clef centrale ou à plusieurs autres clefs particulières, en raison des compartiments que ces arcs forment entre eux. Ces voûtes sont encore dîtes à nervures, lorsque les arêtes sont appareillées en matériaux de grosse dimension, et que le remplissage est effectué avec des pierres de petit échantillon. Ces nervures, qui font saillie sur l’ensemble de la voûte, ont reçu différents noms, suivant leur place, leur but et les efforts qu’elles supportent ou qu’elles transmettent.

Les voûtes en éventail, dont l’origine peut


être assignée au commencement du xve siècle, furent substituées aux voûtes primitives, pour obvier aux difficultés de construction qui résultaient pour ces dernières de l’em-


ploi immodéré des nervures. Ces voûtes, engendrées par la révolution d’arcs de cercle autour de leur naissance, présentent une facilité d’exécution qu’on ne peut atteindre

Fig. 14. Fig. 15.


avec les précédentes, les nervures étant différentes les unes des autres. Dans beaucoup de ces voûtes, le plan de chaque travée est un carré ; alors chaque partie en éventail occupe en plan un quart de cercle, et l’espace au sommet de la voûte est couvert d’une décoration formée de plusieurs cercles. Dans les grands espaces, la travée carrée augmentant outre mesure l’étendue des parties en éventail, on a adopté le parallélogramme. La construction de ces voûtes est très-variée ; on en trouve des exemples fréquents en Angleterre, où elles ont, pour ainsi dire, pris naissance.

Les voûtes en arc de cloître sont composées de parties triangulaires ; chacune d’elles a pour base le mur auquel elle correspond. On peut observer que chaque partie de voûte en arc de cloître se trouve formée par celles qu’on a retranchées des deux berceaux qui se croisent pour engendrer la voûte d’arête cor-

Fig. 16.


respondante, c’est-à-dire faite sur un plan de même figure et de même grandeur. Ces sortes de voûtes présentent une grande solidité et, en raison de leur forme, ont beaucoup moins de poussée que celles d’arête. Les rangs de vcussoirs qui se recoupent forment des angles rentrants, qui deviennent d’autant plus ouverts que le polygone a plus de côtés ;

Cette condition, inhérente à la construction

Fig. 17.


de ces voûtes, les rend beaucoup plus solides ;

Fig. 18.


d’où il suit qu’à diamètre et à cintre égaux, les voûtes sphériques, que l’on peut consi-


dérer comme des voûtes d’arc de cloître d’une infinité de côtés, sont les plus solides et celles qui poussent le moins. Les voûtes de ce genre établies sur des plans irréguliers ont une forme désagréable et présentent peu de solidité ; c’est pourquoi on les évite autant qu’il est possible. La figure 16 montre la disposition des voussoirs et des lignes de joints pour une voûte en arc de cloître sur un plan carré.

Les voûtes coniques, dont la définition a été donnée plus haut, peuvent être représentées ici par les trompes droites dans l’angle rachetant un angle saillant et dans un angle rentrant. Comme le montre l’appareil des figures 17, 18 et 19, tous les joints de l’arc de

Fig. 19.


face tendent à l’angle qui forme le sommet du cône, et les voussoirs vont en diminuant de largeur jusqu’à la pierre centrale, appelée trompillon.

Construction des voûtes. Les matériaux employés le plus communément pour construire les voûtes en maçonnerie sont : les pierres de taille, les moellons de toute espèce, les briques et le béton. Les formes et les dispositions que l’on donne à ces matériaux sont soumises à des règles générales, que nous allons énumérer rapidement. L’analyse suivante de Monge, des voûtes en pierre de taille, résume ces règles d’une manière à la fois simple et pratique : « Les voûtes en pierre de taille sont composées de pièces distinctes, auxquelles on donne le nom générique de voussoirs. Chaque voussoir a plusieurs faces, qui exigent la plus grande attention dans l’exécution : 1° la face qui doit faire parement, et qui, devant être une partie de la surface visible de la voûte, doit être exécutée avec la plus grande précision ; 2° les faces par lesquelles les voussoirs consécutifs s’appliquent les uns contre les autres, et qu’on nomme généralement joints. Ceux-ci exigent aussi la plus grande exactitude dans leur exécution, car, la pression se transmettant d’un voussoir à l’autre, perpendiculairement à la surface des joints, il est nécessaire que les deux pierres se touchent par le plus grand nombre possible de points, afin que, pour chaque point de contact, la pression soit la moindre, et que, pour tous, elle approche le plus de l’égalité. Il faut donc que dans chaque voussoir les joints approchent le plus de la véritable surface dont ils doivent faire partie, et, pour que cet objet soit plus facile à remplir, il faut que la surface des joints soit de la nature la plus simple et de l’exécution la plus susceptible de précision. C’est pour cela que l’on fait ordinairement les joints plans. Mais les surfaces de toutes les voûtes ne comportent pas cette disposition ; dans quelques-unes, on blesserait trop les convenances si l’on ne taillait pas les joints suivant une surface courbe. On choisit, autant qu’il est possible, pour celle-ci, celles d’entre les surfaces courbes qu’il est le plus facile d’exécuter, soit celles qui sont engendrées par le mouvement d’une ligne droite et qui sont développables .... Une des principales conditions auxquelles la forme des joints des voussoirs doit satisfaire, c’est d’être partout perpendiculaires à la surface de la voûte que ces voussoirs composent ; car si les deux angles qu’un même joint fait avec la surface de la voûte étaient sensiblement inégaux, celui de ces angles qui excéderait l’angle droit serait capable d’une plus grande résistance que l’autre, et, dans l’action que deux voussoirs consécutifs exercent l’un sur l’autre, l’angle plus petit que l’angle droit serait exposé à éclater, ce qui, au moins, déformerait la voûte et pourrait même altérer sa solidité et diminuer la durée de l’édifice. Lors donc que la surface d’un joint doit être courbe, il convient de l’engendrer par une droite qui soit partout perpendiculaire à la surface de la voûte, et si l’on veut de plus que la surface soit développable, il faut que toutes les normales à la surface de la \oute, et qui composent, pour ainsi dire, le joint, soient consécutivement deux à deux dans un même plan. Cette condition ne pouvant être remplie, à moins que toutes les normales ne passent par une même ligne de courbure de la surface de la voûte, il faut, si les surfaces fies joints des voussoirs doivent être développables, que ces surfaces rencontrent celle de la voûte dans ses lignes de courbure. D’ailleurs, avec quelque précision que les voussoirs d’une, voûte soient exécutés, leur division est toujours apparente sur la surface ; elle y trace des lignes très-sensibles, et ces lignes doivent être soumises à des lois générales et satisfaire à des convenances particulières, selon la nature de la surface de la voûte. Parmi ces lois générales, les unes sont relatives à la stabilité, les autres à la durée de l’édifice ; de ce nombre est la règle qui prescrit que les joints d’un même voussoir soient rectangulaires entre, eux, par la même raison qu’ils doivent être eux-mêmes perpendiculaires à la surface de la voûte. Aussi les lignes de division des voussoirs doivent être telles, que celles qui divisent la voûte en assises soient toutes perpendiculaires à celles qui divisent une même assise en voussoirs. Quant aux convenances, il y en a de plusieurs sortes ; mais il en est une principale : c’est que les lignes de division des voussoirs, qui, comme on vient de le voir, sont de deux espèces, et qui doivent se rencontrer toutes perpendiculairement, doivent aussi porter le caractère de la surface à laquelle elles appartiennent. Or, il n’existe pas de lignes sur la surface courbe qui puissent remplir en même temps toutes ces conditions, que les deux suites de lignes de courbure, et elles les remplissent complètement. Ainsi, la division d’une voûte en voussoirs doit donc toujours être faite par des lignes de courbure de la surface de la voûte, et les joints doivent être des portions de surfaces développables formées par la suite des normales, à la surface, et qui, considérées consécutivement, sont deux à deux dans un même plan, en sorte que, pour chaque voussoir, les surfaces des quatre joints et celle de la voûte soient toutes rectangulaires. » A cette analyse de Monge, il faut ajouter les considérations suivantes : une condition qui doit être généralement observée dans la construction des vailles, c’est que les voussoirs soient en nombre impair et placés symétriquement de chaque côté de celui qui doit se trouver au milieu de la voûte, pour la fermer, et que, pour cette raison, on nomme clef. Les dimensions des voussoirs dépendent des pierres que l’on a à sa disposition. Cependant, il ne faut pas que leur longueur soit trop grande par rapport à leur épaisseur, parce qu’ils se rompraient ; il faudrait, dans ce cas, les composer de plusieurs morceaux.

La construction des voûtes comprend quatre phases distinctes : 1° l’établissement et le levage des cintres, pour l’explication desquels nous renvoyons au mot CINTRE ; 2° l’exécution de la maçonnerie sur cintres ; 3° le décintrement (v. ce mot) ; 4° les travaux complémentaires qui ne peuvent être faiis qu’après le décintrement.

Exécution des voûtes. 1° En pierre de taille. Après avoir taillé et disposé les voussoirs d’après les règles précédentes, on procède à leur pose ; Pour faire cette opération, on commence d’abord par établir la division des voussoirs, à chacune des extrémités du cintre, en marquant les points de division sur les couchis, soit par des encoches, soit en implantant des pointes ; puis, lors de la pose de chaque rang de voussoirs, on trace au moyen de règles, sur les couchis, la ligne d’arasé du lit supérieur de ce rang, en tendant un cordeau entre les points marqués. Afin de diriger tous les plans de joints normalement à l’intrados, on se sert de fausses équerres, dont l’un des côtés est une certaine longueur de l’arc d’intrados, et l’autre côté une normale à cet arc. Pour la pose des voussoirs, on interpose dans chacun des joints un lit de mortier d’une épaisseur uniforme de 0m,015 pour les voûtes de grande dimension, et d’au moins 0m,008 pour les petites ; puis on les affermit, au fur et à mesure de leur pose, au moyen d’un maillet en bois, afin de ne pas faire d’écornures, et l’on veille à ce que les vides qui peuvent exister entre les lits et les joints, par suite de défauts dans les pierres, soient remplis avec des éclats enfoncés à bain de mortier. Les deux côtés de la voûte se montent en même temps, d’abord pour que leurs poussées se fassent équilibre sur le cintre et ne le détruisent pas, et ensuite pour que, les mortiers prenant la même consistance des deux côtés, le tassement qui a lieu après le décintrement soit égal. On ne commence une nouvelle assise de voussoirs que quand la précédente est terminée ; cependant, depuis quelques années, on suit une autre méthode, qui a l’avantage de diminuer la charge sur le cintre et de ne la placer que progressivement. A cet effet, on commence par poser sur cales tous les voussoirs de tête, puis on fiche les joints au ciment de Vassy. Ces deux têtes

terminées, on procède à la pose des voussoirs intermédiares, pour lesquels on emploie le même mode de fixation, c’est-à-dire qu’on les pose sur cales et qu’on les fiche au ciment au fur et à mesure, mais de manière à avoir toujours au moins deux assises non fichées, afin de ne pas déranger les voussoirs posés. Ce mode a été appliqué pour la première fois à la reconstruction du pont Notre-Dame, à Paris. La partie la plus délicate de l’exécution d’une voûte est sa fermeture, qui doit être faite de manière à limiter, autant que possible, l’abaissement au sommet lors du décintrement. Cette opération se fait de plusieurs manières différentes ; la méthode suivante est celle que l’on préfère aujourd’hui. Elle consiste à poser à sec sur les cintres les contre-clefs et la clef, en les espaçant de manière à réserver l’épaisseur des joints, à remplir ensuite ces derniers en y coulant du mortier de ciment. Ce dernier étant coulé, on ébranle un peu chaque pierre afin de bien le faire pénétrer sur tous les points, ou on l’enfonce en le fichant avec une truelle. La plupart des voûtes fermées de cette manière ont éprouvé des affaissements peu sensibles lors du déentrement.

2° En petits matériaux. Pour les voûtes en moellon, brique, etc., le mode d’exécution est à peu de chose près le même que pour les voûtes en pierre de taille. Les joints ne doivent pas se correspondre dans deux assises voisines, et quand la voûte est en moellon ou meulière piqués, ou en brique, on trace les joints longitudinaux, sur les couchis. Les moellons ou meulières doivent être un peu plus épais à la queue que vers le parement de douelle ; s’il en est autrement, il faut remplir tous les vides résultant des moellons maigres de queue, au moyen d’éclats de pierre dure, qu’on enfonce à bain de mortier. Dans ces dernières années, M. de Lagallisserie, ingénieur des ponts et chaussées, fit l’application du ciment de Vassy. Le pont aux Doubles et le Petit-Pont, à Paris, sont établis avec ce ciment et ont démontré les avantages que l’on peut tirer de son emploi dans ce genre de travaux. La prise du mortier étant presque instantanée, la voûte ne forme alors qu’un seul voussoir après son achèvement, et n’éprouve aucun tassement sensible au décintrement. La pression à la clef se reporte d’une manière plus uniforme sur la totalité de l’épaisseur, et la force de cohésion du mortier dans chaque joint, tendant à diminuer notablement cette pression, permet de réduire sans danger la flèche et l’épaisseur à la clef. Les mortiers à prise prompte, tels que le plâtre, les ciments, etc., et les matériaux, bien gisants permettent d’établir certaines voûtes sans faire usage de cintres. A cet effet, on les construit par zones obliques, que l’on ferme au fur et à mesure, afin que l’équilibre de la voûte ait lieu successivement.

Théorie des voûtes. Les conditions de l’équilibre mathématique des voûtes ont occupé un grand nombre de géomètres et de savants ; Parent et de La Hire, de l’Académie des sciences, passent pour être les premiers mathématiciens qui aient cherché à les déterminer ; ils ont d’abord considéré les voûtes comme un assemblage de voussoirs ou pierres taillées en forme de coin, susceptibles de glisser sans obstacle les unes sur les autres comme des corps dont les surfaces seraient infiniment polies. La Hire, dans son Traité de mécanique, imprimé en 1695, a admis, pour évaluer les actions qu’une voûte excerce contre ses culées, l’existence d’un groupe de forces qui, eu égard aux dimensions de la voûte, paraissait conforme à la réalité. Il admet que toute voûte a la faculté de se rompre, de telle sorte qu’il y a un joint de rupture placé à égale distance de la clef et de la naissance. Il considère les parties supérieure et intérieure de la voûte, y compris la culée, comme deux solides invariables et sans joints, et il calcule la pression au joint de rupture en le regardant comme absolument poli et en attrribuant à la partie supérieure la fonction d’un coin qui exerce une pression normale contre le joint de rupture. Dans les Mémoires de l’Académie des sciences de 1729, Couplet adopte d’abord l’hypothèse des voussoirs polis ; puis, en 1730, il considère les matières dont on compose les voûtes comme des corps tellement grenus qu’ils ne peuvent pas glisser. En 1732, Danisy, de l’Académie de Montpellier, fit des expériences publiques pour déterminer l’épaisseur qu’il est indispensable, de donner aux pieds-droits pour les mettre à même de résister à la poussée des voûtes. Le Père Dorand et M. Gautier, architecte et ingénieur des ponts et chaussées, ont aussi établi des règles qui ne paraissent malheureusement reposer sur aucun principe. M. Frezier, dans son Traité théorique et pratique de la coupe des pierres, a rappelé les théories de La Hire, Couplet, Bernouilli et Danisy ; il est le premier qui ait tenté de les appliquer aux voûtes sphériques, sphéroïdes, annulaires et composées. Plus tard, Eytelwein perfectionna la théorie de La Hire sous le nom de théorie du coin ; il la fit suivre d’une discussion où il considère le frottement entre les voussoirs et cherche les conditions d’équilibre de glissement, en supposant que les pierres de la voûte ne puissent être en équilibra sans l’intervention d’un frottement.

Coulomb présenta, en 1773 , à l’Académie des sciences, un mémoire sur l’équilibre des voûtes ; il porta son attention, non-seulement sur l’équilibre de glissement, que La Hire prenait pour base unique de sa construction, mais aussi sur les conditions réelles de l’équilibre de rotation. Cette théorie, qui est encore adoptée aujourd’hui, a été successivement développée et perfectionnée par MM. Audry, Navier, Persy, Petit et Poncelet. En 1774 et 1776, Bossut fit imprimer deux mémoires sur la théorie des voûtes en berceau et sur celles en dôme. En Italie, MM. Lorgna et Mascheroni, de Bergame, publièrent, chacun de son côté, vers 1785, des ouvrages où il est question des coupoles à bases circulaire, elliplique et polygonale. Les auteurs allemands Gerstner, Knochenhauer et Schubert fondent la théorie des voûtes sur la considération d’une chaînette ou de courbes analogues ; après avoir imaginé que les points d’application des pressions résultantes sur les différents joints soient réunis par une ligne qui, pour des voussoirs de dimension finie, est polygonale, et pour des voussoirs infiniment minces, est une couche continue, ils cherchent sous quelles conditions cette ligne sera en état de supporter les charges afférentes à la voûte, par la résistance longitudinale de ses éléments et les réactions latérales aux sommets d’angle. Pour exposer les conditions d’équilibre des voûtes, divers, auteurs font usage d’une théorie nouvelle, fondée sur la considération des courbes des pressions ; suivant M. Poncelet et divers auteurs, Moseley serait le premier qui ait pris pour base la courbe des pressions et qui ait cherché à lever l’indétermination où demeurait la vraie courbe des pressions parmi toutes celles qui sont possibles dans une voûte stable ; il y est arrivé en introduisant dans la science le principe de la moindre résistance, développé et perfectionné par M. le docteur Hermann Scahffler, dans son Traité de la stabilité des constructions, traduit et annoté, en par M. Victor Fournie, ingénieur des ponts et chaussées. D’autres auteurs ou écrivains, tels que M. Victorin Chevallier, ingénieur en chef des ponts et chaussées, réclament en faveur de M. Méry, ingénieur français, la priorité sur M. Moseley, pour avoir, dès 1829, rédigé un mémoire sur la stabilité des voûtes se fondant sur la théorie des courbes des pressions, tandis que M. Moseley n’aurait fait paraître ses études qu’en 1833, 1837 et 1843. Cette méthode de la courbe des pressions, telle que Méry et Moseley l’ont développée, laisse subsister l’indétermination qu’on rencontre dans une voûte stable ; en effet, ces auteurs ne cherchent que les courbes correspondantes au minimum et au maximum de la poussée, et ils avancent que, dans chaque demi-voûte, la première courbe doit nécessairement toucher l’intrados près des naissances, et l’extrados dans le voisinage du sommet, et que la seconde doit toucher l’intrados près du sommet et l’extrados près des naissances. M. Hagen, en 1844, fonde également la théorie des voûtes sur la considération de la courbe des pressions ; il fixe, une fois pour toutes, le point d’application de la poussée à la clef, au milieu de celle-ci, et le point inférieur de la courbe des pressions au milieu du joint des naissances, et il exige, en outre, que cette courbe passe par les milieux de tous les joints. M. Weisbach base simultanément la théorie des voûtes sur la chaînette et la courbe des pressions. M. Barlow (1847) adopte la théorie de Moseley, en considérant la courbe enveloppe de la courbe des pressions. M. Cavallo, ingénieur des ponts et chaussées, en fit paraître un mémoire sur la recherche de la position de la courbe des pression, en admettant que la voûte est surmontée de tympans en maçonnerie, identiques à la matière des voussoirs, et en supposant les joints des voussoirs verticaux ; dans cette théorie purement analytique, cet ingénieur rend la courbe des pressions complètement indépendante de l’extrados. En 1854, M. Yvon-Villarceau a publié, dans le Recueil des savants étrangers, un mémoire sur la théorie des voûtes, dans lequel il admet que les matériaux superposés à la voûte peuvent, par certains artifices de construction, presser comme un liquide de densité égale à la leur, c’est-à-dire exercer sur chaque voussoir des actions normales à l’extrados, avec une intensité proportionnelle à la hauteur de l’horizontale qui limite le remplissage de la voûte au-dessus de ce voussoir. Il est amené à admettre en principe que la résultante des efforts appliqués sur chaque voussoir passe par le centre de gravité du voussoir en étant en chaque point tangente à la courbe des centres de gravité, et, par conséquent, normale aux divers joints tracés suivant le rayon de courbure de cette courbe. A l’aide de cette théorie, on obtient une forme da voûte dont la stabilité n’exige ni l’intervention des frottements ni la cohésion du mortier, et qui exerce en chaque point des matériaux une égale pression. Il existe encore beaucoup d’autres théories et un grand nombre d’expériences faites dans le but de chercher la solution du problème indéterminé de l’équilibre des voûtes jusqu’à ce jour, rien de bien positif n’a simplifié la détermination des dimensions à donner au corps des voûtes ainsi qu’à leurs culées ; on en est encore, malgré tous les savants mémoires, à l’époque


des tâtonnements et des hypothèses ; toutefois, la théorie de Coulomb et la recherche de la courbe des pressions mettent à même de construire des voûtes en équilibre et de se rendre compte, imparfaitement, mais suffisamment pour la pratique, de la manière dont les pressions se transmettent de voussoir en voussoir.

La figure et les dimensions générales d’une voûte sont déterminées par la destination de l’édifice dont cette voûte fait partie. Ainsi, on regarde ordinairement comme données l’ouverture de la voûte, la courbe d’intrados, la hauteur des pieds-droits, la distribution des poids que la voûte doit supporter. On se donne aussi d’avance, d’après l’exemple des constructions analogues à celle que l’on projette, et regardées comme les plus parfaites, l’épaisseur de la voûte au sommet. Celte épaisseur est conservée la même dans toute l’étendue de la voùte, ou bien on l’augmente progressivement du sommet aux naissances.

Lorsque les dimensions d’une voûte et de ses culées sont réduites au point de ne pouvoir se soutenir, on remarque, au moment où l’équilibre va se rompre, qu’en général la voûte s’ouvre, comme l’indique la figure ci-dessous, à l’intrados à la clef, à l’extrados en des points dans les reins de la voûte, et que les pieds-droits tournent autour de l’arête extérieure de leur base. Quelquefois, à la rupture, on remarque que la voûte se fend à la clef et dans les reins, mais sans s’ouvrir, et que les pieds-droits glissent sur leur base. Il existe encore un troisième cas possible : c’est celui où le voussoir inférieur exerce, pour tomber en avant, un effort plus grand que celui que produit le voussoir supérieur pour le faire tourner en sens contraire. Alors la voûte s’ouvre, comme dans le premier cas, mais à l’extrados à la clef, à l’intrados aux reins, et les pieds-droits tournent autour de l’arête intérieure de leur base.

Fig. 20.

Premier cas. On peut considérer une voûte comme composée de quatre voussoirs séparés par les joints où la rupture est possible, se maintenant mutuellement en équilibre. Au moment où l’équilibre se rompt, on peut supposer théoriquement que les voussoirs ne posent plus entre eux et sur le sol que par des arêtes a, 6, b’, c et e’(voir figure ci-dessus) ; alors ao, bc, ab’, b’c’sont entre eux dans même état d’équilibre que les droites rigides c, ab’, b’c’, dont l’es poids sont ceux des voussoirs, et dont les centres de gravité sont placés aux points G’, g’, etc., situés sur les verticales passant par les centres de gravité G, ff, etc., des voussoirs. Pour abréger les calculs relatifs à la poussée des voûtes, on ne considère qu’une tranche de voûte de 1 mètre de longueur, et s’il y à équilibre sur mètre, il est évident que l’équilibre subsiste dans toute l’étendue de la voûte. - Soient : ad = x ; de = x2 ; ef = y ; fc = y’ ; bh = z ; ci = z ; P le poids du voussoir ab et Q celui du voussoir bc. Le poids P appliqué en G’ ou même en A se décompose en deux forces verticales, l’une P⁡〖z/x〗, appliquée en a, et l’autre P⁡〖(x-z)/x〗, appliquée en b. Le poids Q, agissant en g’ ou même en i, se décompose également en deux forces verticales, l’une Q⁡〖z'/x'〗, appliquée en 6, et l’autre Q⁡〖(x'-z')/x'〗, appliquée en c. Les voussoirs de droite fournissent les mêmes composantes. Ainsi, au point a agit une force verticale 2 P⁡〖z/x'〗, qui se décompose en deux forces égales dirigées l’une suivant ab et l’autre suivant ab’. Représentant par C l’une de ces composantes, on a

Cette force, agissant suivant ab, peut être supposée appliquée au point b, où elle se décompose en deux autres : l’une verticale, égale à P⁡〖x/x〗, et l’autre horizontale et égale à P⁡〖x/y〗. Considérant alors le voussoir bc, on voit qu’il est sollicité par la force horizontale P⁡〖x/y〗, appliquée au point b, et par les forces verticales Q, P⁡〖(x-z)/x〗 et P⁡〖z/x〗 appliquées, la première au point g et les dernières au point g ; par conséquent, pour que ce voussoir ait de la stabilité, on doit avoir, tout calcul et toute simplification faits,

(1) Qs+Pa ;’-P^>0. U

Ajoutant Pz PS au premier membre de cette inégalité, on a

Qs’+P («‘+*)-(P*+P^’)>0.

Qz’ est le moment du voussoit1 bc pris par rapport au point c ; P (x’-^-z) est le moment du voussoir ab, pris par rapport au même point ; par conséquent, la somme des deux expressions est égale au moment total MA de la demi-voûte, pris par rapport au point c ; on a M = Q+ P, ou le poids de la demivoûte, et A la distance horizontale du centre de gravité de la àemi-voûte au point c. Le dernier terme du.premier membre de l’inégalité précédente devient, en réduisant au même dénominateur,

P,»±»LPH* ‘y y

H = y + yr, hauteur totale de la voûte. L’inégalité (l) devient donc en définitive

H(T->IK

Il y aura rupture quand le terme négatif sera plus grand que l’autre ; équilibre quand il lui sera égal, et on obtiendra une stabilité d’autant plus grande qu’il deviendra plus petit relativement à ce terme positif. -= H étant constant et P seul variable , il est y évident que, si une vaille doit se rompre, ce sera au point pour lequel ce dernier terme est maximum ; la première ch’ose à faire pour s’assurer qu’une voûte projetée résistera, est donc de déterminer la position du joint qui donne P maximum.

Deuxième cas. Ce cas de rupture a lieu lorsque, par l’effet de la force horizontale maximum P du voussoir agissant, la culée ou pied-droit glisse sur sa base. Ce glissement ne pourra s’effectuer lorsque l’on aura

MK>P*

K étant le coefficient du frottement déjà culée sur sa base ; on peut le faire égal à 0,76 pour les maçonneries entre elles.

Troisième cas. Ce cas de rupture se présente quand, par la forme de la voûte ou par la répartition de la charge, les pieds-droits tendent à tomber en avant ; alors, la voûte s’ouvre à l’intérieur aux reins, et à l’exté-


Fig. 21.

rieur à la clef, comme l’indique la figure cidessus. On établit, pour ce cas, les conditions d’équilibre comme, dans la première hypothe.se, en prenant pour axe de rotation des voussoirsles points a, 6, c ; et, pour qu’il y ait stabilité", on trouve que l’on doit avoir


H = ad, hauteur de la voûte mesurée à l’intrados ; M, poids de la demi-voûte ; A, distance du centre de gravité de la demi-voûte au point de rotation c ; P, poids du voussoir agissant ab ; z, distance horizontale du centre de gravité du voussoir agissant au point de rotation b ; y, distance verticale des points de rotation a et b.

Cette méthode, qui est toute de tâtonnement, est simplifiée en admettant, avec Perronnet, la formule empirique suivante pour déterminer l’épaisseur de la voûte sur laquelle on doit opérer :


dans laquelle : e est l’épaisseur de la voûte à la clef, en mètres ; d la distance des pieds-droits, si la voûte est en plein cintre ; dans les voûtes surbaissées, d exprime le double du rayon qui a servi à tracer la directrice de l’intrados dans les voûtes : en arc de cercle, et l’arc supérieur de cette directrice dans celles en anse de panier. On vérifie encore l’équilibre d’une voûte en employant la méthode des courbes de pression, qui consiste à chercher pour chaque voussoir le point de passage sur les joints de la résultante des efforts qui sollicitent la voûte. Par ces points, déterminés par la recherche des moments des poids et de leur centre de gravité, on fuit passer une courbe qui est très-


propre à éclairer sur l'équilibre de la voûte. V. Courbe.

— Anat. Voûte du crâne. V. Crâne.

— Voûte palatine. V. Palais.

Voûte à trois piliers, Voûte à quatre piliers ou trigone cérébral. V. Trigone.