Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Testament


◄  Illustration (lettre T)
Index alphabétique — T
testamentaire  ►
Index par tome


Sommaire

TESTAMENT s. m. (tè-sta-man lat. testamentum ― de testari, attester.) Acte par lequel une personne déclare ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort : Faire son testament. Disposer de ses biens par testament. Mettre quelqu’un sur son testament. Ouvrir un testament. Par testament du moins, les tyrans mêmes ne peuvent s’empêcher de blâmer le despotisme. (Mme de Staël.)

Testament authentique. Testament fait avec certaines formalités légales et rédigé par des personnes ayant un caractère public spécial. || Testament olographe, Testament privé, écrit, daté et signé de la main du testateur. || Testament mystique ou secret, Testament signé de la main du testateur, clos, scellé et remis par lui, en présence de témoins, entre les mains d’un notaire. || Testament militaire, Testament maritime, Testament fait à l’armée ou sur mer, avec dispense prévue par la loi de certaines formalités. || Testament nuncupatif, Testament qu’on pouvait faire autrefois de vive voix. || Testament inofficieux, Testament dans lequel il n’est fait aucune mention de quelqu’un des proches héritiers de droit. || Testament ab irato, Testament inspiré par un motif de colère ou de haine. || Testament de mort, Déclaration libre faite par un criminel, après sa condamnation. Vieille loc. || Expression de sentiments conçus et exprimés en prévision d’une mort prochaine : Il m’écrivit une lettre qui est comme son testament de mort. (Acad.)

Faire son testament à quelqu’un, Faire son testament en faveur de quelqu’un : Je vous promets de vous faire son testament.

Il peut faire son testament, Il n’a pas longtemps à vivre. || Faites votre testament, Se dit pour menacer quelqu’un dé mort.

— Prov. Grande chère, petit testament, ou Grasse cuisine, maigre testament, L’homme prodigue aura peu de chose a. laisser par testament.

— Hist. Testament politique, Ecrit politique dans lequel un homme d’Etat expose les vues et intentions qui l’ont dirigé pendant sa vie politique : Le testament politique de Richelieu, de Colbert, d’Alberoni, de Pierre le Grand. Il y a peu de testaments politiques qui soient authentiques.

— Hist. sainte. Relations de Dieu avec son Eglise : L’Ancien testament n’était que la figure du Nouveau.

— Bibliogr. Ancien Testament, Collection des livres canoniques écrits avant la venue de Jésus-Christ : Les livres de l’Ancien Testament. || Nouveau, Testament, Collection des livres canoniques écrits depuis la venue de Jésus-Christ : Les livres du Nouveau Testament. Le Nouveau Testament comprend les Evangiles, les Actes des apôtres, quelques Epîtres et l’Apocalypse.

— Hist. eccl. Droit de testament, Droit que prélevaient certains évêques sur les héritages transmis par testament dans leurs diocèses.

— Encycl. Jurispr. Comme la donation, le testament est une libéralité faite par une personne à une autre, mais il diffère de celle-ci en ce que, tandis que la donation est un contrat, c’est-à-dire l’œuvre de deux personnes dont le consentement est nécessaire pour la perfection de cet acte, et qu’elle transfère au donataire un droit actuel, et irrévocable, le testament, œuvre d’une volonté unique, la volonté du testateur, ne produit aucun effet du vivant de celui-ci et peut être modifié ou révoqué par lui jusqu’au moment de sa mort.

Le testament, d’abord défendu dans l’ancienne Grèce, qui ne considérait le patrimoine d’un citoyen que comme un dépôt remis entre ses mains par l’Etat, fut permis plus tard par Solon aux personnes qui mouraient sans enfants. Nous retrouvons le testament à Rome, et cela aussi loin que l’on remonte dans l’histoire du peuple romain. Le testament fut d’abord pour les Romains un acte de la vie publique ; il se faisait solennellement devant les comices assemblés ou bien, en temps de guerre, en présence de l’armée, avant de marcher au combat. Puis on imagina une forme de tester plus simplifiée. Le testateur vendait, avec les formalités de la mancipation, son patrimoine à celui qu’il voulait instituer son héritier et qui était comme un acheteur des biens de la famille. Peu à peu ce testament se modifia ; l’acheteur du patrimoine ne fut plus qu’un héritier fictif, chargé de remettre les biens à l’héritier véritable, et il se fondit enfin dans le testament prétorien, qui rejetait la nécessité minutieuse de la mancipation et se contentait d’un écrit contenant la volonté du testateur attestée par la signature de sept témoins. Citons encore le testament nuncupatif, par lequel le testateur exprimait de vive voix ses volontés devant sept témoins assemblés dans le même lieu et qui, après sa mort, rendaient compte de ses dernières volontés.

Au XIIe siècle, après que les serfs eurent été progressivement affranchis, quand ils eurent obtenu les droits d’aliéner, de succéder et de tester, tandis que les pays de droit, écrit, suivant en cela les errements du droit romain, pratiquaient le testament nuncupatif et le testament prétorien, les pays coutumiers avaient mis en usage le testament par acte public, dérivé du testament nuncupatif. Ce testament était reçu par deux notaires ou tabellions, ou par un seul notaire en présence de deux témoins. Le testateur dictait sa volonté ; on lui en donnait lecture, et il signait avec le notaire et les témoins. C’est là l’origine de notre testament public, comme le testament prétorien est l’origine du testament mystique. Le testament olographe est une création des pays de coutume prescrite par l’article 289 de la coutume de Paris.

Les règles sur la capacité de disposer, et de recevoir par testament, étant communes aux donations entre vifs et aux testaments, ont été déjà exposées à l’article donation. De même, ce qui concerne les dispositions testamentaires, les legs, a fait l’objet d’un article spécial. (V. dispositions entre vifs et testamentaires.) Il nous reste donc à examiner les diverses formes de testament, Nous passerons en revue les règles générales sur les formes testamentaires et celles qui sont particulières à chacun des testaments ordinaires admis par le Code ; nous analyserons très-brièvement les dispositions spéciales aux testaments privilégiés, et nous indiquerons enfin ce qui est relatif à la conservation et à l’exécution des testaments.

Règles générales sur la forme des testaments. 1o La volonté d’un testateur ne peut se produire que sous l’une ou l’autre des formes que la loi a organisées. Le testament est un acte solennel, et n’existerait pas si l’on n’observait, en le faisant, ces formes exigées par la loi. Comme les trois formes prescrites par le Code requièrent toutes la solennité de l’écriture, nous en déduisons qu’il n’y a point dans notre droit dé testaments verbaux. On ne saurait même réclamer des héritiers du testateur l’exécution de dispositions verbales que, de son vivant, ils se seraient engagés à accomplir ; de même, l’acte par lequel une personne se référerait, pour ses dernières volontés, à une déclaration verbale antérieure n’aurait aucune valeur comme testament. Si un mourant exprimait formellement sa volonté de laisser une portion de ses biens à une personne qu’il désigne, cette personne serait-elle admise à exeroer une action en dommages-intérêts contre ceux qui, par des menaces, des violences, ou par dol, auraient empêché ce mourant de tester ? L’affirmative est généralement admise, non que l’on puisse conclure directement contre les auteurs de la violence à l’exécution d’un testament ou à la délivrance d’un legs, car il n’y a ici ni testament ni legs ; mais on pourrait intenter une action en dommages-intérêts par laquelle on réclamerait, en se fondant sur l’article 1382, une somme égale à la valeur de l’objet que le défunt avait voulu léguer.

Bien que rien ne puisse remplacer la forme solennelle et écrite qui constitue le testament, on admet pourtant que si un testament venait à être détruit par un accident fortuit et de force majeure, tel qu’un incendie ou une inondation, ceux au profit desquels il disposait pourraient en poursuivre l’exécution en prouvant, d’une part, l’événement déterminé de force majeure et, d’autre part, quel était le contenu de l’acte et sa complète régularité. Si la perte du testament provenait non d’un cas fortuit, mais d’une suppression frauduleuse commise par ceux auxquels cet acte préjudiciait, il n y aurait pas, en ce cas, à faire la preuve de la régularité du testament. C’est là un point constant en jurisprudence : l’auteur de la suppression est garant de la régularité de l’acte qu’il a détruit.

2o Un testament ne peut être fait, d’après l’article 968, dans la même acte par deux ou plusieurs personnes, soit au profit d’un tiers, soit à titre de disposition réciproque et mutuelle. Ces testaments, appelés conjonctifs dans notre ancien droit, furent vus longtemps avec faveur. Si le Code les a supprimés, c’est afin que les testateurs ne fussent pas exposés aux suggestions de la personne avec laquelle ils feraient conjointement leur testament. « On voulut aussi, d’après M. Bigot de Préameneu, éviter la difficulté qu’aurait fait naître la question de savoir si, après le décès de l’un des testateurs conjoints, le testament pourrait être révoqué par le survivant. Permettre de le révoquer, c’eût été violer la foi de la réciprocité ; le déclarer irrévocable, c’eût été changer la nature du testament, qui alors eût cessé d’être réellement un acte de dernière volonté. »

Il ne faudrait pas déduire de la prohibition des testaments conjonctifs que deux personnes ne puissent, pur actes séparés, disposer réciproquement au profit l’une de l’autre, ni que l’on dût annuler deux testaments qui seraient écrits sur la même feuille de papier, car la réunion matérielle qui résulterait de l’écriture de ces deux actes sur la même feuille n’empêcherait pas leur indépendance intellectuelle.

Remarquons aussi que cette prohibition n’est qu’une condition de forme et qu’un Français pourrait faire valablement un testament conjonctif dans un pays dont les lois autoriseraient ce mode de tester. C’est ainsi que l’on a décidé encore que des testaments conjonctifs, faits dans un pays où ils étaient admis, continueraient à être valables même après la réunion de ce pays à la France.

3o D’après l’article 967, toute personne peut disposer par testament, soit sous le titre d’institution d’héritier, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté. Aucuns termes sacramentels, aucunes expressions spéciales ne sont donc exigées de la part de celui qui fait des dispositions testamentaires. Il n’en était pas ainsi avant la promulgation du Code ; car, tandis que les pays de droit écrit, suivant en cela les doctrines du droit romain, exigeaient que le testament contint une institution d’héritier, c’est-a-dire la disposition d’universalité du patrimoine du testateur, les pays de coutume prohibaient cette institution, ou même annulaient l’acte où elle était contenue.

Mais, s’il est désormais permis de disposer sous telle dénomination que l’on veut, encore faut-il qu’il y ait une disposition de tout ou partie des biens du testateur. Ainsi, la jurisprudence décide que l’exclusion prononcée par une personne contre tous ses héritiers serait sans effet s’il n’en résultait, au moins implicitement, une disposition au profit d’autres personnes. L’exclusion de quelques-uns des héritiers légitimes impliquant un avantage au profit des autres serait parfaitement valable.

Formes spéciales des divers testaments. À ce point de vue, on peut diviser les testaments dont s’occupe le Code en ordinaires et privilégiés. Les testaments ordinaires sont ceux dont les formes peuvent être employées par toute personne capable de tester, quelles que soient les circonstances dans lesquelles elle se trouve. Les testaments privilégiés, au contraire, sont ceux qui ne peuvent être valablement faits que dans certaines circonstances et par certaines personnes. Les testaments ordinaires sont le testament olographe, le testament par acte public et le testament mystique. Les testaments privilégiés sont le testament militaire, le testament fait en temps de peste, le testament fait sur mer.

Toute personne capable de tester peut choisir à son gré une quelconque des formes des testaments ordinaires, pourvu toutefois que des circonstances personnelles au disposant, une infirmité physique par exemple, ne lui rendent pas impossible l’accomplissement de l’une ou de l’autre de ces formes. Ainsi, un muet ne pourrait faire un testament en la forme authentique, puisqu’il serait dans l’impossibilité de dicter ses dernières volontés. Ajoutons que chacune de ces formes se suffit à elle-même et qu’on ne devrait pas les mêler ni les confondre.

Du testamemt olographe. De sa forme. Le testament olographe, dit l’article 970, ne sera point valable s’il n’est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Il n’est assujetti à aucune autre forme. Trois conditions sont donc nécessaires et suffisantes pour la validité du testament olographe : l’écriture en entier, la date, la signature de la main du testateur. C’est à cette simplicité de formes que le testament olographe doit d’être devenu très-usuel en France depuis que l’emploi en a été autorisé par le Code pour tout le territoire. Il offre un moyeu sûr aux personnes qui savent écrire de faire avec réflexion leurs dispositions dernières et de les modifier suivant les circonstances, jusqu’à leur dernier jour. Cette forme peut être très-utile aux personnes qui, se trouvant dans un pressant danger, n’auraient pas le temps de recourir à un notaire et à des témoins, ou encore à celles qui seraient soumises à une surveillance soupçonneuse de la part de gens qui voudraient les empêcher de tester.

Examinons successivement chacune des conditions imposées par la loi au testament olographe. 1o Il faut qu’il soit écrit en entier de la main du testateur. La raison en est que le testament doit être l’oeuvre du testateur seul. Si un tiers avait contribué à le rédiger, il serait à présumer que le testateur aurait subi l’influence d’une volonté étrangère. Un seul mot écrit d’une main étrangère vicie le testament, mais il ne faut pas entendre ceci avec trop de rigueur, sinon on arriverait à cette conséquence qu’une personne entre les mains de laquelle le testament tomberait pourrait le détruire en y ajoutant quelques mots de sa main. Ainsi, pour qu’une écriture étrangère viciât le testament, il faudrait qu’elle y eût été insérée avec le consentement du testateur, et qu’elle fit partie du testament lui-même. Quant au point de savoir si ces mots écrits d’une main étrangère se trouvent dans le testament de l’aveu ou à l’insu du testateur et si on peut les considérer comme partie intégrante du testament, ce sera une question de fait abandonnée à l’appréciation des magistrats.

De ce qu’un testament olographe est nul, s’il n’est écrit en entier de la main du testateur, découle cette autre conséquence qu’il est nul si le testateur n’a pu former ses lettres qu’en se faisant guider la main par un tiers. Mais si le tiers n’est intervenu que pour aider le testateur dans la disposition matérielle de son écriture sur le papier, par exemple en replaçant la main du testateur a l’endroit où celui-ci devait continuer son écriture interrompue, il a été décidé que le testament était valable.

2o La date est la seconde condition indispensable du testament olographe. On comprend les motifs qui ont fait prescrire de l’insérer dans cet acte. Elle permettra d’apprécier, en se reportant au moment où il a été fait, si le testateur était alors en état de capacité, s’il n’était pas mineur ou interdit, par exemple. De plus, dans le cas où l’on trouverait plusieurs testaments olographes, comme les premiers peuvent être révoqués par ceux qui les suivent pour toutes les dispositions qui sont contraires ou incompatibles entre elles, la date des testaments servira à reconnaître ceux qui ont été faits les derniers.

L’indication de la date est celle des mois, jour et an où le testament a été rédigé. Mais il n’est pas indispensable que le jour, le mois ou l’an soient indiqués en termes exprès ; ils peuvent l’être par équipollent. Tout ce que la loi exige, c’est qu’il n’y ait aucune incertitude sur 1 époque de la confection du testament. Ainsi, serait valable un testament daté du 1er de l’an 1876 ou du jour de Pâques 1876. L’indication du mois et de l’un ne suffirait pas, il faut que l’on puisse connaître le jour précis où l’acte a été fait.

Quand la date est inexacte, incomplète, elle peut être complétée et déclarée suffisante lorsque cette inexactitude est le résultat d’une inadvertance de la part du testateur, lorsque c’est dans le testament même que l’on puise les éléments rectificatifs de la date, et que celle-ci est fixée par là d’une manière certaine et indubitable. Par exemple, il arrive parfois que le millésime du filigrane du papier timbré sur lequel est écrit le testament olographe est d’une date postérieure à la date du testament. Ainsi, le papier timbré n’a été mis en circulation que le 1er janvier 1861 et le testament est daté du 1er juillet 1860 ; l’inexactitude est manifeste. On a décidé dans des cas analogues, si par exemple le testateur décède dans le courant de novembre 1861, que la date véritable est celle du 1er juillet 1861, reportée par inadvertance une année en arrière, car le testament ne pouvait être fait en 1860, ainsi que l’atteste le papier sur lequel il est écrit, ni en 1862, le testateur étant déjà mort avant cette année.

3o Il faut enfin que le testament olographe soit signé par le testateur. La signature consiste habituellement dans l’apposition du nom de famille. Mais l’apposition de ce nom n’est pas indispensable ; elle n’a en effet pour but que de prouver l’individualité de la personne à laquelle un acte est attribué, et ce but est suffisamment atteint si le testateur signe de la même manière qu’il signe tous les autres actes. C’est ce qui a été jugé à l’occasion du célèbre Massillon, évêque de Clermont, qui avait signé son testament des initiales de ses prénoms précédées d’une croix et suivies de sa qualité.

De même, l’absence d’une ou de plusieurs lettres dans la signature du testateur ne peut faire prononcer la nullité du testament, lorsqu’il est constant d’ailleurs que c’est le testateur qui a ainsi tracé sa signature. Quant au point de savoir si des caractères illisibles constituent réellement la signature de telle personne, ce sera une question de fait çu’on résoudra par la comparaison de ces caractères avec des signatures non contestées de la même personne. Une simple croix ne peut jamais équivaloir à une signature.

Les trois conditions que nous venons d’examiner sont les seules dont l’inobservation entraîne la nullité d’un testament olographe. De là se déduisent des conséquences importantes :

Ainsi, la date peut être écrite en chiffres et placée indifféremment au commencement, au milieu ou à la fin du testament auquel elle se rapporte. La jurisprudence décide même qu’on pourrait placer la date après la signature. Quant à la signature, il va de soi qu’elle doit suivre toutes les dispositions du testament dont elle est le complément essentiel.

Le testament olographe peut être écrit sous forme de lettre missive, pourvu que cette lettre contienne non pas l’annonce d un testament, mais bien de véritables dispositions testamentaires. On peut l’écrire sur quelque matière que ce soit, non-seulement sur du papier, timbré ou non, mais aussi sur du carton, du bois, du linge, de la pierre. On peut l’écrire encore à l’aide de toute matière : avec de l’encre, de quelque couleur qu’elle soit, avec du crayon et même avec du sang.

Le testament olographe ne doit pas nécessairement être rédigé en un seul contexte ni en un seul jour. Ainsi, le testateur pourra, s’il écrit ses dispositions à des époques différentes, dater ou signer chacune d’elles séparément, ou se contenter d’apposer à toutes ensemble la date et la signature, le jour où il termine son testament. Il pourrait aussi dater séparément les diverses parties de l’acte et n’apposer sa signature qu à la fin.

De la force probante du testament olographe. Lorsque la personne à laquelle on oppose un testament olographe méconnaît l’écriture et la signature du testateur, est-ce la partie qui invoque le testament, est-ce celle à qui il est opposé qui doit être chargée de la preuve ? Comme le testament olographe n’est qu’un acte sous seing privé, la déclaration de ceux auxquels on l’oppose, lorsqu’ils méconnaissent l’écriture du défunt, oblige les légataires qui entendent se prévaloir du testament à faire procéder à la vérification d’écritures, dans la forme prescrite par le code de procédure civile. Cela est généralement admis aujourd’hui, lorsqu’il s’agit d’un légataire à titre particulier ou à titre universel, et même pour le légataire universel, s’il existe un héritier à réserve et, duns le cas où il n’y aurait pas d’héritier à réserve, s’il n’a pas été envoyé en possession par une ordonnance du président du tribunal. Mais lorsque le légataire a été envoyé en possession et se trouve en présence d’héritiers non réservataires, c’est une question fort délicate que celle de savoir à qui incombe la charge de la preuve. La cour de cassation et beaucoup d’auteurs l’imposent à l’héritier du sang qui, par l’envoi en possession du légataire universel, ne peut contester le testament olographe, en vertu duquel l’envoi en possession a été ordonné, qu’en se constituant demandeur et qui, dès lors, se trouve soumis à la règle : Actoris est probare. Mais la base de cette doctrine nous paraît contestable : sans doute, l’héritier qui réclame la succession au légataire universel envoyé en possession doit, comme tout demandeur, établir le fait sur lequel il fonde son action ; mais ce fait n’est point la fausseté de l’écriture du testament, c’est seulement le lien de parenté qui unit au testateur celui qui se prétend son héritier. Cela fait, ce sera au tour du légataire universel de prouver l’exception qu’il fonde sur le testament^ et, si l’héritier la méconnaît, d’établir la sincérité de l’écriture et de la signature du testateur.

Il faut bien remarquer que, pour mettre le légataire dans la nécessité de poursuivre cette vérification, il ne faut pas que l’hériritier ab intestat ait exécuté, même en partie, le testament olographe. Dans ce cas, il ne pourrait revenir sur la renonciation qu’en prouvant qu’elle a été le résultat d’une erreur.

Supposons que l’écriture du défunt a été reconnue volontairement ou en justice, le testament fait-il foi de sa date ? Tout le monde l’admet ; et, en effet, s’il en était autrement, il faudrait, pour fixer cette date, déposer ce testament chez un notaire ou le faire enregistrer et, par conséquent, remplir des formalités que n exige pas l’article 970.

Comment pourrait-on prouver la fausseté de la date d’un testament olographe dont l’écriture est reconnue ? En principe, cette date ne pourra être combattue qu’au moyen de l’inscription de faux. Mais on apporte à ce principe trois exceptions : 1o lorsque le testament est attaqué pour cause de dol ou, de fraude, on peut prouver la fausseté de la date par tous les genres de preuves ; 2o lorsque l’héritier prétend que le testateur a donné une fausse date à son testament pour se soustraire à l’incapacité légale dout il était frappé à l’époque où il l’a lait ; 3o lorsque les énonciations mêmes du testament ou son état matériel font naître des doutes sur la sincérité de sa date.

Dans ces cas exceptionnels, on pourrait se servir, pour prouver la fausseté de la date, de la preuve par témoins ou de simples présomptions ; mais les légataires seraient admis à leur tour à user de toutes sortes de preuves pour en établir la sincérité.

Du testament par acte public. Des personnes gui y figurent. Le testament par acte public est celui qui est reçu par deux notaires en présence de deux témoins, ou par un notaire en présence de quatre témoins (article 971). Ce testament remédie aux inconvénients que le testament olographe, malgré ses précieux avantages, pourrait présenter ; ainsi, celui qui ne sait pas écrire ne pourra tester en la forme olographe ; un testament fait en cette forme est susceptible d’être égaré ou détruit par accident ou par fraude, tandis que le testament par acte public pourra être employé par une personne illettrée ou par celle qui redouterait après sa mort une suppression de testament.

Trois personnes concourent à la confection d’un testament par acte public : le testateur, le notaire et les témoins. Nous avons peu de chose à dire du testateur qui doit, indépendamment des conditions de capacité requises de toute personne qui veut disposer par testament, se trouver dans les conditions exigées pour la forme spéciale de testament qu’il adopte. Ainsi, comme il faut dicter des volontés au notaire, le muet ne pourra tester par acte public, et comme l’on doit, une fois le testament écrit, en faire lecture au testateur, le sourd ne pourrait non plus se servir de cette forme pour manifester ses dernières volontés.

Quant aux notaires, ce sont’aujourd’hui les seuls officiers publics qui soient compétents pour recevoir des testaments par acte public, à la différence de ce qui se passait dans notre ancien droit, qui attribuait compétence aux officiers de justice, aux officiers municipaux, aux curés.

Le Code, ne s’étant pas expliqué sur la capacité et la compétence des notaires en ce qui concerne la réception des testaments, s’est évidemment référé à la loi générale sur l’organisation du notariat, à la loi du 25 ventôse an XI, pour combler ces lacunes. Nous ferons ici cette remarque importante que, à moins de dispositions particulières relatives au testament par acte public, contenues dans le Code, on doit appliquer les dispositions de la loi de l’an XI sur les actes notariés, par application de ce principe que la loi spéciale ou postérieure doit être complétée par les dispositions de la loi générale ou antérieure, à moins qu’elle ne forme un système complet sur le sujet auquel elle s’applique. Nous concluons de là, en ce qui concerne la capacité des notaires, que deux notaires ne peuvent, sous peine de nullité, concourir à la rédaction d’un testament lorsqu’ils sont parents ou alliés, en ligne directe, à quelque degré que ce soit et, en ligne collatérale, jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement. De même, les notaires ne peuvent recevoir des testaments dans lesquels leurs parents ou alliés en ligne directe et en ligne collatérale aux mêmes degrés que ci-dessus, seraient testateurs ou légataires ou qui contiendraient quelques dispositions en leur faveur personnelle. La nullité qui résulterait de la contravention à cette défense s’appliquerait non-seulement aux libéralités faites aux notaires ou à leurs parents ou alliés, mais au testament tout entier. Disons enfin qu’un notaire ne ppurrait, à peine de nullité, recevoir un testament ailleurs que dans l’étendue de son ressort.

Nous arrivons aux témoins et nous trouvons, en ce qui les concerne, deux sortes d’incapacités : les unes absolues, qui empêchent la personne qui en est atteinte de figurer comme témoin dans un testament quelconque ; les autres relatives et n’empêchant de figurer que dans certains testaments.

Parmi les causes d’incapacité absolue sont celles que l’on peut appeler naturelles et qui résultent de ce que les témoins ne possèdent pas les qualités physiques et morales nécessaires pour s’assurer de l’accomplissement des formalités prescrites par la loi, et an besoin attester que ces formalités ont été remplies. Ainsi, ne pourraient être témoins les sourds, les aveugles, les idiots, ou encore les personnes interdites pour cause de démence ou de fureur, à moins qu’elles ne fussent dans un intervalle lucide. Le muet pourrait, d’après la plupart des auteurs, servir de témoin, car il a pu voir et entendre ce qui se passait en sa présence, et il pourrait, au besoin, en rendre compte par l’écriture ou par le langage des signes. Ceux qui n’entendent pas la langue dont le testateur s’est servi ne peuvent être témoins ; mais la jurisprudence décide qu’il suffirait d’avoir eu connaissance des dispositions testamentaires par la lecture que le notaire aurait faite devant eux en traduisant.

À côté de ces incapacités naturelles se placent des causes légales d’incapacité absolue. L’article 980 dispose que les témoins appelés pour être présents aux testaments doivent être mâles, majeurs, Français et jouissant des droits civils, ce qui exclut de nos jours ceux qui ont encouru la dégradation civique, comme peine accessoire ou principale, et ceux qui ont subi certaines condamnations correctionnelles.

Passons aux incapacités relatives. C’est l’article 975 qui les contient. Il est ainsi conçu : « Ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public ni les légataires, à quelque titre qu’ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu’au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus. » Ainsi, les légataires ne peuvent être témoins, et peu importe la valeur plus ou moins médiocre du legs, peu importe que ce legs soit pur et simple ou sous condition. Remarquons que, bien que le témoin ne doive pas être légataire, il pourrait profiter indirectement du legs à un autre titre. Par exemple, les habitants d’une ville pourraient être témoins d’un testament qui contiendrait des dispositions au profit de la commune qu’ils habitent. Une personne peut servir de témoin dans un testament qui l’établit exécuteur testamentaire, pourvu, bien entendu, qu’en même temps elle ne soit pas gratifiée et ne puisse dés lors être considérée comme légataire.

Quant aux parents, ce sont les parents et alliés jusqu’au quatrième degré des légataires qui ne peuvent servir de témoins, et il va sans dire que sous ce mot d’alliés il faut entendre le conjoint d’un des légataires. Mais rien n’empêche que les parents ou alliés du testateur, et même le mari de la testatrice, ne servent de témoins, pourvu toujours qu’ils ne reçoivent rien dans le testament. Même solution pour les parents ou alliés du notaire ou des notaires. Les serviteurs ou domestiques, soit du testateur, soit des légataires, peuvent être témoins dans les testaments.

Pour apprécier la capacité des témoins, il faut se reporter à l’époque de la confection du testament. Les changements survenus depuis cette époque dans leur capacité ne sauraient influer sur la validité de cet acte.

La sanction attachée à l’incapacité soit absolue, soit relative d’un témoin est la nullité du testament tout entier. Il s’agit ici d’une question de forme, et la forme est indivisible. Il peut arriver pourtant qu’un testament soit maintenu, malgré le défaut de capacité chez un des témoins, si, à l’époque de la confection du testament, ce témoin était, d’après l’opinion commune, considéré comme capable. C’est là une application de la maxime : Error communis facit jus, consacrée par une jurisprudence constante. Cela s’appliquerait même au cas d’incapacité résultant de la parenté ou de l’alliance de l’un des témoins avec un légataire, lorsqu’il aurait été impossible au testateur et au notaire de connaître cette incapacité.

Nous allons passer aux formalités du testament par acte public.

Formalités du testament par acte public. Comme le code civil n’a pas établi un système complet à propos de ces formalités, on complète ses dispositions par celles de la loi du 25 ventôse an XI, dont nous avons déjà parlé.

Voici les principales règles extraites de la loi de ventôse qui s’appliquent aux testaments. Les testaments publics doivent énoncer les noms et lieux de résidence du notaire ou des notaires qui les reçoivent. Ils doivent, à peine de nullité, contenir la mention du lieu où ils ont été faits, ainsi que celle de la date à laquelle ils ont été passés. Il faut encore qu’ils contiennent les noms des témoins instruinentaires et leur demeure, ainsi que la mention de la signature du testament par le testateur et les témoins. Les mots surchargés, interlignés ou ajoutés dans le corps de l’acte sont nuls ; mais ces surcharges ou interlignes n’entrainent pas la nullité du testament, à moins qu’elles ne servent à remplir une des conditions essentielles exigées pour sa validité. Le testament doit être dressé en minute et non en brevet. Les notaires devront conserver cette minute et ne pourront s’en dessaisir que dans les cas prévus par la loi et en vertu de.jugements.

Les formalités spéciales au testament par acte public sont déterminées par le Code dans les articles 972 à 974, et peuvent se résumer dans les opérations suivantes : le testateur doit dicter ses dernières volontés au notaire ou aux deux notaires ; l’un des notaires écrit le testament, puis lecture en est donnée par les notaires au testateur ; on mentionne ensuite dans l’acte l’accomplissement de ces formalités ; enfin le testament est signé par le testateur et par les témoins. Reprenons, en les développant, chacune de ces opérations.

Le testament doit être dicté par le testateur, à la différence des actes ordinaires, que le notaire peut rédiger sur des notes qui lui sont remises par les parties. La loi se montra ici plus exigeante, parce que la dictée mettra celui qui veut tester dans la nécessité de réfléchir, de bien se rendre compte des expressions qu’il emploie ; elle est une garantie que le testament est l’œuvre du, testateur seul. Aussi la testament serait nul s’il était fait par interrogations adressées par le notaire au testateur ; car rien ne serait plus de nature à favoriser les surprises et les suggestions. Il ne faudrait pourtant pas exagérer ceci et défendre un notaire de demander des explications, par exemple, sur la désignation des légataires ou celle des objets légués, ou de corriger les phrases obscures ou incorrectes que le testateur aurait employées.

La dictée pourra être faite dans une langue ou dans un patois étrangers. Dans ce cas, pour que le testament soit valable, comme tous les actes publics en France doivent être rédigés en français, il sera indispensable que le notaire et les témoins comprennent le langage du testateur, et que le notaire traduise et écrive l’acte en français. Le notaire devra faire en marge une traduction dans la langue selon laquelle le testament a été dicté, mais cette traduction n’aura pas l’authenticité de la copie française, qui est le véritable testament. Lecture sera donnée au testateur de cette traduction faite en marge.

Le testament doit, en second lieu, être écrit par le notaire ou par l’un des notaires, s’il y en a deux. Nul autre qu’un notaire ne peut tenir la plume, ni un clerc, ni un témoin, ni le testateur lui-même. Peu importe que l’un des notaires ait écrit le testament seul, ou qu’il ait été écrit en partie par l’un d’eux et en partie par l’autre ; seulement, il faudrait faire mention de cette circonstance. Le notaire doit écrire tout ce qui doit être dicté par le testateur ; mais, quant au protocole de l’acte, aux noms et prénoms des témoins, on peut les écrire d avance et même hors de la présence du testateur et des témoins.

La troisième formalité consiste dans la lecture du testament au testateur, en présence des témoins. De cette façon, le testateur vérifie si sa pensée a été exactement reproduite, et, d’autre part, les témoins s’assurent si les dispositions ont été rédigées telles qu’elles ont été dictées. Cette lecture doit porter sur le testament, et par conséquent sur les renvois et apostilles, s’il y en a. Faut-il que la lecture soit donnée par le notaire lui-même ou peut-il être suppléé par une autre personne, par un témoin, par un clerc ? C’est une question fort controversée. Nous pensons qu’il est nécessaire que ce soit l’officier public qui lise le testament ; il pourra ainsi corriger lui-même les imperfections, les inexactitudes de sa propre écriture, et il sera mieux à même que tout autre d’apprécier quelles sont les corrections à faire.

Le testament doit contenir une mention expresse de l’accomplissement de chacune des formalités qui précèdent. C’est là un moyen efficace de s’assurer que les conditions requises seront accomplies ; car, si le notaire déclarait mensongèrement avoir satisfait aux exigences de la loi quand il ne l’aurait pas fait, le testateur et les témoins pourraient protester et refuser leur signature, et il s’exposerait lui-même à la peine du faux. La nécessité de la mention s’applique à la dictée par le testateur, à l’écriture par l’un des notaires ou par le notaire, à la lecture au testateur en présence des témoins. Notre Code n’ayant pas indiqué la forme dans laquelle ces mentions doivent être faites, les expressions de l’article 972 peuvent être remplacées par d’autres expressions équivalentes, pourvu que ces expressions, entendues dans leur sens naturel, expriment certainement l’accomplissement de ces formalités. Ainsi, il suffit de faire mention que le testament a été prononcé par le testateur et écrit par le notaire, car le mot dicter n’est pas sacramentel. Si le notaire déclare « qu’il a retenu le testament au fur et à mesure qu’il lui a été dicté, ou que-le testament lui a été dicté, qu’il l’a rédigé, fait et dressé, et qu’il en a donné acte, » ces mentions ont été regardées en jurisprudence comme insuffisantes ; car elles n’impliquent pas d’une façon certaine que le testament a été écrit par le notaire lui-même. Ainsi encore on a déclaré insuffisante la mention de la lecture du testament en présence des témoins comme n’exprimant pas que la lecture avait eu lieu en présence du testateur, et même la mention que lecture avait été faite « au testateur et aux témoins, » comme n’indiquant pas qu’elle avait eu lieu en même temps et simultanément devant les uns et les autres.

Cette mention de l’observation des formalités testamentaires peut être mise soit à la fin, soit au milieu, soit au commencement de l’acte, la loi n’ayant point déterminé où elle devait se trouver.

La dernière des formalités de l’acte authentique, celle qui donnera à l’acte sa perfection, consiste dans les signatures du testateur, des témoins et du notaire ; d’où il résulte que, si le testateur vient à mourir avant d’avoir signé ou avant que le notaire et les témoins aient signé, le testament sera imparfait. À défaut de signature, il faut que la testateur déclare qu’il ne sait ou ne peut signer, et il doit être fait mention expresse de sa déclaration, ainsi que de la cause qui l’empêche de signer (art. 973).

La déclaration du testateur « qu’il ne sait signer • est régulière, car elle indique suffisamment la cause qui en empêche le testateur ; il n’en serait pas de même de la déclaration par laquelle le testateur aurait dit « ne pas savoir écrire, » car telle personne qui ne sait pas écrire, c’est-à-dire figurer indistinctement toutes sortes de mots, peut savoir signer, c’est-à-dire tracer seulement les lettres qui forment son nom. Toutefois, s’il résulte de quelque énonciation du testament ou de faits matériels constatés aussi par cet acte que le mot écrire a été employé comme synonyme du mot signer, la mention que nous venons de critiquer satisferait alors au vœu de la loi. Ainsi, on a jugé régulière la mention conçue en ces termes : « Le testateur requis de signer a déclaré ne savoir écrire. » Pourtant, le testament dans lequel le testateur aurait déclaré ne savoir signer serait nul, si cette déclaration était mensongère et s’il était prouvé que le testateur signait habituellement avant cette déclaration.

Après la signature du testateur, la loi exige celle des témoins. Dans une ville ou dans un faubourg, les deux ou quatre témoins qui assistent à la confection d’un testament doivent le signer, et aucune memion ne saurait suppléer l’absence de leurs signatures. Dans les campagnes, où il pourrait être parfois difficile de trouver plusieurs personnes sachant signer, il suffit qu’un des deux témoins ou deux des quatre signent le testament (art. 974), suivant que le testament est reçu par deux notaires, ou par un seul. Le sens du mot campagne n’a été déterminé ni par le Code ni par aucune autre loi, de telle sorte que la question de savoir si le testament a dû être signé par tous les témoins ou par un ou deux d’entre eux seulement doit être décidée en fait par les tribunaux, d’après la population du lieu où le testament a été reçu.

Le testament par acte public a la force probante ordinaire des actes notariés, c’est-à-dire qu’il fait foi de tous les faits que le notaire a pour mission de constater et qu’on ne peut en attaquer les énonciations que par la voie de l’inscription de faux. C’est ainsi qu’il faudrait procéder si l’on prétendait, par exemple, que telle formalité dont l’observation se trouve constatée par la testament n’a pas été remplie en réalité. Mais on pourrait au contraire prouver par une simple enquête qu’un des témoins était incapable, car la capacité des témoins n’est point un fait dont le notaire soit juge et qu’il ait pour mission de constater.

Du testament mystique. Nous arrivons à la troisième et dernière forme des testamrnts ordinaires, le testament mystique, qui possède sur le testament olographe l’avantage de participer à certains égards de l’authenticité du testament par acte public, et sur le testament par acte public celui de ne mettre personne, notaire ni témoins, dans la confidence des dispositions dernières du testateur.

Voici, d’après l’article 976, les formalités à l’accomplissement desquelles le testament mystique est soumis. Le testateur écrit lui-même ses dispositions ou les fait écrire par un tiers ; dans tçus les cas, il doit les signer. Puis il clôt et scelle le papier qui contient ses dispositions ou l’enveloppe qui renferme ce papier. Il le présente ainsi au notaire et à six témoins au moins, en déclarant que ce qui est contenu en ce papier est son testament écrit et signé de lui ou écrit par un tiers et signé par lui. Le notaire dresse un acte qu’on appelle acte de suscription et qui atteste la présentation qui lui est faite ; il écrit cet acte sur le papier ou sur la feuille qui sert d’enveloppe et le signe avec le testateur et les témoins. La présentation du testament, la déclaration du testateur et l’acte de suscription doivent avoir lieu de suite et sans divertir à d’autres actes. On peut réduire ces formalités à quatre, que nous allons successivement examiner : l’écriture du testament, la clôture et le scel, la présentation au notaire et l’acte de suscription, l’unité de temps et de lieu.

L’écriture peut émaner du testateur ou de toute autre personne qu’il juge convenable. Ainsi elle peut être faite par le notaire qui dressera ensuite l’acte de suscription et qui ne jouera ici que le rôle de personne privée, ou par l’une des personnes que le testateur se propose d’employer comme témoins, ou même par quelqu’un au profit duquel il voudrait disposer. Le testateur doit toujours signer l’écrit qui renferme ses dispositions ; mais il n’est pas besoin qu’il l’ait daté, car la date du testament mystique n’est nullement celle de la disposition, mais celle de l’acte de suscription ; la date de la disposition serait sans utilité.

La clôture et le scel du testament mystique peuvent avoir lieu d’avance ou bien être accomplis en présence du notaire et des témoins. La loi n’exige pas que le testateur se serve de son propre cachet ; elle l’autorise par là à employer celui de toute autre personne. La jurisprudence décide qu’il n’est pas absolument nécessaire que le testateur appose sur le pain ou la cire à cacheter un sceau ou un cachet quelconque. Il suffit seulement que le testament soit clos et fermé de telle manière qu’on ne puisse pas l’ouvrir sans qu’il reste trace de cette ouverture, car de nos jours bien des gens ne possèdent pas de sceaux ou cachets particuliers, et ces sceaux ou cachets seraient du reste sans aucun caractère aux yeux de la loi.

Le testateur doit ensuite présenter le testament au notaire et déclarer que c’est là son testament. L’acte de suscription dressé alors par le notaire doit être écrit sur le papier même qui contient le testament ou sur 1 enveloppe, de sorte qu’il y aurait nullité si le notaire avait dressé le testament sur un papier distinct et à part. Cet acte de suscription est soumis aux règles générales prescrites par la loi de ventôse pour les actes notariés ; ainsi il doit énoncer le nom et la résidence du notaire, le nom des témoins, le lieu, l’année, le jour où l’acte est passé, etc.

Les témoins qui doivent assister à l’acte de suscription doivent être au nombre de six et jouir des qualités requises par l’article 9S0, c’est-à-dire être mâles, majeurs, Français, et jouissant des droits civils. Il est même nécessaire d’appeler un témoin de plus dans le cas où le testateur ne sait pas signer, ou s’il n’a pu le faire lorsqu’il a fait écrire ses dispositions ; le septième témoin assistera à l’acte de suscription, le signera comme les autres et il sera fait mention de la cause pour laquelle il aura été appelé. Les règles sur la capacité absolue des témoins doivent être les mêmes pour le testament mystique que pour le testament par acte public ; nous exclurions donc l’aveugle qui ne pourrait pas voir le testateur et le sourd qui ne pourrait pas l’entendre. Mais il n’en est pas de même pour les incapacités relatives qui n’existent pas du tout pour les témoins dans les testaments mystiques ; ainsi les légataires à quelque titre qu’ils soient et leurs parents ou allies, les parents, alliés et serviteurs du testateur ou du notaire peuvent ici servir de témoins.

Quant aux énonciations de l’acte de suscription, presque tous les auteurs reconnaissent qu’elles doivent constater la présentation faite par le testateur au notaire et aux témoins du papier où est son testament, la déclaration du testateur que c’est là son testament, enfin l’état du papier présenté au notaire, s’il était déjà clos et scellé, ou s’il l’a été seulement en présence du notaire et des témoins. La mention que le testateur a présenté son testament clos, sans ajouter les mots et scellé, ne remplirait pas le vœu de la loi. Mais ces trois formalités sont les seules que doit constater l’acte de suscription, et il ne serait pas nécessaire de mentionner, par exemple, que le testament a été écrit sur la feuille donnée par le testateur ou sur l’enveloppe, car ce n’est pas là une de ces formes qui, d’après l’article 976, doivent être relatées par le notaire sur l’acte de suscription.

Enfin les formalités constitutives de l’acte de suscription doivent être accomplies de suite et sans divertir à d’autres actes. C’est là l’unité de temps et d’action, l’unité de contexte déjà exigée dans le droit romain.

Le motif de la loi a été d’empêcher qu’un tiers intéressé ne puisse, pendant que le testateur et le notaire procéderaient à une autre opération, substituer un acte faux un papier qui contient les dispositions testamentaires.

Signalons enfin sur le testament mystique les dispositions spéciales des articles 978 et 979. D’après le premier de ces articles, ceux qui ne savent ou ne peuvent lire ne peuvent tester en la forme mystique ; c’est évidemment parce que ces personnes-là, ne pouvant vérifier si le papier qu’elles présenteraient au notaire contient l’expression de leurs volontés, se trouveraient trop facilement exposées à la fraude. D’après le second article, en cas que le testateur ne puisse parler, mais qu’il puisse écrire, il pourra faire un testamentmystique, à la charge que le testament sera entièrement écrit, daté et signé de sa main, qu’il le présentera au notaire et aux témoins et qu’au haut de l’acte de suscription il écrira, en leur présence, que le papier qu’il présente est son testament ; après quoi le notaire écrira l’acte de suscription, dans lequel il sera fait mention que le testateur a écrit ces mots en présence du notaire et des témoins (art. 978). Les diverses formalités que nous venons d’examiner doivent être observées à peina de nullité du testament comme testament mystique. Mais si, dans le cas où le testament est nul en la forme mystique, l’acte renfermant les dernières volontés du testateur était écrit en entier, daté et signé de sa main, ne pourrait-on valider le testament comme olographe ? C’est une question très-débattue ; mais la jurisprudence admet, et nous pensons avec elle, qu’en principe le testament doit être validé à moins qu’il ne.résulte de cet acte lui-même que le testateur a entendu subordonner l’efficacité de ses dispositions à l’accomplissement exact des formalités du testament mystique ; car, en général, si le testateur a revêtu de la forme mystique un écrit valable comme testament olographe, c’aura été seulement pour mieux assurer le secret et la conservation du testament.

Lorsque toutes les formalités du testament mystique ont été observées, l’écrit intérieur ne participe pas à l’authenticité de l’acte de suscription ; il n’en reste pas moins un acte sous seing privé. La déclaration par le testateur que l’acte qu’il présente est signé par lui ne fait pas que le notaire puisse attester que cette signature a été apposée devant lui, et il n’y a d’authentique que les faits dont le notaire a été témoin. Nous en conclurons que, si la ’signature du testateur, apposée à l’écrit qui contient ses dernières dispositions, venait à être méconnue, les légataires qui se prévaudraient du testament seraient, comme en matière de testament olographe, tenus d’en poursuivre la vérification.

Avant d’aborder les testaments privilégiés, nous examinerons brièvement les formes testamentaires qui doivent être suivies d’après la nationalité du testateur et le pays ou le testament est fait.

Du testament fait par un Français à l’étranger ou par un étranger eu France. Le Français, tant qu’il reste en France, ne peut tester que dans l’une des formes admises par la loi française ; s’il se trouve a l’étranger, il pourra toujours se servir de la forme olographe, ainsi que l’article 999 lui en donne le pouvoir. De plus, il pourra y tester suivant les formes usitées dans le pays où il se trouve, et, bien que la loi ne parle que de testament authentique, nous croyons qu’il pourrait consacrer ses dernières volontés par un acte sous seing privé dans un pays où les formes testamentaires ne comporteraient pas la présence d’un officier public. Ajoutons qu’il est une dernière forme dont pourrait se servir le Français en pays étranger, c’est de tester devant le chancelier du consulat français, en présence du consul et de deux témoins, d’après l’article 24 du livre Ier, titre ii, de l’ordonnance sur la marine de 1681, confirmée par une circulaire ministérielle de 1834 : Ces testaments faits à l’étranger ne pourront être exécutés sur les biens situés en France qu’après avoir été enregistrés au bureau du domicile du testateur et au bureau de la situation des immeubles dont il serait disposé par testament (art. 1000). Ce n’est la qu’une mesure fiscale, dont l’exécution n’a aucune influence sur la validité du testament.

L’étranger en France peut y tester suivant l’une quelconque des formes établies par la loi française ; il pourrait même se servir de la forme olographe, alors que cette forme ne serait pas usitée dans son pays ; mais la jurisprudence n’admet pas qu’il puisse faire un testament en France suivant la forme de sa loi nationale. La règle locus régit actum n’est pas seulement facultative, elle est obligatoire, et, si elle n’est pas suivie, les dispositions relatives aux immeubles situés en France ne pourront pas être mises à exécution.

L’étranger qui réside k l’étranger ne pourrait disposer d’immeubles situés en France que dans l’une des formes reçues par sa loi nationale. Par exemple, il ne pourrait faire un testament olographe s’il n’était pas admis par sa législation personnelle.

Des testaments privilégiés. Nous allons analyser en peu de mots les dispositions spéciales de la loi dans lesquelles elle a cru devoir se relâcher des règles ordinaires sur le mode de tester, eu égard aux circonstances dans lesquelles se trouvent les personnes qui peuvent user de ces formes particulières.

Du testament militaire. Ce testament peut être reçu par un chef de bataillon ou d’escadron ou tout autre officier d’un grade supérieur, soit devant deux sous-intendants militaires ou devant un sous-intendant en présence de deux témoins. Il peut l’être aussi, lorsque le testateur est malade ou blessé, par l’officier de santé en chef assisté du commandant militaire chargé de la police de l’hospice. Ceux qui peuvent employer ces formes privilégiées sont les militaires en activité de service et les individus employés dans les armées lorsqu’ils se trouvent soit en expédition militaire, soit en quartier, soit en garnison, hors du territoire français, ou lorsqu’ils sont prisonniers chez l’ennemi. Ils peuvent même s’en servir lorsque, étant en France, ils se trouvent soit dans une place assiégée, soit dans une citadelle ou autres lieux dont les portes sont fermées et les communications interrompues à cause de la guerre. Ce testament doit être daté, signé par le testateur, par ceux qui l’ont reçu et par les deux témoins. Il cesse d’être valable après six mois à compter du retour du testateur dans un lieu où il a la faculté de tester selon les formes ordinaires.

Du testament fait en temps de peste. Les personnes qui se trouvent dans un lieu avec lequel toute communication est interceptée à cause de la peste ou de toute autre maladie contagieuse peuvent tester devant le juge de paix de la commune ou l’un des officiers municipaux, en présence de deux témoins. Les règles du testament militaire, en ce qui touche la forme, le temps pendant lequel il peut produire effet, sont applicables aux testaments faits en temps de peste.

Du testament maritime. Les testaments faits sur mer, soit par des personnes qui font partie de l’équipage, soit par de simples passagers, doivent être reçus à bord des vaisseaux du gouvernement par le capitaine ou celui qui le supplée dans l’ordre du service, assisté de l’officier d’administration ; à bord des bâtiments de commerce par l’écrivain du navire, conjointement avec le capitaine, le maître ou le patron. Pour faire un semblable testament, il faut que l’on soit, d’une part, en mer, de l’autre pendant le cours d’un voyage. D’où il suit que le testament serait nul si le navire était encore au port, attendant le jour du départ, ou s’il avait abordé un port français ou étranger.

Les testaments faits sur mer, même olographes, ne peuvent contenir aucune disposition au profit des officiers du vaisseau, s’ils ne sont parents du testateur. Un legs fait à l’un de ces officiers serait nul, mais il n’entraînerait pas la nullité du testament tout entier, à moins que le bénéficiaire du legs n’ait reçu lui-même le testament ou n’y ait figuré comme témoin.

Ce testament n’est valable que si le testateur meurt en mer ou dans les trois mois après qu’il est descendu dans un lieu où il aurait pu tester en la forme ordinaire. Certaines précautions doivent être prises pour assurer la conservation du testament ; l’officier qui le reçoit en fait un double original et, lorsqu’il aborde dans un port où est un consul, il remet l’un des originaux clos et cacheté aux mains de ce consul qui doit le faire parvenir au ministre de la marine, lequel, à son tour, en fait le dépôt au greffe de la justice de paix du domicile du testateur.

Modes de conservation et d’exécution des testaments. Le testament par acte public doit être conservé dans les minutes du notaire, qui ne peut en remettre l’original au testateur, même contre décharge que lui donnerait ce dernier. Le testament mystique doit aussi être conservé par le notaire qui, toutefois, devrait le rendre au testateur qui le réclamerait. Quant au testament olographe, le testateur le conserve ou le remet à telle personne qu’il juge convenable.

Quant à l’exécution, il n’y a rien à dire en ce qui concerne les testaments par acte public, qui sont exécutoires par eux-mêmes et dont toute personne intéressée pourra demander une expédition après le décès du testateur. Il n’en est pas de même des testaments olographes ou mystiques. Ceux-ci doivent, avant d’être mis à exécution, être présentés au président du tribunal de première instance de l’arrondissement dans lequel la succession est ouverte. Ce testament sera ouvert s’il est cacheté. Le président dressera procès-verbal de la présentation, de l’ouverture et de l’état du testament, dont il ordonnera le dépôt entre les mains d’un notaire par lui commis. S’il s’agit d’un testament mystique, l’ouverture n’en pourra être faite qu’en présence du notaire et de ceux des témoins signataires de l’acte de suscription qui se trouveront sur les lieux ou eux appelés (art. 1007). Ces formalités n’ont d’autre objet que d’assurer la conservation des testaments olographes ou mystiques ; leur inexécution ne saurait influer sur la validité de ces testaments. Outre ces formalités, il en existe une spéciale et qui doit être observée lorsque le legs est universel et que le testateur ne laisse pas d’héritier à réserve : c’est la demande d’envoi en possession que doit former le légataire universel institué par un testament olographe ou mystique. Cette demande est adressée au président du tribunal par une requête au bas de laquelle celui-ci met l’ordonnance d’envoi en possession et à laquelle on joint l’acte de dépôt. La mission du président est d’examiner si le testament remplit les conditions légales pour la validité du legs universel ; mais soit qu’il prononce, soit qu’il refuse cet envoi, cette mesure n’a qu’un caractère provisoire et n’enlèverait pas aux héritiers les moyens qu’ils auraient à faire valoir contre le testament.

Lorsqu’il n’y a pas d’héritier à réserve, le légataire universel est saisi de droit de la succession ; mais le législateur n’a pas voulu qu’il pût appréhender les objets héréditaires sans qu’il l’ut préalablement pris des précautions pour rassurer la société et pour garantir les droits des absents intéressés. Sans doute, le légataire universel qui a pour lui un testament authentique n’est obligé à aucune précaution, la forme authentique de l’acte est une garantie suffisante de sa sincérité ; mais lorsque le légataire est institué par un testament olographe ou mystique, le président du tribunal vérifiera si le testament est régulier, s’il ne s’élève aucun doute sur la validité du legs universel, et il pourra, s’il y a lieu, en refusant l’envoi en possession, empêcher l’appréhension de l’hérédité par un légataire dont les prétentions seraient plus tard déclarées mal fondées.

Comme l’envoi en possession ordonné par le président n’est qu’un acte de juridiction gracieuse par lequel il ne préjuge rien sur les causes de nullité intrinsèque dont le testament pourrait être affecté, les héritiers légitimes n’auraient contre l’ordonnance d’envoi en possession aucune voie de recours, ni l’opposition, ni l’appel, ni la tierce opposition, car l’ordonnance dont il s’agit ne statue nullement sur les droits respectifs des héritiers et du légataire, dont les droits, au fond et en la forme, sont entièrement réservés. Mais les parties intéressées pourraient requérir des mesures conservatoires pour sauvegarder leurs droits contre les détournements, les dilapidations des biens de la succession qui seraient irréparables en cas d’insolvabilité de l’envoyé en possession. Devant qui se porteraient ces demandes d’apposition de scellés ou d’inventaire ? Ce sera devant ie tribunal du lieu où la succession s’est ouverte ou même simplement devant le président de ce tribunal par voie de référé ; il aura alors à apprécier s’il doit modifier ou suspendre les effets de l’envoi en possession qu’il a ordonné.

Les frais de la demande en délivrance sont à la charge de la succession (art. 1016), et cela est juste, car les frais de payement sont à la charge du débiteur, et ici la succession se trouve débitrice envers les légataires. Quant aax droits d’enregistrement et de mutation, ils doivent être supportés par ceux au profit desquels la mutation est opérée, c’est-à-dire par les légataires.

Testaments remarquables par leur originalité et leur bizarrerie. « Il n’est rien, dit Montaigne, de quoi je m’informe si volontiers que de la mort des hommes : quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eus, ni endroit des histoires que je remarque si attentivement... Si j’estois faiseur de livres, je ferois un registre commenté de morts si diverses. » Un registre de testaments ne serait pas moins instructif à notre avis. La mort frappe à la porte : éperdu, tremblant, l’homme songe que tout à l’heure il faudra partir, faire dans les ténèbres le saut dont parle Hobbes, quitter pour toujours cette terre où son âme avait pris si vigoureusement racine, où il a si longtemps souffert, joui, travaillé, lutté, haï, aimé, où il laissera ses biens qu’il avait conquis par tant de peines, ses amis, ses parents, ses enfants, tout ce qui lui est cher, ce qui était le but et la source de sa vie, sa vie elle-même ! Il s’en ira seul et nu. Dans quelques instants, de ce qui fut lui, de son orgueilleuse personnalité, que subsistera-t-il en ce monde ? Rien ! rien ! Si fait, sa volonté restera debout. Tandis que, sous le gazon du cimetière, le corps pourrira oublié, la dernière volonté du mort vivra, commandera aux vivants, régnera incontestée. Ses biens, fruit de longs et rudes labeurs, il ne les abandonnera pas tout à fait en mourant ; il en reste propriétaire par delà la tombe, en ce sens que tout ce qu’il aura ordonné, prescrit à leur occasion sera ponctuellement exécuté ; qu’il en dispose librement, qu’il les donne à qui bon lui semble, qu’il impose à ses légataires telles conditions qu’il lui plaira ; il est le maître, tous ses désirs seront accomplis. C’est alors que l’on voit souvent des choses étonnantes ; en présence de la mort, dans ce dernier acte de volonté, le masque tombe, l’homme se décèle ; ses désirs intimes, ses goûts secrets, ses passions cachées font éclater le vernis des convenances hypocrites ; l’âme se montre à nu ; tel qui passait pour croyant apparaît cynique ; tel qui semblait résigné se dénonce révolté ; l’humble démasque des vanités énormes ; ce prétendu homme d’esprit n’était qu’un sot ; celui-ci, que vous avez toujours vu agir et parler raisonnablement durant toute sa vie, était aliéné ; il dissimulait sa folie ; l’avarice ne voulant pas làcher ses trésors, l’orgueil hautain et méprisant, la misanthropie, la luxure, la bienveillance, l’amour timide qui n’a pas su parler, l’inimitié ulus forte que la mort, la gaieté quand même, la passion dominante, le trait signalétique quel qu’il soit, est toujours celui que l’acte de dernière volonté accuse, fixe et met en lumière, pour l’enseignement de ceux qui savent voir ; idée que Pline le Jeune a ainsi exprimée : Testamenta hominum speculum sunt moris.

Citons maintenant quelques testaments remarquables.

Eusèbe, Origène et plusieurs auteurs fort graves parlent des testaments d’Adam et d’autres patriarches. Il est bien regrettable qu’ils n’aient pas donné le texte de ces pièces d’une si haute importance. À l’occasion du testament de Noé surtout, ils entrent dans des détails qui méritent d’être connus. Ils disent que Noé, suivant l’ordre de Dieu, fit son testament. En effet, il avait une assez jolie propriété territoriale à laisser à ses enfants, et, pour éviter toute contestation après sa mort, il était bon de régler par un testament la portion qui revenait à chacun. En conséquence, il donna tout l’Orient à Sem, l’Afrique entière à Chain, et à Japhet l’Europe entière avec les lies et les parties septentrionales de l’Asie, recommandant bieu à chacun de se contenter de sa part, de ne point chercher à empiéter sur celle du voisin, de ne lui faire aucun tort, parce que ce serait une source de discordes et de guerres intestines. Ensuite il remit l’original du testament, dûment lu et signé, à Sem, comme l’aîné et le plus pieux de ses trois fils. Cédrène, dans son Compendium historiarum, donne des détails plus positifs encore sur cet acte, sur l’âge du testateur et des héritiers, sur l’indication des domaines légués à chacun. Philastrius, évêque de Brescia au ive siècle, dit dans son Traité des hérésies (ch. lxx), qu’on regardait comme hérétiques tous ceux qui doutaient de ce partage.



« Eudamidas de Corinthe, raconte Lucien, avait pour amis Arétée de Corinthe et Charixène de Sicyone ; il était pauvre, mais ses amis étaient a leur aise. En mourant, il fit un testament qui paraîtra ridicule à bien des gens, mais qu’admireront toujours ceux qui connaissent à fond le prix de l’amitié. Ce testament était conçu en ces termes : Je lègue à Arétée ma mère à nourrir et je le prie d’avoir soin de sa vieillesse. "Je lègue à Charixène ma fille à marier et à doter le mieux qu’il pourra. Si l’un d’eux vient à mourir, que l’autre prenne la part du défunt. Lorsqu’on fit lecture de cet acte sur la place publique, suivant la coutume, il n’y eut personne qui ne s’en allât en riant et en disant : Arétée et Charixène seront fort heureux s’ils acceptent leurs legs ! Eudamidas a trouvé moyen d’hériter d’eux quoiqu’ils soient encore en vie ! Mais ces honnêtes légataires, dès qu’ils eurent connaissance du testament, accoururent sur-le-champ et en demandèrent la délivrance. »



La reine Austrigilde, femme du roi Gontran, exigea en mourant et obtint de son mari qu’il ferait tuer et enterrer avec elle les deux médecins qui l’avaient soignée pendant sa maladie.



Richard sans Peur, duc de Normandie, mort en 996, laissa un testament empreint d’une grande humilité : « Je veux être enseveli devant l’huys (la porte) de l’église de Fécamp, afin d’être conculgué (foulé aux pieds) de tous les entrants. » Ses dernières volontés furent exécutées. Mais, peu d’années après, un abbé de Fécamp, voyant que « à si digne personnage plus décente sépulture appartenoit, » le fit découvrir et mettre devant l’autel. Son fils Richard II l’imita dans sa piété et son humilité lorsqu’il fit ses dernières volontés. Il voulut être enterré dans le cimetière « et sous une gouttière de l’église, » porte son testament. Il fut fait selon sa volonté.



On peut, comme contraste, mettre en regard de ces deux testaments celui d’un seigneur de la maison du Châtelet, mort vers 1280, qui voulut que son tombeau fût creusé dans un des piliers de l’église de Neufchâteau et que son corps y fût placé debout, « afin, porte la clause, que les vilains ne lui marchassent point sur le ventre. »



Saladin, sultan d’Égypte, ordonna par son testament que l’on distribuât des sommes considérables aux musulmans, aux juifs et aux chrétiens pour que les prêtres des trois religions implorassent la miséricorde de Dieu pour lui ; ensuite il prescrivit de porter au bout d’une pique là chemise ou la tunique qu’il aurait en mourant, qu’on la promenât dans tout le camp et à la tête de son armée, et que celui qui la porterait criât d’espace en espace : « Voici tout ce qui reste du puissant empereur Saladin ; de tous les États qu’il a conquis, de toutes les provinces qu’il a subjuguées, des trésors immenses, de toutes les richesses qu’il a possédés, il ne lui est resté en mourant que ce linceul. »



Édouard Ier préparait une expédition contre les Ecossais, lorsqu’une maladie mortelle l’enleva le 7 juillet 1307. Ses dernières volontés, quoiqu’elles n’aient été que verbalement exprimées, peuvent être mises au nombre des testaments singuliers. Nous laissons la parole à Froissart : « Le bon roy Édouard, dit-il, trespassa en la cité de Warvich. Et quand il mourut, il fit appeler son aisné fils (Édouard II, qui après lui fut roy) par devant ses barons et lui fit jurer sur les saints qu’aussitôt qu’il seroit trespassé il le feroit bouillir en une chaudière, tant que la chair se départirait des os, et après feroit mettre la chair en terre et garderoit les os ; et toutes les fois que les Escoçois se rebelleroient contre lui, il semondroit ses gens et porterait avec lui les os de son père. Car il tenoit fermement que tant qu’il auroit ses os avec lui, les Escoçois n’auroient point de victoire contre lui. Lequel n’accomplit rien ce qu’il avoit juré : ains fit rapporter son père à Londres, et là ensevelir ; dont lui meschut. » En. effet, le règne d’Édouard II ne fut qu’une série de malheurs ; le Parlement de 1328 le déclara inhabile au gouvernement et le déposa.

Ce testament d’Édouard Ier rappelle celui qu’une tradition, aujourd’hui reconnue fausse, a attribué à Jean Ziska, mort en 1421. Il exigea, dit-on, qu’aussitôt après sa mort on l’écorchât et qu on fit un tambour de sa peau. « Le bruit seul, dit-il à ses soldats, suffira pour effrayer vos ennemis et pour les mettre en déroute. »



On peut certainement mettre au rang des testaments singuliers celui que l’empereur Maximilien Ier fit en 1519. Il ordonna, dans cette bizarre pièce, qu’aussitôt après son décès ses cheveux seraient coupés, ses dents broyées et réduites en cendres publiquement dans la chapelle de sa cour. Il désira encore, pour montrer la vanité des grandeurs humaines, que son corps, après avoir été exposé toute la journée, fût renfermé dans un sac rempli de chaux vive, recouvert de taffetas et de damas blanc ; qu’il fût ainsi exposé dans le cercueil préparé pour le recevoir ; qu’on l’inhumât dans l’église du palais de Neustadt, sous l’autel Saint-Georges ; surtout qu’il fût placé de manière que la tète et le cœur se trouvassent sous les pieds du célébrant. Ses intentions furent strictement exécutées.



On s’est quelquefois servi des formules solennelles des testaments pour léguer ses opinions à la postérité en même temps que ses biens à ses héritiers. Luther s’est servi de ce procédé contre Érasme : « Ceci est mon testament, que je laisse après moi et dont je vous prends à témoin. Je tiens Érasme de Rotterdam pour le plus dangereux ennemi du Christ. Dans son Catéchisme, celui de tous ses ouvrages qui m’offusque le plus, il n’enseigne aucune doctrine nette et tranchée ; je n’y vois pas un mot qui pousse dans un sens plutôt que dans l’autre ; en revanche, il y accumule des erreurs faites pour porter le trouble dans les jeunes âmes. Il a écrit contre moi un livre intitulé Hyperaspiles, dans lequel il essaye de défendre son Traité sur le ’libre arbitre, que j’ai attaqué dans mon De servo arbitrio. Mon ouvrage à moi n’a pas été réfuté, et ce n’est pas Érasme qui le réfutera ; car j’ai la conviction que ce que j’ai écrit sur cette matière est la propre vérité de Dieu. S’il y a au ciel un Dieu vivant, Érasme sera un jour confondu et puni. Il est l’ennemi de la religion, l’adversaire déclaré du Christ, le vrai portrait d’Epioure et de Lucien. »



« Feu Montaigne, auteur des Essais, dit Automne, sentant approcher la fin de ses jours, se leva du lit en chemise, prenant sa robe de chambre, ouvrit son cabinet, fit appeler tous ses valets et autres légataires et leur paya les legs qu’il leur avait laissés dans son testament, prévoyant les difficultés que feraient ses héritiers. »



Au <span class="romain" title="Nombre xvii écrit en chiffres romains">xviie siècle, une vieille demoiselle dévote, choquée de ce que les ecclésiastiques, familiarisés avec les cérémonies lugubres des enterrements, n’y paraissaient pas pour la plupart fort tristes et même y riaient quelquefois, voulut réformer cet abus, au moins pour ses funérailles. Mais le moyen qu’elle employa produisit un effet tout opposé au but qu’elle se proposait. Elle fît son testament et, par une clause spéciale, elle déclara que, si quelque ecclésiastique s’avisait de rire à son convoi, elle entendait qu’il ne lui fût rien payé de la somme très-forte qu’elle destinait aux honoraires du chapitre, et que la portion du ou des rieurs fût répartie sur ceux qui ne riraient pas. Quelque temps après, la bonne dame meurt ; son frère, qui était son héritier, convoque le clergé et fait part aux ecclésiastiques de l’article du testament qui leur prescrivait d’être sérieux pendant l’enterrement. On promit bien de l’exécuter ; mais à peine la cortège funèbre fut-il en marche, qu’il n’y eut pas un seul prêtre qui, jetant les yeux sur son voisin et songeant à la clause testamentuire, pût s’empêcher de rire. Pendant le trajet au lieu saint et même au cimetière, l’hilarité continua ; alors le frère, prenant acte de cette infraction au prescrit de la disposition testamentaire, refusa au clergé ses honoraires. L’affaire fut plaidée ; l’avocat de l’héritière fit valoir la sagesse de la clause ; mais celui du clergé lui répondit qu’il éiait impossible, dans une pareille circonstance, d’envisager le zèle hypocrite d’un frère héritier d’une fortune opulente, sans en rire ; qu’ainsi il fallait mettre cette clause au rang des dispositions non écrites. Le clergé gagna sa cause (Peignot, Choix de testaments remarquabtes.)



Un chanoine prébendé de l’église de Saint-Pierre de Genève, nommé Dominique de Viry, inséra dans son testament, daté des ides de février 1500, une clause à peu près semblable. Fondant un anniversaire pour lui et pour les siens, il ordonna que les chauoines absents, dormant ou babillant pendant l’office dudit anniversaire (ce sont les expressions du fondateur) fussent privés de leur part à la rente qu’il leur assigne et dont la portion devra augmenter celle des autres.



En 185., lord N***, un des plus riches gentlemen du Royaume-Uni, vint à mourir. Ses nombreux collatéraux, ses clients, le nombreux personnel de ses maisons étaient rassemblés, sur sa volonté expresse, pour assister à la lecture de son testament, que l’originalité bien connue du défunt faisait présager gros de surprises. Au moment où le notaire ouvrait le parchemin, après en avoir fait sauter les cachets, un jeune chat s’élança sur l’épaule d’une petite servante qui se tenait cachée derrière tout le monde. L’animal folâtre faisait de telles gambades et de telles grimaces, que l’enfant, n’y tenant plus, partit d’un grand éclat de rire. L’assemblée entière, choquée d’une telle irrévérence et d’un si prodigieux oubli du décorum, fixa sur la pauvre fille des yeux furibonds ; mais l’élan du rire est si contagieux, que plus l’enfant faisait d’efforts pour le comprimer ; plus son rire éclatait. On allait, avec indignation, procéder à l’expulsion de la servante, lorsque le notaire, qui avait jeté les yeux sur le testament, la proclama, à la stupéfaction générale, légataire universelle ; en effet, la première clause attribuait la totalité de l’héritage à la personne qui ne pourrait s’empêcher de rire à l’ouverture du testament. Comme de raison, les héritiers en appelèrent au tribunal, qui donna gain de cause à la jeune fille et fit respecter les dernières volontés du défunt. La servante ne se sépara plus du chat auquel elle devait sa fortune et trouva moyen de faire partager l’héritage à l’un des héritiers déconvenus.



Un avare, au lit de mort, fait venir son notaire, s’accommode sur ses oreillers et dit : « Écrivez toujours le commencement, et puis je vous dicterai les articles. — Je donne, lègue et transfère..., écrit l’homme de loi en répétant la formule à mesure. — Du tout ! du tout ! s’écrie le testateur, qui l’interrompt vivement. De tout cela je ne fais rien. Jamais ce ne sera ma volonté ni de donner, ni de léguer, ni de transférer quoi que ce soit. Je ne le pourrais pas. — Très-bien, fit le notaire, qui réfléchit quelque temps avant de trouver à modifier le style officiel. Si nous mettions : • Je prête jusqu’au jugement dernier ? — À la bonne heure ! voilà qui peut aller, » reprit l’avare. La difficulté était levée, et le reste du document marcha fort bien.



Pope, dans une satire, raconte une anecdote analogue :

« Je donne... (en soupirant disait le vieux Cléon)
Ma ferme et mon domaine à mon neveu Léon.
— Et votre argent, monsieur ? — Quoi ! tout le numéraire ! ...
Allons, puisqu’il le faut, je le donne à Valère.
— Votre manoir, monsieur ? » Ici Cléon pleura,
Et criant : « Je ne puis le donner ! » expira.



Un autre Harpagon écrivit à la fin de son testament : « On ne fera pas faire la grosse par le notaire X... ; il est trop cher. »



Un joaillier nommé Paul Duhalde, qui vivait au commencement du xviiie siècle, eut l’idée bizarre de contracter une société avec Dieu. À cet effet, il rédigea un acte transcrit sur son livre journal dans les termes suivants : «  J’ai résolu de-contracter une société avec Dieu, promettant et faisant vœu d’en accomplir tous les articles qui sont ci-après, et j’engage mes héritiers, quels qu’ils soient, à la teneur de tous ces articles, au cas que je meure avant de l’avoir fait par moi-même.  » Puis, il déclare que cette société, qui a pour objet le commerce des pierreries, est pour cinq ans, à commencer du 2 octobre 1719. Il fixe son bien à 3,000 piastres d’Espagne (15,000 livres de France) ; c’est le fonds qu’il met dans la société, c’est tout ce qui lui reste. Il s’interdit la faculté de contracter aucune autre société pendant cinq ans, si ce n’est avec une femme par le mariage. Aussitôt les cinq ans écoulés, il fera sou bilan ; il prélèvera sur la société : 1o la mise de fonds de 3,000 piastres ; 2o la dot qu’une femme pourra lui apporter ; 3o les successions qui pourront lui échoir pendant ladite société ; après quoi il ajoute : « Et l’excédant se partagera entre Dieu et moi. » Cette singulière société ainsi réglée, Duhalde commence des entreprises dont le résultat est heureux. À l’expiration des cinq ans, ayant liquidé Ses comptes, il se reconnaît débiteur de son associé pour une somme assez considérable ; mais, comme le profit de la société consiste en pierreries non encore vendues, il met ces pierreries dans des paquets sur lesquels il inscrit : « Moitié pour les pauvres, » et, au bas du compte où ce qui revient aux pauvres est réglé, il inscrit : « Malheur et malédiction à mes héritiers quels qu’ils soient qui, sous tel prétexte que ce puisse être, ne donneraient point aux pauvres la moitié de tout ce qui proviendra des susdits articles de pierreries, si Dieu disposait de moi avant que j’eusse satisfait par moi-même, encore que mon bien se trouvât, par quelque événement extraordinaire, réduit à la seule somme qui serait due aux pauvres, puisqu’elle doit être considérée comme un dépôt qu’il faut indispensablement rendre. » Outre cela, Duhalde, pour assurer en grande partie ce qu’il devait aux pauvres, lit, se sentant gravement malade, huit billets de 1,000 livres chacun, payables à ordre d’année en année, et il remit ces billets entre les mains du vicaire de Saint-Germain-l’Auxerrois. Peu de jours après, il mourut, laissant un testament dans lequel il déclarait que, sur les livres faisant mention de ses affaires, il y avait plusieurs articles qui rappelaient des choses qui intéressaient les pauvres ; il priait son exécuteur testamentaire d’examiner ces articles avec toute l’exactitude possible et de les faire exécuter dans toute leur étendue. Il y eut, à propos de ce testament, un curieux procès entre les administrateurs de l’Hôpital-Général et le tuteur de la veuve et des enfants que laissait l’associé de Dieu. Un arrêt, rendu le 3 avril 1726 sur les conclusions de d’Aguesseau, avocat général, déclara valable le testament et autres actes qui y étaient rappelés et en ordonna l’exécution.



L’acteur comique Thomas Weston, fort populaire en Angleterre au milieu du siècle dernier, était le désordre en personne, toujours endetté, toujours poursuivi par les recors, et si adonné au vin, qu’il se tua comme systématiquement à force de boire. Mais il ne perdit jamais sa gaieté naturelle et se montra plaisant jusqu’àu bout sur la scène du monde comme sur la scène du théâtre. Voici son testament, dicté à un ami quelques semaines avant sa mort :

« Comme j’ai quelques obligations à M.Garrick, je lui lègue tout l’argent comptant que je posséderai à M ma dernière heure. Cela n’ira peut-être pas loin ; mais il n’aime rien au monde autant que l’argent et il ne trouvera jamais qu’il en ait trop.

Item. A M. Reddish, un grain de probité. C’est, sans doute, un legs bien léger ; mais, comme ce sera du nouveau pour lui, j’espère qu’il ne me refusera pas de l’accepter.

Item. A M. Brereton, une petite dose de modestie ; trop ne vaut rien.

Item. Comme M. Jacobs attend depuis longtemps l’occasion de remonter sa garde-robe, sinon sa fortune, avec la friperie d’un mort, je lui lègue deux ou trois paires de mes souliers, les plus éculés, et, en conscience, c’est encore assez bon pour lui.

Item. Comme je ne voudrais pas avoir l’air d’oublier mes amis, et surtout mes vieux amis, je lègue à Ch. Bannister mon portrait en miniature, pour le prendre après ma mort et le porter à son cou en guise de mémento, afin qu’il se souvienne que la régularité est la plus sûre de toutes les méthodes pour vivre longtemps et en bonne santé.

Item. Dibble Davies veut absolument avoir quelque chose qui vienne de moi, à titre de vieille connaissance. Je lui fais cadeau de ma constitution ; par malheur, je l’ai bien usée, et j’ai grand’ peur que, moi mort, elle ne vaille guère mieux que la sienne.

Item. Je lègue à toutes les dames en général, sinon la réalité, au moins les dehors de la modestie, qui leur serviront plus souvent qu’elles ne croient.

Item. A MM. les acteurs, un peu de tenue.

Item. Aux acteurs du jour, un. soupçon de verve.

Item. Au public, toute ma reconnaissance.  »



Un gentilhomme anglais, irlandophobe, laissa un testament qui contenait la disposition singulière que voici : " Je donne et lègue la somme annuelle de 10 livres sterling pour être payée à perpétuité par ma succession, laquelle somme, telle est ma volonté et mon plaisir, sera employée à acheter d’une certaine liqueur nommée vulgairement wiskey, et il sera donné avis au public que cette liqueur doit être distribuée à un certain nombre de particuliers, Irlandais seulement, lequel nombre ne sera pas au-dessous de vingt, et ils s’assembleront sur le cimetière où je dois être enterré. Là, on leur donnera à chacun un bâton en bois de chêne et un couteau, et, ainsi armés, le wiskey leur sera distribué par demi-pinte à chacun jusqu’à ce que le tout soit consommé, et je veux que cela ait lieu tous les ans, le 17 de mars ou le 10 d’octobre. Ma raison en est que les habitants grossiers d’Irlande, chaque fois qu’ils s’assemblent, ne manquent que d’armes pour s’entre-détruire et j’ai voulu prendre le moyen le plus efficace pour les assembler, dans l’espérance qu’avec le temps ils dépeupleront eux-mêmes leur pays, qu’on pourra repeupler ensuite avec une race civilisée venue de l’Angleterre. »



Un riche particulier de Londres meurt et laisse à une certaine miss B..., qui ne le connaissait nullement, une fortune de plusieurs millions ; l’article du testament était ainsi conçu : « Je supplie miss B..., d’accepter le don de ma fortune entière, trop faible auprès des inexprimables sensations que m’a fait éprouver pendant trois ans la contemplation de son adorable nez. »



On rencontrait à Londres, au commencement de ce siècle, un vieil original, le docteur Martin van Butchell, habillé d’une façon singulière, et dont la caricature figura souvent à la devanture des libraires. Il se faisait voir au parc le dimanche, coiffé d’un tricorne, allant et venant à l’amble sur un cheval peint. On le traitait d’excentrique, même de charlatan, et l’on racontait qu’il avait fait fortune grâce à un tour assez curieux. Il avait épousé une dame appelée à jouir d’un legs considérable «  tant qu’elle resterait sur la surface de la terre. » Tels étaient les propres termes du testament. Il imagina de les prendre à la lettre, et, pour conserver l’usufruit après la mort de sa femme, il l’embauma, enferma la momie dans une vitrine et la garda dans sa chambre à coucher jusqu’à, son dernier jour ; après quoi on les enterra tous deux de compagnie. Beaucoup de gens affirmaient avoir vu de leurs yeux l’intéressante relique ; dans tous les cas, l’histoire eut cours et ne rencontra pas beaucoup d’incrédules.



La très-honorable Edith Mand Mure Campbell Raudon Abney Hastings, comtesse de London, baronuesse Camphell, London, Manchline et Terreuzene, morte à Ventnor (Ile de Wight) le 23 janvier 1874, a fait avant sa mort un testament qui contient une clause singulière. Après avoir, par ce document, légué tous ses biens à son mari survivant, Frédérick Abney Hastings, et exprimé le désir que son convoi fût aussi simple que possible, la testatrice a ajouté de sa propre main la clause que voici : « Je désire que ma main droite soit détachée de mon corps et enterrée dans le parc de Donnington, sur la pente de la colline qui descend vers le Trent, et qu’on place à l’endroit où elle aura été déposée une petite croix de pierre portant les mots : I byde my tyme (J’attends le moment). »



Louis Barbier, abbé de La Rivière, était un homme assez méprisé. Parti de très-bas, il s’éleva rapidement à force d’intrigues et de bassesses. Mazarin, à qui il vendait les secrets de Gaston d’Orléans, dont il était le favori, le récompensa en le faisant nommer en 1655 évêque-duc de Langres et pair de France. On raconte à ce propos qu’un jour (c’était après la mort de Gaston) l’abbé de La Rivière faisait, en présence de Mlle de Montpensier, un grand éloge de feu son père : « C’était, disait-il, un prince très-sage, très-pieux et qui valait beaucoup. — Vous devez savoir mieux que personne ce qu’il valait, lui répondit Mademoiselle ; vous l’avez vendu assez de fois pour cela ! ... » Louis Barbier légua tous ses biens aux églises et aux hôpitaux de Langres et de Paris ; mais il ne voulut reconnaître aucun de ses parents. Son testament contient deux articles assez curieux qui méritent d’être cités ici. Ces deux articles sont ainsi conçus :

« Je ne laisse rien à mon maître d’hôtel parce qu’il y a dix-huit ans qu’il est à mon service.

Item. Je lègue 100 écus à qui fera mon épitaphe. »

Cette dernière clause, authentique ou non, prêta à des plaisanteries et à des épigrummes, dont la meilleure est sans contredit celle de La Moimoye, ainsi conçue :

Ci-git un très-grand personnage
Qui fut d’un illustre lignage,
Qui posséda mille vertus,
Qui ne trompa jamais, qui fut toujours fort sage.
Je n’en dirai pas davantage :
C’est trop mentir pour cent ecus.



Vaugelas, le grammairien, mourut à Paris en 1650, dans une profonde misère. Fréron, dans son Année littéraire, rapporte qu’on l’avait surnommé le Hibou, parce qu’il était obligé de garder la chambre tout le jour et qu’il n’osait sortir que de nuit, de peur de tomber entre les mains de ses créanciers. Son testament fut remarquable ; après avoir disposé de ses effets pour acquitter ses créanciers, il ajouta : « Mais comme il pourrait se trouver quelques créanciers qui ne seraient I pas payés quand même on aurait réparti le tout, dans ce cas ma dernière volonté est qu’on vende mon corps aux chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, et que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la société, de sorte que, si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort. »



L’aventurier Théodore, qui fut un instant roi de la Corse et qui mourut misérablement dans un pauvre garni de Londres en 1755, songea aussi à satisfaire ses nombreux créanciers, et, dans son testament, il leur légua son royaume ; il avait même pris soin de l’hypothéquer à leur profit par-devant la cour des insolvables (insolvent court). L’histoire ne nous dit pas que les créanciers aient jamais bénéficié de l’hypothèque.



Le testament de Rabelais est célèbre. On connaît les derniers moments du maître railleur. Quand il eut reçu l’extrême-onction, il dit tout haut qu’on lui avait graissé les bottes pour le grand voyage. Le prêtre lui ayant demandé s’il croyait à la présence réelle de Dieu dans l’hostie, il répondit d’un air soumis : « Je le crois et j’en suis tout réjoui, car je crois voir mon Dieu tel qu’il était quand il entra dans Jérusalem, triomphant et porté sur un âne. » Ensuite il dicta ce testament burlesque : « Je n’ai rien vaillant, je dois beaucoup, je donne le reste aux pauvres. » Puis, éclatant de rire : « Tirez le rideau, la farce est jouée. » Le prêtre qui l’avait administré publia partout qu’il était mort ivre.



Ludovico Cortusio, célèbre jurisconsulte de Padoue au xve siècle, défendit par acte de dernière volonté, à tous ses parents et amis, de pleurer à son convoi. Celui d’entre eux qui pleurera sera déshérité, et au contraire celui qui y rira de meilleur cœur sera son principal héritier ou son légataire universel. Il défend de tendre en noir la maison où il mourra ainsi que l’église où il sera enterré, voulant, au contraire, qu’on les jonche de fleurs et de rameaux verts le jour de ses funérailles. Lorsqu’on portera son corps à l’église, il veut que la musique remplace le son des cloches. Tous les ménestriers de la ville seront invités à son enterrement ; cependant, il en fixe le nombre à cinquante, qui marcheront avec le clergé, les uns devant le corps, les autres derrière, et qui feront-retentir l’air du bruit des instruments, tels que luths, violes, flûtes, hautbois, trompettes, tambourins, etc., et ils chanteront Alléluia comme le jour de Pâques. Chacun d eux recevra pour salaire un petit écu. Son corps, enfermé dans une bière recouverte d’un drap de diverses couleurs joviales et éclatantes, sera porté par douze filles à marier vêtues de vert et qui chanteront des airs gais et récréatifs. Le testateur leur assigne une certaine somme d’argent pour dot. Les jeunes garçons et les jeunes filles qui accompagneront le convoi porteront, au lieu de flambeaux, des rameaux ou des palmes et auront des couronnes de fleurs sur la tête, faisant chorus avec les douze porteuses. Tout le clergé, accompagné de cent flambeaux, marchera devant le convoi, avec tous les religieux, excepté ceux dont le costume est en noir, la volonté expresse du testateur étant ou qu’ils ne paraissent point à l’enterrement, ou qu’ils changent de costume, pour ne point troubler la fête et la réjouissance publique par leur capuchon noir, dont la couleur est une marque de tristesse. L’exécuteur testamentaire sera chargé de faire exécuter toutes ces dispositions dans leur plus grand détail, sous peine de nullité, etc.

Les funérailles de Cortusio furent célébrées comme il l’avait prescrit, et il fut enterré à l’église de Sainte-Sophie, à Padoue, avec un appareil qui ressemblait à une noce beaucoup plus qu’à un convoi funèbre. Mais le testament ne tarda pas à être attaqué à raison de la bizarrerie de telles dispositions ; on voulait faire passer le testateur pour fou. La cour déclara cet acte valable. Les motifs de ce jugement sont eux-mêmes assez singuliers ; ils consistent dans le syllogisme que voici : « Ce testament est l’ouvrage d’un docteur très-célèbre ; or, un docteur très-célèbre ne saurait être en démence ni faire une action folle ; donc, le testament de L. Cortusio est valable. » Le Père Garasse, après avoir cité ce trait curieux et avoir accablé l’auteur des épithètes les plus injurieuses, ajoute : « Depuis ce maudit homme, il s’est vu en Italie des athéistes qui, par leur dernière volonté, mourant sans hoirs et estant chargés de richesses, ont légué : 1o 100 sols à l’hôpital, une fois payés ; 2o 1,000 francs à chaque prostituée de Rome qui se dirait telle ; 3o une rente annuelle aux basteleurs ; 4o une pension de 200 escus à deux ou trois chiens qui leur auraient donné du plaisir pendant leur vie, avec charge expresse à leurs exécuteurs testamentaires de garder ponctuellement toutes les conditions et circonstances de leur dernière volonté. »



Le peintre Bakhuysen, mort à Amsterdam en 1709, fit, dans ses derniers jours, acheter le meilleur vin qu’on put trouver, le fit mettre en bouteilles et le scella de son cachet. Ensuite, il mit dans une bourse autant de pièces d’or qu’il avait vécu d’années, c’est-à-dire soixante-dix-huit ; puis il fit son testament, par lequel il invita ses amis à son enterrement, et il les pria de dépenser avec joie l’argent qu’il leur laissait et de boire son vin d’aussi bon cœur qu’il le leur avait destiné.



Un autre peintre hollandais, Martin Heimskerk,laissa par testament une somme destinée à marier tous les ans une fille du village d’où il était, à condition que, le jour des noces, le marié et la mariée viendraient danser avec les conviés sur sa fosse. Cela s’est exécuté, dit-on, ponctuellement tant que la fondation a existé.



« Ce testament-ci, plein d’impiété, dit le Père Garasse, est d’un vieux athéiste assez connu sur les lieux pour les débordements de sa vie. Cet homme, qui n’avoit trop vescu que de soixante ans, mourut l’an 1601, en février, sur les confins du bas Poitou, dans un prieuré qui lui appartenoit, et fit un testament aussi méchant qu’on sauroit faire au milieu de la Turquie ; car il ordonna : 1o que son corps ne seroit point ensevely en terre sainte, mais au milieu du marché et dans un lieu profane, afin que ses os se ressentissent des danses villageoises qui se font en cette place toutes les après-soupées de l’été ; 2o qu’étant mort en février, il ne vouloit pas qu’on fît ses obsèques en ce mois, qui est un mois mélancolique, mais qu’on attendît au premier jour de mai, qui est le mois de réjouissance ; 3o que tous les ans, au premier jour de mai, on cherchât quatorze jeunes enfants vierges, de l’âge de dix ans, les plus beaux que l’on pourroit trouver deux lieues à la ronde, sept garçons et sept filles, lesquels on vêtiroit le plus pompeusement que faire se pourroit, les filles les cheveux épars et les garçons un chapeau de fleurs en tête ; 4o qu’en cet équipage ils s’en ioient danser autour de son sépulcre, chantant chansons joyeuses et libres, et puis, s’étant entrelacés en lacs d’amour, planteroient leurs branches de laurier dans les trous pratiqués expressément sur la pierre de sa tombe ; 5o qu’après ces entrelacs et accolades, les garçons d’un côté et les filles de l’autre dévoient entonner un branle du Poitou, le plus gai qui se fût composé en toute l’année ; 6o qu’après cela, la messe se devoit dire en plein marché sur une table ou sur un autel portatif qui seroit dressé à cet effet joignant sa tombe. Ce testament, ajoute Garasse, ayant été présenté en pleine cour du parlement, fut trouvé si profane et si plein d’impiété, que les exécuteurs testamentaires ont été relevés de ces charges par arrêt, avec défense expresse de continuer ces momeries, comme étant contraires aux sentiments du christianisme. » Les mots « continuer ces momeries » annonceraient qu’elles ont eu lieu pendant quelque temps.



Le 6 mai 1733 fut enterré à Wittesea M. Jean Unterwood de Necsington, grand admirateur d’Horace. Lorsque la fosse fut comblée et couverte de gazon, les six amis qui avaient conduit le défunt en terre chantèrent la dernière strophe de l’ode à Mécène :

Absinl inani funere nenuæ,
Luetusque turpes et querimoniæ ;
     Compæce clamorem, ac sepulcri
        Mille sxtpervacuos honores.

Telles avaient été les dernjères intentions du défunt ; toutes furent suivies. On ne fit point sonner les cloches ; il n’y eut d’invités que six amis, nul parent ne suivit le convoi. La bière était peinte en vert et on y plaça le corps tout habillé. On lui mit sous la tête l’Horace de Sanadon ; aux pieds, le Mitton de Richard Bentley ; à la main droite, une petite Bible grecque, avec une inscription en lettres d’or terminée par les initiales J. U. ; dans la main gauche, une petite édition d’Horace, avec cette inscription ; Musis amicus J. U. ; enfin, on lui mit l’Horacede Bentley sur le coccyx. La cérémonie finie, on s’en retourna à l’ancien logis du défunt, où sa sœur avait fait préparer un souper élégant, et, quand on eut desservi, ils chantèrent la xxxie ode du 1er livre d’Horace, puis ils burent une rasade et s’en furent dans la soirée. M. Unterwood avait laissé tout son bien à sa sœur, sous la condition qu’elle fît faire ses obsèques comme il le désirait : Après avoir donné les détails du convoi, le testament finissait ainsi : « Ceci fait, je désire que mes amis boivent gaiement une rasade et qu’ils ne pensent plus à J. Unterwood. »



Voici un extrait du testament d’un homme marié, mort à Londres au mois de juin 1791 : Vu que j’ai eu le malheur d’avoir pour femme Elisabeth M..., qui, depuis notre mariage, m’a tourmenté de toutes les manières ; que, non contente de se moquer de mes avis, elle a fait tout ce qu’il lui était possible de faire pour me rendre la vie à charge ; que le ciel ne semble l’avoir envoyée dans ce monde que pour m’en faire sortir plus tôt ; que la force de Samson, le génie d’Homère, la prudence d’Auguste, l’adresse de Pyrrhus, la patience de Job, la subtilité d’Annibal, la vigilance d’Hermogène ne suffiraient pas pour dompter la perversité de son caractère ; que rien dans le monde ne pourrait la faire changer, puisque nous avons vécu séparés pendant huit ans sans que j’y aie gagné autre chose que la perte de mon fils, qu’elle a corrompu et qui m’a totalement abandonné d’après ses conseils ; pesant mûrement et attentivement toutes ces considérations, j’ai légué et je lègue à ladite Elisabeth M..., ma femme, 1 shilling. »



Un autre mari anglais légua par testament à sa femme une somme de 500 guinées ; mais elle n’en jouira, ajoutait la clause, qu’après qu’elle sera morte, et cela, continuait le testateur, afin qu’elle ait de quoi se faire enterrer convenablement.



Le comte de La Mirandoie, mort à Lucques en 1625, donna toute sa fortune à une carpe qu’il nourrissait depuis vingt ans dans une piscine antique.



Une grande dame anglaise laissa le singulier testament que voici : « Convaincue que mon chien a été le plus fidèle de mes amis, je déclare le choisir pour seul exécuteur de mon testament et de mes dernières volonté, et lui laisser l’entière disposition de toute ma fortune. J’ai de grands sujets de plainte contre les hommes ; le physique ne vaut pas mieux chez eux que le moral. Mes amoureux sont volages et trompeurs ; mes prétendus amis faux et perfides. De toutes les créatures qui m’entourent, je n’en ai trouvé qu’une qui possède de bonnes qualités, c’est Fidèle. Je dispose de tous mes biens en sa faveur, et j’entends que des legs soient faits à tous ceux auxquels il lui plaira d’accorder ses caresses ou qu’il distinguera en remuant la queue. »



Sur la fin du dernier siècle, vers 1781, un paysan des environs de Toulouse laissa un testament ainsi conçu : « Je déclare que j’institue mon cheval à poil roux mon héritier, et je veux qu’il appartienne à N..., mon neveu. » Ce testament fut attaqué ; mais il fut confirmé. » Un très-grave jurisconsulte, Claude Serres, professeur de droit français à Montpellier, nous apprend le motif de cette décision : « Le testament fut déclaré valable et la succession du testateur adjugée au neveu qu’il avait désigné propriétaire du cheval, parce qu’on regarda que la simplicité du villageois devait assurer l’exécution de sa dernière volonté, et qu’ayant désigné son neveu celui-ci devait être son héritier. »



Le lieutenant général Fournier-Salovèse, mort en 1827, a laissé par testament une somme de 20,000 francs à la cavalerie française ; l’emploi de cette somme fut réglé par lui de la manière suivante : l’intérêt des 20,000 francs placés sur l’État serait réparti chaque année sur les trois plus anciens cavaliers présents sous les drapeaux. C’est donc 333 francs de rente pour chacun d’eux, tant qu’ils ne quitteront’pas l’armée.



Un avocat de Colmar, mort en 1826, légua 74,000 francs à l’hôpital des fous. « J’ai gagné, dit le testateur, cette somme avec ceux qui passent leur vie à plaider ; ce n’est donc qu’une restitution. »



Un riche Napolitain mourut en léguant toute sa fortune aux jésuites, qu’il laissa maîtres de donner à son fils unique la somme qu’ils voudraient. Comme ils ne voulaient presque rien accorder à l’héritier légitime, celui-ci les assigna devant le vice-roi, qui se fit lire d’abord le testament et demanda ensuite aux jésuites ce qu’ils voulaient donner au jeune homme. Ils finirent par promettre 10,000 livres, mais avec bien de la peine, demandant l’exécution rigoureuse du testament. « Cela est juste, mes Pères, répondit le vice-roi, mais vous l’entendez mal. Ne voyez-vous pas qu’il est dit que le fils aura ce que vous voudrez ? Or, la succession est de 300,000 livres ; vous en accordez 10,000 à l’héritier, c’est donc 290,000 livres que vous voulez pour vous. Eh bien, suivant la clause du testament, cette somme appartient au fils ; je vous ordonne de la lui rendre ; les 10,000 livres restantes seront pour vous. » Il fallut en passer par là.



Une femme, faisant son testament, dicta la clause suivante : « Je donne à mes neveux mon collier de diamants ; plus, à chacun d’eux, mille livres. » Le notaire, qui écrivait sous la dictée, mit : « à chacun deux mille livres. » 11 y eut à ce sujet un procès qui dura trente-deux ans.


— Hist. sainte. Ancien Testament. Nouveau Testament. V. Bible, Critique Biblique, Évangile, etc.


Testament politique d’Auguste. Antiq. rom. On appelle ainsi une grande inscription dans laquelle Auguste a résumé lui-même l’histoire de sa vie. Cette inscription, fort répandue pendant le Ie siècle de l’empire, a été retrouvée par fragments parmi les ruines d’Apollonie, puis tout entière sur les murs d’un ancien temple de la ville d’Ancyre (aujourd’hui Angora). Un Anglais, M. Hamilton, en découvrit d’abord quelques passages ; puis des Français, parmi lesquels un élève de l’école d’Athènes, M. Georges Perrot, complétèrent le texte en copiant douze colonnes entièrement inconnues. Ce ne fut point chose facile que cette découverte, qui a fait du bruit dans le monde savant. L’inscription était gravée sur des plaques de marbre fixées sur les murs à l’extérieur du temple ; or, le temple était devenu une église, puis une mosquée, puis une école, puis il était tombé en ruine, et les habitants d’Angora avaient bâti contre les murs leurs cabanes de brique et de boue ; il fallut obtenir à grand prix l’entrée de ces masures malpropres, s’établir dans d’infects greniers, travailler à la lumière, passer des semaines entières à gratter le marbre pour en tirer un mot, quelquefois faire abattre une muraille pour lire une lettre, travailler enfin longtemps avec courage et persévérance. V. l’Exploration archéologique de la Galicie, par MM. Perrot, Guillaume et Delbel (Paris, 1863).

Le monument ainsi restauré mérite bien ce travail opiniâtre : ce sont, à proprement parler, les mémoires d’Auguste (Res gestæ divi Augusti), écrits dans ce style lapidaire dont les Romains ont eu et ont gardé le secret. Dans cette œuvre, on voit, au ton dominateur de l’écrivain, qu’il a longtemps gouverné le monde en maître absolu. Bien que l’inscription que nous étudions ait pour titre : Tableau des actions d’Auguste, ce n’est pas véritablement toute sa vie qu’Auguste a voulu raconter. Il y a de grandes lacunes, très-volontaires ; il ne tenait pas à tout dire. Lorsque, à soixante-seize ans, le vieux despote jetait les yeux sur le passé pour en tracer ce résumé rapide, il y avait bien des souvenirs qui devaient le gêner. Il n’est pas douteux, par exemple, qu’il n’éprouvât une grande répugnance à rappeler les premières années de sa vie politique ; cependant il fallait bien qu’il en dît quelque chose et il était plus prudent encore de chercher à les dénaturer que de les taire. Voici en quels termes obscurs et par trop brefs il raconte ses débuts dans la vie politique. « A l’âge de dix-neuf ans, j’ai levé une armée par ma seule initiative et à mes frais. Avec elle, j’ai rendu la liberté à la république dominée par une faction qui l’opprimait. En récompense, le sénat, par des décrets honorables, m’admit dans ses rangs, parmi les consulaires, me conféra le droit de commander les troupes et me chargea, avec les consuls C. Pansa et A. Hirtius de veiller au salut de l’Etat en qualité de propréteur. Les consuls étant tous deux morts, le sénat me mit à leur place et me nomma triumvir pour constituer la république. J’ai exilé ceux qui avaient tué mon père, punissant leur crime par des jugements réguliers. Ensuite, comme ils faisaient la guerre à la république, je les ai vaincus dans deux batailles. » Dans ces quelques lignes, qui sont le début du testament, il y a déjà de bien singulières réticences. Ne dirait-on pas, à l’entendre, qu’il a obtenu toutes les dignités qu’il énumère en servant la même cause, et qu’il ne s’est rien passé entre les premiers honneurs qu’il a reçus et le triumvirat ? Ces décrets honorables du sénat qui sont rappelés ici avec impudence, nous les connaissons grâce aux Philippiques. Dans ces décrets, le sénat félicite le jeune César « d’avoir défendu la liberté du peuple romain » et d’avoir combattu Antoine. Or, c’est après s’être entendu avec Antoine pour asservir le peuple romain dans la lugubre entrevue de Bologne, qu’Auguste reçut, ou plutôt qu’il prit le titre de triumvir. Sur toutes ces choses, le testament imite de Conrart le silence prudent. Ce qui suivit cette entrevue était plus difficile encore à raconter. C’est ici surtout qu’Auguste voulait qu’on oubliât. « J’ai exilé ceux qui avaient tué mon père, punissant leur crime par des jugements réguliers. Ensuite, comme ils faisaient la guerre à la république, je les ai vaincus. » On remarquera qu’il n’est pas question des proscriptions. Qu’en pouvait-il dire, en effet ? Et y avait-il des artifices de langage assez habiles pour en diminuer l’horreur ? A tout prendre, il était plus honnête de n’en pas parler ; mais comme, suivant la belle expression de Tacite, il est plus facile de se taire que d’oublier, nous pouvons être assurés qu’Auguste, qui n’en dit rien sur le testament dont nous parlons, y a plus d’une fois pensé durant sa vie.

Sur son gouvernement impérial, il s’étend avec plus de complaisance ; là, il peut faire étalage de sa clémence tardive. « J’ai porté mes armes sur mer et sur terre, soutenant des guerres contre les citoyens et les étrangers. Victorieux, j’ai pardonné aux citoyens qui avaient survécu au combat, et quant aux nations étrangères qu’on pouvait épargner sans danger, j’ai mieux aimé les conserver que de les détruire. » Il rappelle avec orgueil les souvenirs glorieux que chantait Horace, son poëte officiel : « J’ai repris, après des victoires remportées en Espagne et sur les Dalmates, les étendards qu’avaient perdus plusieurs généraux. J’ai forcé les Parthes à rendre les dépouilles et les drapeaux de trois armées romaines et à venir humblement demander notre amitié. J’ai fait placer ces drapeaux dans le sanctuaire de Mars Vengeur. » Mais il oublie de parler de ce désastre de Varus et des légions germaniques, qui avait si durement humilié sa vieillesse. Il insiste aussi longuement sur son administration intérieure, rappelant les distributions de terres qu’il a faites à ses légionnaires, et ce fait, honorable pour lui, qu’il remboursa aux habitants dépossédés le prix de leurs terres. Il énumère fort en détail les largesses qu’il a faites au peuple romain et les jeux qu’il lui a donnés. « J’ai compté au peuple romain 300 sesterces par tête (60 francs), d’après le testament de mon père, et 400 sesterces (80 francs) en mon nom, sur le butin fait à la guerre pendant mon cinquième consulat. Une autre fois, dans mon dixième consulat j’ai encore donné 400 sesterces de gratification à chaque citoyen, sur ma fortune privée. Pendant mon onzième consulat, j’ai fait douze distributions de blé à mes frais... Toutes ces distributions n’ont pas été faites à moins de personnes. Etant revêtu pour la dix-huitième fois de la puissance tribunitienne, j’ai donné à 320,000 habitants de Rome 60 deniers par tête (48 francs), » etc. Puis ce sont les jeux : « J’ai donné des spectacles de gladiateurs plusieurs fois en mon nom, et cinq fois au nom de mes enfants ou petits-enfants. Dans ces différentes fêtes, environ 10,000 hommes ont combattu. Deux fois en mon nom et trois fois au nom de mon petit-fils, j’ai fait combattre des athlètes venus de tous les pays... J’ai fait voir vingt-six fois en mon nom ou au nom de mes fils et petits-fils des chasses de bêtes d’Afrique, dans le cirque, au Forum ou dans les amphithéâtres, et on y a tué environ 3,500 de ces bêtes. J’ai donné au peuple le spectacle d’un combat naval, au-delà du Tibre, dans le lieu où se trouve aujourd’hui le bois des Césars. J’y ai fait creuser un canal de 1,800 pieds de longueur sur 1,200 de largeur. Là, trente navires armés d’éperons, des trirèmes, des birèmes et un grand nombre de vaisseaux moins importants combattirent ensemble. Ces vaisseaux contenaient, outre leurs rameurs, 3,000 hommes d’équipage. » Cette fastueuse énumération est une page de l’histoire de la société romaine, et, comme dit M. Boissier, « un commentaire officiel du fameux Panem et circenses de Juvénal. » Ce qui n’est pas moins curieux, c’est le passage dans lequel Auguste définit son indéfinissable pouvoir. « Dans mon sixième et mon septième consulat, après avoir étouffé les guerres civiles, quand l’accord de tous les citoyens me livrait le pouvoir suprême, j’ai remis le gouvernement de la république aux mains du sénat et du peuple... A partir de ce moment, quoique je fusse au-dessus des autres en dignité ; dans les magistratures dont j’étais revêtu, je ne me suis jamais attribué plus de pouvoir que je n’en laissais à mes collègues. » A entendre ces paroles, on se croirait revenu aux beaux jours de Cincinnatus. Toutefois, il faut le reconnaître, ce pouvoir absolu qui se dissimulait avec tant de précaution, cherchait aussi par tous les moyens à se faire pardonner. Toutes les compensations qu’on peut offrir à un peuple pour lui faire oublier sa liberté, Auguste les a libéralement données aux Romains. Nous ne parlons pas de cette prospérité matérielle qui fit que, sous son règne, le nombre des citoyens s’accrut de près de 1 million, ni même du repos et de la sécurité qui, au sortir des guerres civiles, étaient le besoin le plus impérieux de tout le monde, mais aussi de cet éclat incomparable que ses embellissements de toutes sortes donnèrent à Rome. On était sûr de plaire au peuple par ce moyen. César, qui le savait, avait dépensé en une fois 20 millions rien que pour acheter le terrain où devait être son forum. Auguste fit mieux encore. Le testament contient la liste des monuments qu’il a fait construire, et cette liste est si longue qu’il n’est pas possible de la citer tout entière. On y compte quinze temples, plusieurs portiques, un théâtre, un palais pour le sénat, un forum, etc. Rome entière fut renouvelée par lui. On peut dire qu’aucun monument ne lui échappa et qu’il fit restaurer tous ceux qu’il n’avait pas fait reconstruire. Il acheva le théâtre de Pompée et le forum de César, il rebâtit le Capitole. En une seule année, il fit réparer quatre-vingt-deux temples qui tombaient en ruine. Tant de millions n’étaient pas dépensés vainement, et toutes ces profusions, chez un prince aussi rangé, cachaient une profonde pensée politique : cette Rome de marbre devait distraire le peuple des souvenirs importuns du passé et lui faire oublier la Rome de brique. La dernière partie de son testament est pleine du récit complaisant des hommages que les pays les plus reculés du monde ont rendus à Rome sous son règne. Par cette gloire factice, il pensait faire oublier le bien réel de cette liberté qu’il avait détruite. Montrant un grand souci de la gloire de Rome, « il honorait presque autant que des dieux, dit Suétone, tous ceux qui, dans tous les temps, avaient travaillé pour elle. » Et, pour montrer que personne n’était exclu de ce culte, il fit relever la statue de Pompée, au pied de laquelle César était tombé, et la plaça dans un lieu public. Cette conduite était, du reste, fort habile. En adoptant les gloires du passé, il désarmait par avance les partis qui pouvaient être tentés de s’en servir contre lui, et en même temps il donnait une sorte de consécration à son pouvoir en le rattachant à de vieux souvenirs.

Ces compensations qu’Auguste offrait aux Romains en échange de leur liberté semblent leur avoir suffi. Le monde s’habitua vite au gouvernement nouveau et l’on peut dire qu’Auguste régna sans opposition. Les complots qui plus d’une fois menacèrent sa vie étaient l’œuvre de mécontents isolés ; ce n’était pas l’œuvre des partis. Et même peut-on dire qu’il y eût encore des partis en ce moment ? Auguste a pris soin de rappeler dans son testament tous les hommages que lui ont rendus pendant cinquante ans le sénat, les chevaliers et le peuple. Ce qui explique cette longue énumération, c’est moins un accès de vanité puérile que le désir d’essayer de légitimer son autorité. Cette pensée se révèle surtout dans ces dernières lignes du testament, où il rappelle une des circonstances de sa vie dont le souvenir lui était le plus précieux : « Pendant que j’étais consul pour la treizième fois, dit-il, le sénat, l’ordre des chevaliers et tout le peuple m’ont donné le nom de Père de la patrie, et ont voulu que ce fait fût inscrit dans le vestibule de ma maison, dans la curie et dans mon forum... Quand j’écrivais ces choses, j’étais dans ma soixante-seizième année. » Ce n’est pas sans motif qu’il a réservé ce détail pour la fin. Ce titre de Père de la patrie dont il fut salué au nom de tous les citoyens par l’ancien ami de Brutus, Messala, semblait être la consécration légale d’un pouvoir acquis par l’illégalité et une sorte d’amnistie que Rome accordait au passé. On comprend qu’Auguste mourant se soit arrêté avec complaisance sur ce souvenir, qui semblait l’absoudre et qu’il ait tenu à terminer par là cette revue de sa vie politique. Tel est, rapidement analysé, le monument curieux qu’on appelle le Testament politique d’Auguste.


Testament (le petit), de François Villon (1456). Le Petit testament et le Grand testament, qui lui fait suite, sont deux des plus curieux monuments de notre poésie française. C’est pour un poëte une idée singulièrement touchante et originale que celle de se transporter en pensée à sa dernière heure, et là, de son lit de mort, d’exhaler sa vie en confessions, en adieux et en legs à tous ceux qu’il a aimés et connus. C’est pour l’inspiration un cadre large et commode, qui lui permet d’accorder avec l’unité la variété de tons et le laisse le plus libre de ses allures. Cette idée, Villon l’a eue et en a tiré l’œuvre à laquelle il a dû de passer à la postérité. D’autres l’avaient mise à exécution avant lui, comme le prouvent ces titres : les Adieux d’Umbritius ; le Testament d’Alexandre, de Lambert li Cors ; le Congié ou les Adieux, d’Adam de La Halle ; le Testament et le Codicille, de Jean de Meung ; le Testament de l’âne, de Rutebeuf ; le Testament de Charles d’Orléans ; le Testament de Jehan Régnier de Guerchy. Plusieurs l’ont imité, et, après lui, ont paru successivement : le Codicille et testament de monseigneur Des Barres ; le Testament d’un amoureux qui mourut par amour ; le Testament du chevalier oultré à qui sa dame est trespassée ; le Testament de la mule Barbeau ; le Testament de P. Blanchet ; les Testaments de Carmentrant, de Pathelin, de Lucifer, de la Guerre, de la Ligue, etc. Aucun de ces ouvrages n’est comparable aux deux Testaments de Villon.

Lorsqu’il écrivit son Petit testament, une femme, qu’il appelle Catherine de Vaucelles et qu’il paraît avoir aimée, avait obtenu contre lui, on ne sait pourquoi, une sentence du Châtelet, et Villon avait été condamné à être fouetté sur le pilori :

J’en fus batu, comme a ru telles,
Tout nud !

dit-il. Sa condamnation subie, couvert de ridicule aux yeux mêmes de ses compagnons, le poëte songeait à quitter Paris ; il composa ce petit poëme moitié grotesque et moitié mélancolique en guise d’adieux.

Le Petit testament se compose de quarante-cinq octaves ou huitains, qui se balancent chacun sur trois rimes croisées, deux simples et une quadruple, rhythme savant et compliqué, dont le poëte se joue avec une aisance extraordinaire. Vingt-cinq huitains seulement renferment des legs, la plupart fort plaisants, et sont encadrés entre un préambule plein d’émotion et une sorte d’épilogue qui, de religieux qu’il promettait d’être, tourne brusquement au comique, par un de ces soubresauts fréquents chez Villon. Il commence avec une gravité plaisante :

Mil quatre cens cinquante et six
Je, François Villon, escollier,
Considérant, de sens rassis,
Le frain nux dents, franc au collier,
Qu’on doit ses œuvres conseiller,
Comme Vëgèce le racompte,
Saige Romain, grand conseiller,
Ou autrement on se mécompte ;
En ce temps que j’ay dit devant,
Sur le Noël, morte saison,
Lorsque les loups vivent de vent
Et qu’on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison :
Cy me vint de vouloir briser
La très amoureuse prison
Qui souloit mon cueur desbriser.

C’est tout un tableau que ces deux ou trois détails d’hiver d’une précision si pittoresque. Villon sait peindre d’un mot comme les grands poëtes. Il exhale ensuite sa douleur en termes francs, naïfs et attendrissants, et annonce son départ, puis il commence à défiler le chapelet de ses legs. Le premier héritier auquel il songe, par reconnaissance, c’est son maître Guillaume Villon, puis il passe à sa maîtresse.

A celle doncques que j’ay dict,
Qui si durement m’a chassé,
Que j’en suys de joie interdit
Et de tout plaisir déchassé,
Je laisse mon cœur enchassé
Palle, piteux, mort et transy :
Elle m’a ce mal pourchassé,
Mais Dieu luy en face mercy.

Ce legs est touchant, surtout avec le pardon qui l’accompagne. Puis, comme s’il était honteux de s’être laissé attendrir, Villon passe brusquement à ses legs satiriques, et tout d’une haleine fait défiler sous nos yeux la plus bouffonne énumération que puisse inventer la fantaisie, donnant ce qu’il a, et surtout ce qu’il n’a pas. Il laisse à son ami Jacques Cardon

… En beau pur don
Ses gands et sa hucque de soie (capuchon),
qu’il mettait probablement lorsqu’il se risquait dans le monde, et de plus, attention

charitable,

Deux procès que trop n’engrese,
A René de Montigny, réservé pour Montfaucon, trois chiens ; à Jehan Raguyer la somme
De cent frans prins sur tous mes biens,
Mais quoi ? Je n’y comprens en rien
Ce que je pourray acquérir.
Une belle créance pour Jean Raguyer et qui ne l’enrichira guère ! A Jacques, son frère,
… L’abreuvoir Popin,
Le Trou de la Pomme de pin,
deux cabarets que fréquentait, sans doute, ce bon compagnon, et il lui souhaite d’y avoir souvent
Le dos aux rains, au feu la plante.
A quatre pauvres orphelins, qu’il a recueillis, dit-il, tout dépourvus et nus comme vers, il lègue la totalité de ses biens ou quatre blancs, s’ils l’aiment mieux ; c’est tout ce qu’il déclare pouvoir faire. A Guillaume Cotin et maître Thibault de Vitry, sa « nomination de l’Université, » c’est-à-dire le droit au bénéfice qu’il s’était vu refuser, et, en attendant, une rente
Sur la maison Guillot Gueuldry,
ou, en termes plus clairs, sur le pilori. Aux pigons ou prisonniers, il lègue
Son mirouer bel et idoine,
autrement dit ses bons exemples, et, ce qui prouve qu’il ne rencontra pas que des cruelles,
La grâce de la geollière.
Il donne aux hôpitaux, car en bon chrétien il se garde de les oublier,
Ses châssis tissus d’araignées ;
détail expressif et plein de couleur qui nous fait pénétrer dans le galetas du bohème.

Comme Villon a passé brusquement en commençant du pathétique au bouffon, il passe avec aussi peu de cérémonie en terminant du burlesque au grave.

Finalement, en escrivant
Ce soir, seullet, estant en bonne,
Dictant ces laiz et descripvant,
Je ouys la cloche de Sorbonne,
Qui tousjours à neuf heures sonne
Le salut que l’ange prédit,
Cy suspendis et cy mis bonne,
Pour pryer, comme le cueur dit.
L’Angélus venant doucement interrompre le travail du poëte et le solliciter à la rêverie, à la prière, c’est là une belle fin pour les legs et un beau pendant aux plaintes touchantes du début. Mais Villon ne saurait s’arrêter sur une idée mélancolique. Après une parodie, hardie pour l’époque, de la langue pédantesque de la Sorbonne, il veut continuer :
Je cuide finer mon propos,
Mais mon encre estoit gelé.
Et mon cierge estoit soufflé,
De feu je n’eusse pu finer (obtenir).
Si m’endormy, tout enmouflé
Et ne peut autrement finer.

A. de Musset s’est peut-être souvenu de ces vers lorsqu’il terminait ainsi le premier chant de Namouna :

Il fallait me lever pour prendre.un dictionnaire,
Et j’avais fait mon vers avant d’avoir cherché.
Je me suis retourné, ma plume était par terre,
J’avais marché dessus. J’ai soufflé de colère
Ma bougie et ma verve, et je me suis couché.

Testament (le grand), de François Villon (1462). Dans l’intervalle de cinq ou six ans qui sépare la composition de ses deux poëmes, Villon avait trouvé moyen de se faire condamner à mort, d’échapper à la potence et de tomber entre les mains de l’évêque d’Orléans, qui le jeta dans un cul de basse-fosse, au pain et à l’eau, en punition d’on ne sait quel méfait. L’avènement de Louis XI venait de lui ouvrir les portes de sa prison ; mais il en sortait acculé à une impasse de misère et de honte. C’est dans cette situation que, croyant avoir fini avec la vie, il composa son Grand testament, qui renferme, comme le précédent, une longue suite de legs satiriques ; mais ces legs, au lieu de constituer le fond même du poëme, n’en sont en réalité que le prétexte et la partie accessoire. Le fond du Grand testament, ce sont les plaintes, les regrets, les remords et les confessions qui remplissent le préambule, la plupart des ballades et le codicille. Villon y répand toute l’amertume dont sa vie errante avait été remplie. Ce sont, avec les sages conseils qu’il donne à ses compagnons de débauche, ses véritables legs à la postérité, ceux qu’elle a acceptés et qu’elle n’oubliera pas, tant qu’il y aura une langue française. A travers les bouffonneries par lesquelles cet enfant de Paris nargue la fortune résonne toujours quelque regret mélancolique.

Au début, le poète résume toute sa vie en quatre vers :

En l’an trentiesme de mon eage,
Que toutes mes hontes j’eu bues,
Ne du tout fou, ne du tout sage,
Nonobstant maintes peines eues....

Puis, après avoir maudit l’évêque Thibault d’Ausigny. son persécuteur, et rendu grâce à Louis XI, son libérateur, « ici commence Villon, dit Clément Marot, à entrer en matière pleine d’érudition et de bon savoir. » il fait son mea culpa, puis, enivré d’une brusque bouffée de souvenirs, il se met à soupirer l’élégie des heures envolées sans retour, à pleurer sa jeunesse, la rapidité dont elle a fui et l’emploi qu’il en a fait :

Bien scay, se j’eusse estudié
Ou temps de ma jeunesse folle.
Et a bonnes mœurs dédié,
J’eusse maison et couche moile.
Mais quoi ! je fuyoye l’escolle
À peu que le cueur ne me fend !
Mes jours s’en sont allés errant
Comme, dit Job, d’une touaille
Sont les filets quand tisserand
Tient en son poing ardente paille....

Il se remémore ses amis d’enfance :

Où sont les gratieux gallans
Que je suyvoye au temps jadis
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faictz et en dictz ?
Les aucuns sont morts et roidiz ;
D’eux n’est-il plus rien maintenant ?
Respit ils ayent en paradiz
Et Dieu saulve le remenant ! (le reste.)
Et les aucuns sont devenus,
Dieu mercy ! grans seigneurs et maistres ;
Les aultres mendient tous nuds
Et pain ne voyent qu’aux fenestres....

Villon était de ces derniers ; mais ce qui le console de sa misère, c’est l’égalité dans la mort, idée qui revient plusieurs fois, sous toutes les formes, dans le Grand testament, et qui lui souffle ses plus puissantes inspirations. Telles sont d’abord les trois ballades célèbres dont il fait suivre ce préambule, La Ballade des dames du temps jadis, que nous avons donnée ailleurs, mais que nous allons donner encore d’après une édition très-exacte :

Dictes-moi où, n’en quel pays,
Est Flora, la belle Romaine,
Archipiada, ne Thaïs
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo, parlant quand bruit on maine
Dessus rivière ou sus étan,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine ? …
Mais où sont les neiges d’antan ?
Où est la très-sage Héloïs ?
Pour qui fut chastré et puis moyne
Pierre Esbaillard à Saint-Denys ?
Pour son amour eut cette essoyne.
Semblablenient où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust jette en un sac en Seyne ?
Mais où sont les neiges d’antan ?
La royne Blanche comme un lys,
Qui chantoit à voix de sereine,
Berthe au grand pied, Biétris, Allys,
Harembourges qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine,
Que Anglois bruslèrent à Rouen,
Où sont-ils, Vierge souveraine ?
Mais où sont les neiges d’antan ?

Comme pendant, il donne la ballade moins connue des Seigneurs du temps jadis, ou plutôt des princes morts de son temps, dont le refrain est :

Mais où est le preux Charlemagne ?

La troisième, dédiée aux saints Apôtres, avec ce refrain :

Autant en emporte ly vens,
n’est guère qu’une redite des deux autres, et le poète cependant y fait preuve de son inépuisable fécondité. Dans cet ordre d’idées, il est intarissable, et le voici maintenant qui nous chante les regrets d’une fille de joie, la belle beaulmière, autrefois l’idole de tous et maintenant vieille édentée, paquet de guenilles ambulant. Elle se rappelle sa beauté, son joli visage, ses lèvres vermeilles, ses petits tetins, ses hanches charnues et compare tout cela, en termes cyniques, à sa décrépitude actuelle. Comme elle regrette do n’avoir pas su au moins se gagner des rentes !
Ainsi le bon tems regretons
Entre nous, pauvres vieilles sottes.
Assises bas, a croppetons.
Tout en ung tas, comme pelottes,
A petit feu de chenevottes
Tost allumées, tost éteintes ;
Et jadis fusmes si mignottes ! …
Ainsi en prend à maintz et maintes.

Au moins, elle se vengera du mépris qu’elle inspire maintenant aux hommes en donnant aux jeunes filles le conseil de mieux profiter de leurs charmes. C’est le sujet d’une autre ballade : Conseils de la belle heaulmière aux filles de joie ;

Or y pensez, belle gantière
Qui m’escolière souliez estre ;
Et vous, Blanche la savatière,
Ores est tems de vous congnoistre ;
Prenez à dextre et à senestre,
N’espargnez homme, je vous prie :
Car vieilles n’ont ne cours ne estre
Ne que monnoye qu’on décrie !

Pour lui, Villon, il se réjouit d’être en dehors des lacs d’amour et s’en félicite dans une double ballade fort plaisante :

Samson en perdit ses lunettes ;
Bien heureux est qui rien n’y a !

Tout ce préambule ne sert que d’entrée en matière et le poëte commence enfin à distribuer en souvenir de lui des legs tour à tour bouffons ou sérieux, suivant le caractère des personnes auxquelles il les adresse. C’est à son corps défendant, il ne faut pas l’oublier, que Villon est sérieux ; par goût, il préférerait rire. Le malheur seul l’a rendu mélancolique, et cette lutte du rire et de la tristesse dans son âme est un des plus grands charmes de sa poésie. Il commence par léguer son âme à Dieu et son corps à la terre :

Item mon corps j’ordonne et laisse
A nostre grand’mère la terre ;
Les vers n’y trouveront grand gresse,
Trop lui a faict faim dure guerre

Suit le legs le plus touchant du Grand Testament :

Item donne à ma bonne mère,
Pour saluer notre maistresse,
Qui pour moy eut douleur amère,
Dieu le scait, et mainte tristesse
Antre, chastel ou forteresse
N’ay où retraire corps et âme,
Quand sur moy court mult détresse,
Ni ma mère, la povre femme !
Ma bonne mère, la povre femme ! … Il y a dans ces mots une tendresse et un amour filial qui marquent tout ce que le cœur de Villon avait conservé d’excellent, malgré les ignominies de sa vie. Ce qu’il lègue à sa mère, c’est une ballade à la Vierge, où il lui fait dire, avec une naïveté qui n’a jamais été surpassée ni même égalée :
Femme je suis, povrette et ancienne,
Ne riens ne scay, oncques lettre ne leuz ;
Au monstier voy, dont suis paroissienne,
Paradis poinct où sont harpes et luz,
Et ung enfer où damnés sont boulluz ;
L’ung me faict paour, l’autre joye et liesse.
La joye avoir fais-moi, haulte déesse,
A qui pécheurs doivent tous recourir,
Comblez de foi, sans faincte ni paresse,
En ceste foy je veuil vivre et mourir.

« Cette dernière stance, dit Th. Gautier, est délicieuse ; on dirait une de ces vieilles peintures sur fond d’or de Giotto ou Cimabué. Le linéament est simple et naïf, un peu sec comme toutes les choses primitives ; les tons sont éclatants, sans crudité, quoique les demi teintes manquent en quelques endroits ; c’est de la vraie poésie catholique, croyante et pénétrée, comme un plus grand poëte ne saurait la faire maintenant. »

Alors commence une longue suite de legs, la plupart satiriques, où Villon donne pleine carrière à son humeur bouffonne. Malheureusement tout le sel de leurs allusions contemporaines est à peu près perdu pour nous, qui pouvons seulement noter un malicieux mélange d’honnêtes gens, de vauriens et de religieux, auxquels il lance en passant plus d’un trait :

Item, aux frères mendiants,
Aux dévotes et aux béguines.
Tant de Paris que d’Orléans,
Tant turlupins que turlupines,
De grasses soupes jacobines
Et dans leur fais oblation :
Et puis après, soubs les courtines.
Parler de contemplation.

Aux Quinze-Vingts, c’est-à-dire aux aveugles, il lègue ses lunettes, mais avec un sous-entendu malicieux qui montre tout son esprit :

Item je donne aux Quinze-Vingts,
Qu’autant vauldroit nommer Trois-Cens ;
De Paris, non pas de Provins,
Car à eulx tenu, je me sens,
Ilz auront, et je m’y consens,
Sans les estuis, mes grans lunettes,
Pour mettre à part, aux Innocents,
Les gens de bien des déshonnestes.

Toutes ces donations sont entrecoupées de ballades, sortes de hors-d’œuvre composés sans doute à part et que le poëte a intercalés dans le texte avec beaucoup d’art, de manière à lui servir de commentaires. Ces morceaux sont de petits chefs-d’œuvre ; l’un est dédié aux envieux et témoigne d’une imagination singulière ; l’auteur y recherche toutes les mixtures vénéneuses dans lesquelles on pourrait faire frire les langues des envieux ; l’autre dépeint un gras chanoine se prélassant près d’un bon feu avec sa gouvernante dans un autre, qui a pour refrain :

Il n’est bon beo que de Paris,
le poëte s’amuse à comparer les caquets de toutes les femmes florentines, vénitiennes, lombardes, romaines, genevoises, piémontaises, etc., et il donne la palme à la Parisienne. La Ballade de Villon à la grosse Margot est trop leste pour que nous en parlions ; mais, un peu plus loin, celle qu’il intitule : Belle leçon de Villon aux enfants perdus :
Beaux enfans, vous perdez la plu
Belle rose de vo chapeau,
est excellente ; il y conseille à ses amis d’éviter la potence, autant que possible. Nous citerons en entier la Ballade de bonne doctrine à ceux de mauvaise vie :
Car, ou soyes porteur de bulles,
Pipeur ou hazardeur de dez,
Tailleur de faulx coings, tu te brusles
Comme ceux qui sont eschaudez ;
Traistres pervers, de foy vuidez,
Soyes larron, ravis ou pilles :
Où s’en va l’acquest, que cuidez ?
Tout aux tavernes et aux filles !
Ryme, raille, cymballe, luttes,
Comme fols, faintis, éhontez ;
Farce, broille, joue des flustes ;
Fais, es villes et es cités.
Fainctes, jeux et moralitez ;
Gaigne au brelan, au glic, aux quilles ;
Où s’en va tout ? Or, escoutez :
Tout aux tavernes et aux filles !
De telz ordures te recuiles,
Laboure, fauche champs et prez,
Serz et panse chevaulx et mulles
S’aucunement tu n’es lettrez ;
Assez auras, se prens en grez.
Mais se chanvre broyés ou tilles
Où tend ton labour qu’as ouvrez ?
Tout aux tavernes et aux filles !
Envoi.
Chausses ; pourpoincts esguilletez
Robes et toutes vos drapilles
Ains que cessez, vous porterez
Tout aux tavernes et aux filles.

Ce petit morceau est assez réussi. La pensée de la mort, qui est comme la note dominante de tout le poëme, revient à Villon en terminant. Le charnier des Innocents, où il veut que les Quinze-Vingts, armés de ses lunettes, démêlent les honnêtes gens des coquins, l’amène une fois de plus sur ce sujet et lui inspire quelques strophes vraiment belles :

Quand je considère ces testes
Entassées en ces charniers.
Tous furent matstres des requestes,
Ou tous de la Chambre-aux-Deniers,
Ou tous furent porte-paniers,
Autant puis l’ung que l’autre dire
Car d’évesques ou lanterniers
Je n’y congnois rien à redire,
Et icelles qui s’inclinaient
Unes contre autres, en leurs vies,
Desquelles les unes régnoient,
Des autres craintes et servies,
Li les voy toutes assouvies,
Ensemble en ung tas, pesle-mesle ;
Seigneuries leur sont ravies,
Clerc ne maistre ne s’y appelle !

Enfin le poëte, aprés avoir fait quelques dernières dispositions, recommande de sonner à sa mort le grand beffroy, à son enterrement légué aux sonneurs quatre miches de pain, pris soin même du luminaire et chargé ses exécuteurs testamentaires des autres menus détails, prend congé du lecteur en criant merciz à chacun, c’est-à-dire en demandant pardon à tous :

A chartreux, aussi célestins,
A mendians et aux dévotes,
A musars et cliquepatins.
Servantes et filles mignottes
Portant purcolz et justes cottes ;
A cuyderaulx, d’amour transis,
Chaussans sans meshaing fauves bottes,
Je crye à toutes gens merciz !
A fillettes montrant tetins
Pour avoir plus largement hostes ;
A ribleurs, meneurs débutin,
A basteleurs traînant marmottes,
A folz et folles, sotz et sottes
Qui s’en vont sifflant cinq et six,
A veufves et à mariottes.à mariottes
Je crye à toutes gens merciz !
Sinon aux traistres chiens mastins
Qui m’ont fait ronger dures crostes (croûtes)
Et boire eau maints soirs et matins
Qu’ores je ne crains pas trois crottes,
Je feisse pour eux petz et rottes ;
Je ne puis, car je suis assis.
Bien fort, pour éviter riottes,
Je crye à toutes gens merciz !
Sinon aux traistres chiens mastins
Qui m’ont fait ronger dures crostes (croûtes)
Et boire eau maints soirs et matins
Qu’ores je ne crains pas trois crottes,
Je feisse pour eux petz et rottes ;
Je ne puis, car je suis assis.
Bien fort, pour éviter riottes,
Je crye à toutes gens merciz !
Envoi.
Qu’on leur froisse les quinze costes
De gros maillets, fortz et massis.
De plombée et de telz pelottes.
Je crye à toutes gens merciz !

Tout cet ensemble est d’une originalité rare dont ces citations, si nombreuses que nous les ayons faites, peuvent à peine donner une idée.

Testament et ses critiques (l’Ancien), par M. Kuenen, professeur à l’université de Leyde (1860) ; traduit par M. A. Pierson, également docteur en théologie et en philosophie, et précédé d’une préface par M. Ernest Renan (1866). Dans la préface, M. Renan expose avec précision et simplicité l’origine et la marche de la science exégétique en France, et ce n’est pas la partie la moins curieuse du livre. De nos jours, nous allons demander à l’étranger des lumières sur les grandes questions d’origine, d’authenticité et d’interprétation des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’exégèse moderne passe pour avoir en Allemagne sa vraie patrie. C’est là qu’elle a pris, entre les mains des de Wette, Gésénius, Strauss, Baur et autres, les plus vastes développements scientifiques. Les Hollandais, qui ne se croient pas inférieurs aujourd’hui sous le rapport de l’interprétation critique des livres saints, ont quelque raison de réclamer l’honneur de l’avoir abordée avant les Allemands. Spinoza n’était-il pas un de leurs compatriotes, et n’est-ce pas à Amsterdam que fut publié le Traité thêologico-politique, où la lettre et le sens de la Bible sont traités avec une hardiesse inconnue jusque-là ? M. Renan fait remarquer que la France peut disputer, même à la Hollande, la priorité de ces savantes études. Au temps même de Spinoza, elles étaient nées chez nous, mais elles avaient été violemment rejetées dans l’ombre. Un très-modeste savant français qui n’avait probablement pas lu Spinoza et qui ne partage en rien sa philosophie, Richard Simon, met en. œuvre la.méthode que Spinoza n’a fait qu’entrevoir et écrit, en 1678, l’Histoire critique du Vieux Testament. « C’était, dit M. Renan, le Galilée d’une science nouvelle. Spinoza ne fut que le Bacon de l’exégèse. » M. Renan raconte la destinée du livre extraordinaire de Richard Simon. Il allait paraître, quand Arnaud fit parvenir à Bossuet un exemplaire de la préface et de la table des matières. Bossuet entrevit les dangers de ce nouvel esprit de recherches. M. Renan dit à ce propos, avec une sévérité à laquelle nous ne pouvons qu’applaudir : « La rage du rhéteur contre l’investigateur qui vient déranger ses belles phrases éclata comme un tonnerre. Esprit étroit, ennemi de l’instruction qui gênait ses partis pris, rempli de cette sotte prétention qu’a l’esprit français de suppléer à la science par le talent, indifférent aux recherches positives et aux progrès de la critique, Bossuet en était toujours resté, en fait d’érudition biblique, à ses cahiers de Sorbonne. Le savant incommode qui venait troubler son repos lui causa une vive impatience. » Bossuet courut chez le chancelier Le Tellier, et, quelques heures après, le lieutenant de police, M. de La Reynie, saisissait chez l’imprimeur tous les exemplaires de l’ouvrage. Il fut réimprimé à Rotterdam en 1685, où il eut plusieurs éditions. Ainsi l’exégèse, née spontanément en France, trouvait dans la libre Hollande l’hospitalité. Il n’est pas étonnant qu’elle nous revienne de ce pays avec l’Histoire critique de l’Ancien Testament de M. Kuenen, qui nous rend après deux siècles, et avec usure, il faut en convenir, ce que Richard Simon avait prêté à son pays.

L’ouvrage de M. Kuenen, profondément remanié par le traducteur, M. Pierson, comprend trois volumes et traite successivement : 1o des livres historiques, le Pentaleuque, Josué, les Juges, etc. ;2o des livres prophétiques, Esaie, Jérémie, etc. ; 3o des livres poétiques (gnomiques ou lyriques), Proverbes, Job, l’Ecclésiaste, etc. Sur chacun de ces livres, l’auteur se pose ces questions : « Si leur date est aussi ancienne que le prétend la tradition juive et chrétienne, si les noms des auteurs sont authentiques, si nous les possédons dans leur forme primitive, enfin s’ils ont subi des rainaniements plus ou moins considérables ? » Tels sont, en effet, les points sur lesquels doit porter la critique, à quelque livre qu’elle s’attache, pour en discuter la valeur historique. Les savants comme M. Kuenen, ou comme M. Renan, croient ou se donnent volontiers l’air de croire au caractère divin des livres qu’ils soumettent à leurs discussions. On serait presque tenté de leur appliquer les vers de Voltaire sur dom Calmet :

Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre
Son travail assidu perça l’obscurité.
Il fit plus ; ils les crut avec simplicité.

Mais leur raison prend bientôt sa revanche, en traitant comme des produits de formation humaine des livres dont ils se plaisent à confesser l’origine divine. M. Kuenen ne semble-t-il pas avoir emprunté à M. Renan lui-même cette phrase : « Œuvre de Dieu, en tant qu’elle porte l’empreinte de son esprit, la littérature sacrée n’est pas moins une œuvre humaine soumise aux lois, aux conditions générales qui président à la vie générale et religieuse d’un peuple. » En somme, le livre de M. Kuenen est rempli d’érudition et fort curieux.

Testament des douze patriarches. V. Patriarches (testaments des douze).

Testament de Jean Meslier. V. Meslier (Jean).

Testament de la pauvre femme (le), drame en cinq actes, en proae, par Victor Dueange ; représenté sur le théâtre de la Gaîté le 1er septembre 1832. Depuis dix ans, Charles Morin n’a plus de mère. Resté seul avec une sœur qu’il aime tendrement, il la soutient du travail de ses mains, car il est ouvrier armurier. Jusqu’alors rien n’est venu troubler la vie calme et paisible de Charles et de Paufine ; mais tout dernièrement la jeune fille a rencontré un jeune homme, le vicomte de Préval, qui, pour approcher plus facilement de la simple ouvrière, se fait passer pour un modeste employé. Pauline n’a pu résister aux séductions du gentilhomme, elle l’aime, et elle se dispose même à en faire l’aveu à son frère, quand l’arrivée d’un tiers dans leur petite chambrette interrompt brusquement la confidence. C’est le curé Deschamps, qui vient demander à Charles un entretien secret dans lequel il lui révèle que Pauline n’est pas sa sœur. En même temps, il lui apporte un testament, un billet, un acte de décès, un acte de naissance qui renferment la preuve de ce qu’il affirme. Charles, tout joyeux, songe déjà au bonheur de devenir le mari de Pauline, et il s’empresse de vouloir lui apprendre le secret de sa naissance ; Pauline est encore plus pressée d’achever sa confidence interrompue, et c’est à qui parlera le premier. Mais Pauline est femme ; c’est assez dire que dans une pareille lutte c’est à elle que reste l’avantage, et Charles.s’évanouit en apprenant qu’il a un rival. Au second acte, nous sommes chez la baronne Delaunay, dont la fille doit épouser le jour même... le vicomte de Préval. Au milieu des apprêts de la noce parait, rursus atque iterum, le curé Deschamps, qui raconte ce qui suit à lu baronne : « Il y a vingt ans, dit-il, j’ai entendu en confession une jeune fille qui, la veille de son mariage, vint s’accuser d’être mère. — C’est moi ! s écrie la baronne, » et au moment où elle va apprendre ce qu’est devenue sa fille, les invités arrivent, le vicomte s’approche de la jeune fiancée, et Pauline qui se trouve être la couturière des dames Detaunay s’approche aussi pour placer le bouquet de fleurs d’oranger sur le sein de la mariée... ; mais elle reconnaît son amoureux dans la personne du vicomte, et elle s’évanouit. Les autres actes préparent un dénoûment facile à prévoir : Pauline renonce au noble Préval et accepte la main de Charles. Ce drame a eu le plus éclatant succès, non pas à cause de son intrigue qui, on l’a vu, ne sort guère du cadre ordinaire, mais grâce aux idées nobles et généreuses dont il est rempli. Le Testament, surtout à l’époque des premières représentations, était une sorte de manifeste en faveur de l’égalité sociale et une satire contre les mœurs relâchées, dont l’aristocratie donnait le déplorable exemple.

Testament de César (le), tragédie en cinq actes et en vers, avec un épilogue, par Jules Lacroix (Théâtre-Français, 10 novembre 1S49). Shakspeare et Voltaire avaient déjà traité ce sujet ; le poète anglais, contrairement à ses habitudes, l’avait considéré en annaliste beaucoup plus qu’en auteur tragique ; Voltaire, libre imitateur de Shakspeare ; s était emparé du Julius César comme d’un thème d’éloquence théâtrale ; il en avait fait une tragédie régulière, classique. Il pouvait emprunter davantage à ce génie qu’il admirait, tout en l’appelant barbare ; mais il sentait que le suivre de plus près, ce serait aller trop loin ; en effet, les critiques de son temps, même Laharpe, lui reprochèrent l’exposition du corps sanglant de César sur le théâtre, et la harangue d’Antoine comme un hors-d’œuvre. M. J. Lacroix a découpé sa tragédie dans les deux anciennes ; il a choisi sans scrupule entre les éléments divers que ses prédécesseurs avaient élaborés, adoptant la marche de l’un et employant les ressorts de l’autre. Il s’arrête, comme Voltaire, à la lecture du testament de César, en rejetant dans un épilogue la substance de la moitié de la pièce anglaise : la chute de Brutus, puis celle d’Antoine et l’avènement d’Octave à la souveraineté du monde. Aux personnages de Shakspeare il a ajouté une certaine Cithéris, courtisane inconnue des historiens, et Cleopâtre, quoique la reine d’Égypte fût tout à fait étrangère à l’événement. Il a imaginé un double escamotage de testament, successivement pratiqué par Cléopâtre d’Égypte et par le neveu du dictateur, au moyen d’une soustraction de clef et d’une scène de paravent, où César, assistant invisible à ce vol, se félicite, eu fin de compte, de la mauvaise action qui lui épargne le choix d’un héritier. Ces incidents, qui matérialisent la donnée du sujet, ne sont pas tout à fait neufs. Telle est, en gros, la contexture de cette troisièmo pièce sur la mort et le testament de Jules César, c’est-à-dire sur la transmission d’un pouvoir illégal et indéfini, mais immense, à un successeur imprévu, obligé de maintenir les formes républicaines, même après avoir vaincu la république. Cet héritage comprenait bien autre chose que le legs d’une dictature militaire ; il renfermait, ce que l’auteur a oublié, une double révolution politique et sociale : le droit de cité étendu à tous les hommes libres de l’empire, la représentation du patriciat du monde civilisé, la création d’une classe moyenne de citoyens par les affranchissements rendus plus faciles et d’une bourgeoisie vivant de son travail, l’élargissement de la patrie, un code uniforme, le droit municipal se transformant en droit des gens, l’oligarchie ou la démocratie quiritaires remplacées par des institutions générales qui auraient eu pour base l’égalité, sinon la liberté. Tel était le programme politique de César, si mal exécuté par ses successeurs. M. Jules Lacroix ne s’est occupé que du testament proprement dit ; il s’est par là condamné à ne voir que des anecdotes et des tours de passe-passe dans un événement si imposant, et de plus il s’est mis dans l’impossibilité de faire une œuvre vraiment dramatique. Au théâtre, l’intérêt doit se concentrer sur tel ou tel personnage ; diviser la sympathie du spectateur, c’est combattre son émotion. La partialité, indigne de l’historien, s’impose au poète. Il fallait donc sacrifier César ou tirutus. M. Jules Lacroix tient le spectateur indécis. Shakspeare, qui n’avait pas les lumières de la critique moderne, a merveilleusement pressenti la difficulté inhérente au sujet ; ne pouvant se prononcer en connaissance de cause, il a simplement, raconté les faits historiques. L’auteur du Testament de César s’est sagement abstenu de ces allusions aux choses contemporaines, dont le succès est si divers ; il a eu d’autant plus raison, que les analogies superficielles sont presque toujours trompeuses. Sa tragédie est écrite en un style pompeux et sur un ton sentimental déplacés à la scène, où l’accent vrai et la diction la plus sobre, comme la plus ferme, plaisent plus que tous les efforts déclamatoires. L’emphase et la sentimentalité gâtent donc son drame, d’ailleurs assez mal bâti, quoique certaines scènes soient dignes d’éloge.

Testament de Célar Girodot (le), comédie eu trois actes et eu prose, de MM. Belot et Villetard (théâtre de l’Odéon, 30 septembre 1859). Le sujet de cette pièce n’est pas nouveau, il s’en faut. Molière, Picard, Collin d’Harleville, Alexandre Duval, sans parler des auteurs vivants, ont représenté vingt fois la cupidité des héritiers et légataires trompée par les fantaisies d’un testateur. Les deux jeunes auteurs ont repris le même thème une vingt et unième fois, et ils ont réussi, grâce à des combinaisons nouvelles et ingénieuses.

Les héritiers présomptifs de César Girodot sont nombreux et très-différents de caractère, d’éducation, de position sociale ; ils ont tous une physionomie marquée. Il y a d’abord un savant chimiste, Félix Girodot, esprit distingué, bon, obligeant, mais incapable de prendre une résolution. Veuf et père d’une jeune fille, la jolie et gracieuse Pauline, il est plus embarrassé du parti qu’il lui faudra prendre pour son mariage que préoccupé du testament. Son frère, Isidore Girodot, est le type de l’homme jaloux de toute supériorité, toujours irrité de ce qu’on ne fait pas ou humilié de ce qu’on fait pour lui ; sa femme et lui font la paire. Assez pauvres, mais plus avares encore, ils ont un fils, Célestin, lancé dans tous les travers de la jeunesse du jour et dévorant à l’avance toutes les économies paternelles. Outre les deux neveux de César, il y a des petits-neveux qui ont des droits égaux à la succession ; une belle et élégante dame, Hortense, femme d’un grand spéculateur, M. Lehuchoir, qui ne dédaigne pas de spéculer sur le million du grand-oncle, d’autant plus qu’Hortense ne lui a guère apporté que cette espérance en dot ; puis un jeune garçon de cœur, Lucien, qui prétend à la main de sa cousine Pauline, après avoir été détourné de cet innocent amour par une passion moins légitime pour Mme Lehuchoir ; enfin un riche paysan des environs de Pontivy, Langlumeau, plus rusé qu’il ne veut le laisser paraître et qui, tout en goguenardant, est très-attentif à ses intérêts. Ajoutez à la famille l’exécuteur testamentaire, un vieil ami de l’oncle défunt, honnête et malin, et qui a l’air de se douter du mauvais tour que les dernières et mystérieuses volontés de César Girodot réservent à cette troupe avide de collatéraux.

L’énigme que renferme le testament ne laisse pas que d’être comique. Tous les héritiers réunis, lecture en est faite solennellement par le notaire, au milieu des marques d’assentiment, d’impatience ou de dépit que donne chacun des assistants à mesure que l’on prend connaissance d’un paragraphe qui, tour à tour, les évince tous. Au lieu de disposer de son bien, César Girodot, après avoir déclaré sa volonté de ne pas morceler son héritage, exclut un à un tous les héritiers, pour des motifs plus ou moins piquants, mais en général peu flatteurs, sauf pour Pauline et Son père ; puis il déclare qu’il laisse à ses neuf parents eux-mêmes le choix de l’héritier unique de toute sa fortune. Ils l’éliront dans quinze jours, au scrutin secret ; si l’élection est viciée par l’intrigue, la cabale, par des transactions simulant un partage, son exécuteur testamentaire remettra aussitôt toute sa fortune, montant à 1,380,000 francs, aux hospices. Tout le second acte se passe en cabales électorales à la maison de campagne de Lehuchoir, qui met tout en œuvre, même la passion que sa femme inspirait à son jeune cousin, pour recueillir des voix. Isidore, qui avec sa femme et son fils compte trois voix, travaille aussi à se faire une majorité. Félix se trouve entre ces mendiants, plus indécis que jamais ; Pauline et Lucien songent moins à l’héritage qu’à leur amour, dans lequel les tentations de Mme Lehuchoir viennent jeter un ferment de jalousie ; le madré paysan breton, ne voyant pas chance pour lui d’obtenir les voix des autres, se met en devoir de vendre la sienne le plus cher possible. Le scrutin se dépouille au troisième acte. Les Lehuchoir ont réussi à merveille ;Hortense a six voix ; Isidore n’en a que deux et il y a un bulletin blanc. Ces divers votes sont une révélation nouvelle du caractère de chacun. Les deux jeunes amoureux ont voté pour Hortense, afin de lui prouver qu’ils tienpent moins l’un et l’autre à la fortune qu’à leur mutuel amour ; Langlumeau a vendu sa voix pour une ferme à sa convenance, et le fils d’Isidore a mieux aimé voter pour Lehuchoir, qui lui comptera une somme fort ronde, que pour son avare de père qui, devenu millionnaire, ne lui aurait pas donné un sou de plus. Cette infidélité amène une scène comique de colère paternelle. Mais les manœuvres électorales de Lehuchoir sont flagrantes ; le vote est annulé d’avance par le testament et la fortune de l’oncle doit passer aux hospices. Il n’en est rien ; le défunt a laissé un second testament postérieur au premier, qui institue Pauline sa légataire universelle. Le premier testament n’avait pour but que d’éclairer la jeune fille sur les véritables sentiments de ceux qui, comme Célestin l’a fait, ne prétendraient à sa main que pour avoir sa fortune. Accusée par les héritiers évincés d’avoir capté hypocritement les bontés de son oncle, elle déchire le testament ; mais l’exécuteur en ramasse les morceaux et les déclare bons ; comme elle est mineure, son père et tuteur accepte le legs pour elle, en faisant don de 200,000 francs à l’oncle Isidore, qui révèle par un dernier trait son avarice et sa jalousie : « Dix mille francs de rente ! Et mon chef de bureau n’en a que cinq mille. Je veux l’écraser par mon faste... Je prendrai un coupé au mois..., pendant quinze jours ! »

Toutes les scènes sont vivement menées. L opposition de tous les caractères est parfaitement entendue et féconde eu effets comiques. Une foule de mots très-gais, de saillies amusantes ou pittoresques tiennent le public en haleine. Il ne fallait rien moins pour rajeunir avec succès un sujet si vieux.

Testament (le) ou les Billets doux, opéra-comique en un acte, paroles de Planard, musique d’Auber ; représenté à Feydeau le 18 septembre 1819. Cet ouvrage, le second que le compositeur fit représenter, ne réussit pas à fixer sur lui l’attention publique. Ce ne fut que l’année suivante qu’il prit possession de la scène, avec la Bergère châtelaine.

Testament d’Eudanidas (le), chef-d’œuvre de N. Poussin. V. Eudamidas (testament d’).

Testament (la lecture d’un), chef-d’œuvre de D. Wilkie. V. lecture.


◄  Illustration (lettre T)
testamentaire  ►