Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/SIAM ou THAÏ (ROYAUME DE), vaste État de l’Asie méridionale

Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 2p. 670-671).

SIAM ou THAÏ (royaume de), vaste État de l’Asie méridionale, dans la presqu’île de l’Indo-Chine, compris entre 12° et 21° de latit. N. et entre 96° et 104° de longit. E. ; borné au N. par la province chinoise de Yun-Nam et la partie du Laos qui est soumise à l’empire Birman, à l’E, par l’empire d’Annam et le Cambodge, au S. par le golfe de Siam et le Malacca indépendant, à l’O. par l’empire Birman, dont le sépare le fleuve de Salouen, et par les possessions anglaises du Pégou et de Tennasserim. Il mesure 1,500 kilom. du N. au S. et 420 de l’E. À l’O. ; sa superficie est approximativement évaluée à 495,000 kilom. carrés ; Crawford lui donne une population de 2,790,000 hab. ; mais les rapports des voyageurs modernes donnent comme très-probable le chiffre de 6,300,000. Capitale, Bankok.

La partie intérieure et centrale du royaume de Siam est formée par l’immense et fertile vallée au fond de laquelle coule le Meinam. Ce fleuve a plusieurs dérivations naturelles et artificielles ; il reçoit plusieurs affluents qui viennent le grossir (v. Meinam). La chaîne de montagnes qui traverse la presqu’île de Malacca la sépare du Siam propre ; à l’ouest de la vallée de la rivière Salouen, elle s’élève quelquefois à une hauteur de 2,000 mètres. Une chaîne identique sépare la vallée du Meinam, à l’est, de la province de Cambodge. Le climat est très-chaud ; à Bankok, la température moyenne est de + 38° centigr. ; l’air est sain, excepté dans la partie marécageuse, où le choléra et la petite vérole sont à l’état permanent. La saison des pluies dure de mai à décembre. Le Meinam inonde chaque année une grande partie du pays, ce qui contribue puissamment à sa fécondité. Le riz est la principale récolte. Plusieurs cantons sont rendus impropres à la culture par des marécages ou des forêts impénétrables. On y trouve en abondance des bois de tek, d’aigle, de rose, des mangoustans, des tamarins, des pins, des cocotiers, des bananiers et des fruits exquis. L’arek et le bétel sont communs. La canne à sucre, introduite depuis le commencement du XVIIIe siècle, est l’objet d’une importante culture. On récolte du poivre sur la côte du golfe de Siam, surtout du côté de l’est. La faune y est également très-riche et très-variée. On y trouve des éléphants en quantité, un grand nombre de rhinocéros, des tigres, des sangliers, des singes de toutes les espèces, des lézards, des caméléons, des tortues, des porcs-épics, etc. Les chevaux sont rares et de race inférieure. Le porc est très-estimé ; il est supérieur par la qualité de sa chair à celui de l’Europe. Les poissons abondent dans les rivières.

Les richesses minérales de Siain, incomplètement explorées jusqu’à ce jour, consistent en mines d’or, de fer, de plomb, de cuivre et d’autres métaux précieux ; l’étain est un des plus importants articles d’exportation. Les arts utiles ont fait peu de progrès chez les Siamois ; les seuls établissements industriels de quelque importance sont entre les mains des Chinois, qui ont aussi introduit dans le royaume plusieurs produits nouveaux et différentes cultures. En 1836, un Français parvint à y établir une fonderie de canons.

Commerce. Le commerce de Siam est presque entièrement concentré entre les mains des Chinois, qui forment également la masse des agriculteurs du pays. Le riz est le principal article d’exportation. Après le riz, l’article le plus important est le sucre. L’exploitation de la canne à sucre, longtemps monopolisée par les Chinois, a reçu une nouvelle impulsion par l’établissement à Nakouchaisie, dans les environs de Bankok, d’une vaste usine appartenant à une compagnie anglaise, à laquelle le gouvernement siamois a accordé une concession de terrain considérable. Cette compagnie, qui a fait venir d’Europe des ingénieurs et des machines perfectionnées, expédie en Chine des produits qui y sont très-estimés. Un des produits qui a le plus d’avenir, après le riz et le sucre, est l’article des bois, Siam possédant d’immenses forêts de bois de toutes essences propres à l’ébénisterie et à la menuiserie, notamment le tek. Les autres principaux articles d’exportation sont le coton, le sésame, le poivre, les saumons, le cardamome, l’huile de coco, la soie brute, l’étain, les dents d’éléphant, l’arek, le bétel, les nids d’oiseaux, la gomme laque, le rotin, le sel, la cire, etc. Les importations consistent en soieries, draps, toiles, armes, coutellerie, thés, fruits confits, bijoux. C’est par Bankok, capitale du royaume, qui possède un beau port, que se fait presque tout le commerce extérieur de Siam. Le chiffre des exportations s’y est élevé en 1874 à 32,362,819 francs, et celui des importations à 25,452,993 francs. Les importations diverses de France au royaume de Siam, qui s’étaient élevées en 1873 à 1,559,300 fr., n’ont plus représenté en 1874 qu’une valeur de 953,420 fr. Sauf les articles de Paris et les bijoux, dont l’importation a obtenu une faible augmentation, tous nos autres articles ont éprouvé une diminution. Les Siamois entretiennent d’importantes relations commerciales avec la Chine, dont les jonques sont de 500 à 600 tonneaux, quelquefois de 1,000 tonneaux ; les jonques siamoises vont jusqu’à Singapour et dans les iles voisines. Après les Chinois, les peuples qui font le plus de commerce avec ce royaume sont les Anglais, les Américains, les Français et les Portugais. Le pavillon français occupe le quatrième rang dans le port de Bankok, où sont entrés, en 1874, 491 navires jaugeant environ 141,661 tonneaux.

Population, mœurs. Sur les 6,300,000 habitants que renferme le royaume de Siam, les Siamois proprement dits ne forment qu’un tiers de la population ; le reste se compose de Malais, de Cambodgiens, d’habitants du Laos et surtout de Chinois. La tradition fait remonter l’origine des Siamois aux peuples du Laos, auxquels ils ressemblent par leur physionomie : ils sont fort petits, mais robustes ; ils ont la face large, les joues proéminentes, les yeux obliques, la bouche grande, la mâchoire inférieure grande et grosse, les lèvres épaisses, le teint olivâtre et cuivré. Ils ont la coutume de se noircir les dents, et beaucoup d’entre eux y adaptent de l’or. Ils sont de mœurs plus douces et plus polies que ceux des autres habitants de l’Indo-Chine ; ils sont vains, artificieux, obséquieux, avares ; ils fument beaucoup et ils jouent quelquefois jusqu’à leurs femmes et leurs enfants. Le jeu d’échecs est celui qu’ils préfèrent. Ils aiment avec passion les combats de coqs, de chiens et les curieux combats que se livrent entre eux de petits poissons rougeâtres d’une nature très-belliqueuse. Dans toutes les fêtes on voit figurer des courses de bateaux ; la musique et le théâtre leur inspirent un goût très-vif. La religion dominante est le bouddhisme. Les prêtres pratiquent le célibat. Les temples ou pagodes contiennent des statues gigantesques et sont d’une grande richesse ; on y prodigue l’or d’une manière incroyable. Les Siamois sont superstitieux et ont peur des éclipses. Leurs superstitions n’ont aucun rapport avec leurs croyances religieuses ; bien plus, elles leur sont radicalement opposées, puisque les doctrines de Bouddha les proscrivent sévèrement ; mais, en dépit de ces mêmes doctrines, le brahmanisme indien a introduit parmi le peuple, généralement ignorant et naturellement porté au mysticisme et au surnaturel, certaines croyances grossières qui tendent soit à expliquer les phénomènes naturels, soit à conjurer les mauvais sorts, soit enfin à donner un sens aux songes et aux changements de température, etc. C’est ainsi qu’en dehors des astrologues royaux il existe des individus appelés modus, que le peuple paye et consulto sur les affaires journalières, sur le résultat des spéculations commerciales, sur un projet de mariage, sur l’époque favorable pour la coupe du toupet, sur un voyage à entreprendre, sur la manière de gagner au jeu, de recouvrer un bien perdu ou volé, etc., etc. Comme on le voit, les fonctions de ces individus diffèrent peu de celles des magiciens et diseurs de bonne aventure qui, de nos jours encore, jouissent d’un certain crédit dans les contrées peu civilisées de la vieille Europe. Les Siamois ont de plus une foi très-vive dans les talismans ou amulettes, croyance qui doit leur venir vraisemblablement des Malais mahométans. Parmi les différents métaux auxquels est attribué le pouvoir de conjurer les charmes et les mauvais sorts se trouve le mercure. Une boule d’amalgame d’argent rend invulnérable celui qui la porte. Des bois rares imbibés de certains ingrédients jouissent des mêmes propriétés. Les amulettes les plus ordinaires sont des chapelets d’or ou d’argent enfilés dans des ficelles bénites par des bonzes, ou encore de petites plaques de métal sur lesquelles sont gravés des caractères mystérieux. Lorsqu’un malade est supposé être en danger de mort, certains Siamois superstitieux font venir les magiciens dont nous avons parlé ; ceux-ci fabriquent une espèce de statuette d’argile qu’ils portent dans les bois voisins et promettent de conjurer le mauvais sort et de le faire passer du corps du malade dans celui de la statuette, et cela par le moyen d’incantations mystérieuses. La croyance aux goules ou vampires s’est aussi introduite à Siam, modifiée dans ses particularités, mais maintenue cependant quant à ses caractères généraux. Les enfants venus avant terme sont généralement confiés aux magiciens pour être exorcisés, car on les croit doués dinfluences pernicieuses.

Notons ici une des plus originales superstitions de ce genre. Les magiciens ou sorciers ont le pouvoir de réduire un buffle à la grosseur d’un pois, lequel, étant avalé par la personne que l’on veut ensorceler, reconquiert dans le corps de celle-ci son volume primitif et le fait éclater. Les sorciers vendent des philtres d’amour, comme ceux d’Europe. Les démons sont les gardiens de trésors cachés, et l’on compte plus d’une histoire à ce sujet. Malheur à qui ose se jouer des démons, il est bientôt puni. La crainte des esprits et des démons est universelle dans le royaume de Siam.

Les Siamois adorent surtout l’éléphant blanc, qu’on trouve en assez grand nombre dans les forêts du sud. Un de ces animaux, regardé comme le représentant du Bouddha sur la terre, est l’objet de la plus grande vénération. Il est particulièrement adoré à Bankok. On a dit de lui : « Cet animal semble comprendre le caractère sacré dont l’ignorance des hommes la revêtu ; il est d’une gravité et d’une dignité extraordinaires. Il est couvert d’or et de pierreries ; tous les jours, au lever du soleil, il apparaît sur le seuil de son temple et donne le signal de la prière en élevant sa trompe, qui est pleine d’or, et son instinct est si grand qu’il ne manque jamais à cette démarche. » Les prêtres assistent aux funérailles et les corps sont brûlés sous des amas de bois. L’astrologie est la seule astronomie des Siamois. Leur médecine est empirique ; ils ignorent complètement l’anatomie. La polygamie est admise, mais n’est pratiquée que chez les grands. La première femme est la seule qui ait autorité dans la maison ; les autres ne sont que des femmes de plaisir ou de service particulier, au gré de celui qui les possède. Les femmes mènent, en général, une vie à part ; elles ne peuvent ni manger avec leurs maris, ni voyager avec eux, ni naviguer sur les mêmes embarcations.

Les Siamois possèdent un recueil de lois en plusieurs volumes. Dans la législation pénale, le principe des épreuves est admis, mais pour les cas difficiles seulement. L’eau et le feu sont, comme au moyen âge en Europe, les deux éléments qui jouent le principal rôle dans l’instruction judiciaire des grands procès criminels. Les sacrilèges ont la tête brûlée à petit feu ; on enfonce un pieu dans le corps des assassins ; les grands personnages sont quelquefois condamnés à couper de l’herbe pour les éléphants, d’autres à avoir la tête rasée ou à supporter certaines incisions.

Les Siamois s’asseyent sur une natte pour prendre leur repas. Les pauvres mangent du riz ou du balachang, affreuse substance nauséabonde, et s’abreuvent d’eau parfumée ou de suc de palmier ; les riches se font servir, dans des porcelaines de Chine ou dans des vases d’or et d’argent, des poissons, des volailles, des œufs de tortue et de fourmi, des nids d’hirondelles salanganes ; ils boivent du vin de Perse et du thé, à moins qu’ils ne préfèrent une liqueur appelée lau, que l’on fabrique avec du lait fermenté.

Le peuple est divisé en cinq catégories : les soldats, les gens de corvée, les tributaires, les clients des princes et les mandarins, enfin les esclaves, qui forment le tiers de la population. « Toute cette organisation est très-ancienne, dit M. Lavollée ; elle se rapproche à certains égards du régime des castes en vigueur dans l’Inde ; chaque famille est parquée dans sa condition et soumise à une rigoureuse discipline. Les premiers législateurs qui ont organisé les nations de l’Orient se proposaient de fonder solidement le régime despotique sur l’immobilité des classes sociales, qu’ils s’appliquaient à multiplier et à séparer les unes des autres par de fortes barrières. Dans toutes ces contrées, le despotisme est resté debout. Le peuple n’est jamais sorti de l’état de subordination et d’abaissement où l’a placé dès l’origine la constitution politique. Il ne vit qu’à la condition d’obéir ; il est éternellement voué à la servitude ; ses destinées dépendent exclusivement du souverain que le hasard lui a donné.

Langue. La langue siamoise appartient au groupe indo-chinois et fait partie de la division méridionale de la grande famille touranienne, dont elle présente les principaux caractères (v. touranien). C’est une langue agglutinante ; elle abonde en monosyllabes, plus encore que toutes les langues de la même famille. Une de ses sources principales est le pâli, qu’elle a altéré plus encore que le birman ; elle a aussi quelques mots qui se trouvent dans le chinois des mandarins et surtout dans ce que l’on appelle le dialecte de Canton. Sa construction ressemble à la construction chinoise et sa grammaire à celle de la plupart des idiomes parlés dans l’Indo-Chine. Son alphabet diffère de l’alphabet pâli, dont il provient cependant ; le plus usité a 37 consonnes et 20 voyelles.

On distingue plusieurs dialectes : 1° le siamois propre ou siouanlo, ou thaij, parlé dans le royaume de Siam ; 2° le thaij-j’haij, parlé dans la partie supérieure du bassin de Meinam et dans le district de Tai-Loong ; 3° le laos ou law, parlé dans le royaume de ce nom ; 4° le p´aij et le pa-pe, parlés dans les principautés de ce nom qui sont voisines du Laos.

La littérature siamoise, surtout celle du Siouanlo et du Laos, est une des plus riches et des plus anciennes de l’Indo-Chine. Elle consiste principalement en chansons, romances, histoires et chroniques ; elle ne produit pas de compositions littéraires régulièrement écrites. Le style des Siamois est simple ; leur littérature sacrée est en langue pâli.

Gouvernement, armée, etc. La forme du gouvernement est une monarchie absolue et despotique. Elle présente ce fait curieux que deux rois sont investis en même temps du souverain pouvoir. Comme le premier roi a le droit de choisir qui bon lui semble pour lui succéder ; il désigne ordinairement parmi ses proches parents un second roi, qui devient son héritier et qui jouit des mêmes honneurs, mais qui ne prend qu’une faible part aux affaires. Nul n’ose regarder en face le souverain, devant lequel on se livre aux plus avilissantes prosternations. Imaginer la possibilité de la mort du roi est un crime capital. Le peuple peut pénétrer, derrière quelques grands personnages, dans les premières cours du palais magnifique que les deux rois habitent à Bankok et apercevoir de loin la salle des audiences officielles. Au-dessous des rois sont les princes occupant les hautes fonctions de l’État, puis les mandarins remplissant des fonctions militaires et civiles. Les revenus de l’État s’élevaient en 1874 à environ 100 millions. Les deux sources principales de ces revenus sont la capitation et l’impôt foncier sur les terres cultivées, surtout celles qui produisent le coton, ensuite les douanes, les impôts sur la navigation et les amendes.

On tient un registre de la population mâle qui est obligée de faire pendant six mois le service militaire. Les soldats ne reçoivent aucune paye et sont obligés eux-mêmes de s’entretenir. Il n’y a pas d’armée permanente, excepté celle du roi, qui se compose de Mongols salariés et de quelques Chinois du Nord. Ces derniers sont commandés par des officiers qui prétendent descendre de sang royal. Un bataillon formé de jolies femmes compose la garde particulière du roi. Elles ont une forte solde et sont bien disciplinées. Admises à servir à l’âge de quinze ans, elles peuvent être mises à la réserve à l’âge de vingt-cinq ans. Alors elles sont admises au service des châteaux royaux. En entrant dans l’armée, elles font vœu de chasteté. Celles cependant qui sont distinguées par le souverain prennent place parmi ses femmes légitimes. Ce bataillon, sans lequel le roi ne va jamais en expédition, étonne par la richesse de son habillement, par son apparence martiale, son habileté aux exercices militaires et son excellente discipline. L’artillerie siamoise est servie par les éléphants, qui sont très-communs dans ce pays où les chevaux sont très-peu estimés. On protège leur trompe et d’autres parties de leur corps par des cuirasses. Ces animaux sont d’une grande utilité dans les combats, où ils portent le désordre et l’effroi. Quand ils sont blessés, ils entrent dans une fureur que rien ne peut maîtriser, et leurs cornacs sont obligés de les livrer à eux-mêmes. La marine militaire des Siamois se compose entièrement de jonques chinoises montées par des Chinois.

Le royaume de Siam, dont la situation géographique parait correspondre au pays de Sores dont parle Ptolémée, est divisé, au point de vue administratif, en quatre provinces : le Siam proprement dit au centre, le Laos siamois au N., le Malacca siamois au S. et le Cambodge siamois au S.-E.

Histoire. On ne sait rien de certain sur les origines de ce pays, et il est impossible de démêler la vérité historique à travers les fabuleuses légendes des traditions indigènes. Ce n’est qu’à partir du XIVe siècle de notre ère que l’on commence à posséder des notions certaines sur les dynasties qui ont occupé le trône de Siam et sur les principaux événements qui y ont eu lieu. Ces événements consistent en révolutions de palais et surtout en guerres presque incessantes avec le Cambodge, le Pégu, lAnnam et la Birmanie. Ce fut dans ce siècle, en 1350, que Phaja-Uthong, roi du Cambodge, fonda Juthia et prit le nom de Phra-Rama-Thibodi. La monarchie siamoise comprenait alors 16 États : Malaka, Xa-Va, Tanussi ou Tenesserin, Na-Khon-si-Thamarat ou Ligor, Thavai, Mo-ta-Ma ou Martaban, Mo-Lamlong ou Molmein, Song-Khlà, Chauthabun, Shitsanulok, Sukkóthac, Phixai, Savanka-Lok, Phichit, Kamphingphet et Nakhon-Savan. Deux cents ans plus tard, en 1547 (909 de lère de Siam), Juthia était devenue une ville importante ; c’est à cette date que se place la lutte sanglante du royaume de Siam avec le roi de Pégu ; Le roi de Siam était alors Phra-Chao-Xang-Phuôk (maître des sept éléphants blancs). La guerre dura vingt ans, de 1547 à 1567 ; Siam triompha, et le roi de Pégu fut tué par Phra-Naret, successeur de Phra-Chao-Xang-Phuôk. Mais la rivalité entre Juthia et Cambodge ne se termina qu’en 1583, lorsque le roi de Cambodge eut été fait prisonnier. Vers 1600, des relations avaient été établies entre le royaume de Siam et le Japon, mais elles durèrent peu de temps et les Japonais ne firent d’autre commerce que celui de l’or.

Jusqu’à larrivée (1569) de Constantin Falcon ou Phalk, Génois d’origine, qui devint premier ministre, l’histoire de Siam se borne à des querelles de palais. Ce fut quelques années plus tard que, à l’instigation de Falcon, le roi de Siam envoya une ambassade à Louis XIV qui, de son côté, dépêcha des ambassadeurs auprès du prince asiatique. Toutefois, les relations entre les deux pays ne furent que passagères et sans résultat. Les Hollandais, puis les Anglais, essayèrent d’établir quelques factoreries dans le royaume de Siam, surtout au XVIIIe siècle. En 1766, Juthia fut assiégée par les Birmans ; elle put résister, grâce au dévouement et à la présence d’esprit d’un gouverneur d’origine chinoise, nommé Phaja-Thak, qui, ralliant les Chinois à Chantabun, les ramena à Juthia et parvint ainsi à sauver la ville d’une ruine complète ; mais, en 1782, le roi Phra-Phuti-Chao-Luâng abandonna Juthia dont le rôle politique se trouva fini, et il transporta le siège du gouvernement à Bankok, qui n’était alors qu’une bourgade fortifiée et qui devait acquérir en peu de temps un développement considérable. Ce fut vers 1820 que les rapports entre Siam et l’Europe commencèrent à devenir plus actifs. « À cette époque, dit M. Lavollée, les Anglais d’abord, puis les Américains et les Français, reparurent dans le golfe de Siam ; ils s’y disputèrent la prépondérance politique et commerciale en même temps que la propagande religieuse. Le port de Bankok, capitale du royaume, fut visité par les pavillons européens ; les consuls, les missionnaires, les négociants y formèrent peu à peu une colonie assez nombreuse. » Sous Phra-Chao-Prosat-Tong, qui avait usurpé le pouvoir en 1825, les États-Unis conclurent avec Siam un traité d’amitié et de commerce. Toutefois, ce ne fut qu’à partir de 1851, époque ou Chao-Pha-Mongkout succéda à son frère Phra-Chao, que la politique défiante du gouvernement siamois à l’égard des étrangers fit place à une politique très-libérale. Ce prince éclairé, qui désigna pour second roi son frère, disciplina ses troupes à l’européenne, établit la liberté des cultes, une imprimerie royale, fit construire des routes et des canaux, augmenta sa marine et passa avec l’Angleterre (1855), avec la France et les États-Unis (1856) des traités de commerce qui supprimèrent les monopoles, abaissèrent les droits de douane, garantirent la liberté des transactions et firent de Bankok un des ports les plus importants de l’Orient. Ce fut également ce prince qui envoya une ambassade à Paris. Il mourut en 1868, laissant le trône à son jeune fils, Chao-Pha-Chulalonkorn, né en 1853, qui devint premier roi de Siam. Ce prince, également connu sous le nom de Somdetch-Phra-Paramendr, choisit pour second roi, le 25 novembre 1868, son cousin Krom-Mun-Pawar. Pendant la minorité et depuis la majorité de ce roi, la politique extérieure de son père a été fidèlement suivie et les relations du royaume de Siam avec les Européens n’ont pas cessé d’être excellentes. En février 1875, le ministre des finances de Siam ayant été arrêté et soumis à la question pour détournement de 20 millions, le second roi Krom, qui craignait d’être compromis, quitta son palais et alla demander asile et protection au consulat anglais de Bankok. Le premier roi, Chao-Pha-Chulalonkorn, craignant les complications qui pourraient résulter d’un conflit avec son cousin, fit paraître, le 25 février, un décret par lequel il maintint le second roi Krom dans ses honneurs et dignités, et lui accorda une garde de 200 soldats d’infanterie légère ; mais en même temps il déclara que les affaires importantes, les questions de défense et d’alimentation du pays, étant sous sa responsabilité directe, ne seraient désormais traitées que par lui.