Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Roland (Manon-Jeanne Phlipon, Mme

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 4p. 1311-1313).

un peu de peinture et de musique, lui donna le goût des arts et la mit au dessin et à la gravure.

Elle étudiait d’ailleurs avec une véritable passion, et son esprit précoce, ardent aux lectures, la poussait à dévorer, sans suite et sans méthode, les livres les plus disparates que le hasard Semblait prendre soin d’entasser confusément sous sa main : un traité de l’art héraldique, la Vie des saints, le Roman comique de Scarron, les Guerres civiles d’Appien, des mémoires, des anecdotes, la Bible, un Traité des contrats, les psaumes, des pièces de théâtre, Télémaque, Candide, des philosophes et des livres de dévotion, enfin Plutarque, qu’elle emportait à l’église « en guise de semaine sainte », suivant son expression. On devine ce que de telles lectures, poursuivies sans guide, dans l’exaltation de la solitude, développèrent de connaissances précoces dans un esprit avide que rien ne réglait et qui était gorgé plutôt que nourri. « Je me prenais à rire, dit-elle, quand ma grand’maman me parlait de petits enfants trouvés sous des feuilles de chou, et je disais que mon Ave Maria m’apprenait qu’ils sortaient d’ailleurs, sans m’inquiéter comment ils y étaient venus. »

Parmi les phases diverses que traversa cette intelligence ardente et toujours en travail, la religion eut son tour, et même la religion poussée jusqu’à l’ascétisme. À douze ans, elle résolut de se faire religieuse. « Saint François de Sales, dit-elle, l’un des plus aimables saints du paradis, avait fait ma conquête. » On la plaça chez les dames de la congrégation, au faubourg Saint-Marcel, où elle resta un an. C’est là qu’elle connut les demoiselles Cannet, avec lesquelles elle entretint plus tard une correspondance qui a été recueillie et qui est pleine de charme et d’intérêt.

Toutefois, quoiqu’elle se plût tort dans la maison des religieuses, il ne fut plus question de lui faire prendre le voile. Elle passa une autre année chez sa grand’mère, qui habitait l’île Saint-Louis, et rentra ensuite dans sa famille, établie alors au quai des Lunettes. Elle reprit ses lectures avec la même ardeur et y perdit peu à peu sa ferveur catholique. Successivement janséniste, cartésienne, stoïcienne et déiste, comme elle nous l’apprend, elle reçut surtout une impression profonde de l’étude des ouvrages de Voltaire, Jean-Jacques, Diderot et des autres grands écrivains du XVIIIe siècle. Enfin, cette étonnante jeune fille, philosophe en corps de robe, chercha même un aliment à son énergie intellectuelle dans l’étude des sciences physiques et mathématiques. Elle s’y mit avec sa passion habituelle, s’attacha surtout à la géométrie, mais finit par se rebuter de la sécheresse de l’algèbre dès qu’elle eut passé les équations du premier degré. « Alors, dit-elle, j’envoyai par delà les ponts la multiplicité des fractions, et je trouvai qu’il valait mieux lire de beaux vers que de me dessécher sur des radicaux. En vain, quelques années après, M. Roland, me faisant la cour, tenta de rappeler cet ancien goût ; nous fîmes beaucoup de chiffres ; mais la raison par x ne me parut jamais assez aimable pour me fixer longtemps. »

On a dit de Mme Roland qu’elle était la Julie de Rousseau. Cela n’est pas fort exact ; mais on ne saurait nier qu’elle fut, suivant la remarque ingénieuse de Michelet, « une fille de Rousseau, plus légitime encore peut-être que celles qui sortirent immédiatement de sa plume. » Cela signifie, croyons-nous, qu’elle avait en plus la solidité plébéienne, qu’elle différait des héroïnes de Rousseau en ce qu’elle ne s’amollit point dans l’inaction et la rêverie, qu’elle fut au plus haut degré laborieuse, active, et que, par sa force morale, sa gravité, sa passion virile pour les principes et les idées, par sa vie enfin comme par sa mort, elle semble bien moins une héroïne de roman qu’un homme de Plutarque.

Sa vie dans la maison paternelle était d’une simplicite et d’un calme dont elle nous a laissé des tableaux ravissants. Vivant presque entièrement dans son cabinet, livrée à ses études solitaires, elle se garantissait de l’ennui par le travail. Le dimanche, la famille allait soit aux promenades publiques, où la grâce de la jeune Manon eût pu briller et lui donner des satisfactions d’amour-propre, soit plus souvent à la campagne, qu’elle préférait de beaucoup. « Nous allions souvent, dit-elle, à Meudon ; c’était ma promenade favorite. Je préférais ses bois sauvages, ses étangs solitaires, ses bois de sapins, ses hautes futaies aux routes fréquentées, aux taillis uniformes du bois de Boulogne, aux décorations de Bellevue, aux allées peignées de Saint-Cloud. »

Ces plaisirs hebdomadaires, qui sont de tradition dans la petite bourgeoisie parisienne, étaient, avec quelques visites, les seules distractions de la jeune fille. On était alors à la fin du règne de Louis XV, et le tableau de cette société caduque et corrompue lui inspirait autant de dégoût que de mépris. Comme beaucoup de hautes intelligences et de grands cœurs de ce temps, elle cherchait dans les souvenirs de l’antiquité une consolation aux hontes et aux tristesses du présent, « On dirait, écrit-elle, que, dans l’éducation que j’ai reçue, dans les idées que j’ai acquises par l’étude ou avec le secours du monde, tout avait été combiné pour m’inspirer l’enthousiasme républicain, en me faisant juger le ridicule ou sentir l’injustice d’une foule de prééminences et de distinctions. Aussi, dans mes lectures, je me passionnais pour les réformateurs de l’inégalité : j’étais Agis et Cléomène à Sparte ; j’étais Gracque à Rome, et, comme Cornélie, j’aurais reproché à mes fils qu’on ne m’appelât que la belle-mère de Scipion. Je m’étais retirée avec le peuple sur le mont Aventin et j’aurais voté pour les tribuns. »

Il est temps de placer ici le portrait de cette femme illustre, qui n’est encore que Mlle Phlipon. Elle-même, en écrivant ses Mémoires, s’est peinte avec une certaine complaisance, et même avec plus de complaisance qu’il ne convient. Néanmoins, nous reproduirons cette esquisse.

« À quatorze ans, comme aujourd’hui, dit-elle, j’avais environ cinq pieds ; ma taille avait acquis toute sa croissance ; la jambe, bien faite, le pied bien posé, les hanches très-relevées, la poitrine large et superbement meublée, les épaules effacées, l’attitude ferme et gracieuse, la marche rapide et légère ; voilà pour le premier coup d’œil. Ma figure n’avait rien de frappant qu’une grande fraîcheur, beaucoup de douceur et d’expression ; à détailler chacun des traits, on peut se demander où donc en est la beauté. Aucun n’est régulier, tous plaisent : la bouche est un peu grande ; on en voit mille de plus jolies, pas une n’a le sourire plus tendre et plus séducteur. L’œil, au contraire, n’est pas fort grand ; son iris est d’un gris châtain, mais placé à fleur de tête ; le regard ouvert, franc, vif et doux, couronné d’un sourcil brun, comme les cheveux, et bien dessiné ; il varie dans son expression comme l’âme affectueuse dont il peint les mouvements. Sérieux et fier, il étonne quelquefois ; mais il caresse bien davantage et réveille toujours. Le nez me faisait quelque peine, je le trouvais un peu gros par le bout ; cependant, considéré dans l’ensemble et surtout de profil, il ne gâtait rien au reste. Le front large, peu couvert à cet âge, soutenu par l’orbite très-élevée de l’œil, et sur le milieu duquel des veines en V s’épanouissaient à l’émotion la plus légère, était loin de l’insignifiance qu’on lui trouve sur tant de visages. Quant au menton, assez retroussé, il a précisément les caractères que les physionomistes indiquent pour ceux de la volupté. Lorsque je les rapproche de tout ce qui m’est particulier, je doute que jamais personne fût plus faite pour elle et l’ait moins goûtée. Le teint vif plutôt que très-blanc, des couleurs éclatantes, fréquemment renforcées de la subite rougeur d’un sang bouillonnant excitée par les nerfs les plus sensibles ; la peau douce, le bras arrondi, la main agréable sans être petite, parce que ses doigts allongés et minces annoncent l’adresse et conservent de la grâce ; des dents saines et bien rangées ; l’embonpoint d’une santé parfaite : tels sont les trésors que la bonne nature m’avait donnés….. Mon portrait a été dessiné plusieurs fois, peint et gravé : aucune de ces imitations ne donne l’idée de ma personne ; elle est difficile a saisir, parce que j’ai plus d’âme que de figure, plus d’expression que de traits. Un artiste ordinaire ne peut la rendre ; il est même probable qu’il ne la voit pas. Ma physionomie s’anime en raison de l’intérêt qu’on m’inspire, de même que mon esprit se développe en proportion de celui qu’on emploie avec moi, etc. »

Certes, on peut sourire de certains détails, et cette description peut sembler empreinte de fatuité ; mais on aura quelque indulgence en se souvenant que ces lignes étaient écrites pour ainsi dire sous le couperet, derrière les murs d’une prison, par une personne dont l’époux et tous les amis étaient proscrits, et qui aimait à se consoler d’un présent tragique par les souvenirs du passé.

Riouffe, dans ses Mémoires d’un détenu, trace ainsi le portrait de Mme Roland au moment où elle fut amenée à la Conciergerie ; « … Sans être à la fleur de son âge, elle était encore pleine d’agréments ; elle était grande et d’une taille élégante. Sa physionomie était très-spirituelle ; mais les malheurs et une longue détention avaient laissé sur son visage des traces d’une mélancolie qui tempérait sa vivacité naturelle. Elle avait l’âme républicaine dans un corps pétri de grâce et façonné par une certaine politesse de cour. Quelque chose de plus que ce qui se trouve ordinairement dans les yeux des femmes se peignait dans ses grands yeux noirs pleins d’expression et de douceur. »

Voici maintenant le portrait esquissé par le comte Beuguot, qui vit également Mme Roland à la Conciergerie :

« Mme Roland était âgée de trente-cinq à quarante ans. Elle avait la figure, non pas régulièrement belle, mais très-agréable ; de beaux cheveux blonds, les yeux bleus et bien ouverts. Sa taille se dessinait avec grâce et elle avait la main parfaitement faite. Son regard était expressif, et, même dans le repos, sa figure avait quelque chose de noble et d’insinuant. Elle n’avait pas besoin de parler pour qu’on lui soupçonnât de l’esprit. Mais aucune femme ne parlait avec plus de pureté, de grâce et d’élégance. Elle avait dû à l’habitude de la langue italienne le talent de donner à la langue française un rhythme, une cadence véritablement neuve. Elle relevait alors l’harmonie de sa voix par des gestes pleins de noblesse et de vérité, par l’expression de ses yeux, qui s’animaient avec le discours, et j’éprouvais chaque jour un charme nouveau à l’entendre, moins par ce qu’elle disait que par la magie de son débit. Elle réunissait à ces dons déjà si rares beaucoup d’esprit naturel, des connaissances étendues en littérature et en économie politique. C’est ainsi que j’ai vu Mme-Roland, et j’avouerai que je la voyais avec une prévention défavorable. »

La seule observation que nous ferons ici, c’est que, pour un détail, les souvenirs de Beugnot sont en défaut. Mme Roland n’avait pas les cheveux blonds, mais bruns, ni les yeux bleus, mais d’un gris châtain, comme elle le dit elle-même.

Enfin Lemontey, qui était de Lyon et qui y avait vu souvent Mme Roland avant la Révolution, l’a peinte ainsi, avec une finesse un peu maniérée :

« J’ai vu quelquefois Mme Roland avant 1789. Ses yeux, sa tête et sa chevelure étaient d’une beauté remarquable. Son teint délicat avait une fraîcheur et un coloris qui, joints à son air de réserve et de candeur, la rajeunissaient singulièrement. Je ne lui trouvai point l’élégance aisée d’une Parisienne qu’elle s’attribue dans ses Mémoires ; je ne veux point dire qu’elle eût de la gaucherie, parce que ce qui est simple et naturel ne saurait manquer de grâce. Je me souviens que, la première fois que je la vis, elle réalisa l’idée que je m’étais faite de la petite fille de Vevay qui a tourné tant de têtes, de la Julie de J.-J. Rousseau, et, quand je l’entendis, l’illusion fut encore plus complète. Mme Roland parlait bien, trop bien. L’amour-propre aurait bien voulu trouver de l’apprêt dans ce qu’elle disait ; mais il n’y avait pas moyen : c’était simplement une nature trop parfaite. Esprit, bon sens, propriété d’expression, raison piquante, grâce naïve, tout cela coulait sans étude entre des dents d’ivoire et des lèvres rosées : force était de s’y résigner. »

La jeune Phlipon, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, avait alors sa « correspondance, » comme la Julie de Rousseau ; mais ce n’était pas à une Claire d’Orbe qu’elle s’adressait. Nous avons parlé de sa liaison de couvent avec les demoiselles Cannet. Elle resta en rapports intimes surtout avec la plus jeune, Sophie. Dans les lettres qu’elle écrivit à cette amie, au moins autant que dans ses Mémoires, elle se montre tout entière, jour par jour et impression par impression.

Cette correspondance est fort curieuse pour l’étude de la jeunesse de Mme Roland, qui parle à cœur ouvert et non pour le public, ne pouvant supposer que la célébrité l’attendait et que, soixante ans plus tard, cette correspondance serait publiée. Ce qui inquiète ces jeunes filles philosophes, c’est Descartes, c’est Diderot, Helvétius et la métaphysique. Elles discutent, elles argumentent comme de véritables docteurs ; rien de plus original et de plus piquant.

Cela ne les empêche pas, d’ailleurs, d’agiter la question de sentiment, de débattre la thèse du mariage, le chapitre des prétendants, l’histoire des entrevues. Pour être philosophes, on n’en est pas moins filles d’Eve. Manon, la jolie Manon, spirituelle, instruite et raisonnable, séduisante par les qualités de l’esprit comme par les grâces de sa personne, Manon ne trouvait pas son Saint-Preux ! Dans cette correspondance et dans ses Mémoires, elle passe la revue amusante des prétendants qui sollicitèrent successivement sa main, Émiles plus ou moins grotesques à la recherche d’une Sophie ; elle en donne des croquis spirituellement dessinés ; finalement, elle n’en agréa aucun. Un seul l’occupa un moment, La Blancherie, pauvre auteur, esprit médiocre et caractère léger, qui put espérer quelque temps, mais qui tomba dans l’abîme comme les autres. Cette jeune fille, en qui la raison a tué la jeunesse, et la philosophie l’amour, se faisait du mariage les idées les plus austères et les moins attrayantes.

Vienne donc un honnête homme, aux mœurs antiques, à l’esprit éclairé, simple, rigide, avec « la gravité du philosophe et la politesse de l’homme bien né, » il est probable qu’il deviendra l’époux et qu’il l’emportera sur tant de fats brillants et frivoles, fût-il même dans l’âge mur.

Cet homme se présenta ; ce fut Roland.

Mais, avant ce dénoûment, il arriva un grand malheur à Mlle Phlipon. Sa mère mourut presque subitement en juin 1775. Elle en éprouva un chagrin tellement profond, qu’elle en faillit mourir. Après de longues souffrances, elle fut rattachée à la vie par le sentiment de ses devoirs envers son père, et elle chercha un adoucissement k ses douleurs en se replongeant dans l’étude et la lecture. C’est de ce temps que date sa grande passion pour Rousseau. « Plutarque, dit-elle, m’avait disposée pour devenir républicaine ; il avait éveillé cette force et cette fierté qui en font le caractère. Il m’avait inspiré le véritable enthousiasme des vertus publiques et de la liberté, Rousseau me montra le bonheur domestique auquel je pouvais prétendre et les ineffables délices que j’étais capable de goûter. »

Elle prit la direction de la maison paternelle, associant les occupations domestiques et la culture de son esprit. Quelque soin qu’elle y mit, elle ne put faire que son père ne sentît vivement le vide de son intérieur et ne cherchât des distractions au dehors. Naturellement, son petit établissement en souffrit ; une liaison qu’il eut en ville, pour ne point donner une belle-mère à sa fille, l’entraîna à des dépenses supplémentaires ; il voulut les couvrir par des spéculations qui furent malheureuses, et même par le jeu, dont il prit l’habitude ; enfin, il négligea de plus en plus son travail et ses affaires et sa ruina ainsi d’une manière assez rapide.

Ce fut à la fin de l’année 1775 que Manon vit Roland pour la première fois. Elle-même a écrit : « Depuis quatorze ans jusqu’à seize, je voulais un homme poli ; depuis seize jusqu’à dix-huit, je voulais un homme d’esprit ; depuis dix-huit, un vrai philosophe. »

Roland arrivait donc à propos et comme à l’heure dite. Il avait été adressé à Manon par les demoiselles Cannet, et précisément dans leur société on le nommait le Philosophe. Ses traits, « plus respectables que séduisants, » firent moins d’impression que son caractère, son intelligence et sa gravité. Les conversations de ces deux personnages roulaient sur les Grecs, les Romains, Montesquieu, Voltaire, l’économie politique, le droit des gens, etc. Jamais on n’a fait la cour à une jeune personne de cette façon ; mais peut-être n’était-ce pas la plus mauvaise méthode pour plaire à celle-ci. Elle s’attacha à cette espèce de quaker, bien qu’ils fussent en désaccord sur certains points de littérature et de métaphysique. Roland la gagna tout à fait en lui confiant ses manuscrits, lors d’un voyage qu’il fit en Italie. C’étaient des notes de voyages, des réflexions sur le commerce et l’industrie, des projets d’ouvrages, etc., toutes choses peu propres à enflammer le cerveau et sans danger pour le cœur et l’imagination.

Ces amours doctorales durèrent près de cinq années. Enfin, Roland se déclara, fut agréé et demanda la main de Manon au père Phlipon, qui refusa net, ne se souciant pas d’avoir pour gendre un homme si sévère dont les regards lui paraissaient ceux d’un censeur. La jeune stoïcienne prit à l’instant sa résolution : elle écrivit à Roland d’abandonner son projet, que d’ailleurs elle était un mauvais parti pour lui, vu la ruine de sa famille, etc. ; puis, avec une pension de 500 livres qu’elle avait sauvée du naufrage, se retira chez les dames de la congrégation, vivant de légumes et d’eau dans un grenier sans feu.

Elle était alors majeure, et Roland persistant dans ses résolutions, elle finit par consentir à l’épouser. Le mariage fut célébré en février 1780 : Roland avait quarante-huit ans, Mme Roland vingt-six. Cette disproportion d’âge était un peu atténuée par la conformité des caractères et des goûts ; cependant on conçoit que Mme Roland ne dut avoir pour son époux qu’une affection austère (comma celle de Julie pour M. de Volmar), affection fortifiée par le sentiment du devoir, par la respect et par l’estime, mais qui était d’une autre nature que les enthousiasmes de l’amour. Ses mémoires portent la trace évidente de ses sentiments à cet égard.

« Mariée, dit-elle, dans tout le sérieux de la raison, je ne trouvai rien qui m’en tirât. Je me dévouai avec une plénitude plus enthousiaste que calculée. À force de ne considérer que la félicité de mon partenaire, je m’aperçus qu’il manquait quelque chose à la mienne. Je n’ai pas cessé un seul instant de voir dans mon mari l’un des hommes les plus estimables qui existent ; mais j’ai senti souvent qu’il manquait entre nous de parité. Si nous vivions dans la solitude, j’avais des heures quelquefois pénibles à passer, etc. »

On pourrait multiplier les citations à ce sujet, mais cela ne nous paraît pas nécessaire pour donner une idée des dispositions morales de Mme Roland dans sa nouvelle condition. Les habitudes austères de sa vie lui offraient d’ailleurs un refuge contre la mélancolie : le travail.

Elle s’associa courageusement aux labeurs de son époux et, sans se rebuter de l’aridité des sujets, copiait, traduisait, compilait pour lui. C’est ainsi qu’elle compta parmi les plaisirs des premières années de son mariage sa collaboration à l’Art du tourbier et autres ouvrages du même intérêt, sans autre distraction que l’allaitement du seul enfant qu’elle ait eu. Elle avait pour Roland une sorte de culte filial et veillait sur sa santé délicate avec le soin le plus touchant. Après quelques années de séjour à Amiens, celui-ci obtint d’aller exercer ses fonctions dans la généralité de Lyon et se retira alors dans sa maison patrimoniale, près de Villefranche, au clos de La Platière, résidence un peu triste au milieu de quelques vignobles, où le ménage passait la plus grande partie de l’année (sauf deux mois d’hiver à Lyon).

Là, Mme Roland se fit franchement campagnarde, entièrement occupée de la direction de sa maison et de tous les détails d’une exploitation rurale. Ses lettres de cette époque ont une grâce et un naturel qui en font autant de petits chefs-d’œuvre. Elles renferment mille détails familiers et charmants, relevés par la verve et le piquant du style, sur les soins assidus d’un ménage agreste, sur les foins, les vendanges, les lessives, les confitures, les poires tapées, etc., enfin tous les détails d’une existence campagnarde et bourgeoise à la fois. Il y a peu de lectures plus attrayantes.

Nous arrivons ici à une question fort délicate. On sait que beaucoup ont curieusement recherché dans la vie de cette femme illustre la trace de quelque faiblesse ; on savait vaguement que cette grande âme avait été troublée par une lutte orageuse entre le devoir et les entraînements d’une passion qui avait laissé sa trace brûlante, en plus d’un endroit de ses écrits (expurgés cependant par la main de l’amitié). Le voile est aujourd’hui déchiré ; on sait que Mme Roland a aimé, on connaît le nom de celui qui a fait battre ce cœur magnanime. Mais ceci ne concerne que l’époque de la Révolution. Dans la période de la retraite à La Platiëre, on voit aussi quelques amis passionnés autour de ce ménage que sépare une aussi grande différence d’âge. C’est d’abord le doux Lanthenas, admis fraternellement auprès des Roland et qui plus tard devait les abandonner ; puis Bosc, le naturaliste (depuis membre de l’Institut), qui eut pour Mme Roland une passion qu’elle sut calmer par sa loyauté, sa haute raison, et transformer en une amitié dévouée jusqu’à la mort ; enfin Bancal des Issarts (plus tard conventionnel), pour qui Mme Roland eut certainement, sinon une passion, au moins un sentiment fort vif, comme en témoignent les lettres qu’elle lui écrivit (publiées par M. Sainte-Beuve en 1835, avec une belle notice). Mais il est d’une certitude à peu près absolue que ce petit roman intime resta à l’état purement platonique et sentimental.

Au milieu des occupations de sa vie rustique, à La Platière, Mme Roland n’avait pas cessé de s’intéresser aux idée » philosophiques et à l’avénement de la liberté.

Néanmoins, jugeant sans doute la réalisation de ses espérances fort éloignée, elle attendait l’avenir sans trop d’impatience, allait à la messe sans y croire et uniquement pour être agréable au frère de son mari, qui était chanoine, et enfin (détail piquant) faisait ce voyage inutile à Paris pour solliciter des lettres ne noblesse en faveur de Roland, et dont nous avons donné plus haut les motifs.

Dans cette période aussi, elle fit plusieurs voyages, en Angleterre (1784), en Suisse (1787) et dans diverses parties de la France.

Dès le début de la Révolution, l’ancienne flamme se ranima en elle avec plus de force et d’éclat ; la chute de la Bastille la jeta dans des transports d’enthousiasme ; elle assista, émue et frémissante, à la grande fédération de 1790, à Lyon, et elle en écrivit le soir même la relation pour le journal que publiait à Lyon son jeune ami Champagneux.

Mais, dans sa vigilance, inquiète, elle tremble que le mouvement ne soit entravé et elle écrit à ses amis les lettres les plus énergiques pour éveiller leurs méfiances et ranimer leur vigueur. En février 1791, elle vint se fixer à Paris avec son époux.

Avec ses impatiences de femme, Mme Roland jugeait sévèrement ses amis mêmes et leur reprochait leur indécision et leur timidité. Après le massacre du Champ-de-Mars, elle tomba dans un véritable désespoir. Mais elle se releva bientôt pour donner aux hommes de son parti, ou si l’on veut de son groupe, les conseils les plus vigoureux, comme de réclamer la convocation des assemblées primaires pour délibérer par oui ou par non sur la conservation ou l’abolition de la monarchie. Quatre fois la semaine, les Roland réunissaient chez eux les principaux hommes politiques qui bientôt allaient composer le parti girondin, les Brissot, les Pétion, les Buzot, les Condorcet, les Barbaroux, etc. Tous ces hommes distingués furent subjugués par la raison virile de Mme Roland, par la netteté de son jugement, par la fermeté de ses convictions, l’étendue ne ses connaissances, -peut-être bien aussi par le charme infini de sa conversation, par son esprit, ses grâces et sa beauté. Toujours est-il qu’on vit cette chose piquante : un grand parti politique dont le chef réel était une femme. Et dans le fait, à travers ses grandeurs, ses faiblesses et ses infortunes, la Gironde conserva toujours un peu l’esprit femme, si l’on peut ainsi parler, c’est-à-dire tracassier plutôt qu’énergique, irritable, exclusif, implacable envers l’adversaire ; rebelle aux concessions.

En jugeant Mme Roland, M. Louis Blanc la considère assez finement comme la personnification du républicanisme élégant et artiste de la Gironde, comme l’un des représentants les plus brillants de la classe bourgeoise, de cette élite intellectuelle, étouffée par les hautes classes et qui aspirait à prendre son rang par son mérite, mais, quoique disciple de Rousseau, peu préoccupée du sort des classes pauvres et ignorantes.

La remarque est juste. Il est certain que la fille du graveur du quai des Lunettes, malgré sa haine pour l’injustice et l’oppression, malgré sa naissance plébéienne, était devenue, nous dirions volontiers un peu aristocrate, si le mot n’était pas si suranné. Elle aimait la démocratie, sans nul doute, mais représentée, dirigée par des hommes brillants, instruits et d’une certaine condition sociale. Malgré son origine populaire, elle avait pour le peuple proprement dit une espèce de dédain. Sa culture intellectuelle, sa délicatesse féminine, peut-être aussi un peu de l’orgueil des parvenus, l’entraînaient naturellement dans cette espèce de torysme bourgeois et républicain qui est resté la séduction historique de son parti, mais qui en a fait le malheur et la perte.

Lorsque la Gironde eut imposé au roi le ministère dit patriote et que Roland eut été appelé à en faire partie, le rôle de Mme Roland s’agrandit. De son propre aveu, elle y eut part, sinon directement, au moins d’une manière effective. C’est elle qui écrivait les instructions, circulaires et autres documents, et notamment la fameuse Lettre au roi du 10 juin 1792, dont il a été question plus haut dans la biographie de Roland. Après la révolution du 10 août, lorsque celui-ci reprit le portefeuille de l’intérieur, sa femme partagea de nouveau ses travaux, et la part qu’elle avait aux affaires n’était un mystère pour personne. Dans le public, on l’exagérait même peut-être un peu. Ce qui parait certain, c’est qu’elle contribua à pousser le parti dont elle était l’égérie dans cette guerre incessante contre la Montagne et la commune de Paris qui devait être funeste aux girondins comme à la Révolution. Sa haine contre Danton et Robespierre lui fit repousser toute transaction, et il y a toute apparence que ce fut elle qui décida Louvet, le colérique et frivole auteur de Faublas, à dresser son fameux acte d’accusation contre Robespierre, et qui engagea de plus en plus Buzot dans sa lutte opiniâtre contre les montagnards. Ceci nous amène à la question tant controversée du problème de la vie intime de Mme Roland. Jeune encore, belle, ardente, spirituelle, trônant dans un salon peuplé d’hommes distingués et presque tous célèbres, comme une sorte de Récamier républicaine, cette femme extraordinaire, épouse d’un sexagénaire, dut naturellement exciter l’amour et peut-être y répondre elle-même. Telle est la question qu’on a cent fois posée, et comme elle est maintenant résolue, nous n’avons pas à rappeler toutes les conjectures qui ont été faites et qui, d’ailleurs, sont suffisamment connues. La vérité, la voici.

Mme Roland a ressenti, en effet, à l’époque de la Révolution, une passion profonde, non pour le bellâtre Barbaroux, comme on l’a supposé, mais pour Buzot, qui, de son côté, avait pour elle un enthousiasme qui touchait à l’adoration. Ces amours tragiques dénoués par la proscription et par l’échafaud sont aujourd’hui hors de doute. On en trouve les témoignages dans les Mémoires mêmes de Mme Roland, dont le manuscrit autographe a été légué par sa fille, Mme Champagneux, à la Bibliothèque. Le premier éditeur, Bosc, dans sa pieuse et délicate amitié, avait supprimé un certain nombre de passages dont les uns étaient véritablement choquants, dont les autres pouvaient fournir des armes à la malveillance. Champagneux, qui donna une nouvelle édition en l’an VIII, imita la réserve de Bosc. Ce ne fut qu’en 1864 que M. Dauban, puis M. Faugère publièrent presque simultanément chacun une édition conforme au manuscrit original. Dans ces passages, Mme Roland confesse sa passion sans en nommer l’objet ; elle nous apprend qu’elle ne la cacha pas à son mari et que, tout en lui déclarant qu’elle resterait fidèle à ses devoirs, elle ne lui dissimula pas l’étendue de son sacrifice. On peut trouver une telle sincérité barbare ; mais qu’on n’oublie pas que Mme Roland, très-forte d’ailleurs, se complaisait à ces recherches de stoïcisme. Bien mieux, elle fut blessée de ce que, tout en s’immolant a son époux, celui-ci souffrit d’une telle situation ; peu s’en faut que la douleur du compagnon de sa vie ne la scandalise comme une faiblesse de vieillard aveuglé par l’égoïsme !

Dans le temps même de cette restitution des passages supprimés, des documents nouveaux vinrent apporter une lumière complète et tous les éléments de la certitude. On découvrit quatre lettres autographes de Mme Roland (qui appartiennent aujourd’hui à la Bibliothèque). Ce sont des lettres d’amour adressées à Buzot, alors en fuite et proscrit ; plus une lettre de celui-ci à un ami pour lui recommander de brûler d’autres lettres de Mme Roland dont il était dépositaire ; enfin, une miniature de Buzot qui est vraisemblablement la chère peinture que cette femme infortunée gardait dans sa prison et qu’au dernier moment elle remit secrètement à un ami. Derrière cette peinture se trouve, en effet, une notice écrite de sa main et qui est une appréciation enthousiaste du caractère de son ami. Les lettres ont été insérées par M. Dauban dans son Étude sur Mme Roland.

Cette idylle douloureuse, ce poème de souffrances et de larmes, entrevu déjà parmi d’autres conjectures, a donc acquis la certitude historique et est hors de discussion.

On a posé une question plus délicate encore, à savoir si Mme Roland est demeurée réellement fidèle à ses devoirs d’épouse et à sa dignité de mère ; si, dans cette lutte inouïe, elle a triomphé de sa passion. Elle l’affirme, c’est tout ce que l’on peut constater, et cela n’a rien d’invraisemblable quand on connaît la trempe d’un tel caractère. Toutefois, il faut avouer qu’en lisant dans les Mémoires ces confidences étranges sur la nature exubérante de l’héroïne, sur son tempérament enflammé, en observant dans les lettres à Buzot ces expressions ardentes, ce tutoiement continuel, cette intimité caractéristique, il faut avouer, disons-nous, qu’il pourrait rester quelque doute, malgré les menus axiomes de rhétorique sur le devoir et la vertu qui se rencontrent çà et là.

Mais nous abandonnons bien volontiers ceci, et nous croyons qu’il faut laisser aux casuistes spéciaux le soin de traiter ces matières délicates, qui sont de la compétence des cours d’amour bien plus que de celle de l’histoire.

Mme Roland, on le sait, fut enveloppée dans la chute des girondins. Lorsque Roland fut décrété d’arrestation le 31 mai 1793, elle se présenta à, la Convention pour réclamer contre cette mesure, mais ne fut pas admise à la barre. Dans la nuit morne, elle fut arrêtée, enfermée à l’Abbaye, relâchée le 23 juin, puis arrêtée de nouveau le lendemain et écrouée à Sainte-Pélagie. C’est pendant sa captivité qu’elle écrivit à la hâte les divers morceaux qui composent ses admirables mémoires, dont elle faisait parvenir secrètement les feuillets au noble et fidèle Bosc, qui les sauva en les cachant au creux d'un rocher dans la forêt de Montmorency. Transférée à la Conciergerie le 31 octobre, elle parut devant le tribunal révolutionnaire le 8 novembre « comme complice de la conspiration contre l’unité et l’indivisibilité de la république, la liberté et la sûreté du peuple français. »

Il lui était facile de prouver, comme elle l’avait fait, d’ailleurs, dans ses interrogatoires, que ses relations avec les girondins proscrits et ses sympathies pour eux n’impliquaient pas une complicité réelle dans leurs tentatives de guerre civile et n’avaient pas le caractère nécessaire pour la faire tomber sous le coup de la loi. Mais les passions étaient trop surexcitées pour que la voix de la raison pût se faire entendre. De plus, Mme Roland se défendit avec une énergie qui touchait à la véhémence ; en outre, on avait trouvé dans les papiers de Duperret la preuve qu’elle approuvait le mouvement tenté dans le Calvados par ses amis. Tout cela était insuffisant ; mais elle n’en fut pas moins condamnée à mort. L’opinion était tellement soulevée contre les girondins, que la femme illustre qui était considérée comme leur inspiratrice et leur guide semblait vouée fatalement au sacrifice. Telle est la justice des partis !

Suivant Louvet, Mme Roland accueillit la sentence par ces paroles : « Vous me jugez digne de partager le sort des grands hommes que vous avez assassinés. Je tâcherai de porter à l’échafaud le courage qu’ils y ont montré. »

Entre toutes les morts magnanimes dont les annales de la Révolution nous ont conservé le souvenir, celle de la noble femme est, en effet, l’une des plus sublimes. Vêtue d’une robe blanche, ses longs cheveux flottants et bouclés, debout sur la charrette, calme au milieu des clameurs de la foule, elle consolait avec un enjouement héroïque un autre condamné qui allait être son compagnon de mort et qui était fort abattu. Elle semblait une vraie héroïne de Corneille. Arrivée devant l’échafaud, elle salua la gigantesque statue de la liberté qui était sur le piédestal veuf de la statue de Louis XV et prononça les paroles désormais historiques : « Ô liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! »

Suivant une autre version, elle aurait dit : « Ô liberté ! comme on t’a jouée ! »

Il était environ trois heures de l’après-midi (9 novembre 1793), quand la tête de cette femme héroïque et charmante tomba sous le couperet.

Quelles que soient les réserves qu’on est en droit de faire, Mme Roland est restée l’une des grandes figures de la France moderne, et sa destinée tragique éveillera toujours l’enthousiasme et la pitié, comme son caractère et ses talents exciteront à jamais l’admiration.

Roland (mémoires de Mme). Les divers morceaux qui composent ces Mémoires, écrits à la hâte par Mme Roland pendant la captivité qui précéda sa mort, furent secrètement confiés par elte au naturaliste Bosc, qui les enfouit au creux d’un rocher, dans la forêt de Montmorency, en attendant l’apaisement de la tempête qui avait emporté ses amis du parti girondin.

Après le 9 thermidor, en germinal an III, Bosc publia le manuscrit dont il était le dépositaire, sous le titre adopté par Mme Roland : Appel à l’impartiale postérité, dans le double but d’obéir aux dernières volontés de son amie, de défendre sa mémoire et de créer des ressources à la fille unique que la fin tragique des époux Roland avait rendue orpheline.

Ce recueil se composait de mémoires sur la vie privée de l’auteur, de l’histoire des deux ministères de Roland, de notices historiques, enfin de portraits et d’anecdotes.

Dans sa pieuse et délicate amitié, Bosc avait supprimé un certain nombre de passages dont quelques-uns étaient véritablement choquants, dont quelques autres pouvaient fournir des armes à la malveillance. Champagneux, qui donna en l’an VIII une nouvelle édition des Mémoires, augmentée de divers morceaux littéraires ou philosophiques, imita la réserve de Bosc. Les éditions postérieures, y compris celle de Berville et Barrière, dans la collection des Mémoires sur la Révolution, ne sont que des reproductions plus ou moins modifiées des deux premières.

Le manuscrit autographe des Mémoires de Mme Roland, remis par Bosc à la fille des Roland, épouse de Champagneux fils, fut légué par cette dame à la Bibliothèque nationale qui en a pris possession en 1858. En 1864, M. Dauban en a donné une nouvelle édition, et peu de temps après une autre édition fut donnée par M. Faugère, petit-neveu de Bosc, par alliance. Les passages rétablis par les nouveaux éditeurs n’ont pas une grande importance. Les suppressions de Bosc se réduisaient, au total, à quelques pages, à divers petits morceaux relatifs aux amours de Mme Roland avec Buzot (qui cependant n’est pas nommé), ainsi qu’à un passage où se trouve relaté, avec une crudité un peu choquante, le récit d’une tentative de séduction dont la jeune Phlipon faillit être victime de la part d’un élève de son père. Il y a encore d’autres petits morceaux, mais sans grand intérêt.


ROLAND (Joséphine-Lucile-Jeanne-Armande Delille, dame), femme de lettres, née à Angers en 1769. Ses ouvrages dénotent chez leur auteur un esprit cultivé et élevé, un goût très-sûr et une grande facilité de conception et de composition. Parmi ses romans, assez nombreux, nous remarquons : Mélanie de Rostauge, par Armande R., auteur de Palmira (1806,3 vol. in-12 ; 1809, 3 vol. in-12), cette dernière édition n’est point anonyme ; Palmira, par Mme Armande R. (1801, 4 vol. in-12) ; Alexandra ou la Chaumière russe (1808 et 1810,3 vol. in-12 ; 1824, 4 vol. in-12) ; Adalbert de Montgelas (1810, 3 vol. in-12) ; la Comtesse de Meley ou le Mariage de convenance (1825, 4 vol. in-12). Guérard fait accompagner la mention de cet ouvrage de la note suivante : « Roman publié sous le nom de Mme Roland, mais qui est d’une de ses amies, peu connue alors dans les lettres, et qui depuis s’est fait connaître très-avantageusement, Mme Alida de Savignac ; » Emilia ou la Ferme des Apennins (1812, 3 vol. in-12) ; Frédérique ou le Trésor de la famille de Lowembourg (1824, 4 vol. in-12) ; Lydia Stevil ou le Prisonnier français (1817, 3 vol. in-12).


ROLANDISTE s. m. (ro-lan-di-ste). Hist. Partisan du ministre Roland en 1792 et 1793 : Marat, furieux, écrivit le soir dans sa feuille que le tout avait été arrangé par les rolandistes pour mystifier les patriotes. (Michelet.) || On a dit aussi rolandin.


ROLANDO (Louis), anatomiste et physiologiste italien, né vers 1770, mort en 1831. il fit ses études médicales à Turin, et, quelque temps après avoir été reçu docteur, il fut nommé professeur de médecine théorique et pratique à Sassari. Privé, dans cette ville, de toute communication avec le continent, il se livra avec ardeur à l’étude de toutes les parties de l’histoire naturelle et à celle de anatomie. Les ouvrages qu’il publia, en 1807 et 1809, sur le principe de la vie et sur la structure et les fonctions du cerveau et du système nerveux prouvent qu’il avait fait par lui-même, et dans son isolement, la plupart des découvertes dont un assez grand nombre d’anatomistes de la même époque se sont fait honneur. En 1814, Rolando, de retour en Sardaigne, fut nommé professeur d’anatomie à l’université de Turin et exerça ces fonctions jusqu’à sa mort, causée par une affection gastro-intestinale. Il nous a laissé plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous distinguons : Observations anatomiques sur la structure du sphinx Nerii et autres insectes (1805, in-4o) ; Sulle cause delle quali dipende la vita negli esseri organizzati (1807) ; Saggio supra la vera struttura del cervelle dell' uomo e degli animali, et supra le funzioni del systema nervoso (Sassari, 1809, in-8o) ; Humani corporis fabricae ac functionum analysis adumbrata (Turin, 1817, in-8o) ; Anatomes physiologica (Turin, 1819, in-8o) ; inductions physiologiques et pathologiques sur les différentes espèces d’excitabilité et d’excitement, sur ’irritation, etc. (Paris, 1822, in-8o). Roland collabora aussi activement au Dizionario periodico et aux Archives générales de médecine.


ROLANDRA s. m. (ro-lan-dra). Bot. Genre d’arbustes, de la famille des composées, tribu des vernoniées, dont l’espèce type croît dans l’Amérique du Sud.


ROLANDRÉ, ÉE adj. (ro-lan-dré — rad. rolandra). Bot. Qui ressemble à un rolandra.

— s. f. pi. Tribu de famille des synanthérées, ayant pour type le genre rolandra.


ROLANDSECK, village de Prusse, sur la rive gauche du Rhin, entre Remagen et Königswinter. Il est bâti au pied d’une roche basaltique qui s’élève de 116 mètres au-dessus du fleuve et que couronnent une tour gothique, d’où l’on découvre un magnifique point de vue, et les ruines d’un château détruit dans les luttes de l’archevêque de Cologne Rupert et de Charles le Téméraire avec l’empereur Frédéric III. D’après la tradition, ce château aurait été bâti par Roland, le fameux paladin, neveu de Charlemagne.

Près de Rolandseck s’étend au milieu du fleuve la charmante Île de Rolandswerth, sur laquelle se voient les bâtiments d’un couvent. Cette Île est séparée d’une autre plus petite, Grafenwerth, par un bras du Rhin.


ROLDAN (Pierre), sculpteur espagnol, né à Séville en 1624, mort dans la même ville en