Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Reliquaire s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 3p. 911).

RELIQUAIRE s. m. (re-li-kè-re — rad. relique). Boite, coffret ou l’on enchâsse desre RELI

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liques : Porter un reliquaire sur soi. (Acad.) Des objets vénérables sont enfermés dans d*è~ tincelants reliquaires gothiques et byzantins, (V. Hugo.)

— Fig. Ce qui contient l’objet d’une sorte de culte : M. de Chateaubriand a tout divinisé ; son livre est te reliquaire de la crédulité humaine. (Lamart.)

— Encycl. Les reliquaires ont été très-nombreux au moyen âge. On en concevra la multiplicité en songeant combien il était fa » cile de subdiviser le corps d’un saint ea une foule de menues reliques. Aussi, non-seulement les églises, les abbayes, les princes, les seigneurs, mais même les bourgeois se partageaient des fragments de côte, de doigt, etc., des saints et les gardaient pieusement dans des reliquaires en cuivre, en ivoire, en bois rares, en cristal, en étoffes précieuses, en argent ou en or. Le nombre des re/iquaires fut d’autant plus grand qu’on attachait un prix extrême a la possession des reliques, car elles étaient considérées comme de véritables talismans. On ne se faisait aucun scrupule de les dérober et on tâchait de s’en procurer par tous les moyens. La fabrication des reliquaires fut très-aetive jusqu’au xvie siècle. Les uns étaient destinés à être conservés dans les trésors, les chapelles, les oratoires ; les autres, de petite dimension, étaient portatifs. On pouvait les avoir sur soi. Ces derniers sont devenus les plus rares. Avant le xil° siècle, néanmoins, les reliquaires furent moins nombreux que dans les trois siècles suivants, les églises et les abbayes qui étaient dépositaires des corps d » saints n’ayant pas encore pris l’habitude d’en distribuer des parcelles. Les croisades activèrent beaucoup la passion des reliques et le commerce des reliquaires. Les pèlerins armés et conquérants qui revenaient de Judée rapportaienttousdes reliques."Venise et Byzanco

en profitaient pour écouler les produits de leur orfèvrerie et de leur tabletterie. Ainsi, les émaux byzantins, la sculpture sur ivoire et le travail des métaux précieux vinrent ranimer en Occident l’art et l’industrie, mais en leur imposant pendant longtemps des formes orientales. Les reliquaires fabriqués en Occident, surtout au xtra et au xmo siècle, prirent la forme des objets qu’ils contenaient Ceux qui ■ renfermaient des crânes furent des bustes de métal ; ceux qui enveloppaient un os du bras’étaient des bras vêtus étendant la main pour bénir, etc. Au contraire, les reliquaires d’Orient étaient des coffrets ou des boites, fabriqués d’avance et « n nombre, n’ayant point

fiar leurs inscriptions, leurs ornements ou eurs figures, de rapport direct avec la relique qu’on v plaçait. Les morceaux de la vraie croix, ayant toujours eu la plus haute importance parmi les diverses reliques, furent toujours déposés dans des reliquaires d’une richesse proportionnée à la vénération des fidèles. Sainte Hélène, mère de Constantin, passa pour avoir fait venir la vraie croix à Constantinople. La plupart des princes chrétiens, dans leurs rapports avec Byzanca par la suite, en obtinrent des fragments. Il y a eu un de ces fragments a la SaintcChapelle, à côté d’un autre reliquaire eu or, en forme de couronne royale et qui contenait la couronne d’épines acquise par saint Louis. Comme exemples des formes curieuses qu’affectaient les reliquaires, nous citerons celui de Oongtiea qui ressemblait à une tour ou lanterne ; les chefs ou bustes de métal de Suint-Denis, de Saint-Gennain-des-Prés et de la Sainte-Chapelle ; ce dernier en or, enrichi de pierres précieuses ; les reliquaires façonnés en croix, en candélabres, en ostensoirs, en boules, en médaillons, en couronnes. Pendant le xm", le xive et le xve siècle, le luxe et la beauté artistique des reliquaires devinrent presque prodigieux. Ils représentèrent des sortes de petites églises tout ornées de figures et décorées d’ornements, enrichies de pierreries, de camées et de pierres gravées antiques. Des vases antiques eu jaspe, en cristal ou en agate furent souvent aussi montés en or et en argent pour servir de reliquaires. Quant aux reliquaires essentiellement portatifs, il y en avait de deux sortes:ceux que les princes • et seigneurs emportaient en voyage parmi leurs bagages, et ceux que l’on mettait sur ses vêtements. Ces derniers sont des diptyques ou des triptyques, de petites châsses à bandoulière, des médaillons, des sachets. Le musée de Cluny possède un très-beau reliquaire de la fin du xive siècle. C’est un cylindre en cristal de roche, enchâssé dans un cadre en cuivre doré à crêtes et que portent sur leurs épaulés quatres prêtres reposant sur une feuille de cuivre soutenue par quatre pieds.