Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/RAOUL DE CAMBRAI, personnage semi-historique des chroniques et des légendes carlovingiennnes

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 689).

RAOUL DE CAMBRAI, personnage semi- historique des chroniques, et des légendes carlovingiennnes. Il est le héros d'un des plus beaux poëmes du cycle des douze pairs, et, quoique les trouvères aient sans doute exagéré ses aventures, il peut néanmoins avoir quelque réalité. Il est souvent question de lui dans les chroniques et les chansons de geste ; il est cité dans la chronique rimée qui a pour titre : la Croisade contre les albigeois (xiie siècle). Philippe Mousques, dans sa Chronique rimée, l'appelle Raoul le Cuviert :

         Raoul le Cuviert,
          Ki guerroia les deux Herbiert
          De Saint-Quentin et Bierneçon,
          Féri et ciel par coulençon.
          Si arst les nonnains d'Origni ;
          Mais puis l'en avuint-il eusi,
          S'en fu ocis et dépéciés,
          Quar il ot fait maus et péciés.

Raoul de Cambrai est encore cité dans la Chanson d'Auberis li Bourgonis :

   Plus ot doulor en cel petit moustier,
         Que il n'ot mi a Saint-Geri moustier
         Où mist le feu Raol li Losengier.

Le trouvère confond le couvent d'Origni, incendié par Raoul, avec le moutier Saint- Géri, résidence ordinaire des comtes de Cambrai.

Il est aussi parlé de Raoul dans le Roman des Lorrains :

D'icel lignage, seignor dont je vos di
Li cueus Raols de Cambray issi.
Qui guerroia les quatre Herbers fils ;
Dont Berneçons, puis en un jour l’ocist.
Icil Raols, seignor, dont je vous di,
De la seror fu le roi hoois.

Que son lignage soit imaginaire ou réel, Raoul de Cambrai avait pour père un autre héros, Raoul Taillefer, fils de Baudoin, comte de Flandre. Baudoin avait eu trois fils : l'aîné, Charles, mourut au berceau ; le second, Baudoin le Chauve, lui succéda, et Raoul Taillefer, le troisième, eut pour apanage le Cambrésis ; on estimait sa vaillance et sa fierté, qui lui firent donner son surnom :

Taillefer fut clamé pour sa fiéror.

En 897, il se ligua avec son frère Baudoin le Chauve pour le roi de France Charles le Simple, contre Eudes, comte de Paris, prit Péronne et Saint-Quentin, puis fut assiégé dans cette dernière ville par Eudes lui-même, qui lui reprit les deux forteresses, grâce au secours des Angevins. La guerre continua, une guerre d'escarmouches et d'embuscades dans laquelle Raoul fut tué un beau jour. Quelques chroniqueurs content qu'il périt de la main du comte de Vermandois.

Il avait épousé Alaïs ou Adélaïde de France, mère de celui qui fut nommé Raoul de Cambrai, et qui a quelquefois été confondu avec son père. On le qualifie aussi dans les chroniques de « châtelain de Gui en Arrouaise. » Sa lutte contre les fils d'Herbert de Vermandois paraît la continuation des guerres de son père. L'incendie d'Origni, où il montra tant de férocité et qui est un épisode saillant du poëme qui lui est consacré, la mort qu'il reçut des mains de Bernier paraissent des faits acceptables par l'histoire. On croit qu'il fut tué en 943. Il serait mort sans postérité selon la légende, n'étant encore que fiancé à la belle Helvis. Gautelet, son neveu, aurait recueilli sa succession, à charge de le venger. On lui donne pourtant un fils que les chroniqueurs nomment Baudoin Balzo ou Brevis.