Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/RAGUENEL (Épiphanie ou Tiphaine), femme de Bertrand Du Guesclin

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 640).

RAGUENEL (Épiphanie ou Tiphaine), femme de Bertrand Du Guesclin, née à Dinan vers 1322, morte vers 1372. Elle était fille de Robert Raguenel, seigneur de Chastel-Oger, et de Jeanne de Dinan, vicomtesse de La Bellière. Tiphaine s’occupait d’astrologie judiciaire. Voyant ses concitoyens inquiets du sort de Du Guesclin, qui se préparait à sortir de leurs murs pour se rendre à un combat singulier, elle déclara sans hésiter que Bertrand reviendrait vainqueur ; ce qui arriva effectivement. Le bon chevalier ressentit beaucoup de joie de la confiance que la belle jeune fille avait eue dans son étoile, et il éprouva bientôt pour elle un sentiment profond d’amour. Peu d’années après, Charles de Blois le maria avec Tiphaine et donna au chevalier le château de La Roche-Darien. Les douceurs de cette union firent oublier pendant quelques mois à Du Guesclin le bruit des armes. Mais la jeune femme était digne du héros qu’elle avait pour époux ; voyant qu’il hésitait à se remettre en campagne, elle-même fut la première à le blâmer en lui disant : « La France doit retrouver par vous son ancienne splendeur, et voilà que pour l’amour de moi vous voulez perdre la gloire qui vous estoit acquise. Certes, je ne le souffrirai pas, car celle qui attend de vous sa gloire seroit aussi cause de son humiliation. Sachez-le bien, si vous ne poursuivez pas vos beaux faits d’armes, vous perdrez l’amour des honnêtes femmes. » En entendant ce viril langage, Du Guesclin reprit son épée et continua le cours de ses exploits. Ayant été fait prisonnier par le prince de Galles en 1370, il obtint la permission de venir en Bretagne pour y chercher le prix de sa rançon. En arrivant à La Roche-Darien, il s’empressa de demander à sa femme une somme de 100,000 livres qu’avant son départ pour l’Espagne il avait enfermée dans l’abbaye du Mont-Saint-Michel et qui ne s’y trouvait plus. « Dame, dit-il, je voudrois savoir ce que vous avez fait de mon trésor. — Monseigneur, reprit doucement Tiphaine, je l’ai donné k vos chevaliers qui sont venus me le demander pour payer leur rançon ou l’équipement qu’ils avoient perdu. Il ne m’en reste plus rien. » Du Guesclin se contenta de lui répondre : « Dame, vous avez bien agi. » Tiphaine mourut avant le connétable, dont elle n’avait pas eu d’enfant.