Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/RABAUT (Paul), célèbre pasteur du désert

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 2p. 586).

RABAUT (Paul), célèbre pasteur du désert, né à Bédarieux le 9 janvier 1718, mort à Nîmes le 25 septembre 1794. Issu d’une famille protestante, il fut vivement impressionné, dès son enfance, par la situation douloureuse de ses coreligionnaires, placés sous le coup des édits les plus barbares, et son imagination en garda un poignant souvenir. Devenu jeune homme, il résolut de se consacrer au ministère évangélique, se maria, puis se rendit à Lausanne (1740), où, trois ans plus tard, il fut ordonné ministre. De retour en France en 1743, Rabaut occupa presque aussitôt la place de pasteur de l’Église de Nîmes, où il exerça le ministère pendant cinquante ans environ. « Une douceur affectueuse, dit M. Peyrat dans l'Histoire des pasteurs du désert, paraît avoir été le noyau de cette nature souple et forte, prudente et audacieuse, tenace, intrépide, infatigable, perpétuellement militante et d’une aptitude souveraine à la domination de la république des Églises sous la croix. Cet homme, d’un si grand courage apostolique, était d’une très-petite taille et d’une corpulence exiguë. Il avait la face longue et maigre, le teint basané, les yeux et les cheveux noirs, le nez mince, aigu et légèrement aquilin. » Ajoutons, pour compléter ce portrait, que Rabaut était doué d’une grande facilité d’élocution ; sa parole ardente et convaincue était entraînante et il montrait à tous l’exemple du courage et de la fermeté. Les protestants avaient eu un moment de répit, à la suite de la guerre de la succession d’Autriche et lors de l’invasion des Autrichiens en Provence. Mais aussitôt après la conclusion de la paix d’Aix-la-Chapelle (1748), les dragons recommencèrent leurs missions bottées, dispersant les assemblées, portant sur leurs pas la dévastation et l’effroi et forçant les parents réformés à faire baptiser leurs enfants à l’église catholique. Les montagnards des Cévennes, exaspérés, recoururent aux armes, décidés à se défendre jusqu’à la mort. L’intendant Saint-Priest craignit une grande insurrection et conjura Rabaut, dont il connaissait l’influence, d’apaiser ses coreligionnaires. C’était la seconde fois que le courageux pasteur évitait l’effusion du sang par de sages conseils. Les Cévenols se calmèrent à sa voix, et, quant à Saint-Priest, heureux d’en être quitte pour si peu, il tempéra la rigueur des mesures prescrites par le gouvernement. Vers 1754, le pouvoir résolut de forcer Rabaut à s’expatrier. Dans ce but, on fit chez lui de fréquentes visités domiciliaires. On y joignit des conseils, des avertissements, des menaces ; mais Rabaut resta ferme et continua ses voyages incessants à travers les Cévennes, errant d’asile en asile, espionné, poursuivi, habitant des huttes et des grottes, où il se voyait sans cesse relancé, car sa tête venait d’être mise à prix. En 1755, il fit à Paris un voyage dont le but n’a jamais été pénétré. De retour en Languedoc, il assista au synode national de 1756 et, à la nouvelle de l’attentat de Damiens, il publia une lettre pastorale dans laquelle il exprimait son horreur pour le régicide et les sentiments d’obéissance « que les protestants professaient à l’égard du roi. »

Cette lettre du chef vénéré des pasteurs du désert causa une grande joie au duc de Mirepoix et à Saint-Florentin, à qui elle fut envoyée. Mais tel ne fut pas l’effet d’une seconde lettre publiée peu de temps après (1758), sous ce titre:Lettre pastorale sur l’aumône aux fidèles de l’Église de Nîmes. Saint-Florentin ordonna l’arrestation de Rabaut; mais il revint bientôt sur cette mesure. En 1761, le pasteur adressa à la fille de Louis XV une pétition en faveur de François Rochette et, la même année, il publia une brochure intitulée:la Calomnie confondue (1761, in-4o), dans laquelle il repousse aveu indignation l’accusation lancée contre les protestants, d’ordonner aux pères de mettre à mort leurs fils apostats. En 1763, Rabaut présida le synode national tenu en France par les Églises réformées. Parvenu à un âge avancé et sentant ses forces faiblir, il se démit de ses fonctions (1785). Deux ans après, il eut la joie, d’assister à la publication de l’édit de 1787 et, sept ans plus tard, celle, encore plus vive, de faire la dédicace du premier temple que les protestants eurent à Nîmes depuis la révocation. Cette cérémonie solennelle eut lieu le 20 mai 1792. Ce fut sa dernière joie ; il vit son fils Rabaut-Saint-Étienne conduit à l’échafaud, ses deux autres fils proscrits; lui-même, jeté en prison, ne recouvra sa liberté qu’au 9 thermidor. Ces malheurs le conduisirent rapidement au tombeau. Outre les opuscules déjà cités, Paul Rabaut a publié : Exhortation à la repentance et à la profession de la vérité ou Lettre pastorale aux réformés de l’Église de Nîmes (Genève, 1761, in-4o) et un Précis du catéchisme d’Osterwald, qui a eu un très-grand nombre d’éditions. Un sermon de lui a été publié sous ce titre : la Livrée de l’Église chrétienne (Paris, 1829, in-12).

Rabaut n’était ni un théologien ni un érudit ; c’était avant tout un homme d’action, un missionnaire, le bras droit des Églises du désert dans le cours du XVIIIe siècle.