Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/RÉVOLUTION FRANÇAISE — QUATRIÈME SECTION. Directoire. Décadence de la République

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 3p. 1118-1119).
QUATRIÈME SECTION.
Directoire. Décadence de la République.

Ce régime est encore la république ; en réalité, il n’est plus la Révolution ; il semble même une sorte d’acheminement vers la monarchie, au moins constitutionnelle, non-seulement par le rétablissement du faste extérieur, de l’étiquette théâtrale, des costumes somptueux, de la garde accordée aux chefs du pouvoir, etc., mais encore par des dispositions constitutionnelles que la Révolution en sa jeunesse vigoureuse, et même dès sa première heure, avait instinctivement repoussées (les deux Chambres, les conditions d’âge et de cens, les gardes officielles, souvenir essentiellement monarchique, la faculté de transporter le Corps législatif hors de Paris, le haut traitement des directeurs, etc.).

Les cinq premiers membres du Directoire exécutif (nommés par les Anciens sur une liste décuple présentée par les Cinq-Cents), furent Larévellière-Lépeaux, Letourneur (de la Manche), Rewbell, Barras et Carnot (nommé en remplacement de Sieyès, qui n’avait pas accepté).

Un autre détail caractéristique du nouvel ordre de choses, c’est l’espèce de prééminence du pouvoir exécutif, installé à part, dans un palais particulier (le Luxembourg), pourvu d’une sorte de maison militaire, ne communiquant avec les deux conseils que par ses messagers d’État, jouissant enfin d’une véritable indépendance gouvernementale et se distinguant par tous ces traits des anciens comités de la Convention. Il a même laissé son nom à cette période de notre histoire.

À l’article Directoire, nous avons esquissé tous les événements de cette époque et nous devons nous borner ici à quelques observations générales.

Le Directoire fut un âge de transition ; la république était le gouvernement officiel, on jurait encore avec apparat haine à la royauté ; on combattait les royalistes, qui débordaient de toutes parts, dans l’Ouest, dans le Midi et partout, mais surtout parce que le royalisme, c’était la vengeance, c’était l’égorgement de tout ce qui avait joué un rôle dans la Révolution (on ne le voyait que trop par ses atrocités dans tous les lieux où il opérait), parce qu’enfin le royalisme, c’était le spectre de l’ancien régime et (chose capitale) la menace de la revendication des biens nationaux.

Mais on sentait bien qu’on était sur une pente, sans savoir encore à quelle espèce de chute on allait aboutir. D’ailleurs, après tant de secousses et d’orages, il y avait eu une détente, un amollissement des âmes, et l’intérêt se portait surtout vers le spectacle éclatant des champs de bataille. L’esprit public, lassé de tant de luttes acharnées, s’affaiblissait de jour en jour ; tant de grands citoyens qui eussent pu le relever avaient été moissonnés au cours des événements ; il ne restait guère, parmi les meilleurs, que des hommes sans grande autorité, sauf Carnot et quelques autres.

En ces circonstances, la prolongation de la guerre, la formation de renommées qui absorbaient l’attention, l’affaiblissement des caractères, la décadence des mœurs, l’effacement visiblement progressif de l’élément civil pouvaient faire craindre que la République ne dégénérât en gouvernement militaire, d’autant plus que l’armée était populaire, autant par ses admirables actions que parce qu’elle conservait l’esprit républicain. On ne le pressentait encore que vaguement ; mais plusieurs y songeaient et s’y préparaient de longue main, les Sieyès et autres.

La masse des citoyens était pure, quoique attiédie, attachée à la République, et conservait l’horreur nationale de l’ancien régime ; mais la haute bourgeoisie devenait de plus en plus infidèle à l’esprit de la Révolution et ne demandait plus que la conservation des avantages qu’elle en avait retirés.

De plus, il s’était formé une classe nouvelle, devenue puissante, agioteurs engraissés de biens nationaux, fournisseurs d’armée, faiseurs et tripoteurs de toutes sortes, tourbe sans idées et sans conscience, ennemie naturelle d’un régime démocratique, qui ne demandait qu’à se soumettre à une servitude stable, sous la seule garantie de jouir en toute sécurité du fruit de ses rapines.

À ces éléments il faut ajouter les débris de l’ancienne société, qui avaient reparu à la lumière pendant la réaction thermidorienne, restaurant les mœurs de l’ancien régime, le vice élégant, le jeu, la débauche, les spéculations effrénées. Beaucoup de ces revenants se groupaient dans les salons du directeur Barras, l’ex-marquis vénal et corrompu, qui faisait revivre officiellement au Luxembourg les traditions de l’Œil-de-bœuf.

Cependant, le parti populaire n’était pas complètement éteint et il fit quelques tentatives énergiques pour reprendre la direction de la République. Mais sentant la terre manquer sous ses pieds, il se jeta dans les entreprises désespérées et chimériques, dont la plus fameuse est la conspiration de Babeuf.

Le Directoire, entouré d’ennemis, accablé par des difficultés énormes, crise financière, insurrections royalistes, revers militaires, etc., semblait donc un gouvernement condamné d’avance à l’effondrement ; c’était évidemment un régime de décadence, sans appuis bien sérieux et qui ne fut jamais populaire. Mais quand on sait quel despotisme va lui succéder, il apparaît encore comme un gouvernement constitutionnel et régulier, et préférable, après tout, à la seigneurie militaire d’un Bonaparte.

Il y avait bien des patriotes et des républicains sincères dans les deux conseils, surtout aux Cinq-Cents ; et parmi les treize directeurs qui ont exercé le pouvoir pendant les quatre années de l’existence de ce gouvernement, la plupart étaient des hommes honnêtes et dévoués. Lors du coup d’État, deux d’entre eux, Gohier et Moulins, réduits à l’impuissance, montrèrent néanmoins dans leur résistance autant de constance que d’énergie.

Pour le récit des faits de cette période, voyez Directoire, Fructidor (journée du 18), etc. Voyez aussi, à la fin de l’article Bonaparte, tous les détails relatifs au 18 brumaire.

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La République s’est absorbée, puis éteinte dans la dictature militaire ; mais c’est une forme seule qui a péri pour renaître deux fois depuis et pour triompher définitivement du vieux fétichisme monarchique, cela est évident aujourd’hui pour toutes les personnes sensées.

Mais l’esprit de la Révolution a survécu. Bonaparte a bien pu restaurer quelques-unes des institutions de l’ancien régime ; mais il eût été impuissant contre les grandes réformes sociales qu’aucune réaction n’a pu atteindre. L’œuvre de la Révolution est demeurée entière ; elle ne peut que progresser et se compléter avec la marche de la civilisation, parce que nos pères lui ont donné d’abord pour bases de granit la justice, le droit et la liberté.

Ces nobles idées ne pouvaient mourir. Malgré toutes les réactions politiques, malgré le despotisme de l’Empire, elles se perpétuèrent, et la tradition en fut religieusement conservée par quelques âmes fortes. Mais dès lors elles étaient proscrites et ne pouvaient plus se manifester que par la voie des conspirations. La plus célèbre, dans cette période, fut celle du général Malet (v. ce mot), dont l’objet était bien réellement le rétablissement de la République. Le sentiment républicain avait laissé des racines dans l’armée, où même des sociétés secrètes s’étaient formées, entre autres celle des Philadelphes, dont Charles Nodier a fait un peu le roman dans son Histoire des sociétés secrètes de l’armée, mais qui n’en a pas moins eu une existence réelle.

L’esprit de 1789 se réveilla pendant les Cent-Jours avec une certaine intensité et se manifesta dans le pays et dans la Chambre des représentants.

Mais les folies de Napoléon, les malheurs de l’invasion rejetèrent la France aux mains des Bourbons. La Révolution et l’ancien régime se retrouvaient face à face et s’abordaient dans un duel qui devait durer jusqu’en 1830 et qui fut marqué par une série de complots et par des supplices.

Mais un des caractères des luttes de ce temps, c’est que, par suite de l’abaissement du niveau moral et intellectuel pendant la longue servitude impériale, l’esprit démocratique était profondément altéré. Le libéralisme de la Restauration, par une étrange promiscuité, s’amalgama, en effet, avec le bonapartisme ; en sorte que les grands principes de 1789 servirent efficacement, et par voie de déviation, à la renaissance des souvenirs de la tyrannie militaire.

Cette association funeste et contre nature ne fut pas seulement l’œuvre des poètes, des écrivains et des hommes politiques, et peut-être était-elle inévitable. Les ennemis de la dynastie restaurée étaient naturellement portés à se réunir pour la combattre ; elle avait contre elle toutes les sociétés nouvelles, tous les intérêts qui s’étaient formés depuis la Révolution et qui se sentaient menacés, aussi bien que les libéraux, qui détestaient en elle l’ancien régime et les prééminences nobiliaires et cléricales, enfin les patriotes, qui lui reprochaient et ses longues intrigues contre la France, et son rétablissement par les armées étrangères, et les prétentions gothiques de ses soutiens. En outre, la douleur et l’humiliation de nos défaites reportaient forcément l’attention et l’intérêt sur la période de ces triomphes militaires que nous avions payés si cher. Le bonapartisme, ce bâtard de la Révolution qui avait étranglé sa mère, se portait cyniquement et se porte encore aujourd’hui comme son héritier. Il y a peu d’exemples dans l’histoire où le charlatanisme politique ait été poussé si loin.

Nous n’avons pas ici à instruire le procès du passé ; mais il est certain que ces erreurs et ces défaillances des libéraux de la Restauration ont eu pour nous les plus funestes conséquences. Elles furent en partie cause de l’avortement de la révolution de 1830 (v. Juillet). On n’était plus dans la voie ; l’intelligence nationale était dévoyée, les masses égarées par des idées fausses ; ce qui permit au régime bâtard de Louis-Philippe de s’établir. Une petite oligarchie de hauts bourgeois, à peine aussi nombreux que l’ancienne noblesse et non moins impertinents, usurpa la souveraineté publique, se constitua en classe dirigeante, sous le nom de pays légal, à l’exclusion de la presque totalité de la nation.

Cette prise de possession, cette conquête, cet escamotage de la victoire populaire ne s’accomplit pas d’ailleurs sans protestation. Le sentiment des grands principes de la Révolution française s’était réveillé avec énergie. Une noble et vaillante jeunesse reconstitua de haute lutte le parti de la République et de la souveraineté du peuple.

La tradition révolutionnaire était encore une fois reprise, et reprise avec éclat.

Le combat entre la monarchie dite constitutionnelle et la démocratie pure s’entama aussitôt et se poursuivit sans relâche, dans la presse, dans les sociétés et souvent sur la place publique. Nous en avons donné les principaux épisodes aux articles Juin 1832, Avril 1834, Mai 1839, Louis-Philippe, etc.

Cette éclatante résurrection de la grande école républicaine fit éclore les idées socialistes ou du moins les propagea dans les masses populaires, car elles étaient répandues déjà parmi un petit nombre d’adeptes. La conception démocratique s’enrichissait ainsi de l’idée de l’émancipation du travail, qu’on retrouve d’ailleurs dans la première Révolution, si tendre pour les humbles et les déshérités, mais plutôt à l’état de sentiment que de formule scientifique.

Le gouvernement de Juillet devait succomber dans cette lutte, après s’être montré aussi réfractaire à toute réforme que la royauté de l’ancien régime. On sait que son obstination à refuser toute modification dans l’aristocratie électorale qu’il avait imposée à la nation détermina sa chute en 1848. Il y avait aussi d’autres causes que nous avons exposées ailleurs (v. notamment Février 1848 [révolution de]).

Après cet effondrement de la monarchie bourgeoise, la République reparut sur la scène, et cette seule apparition provoqua l’enthousiasme des peuples de l’Europe. De Paris, la commotion gagna successivement Vienne, Berlin, Francfort, la Hongrie, Milan, Rome, Venise, etc. Nous n’avons pas à raconter ici ces divers mouvements ; mais rien ne montre mieux le grand caractère de la Révolution que cette universalisation de ses principes.

Il nous reste à résumer les événements de la république de 1848, car ceux de la période purement révolutionnaire l’ont été à l’article gouvernement provisoire de 1848. Ce gouvernement avait établi le suffrage universel direct, c’est-à-dire le mode de votation le plus large et le plus démocratique qui eût encore été appliqué.

Une Assemblée constituante composée de 900 représentants fut élue et se réunit le 4 mai. Elle vota immédiatement la République et avec des acclamations sans fin ; ce vote fut unanime, il n’y eut pas une seule protestation. Cependant, l’Assemblée renfermait un certain nombre de députés royalistes, qui se préparaient déjà à nouer leurs intrigues. Elle contenait, en outre, beaucoup de républicains d’une tiédeur qui inquiétait et irritait le peuple de Paris. Une commission exécutive fut nommée, composée d’Arago, Garnier-Pagès, Marie, Lamartine et Ledru-Rollin, qui eut le moins de voix. On avait d’abord voulu l’exclure ; mais Lamartine déclara noblement qu’en ce cas il n’accepterait pas de faire partie de la commission.

Cet acte d’hostilité contre un des membres les plus accentués du Gouvernement provisoire augmenta la méfiance et le mécontentement.

Au lendemain de Février, le peuple avait naïvement déclaré qu’il mettait « trois mois de misère » au service de la République. En ces commotions, le travail tardait à reprendre ; beaucoup d’ouvriers n’avaient guère que la maigre ressource des ateliers nationaux. Ils attendaient des réformes : ils sentirent que l’Assemblée était plutôt disposée à des actes de réaction.

De là une sourde irritation, qui se manifesta quelques jours plus tard dans une échauffourée où l’Assemblée, violée par l’émeute, faillit être emportée (v. mai 1848 [journée du 15]).

Cet événement déplorable servit de prétexte à des mesures du réaction : demande de poursuites non-seulement contre les représentants qui s’étaient mêlés au mouvement, Barbés et Albert, mais encore contre le généra) de la garde nationale, de Courtais, et même contre Louis Blanc (qui échappa pour cette fois), destitution du préfet de police Caussidière, loi contre les attroupements, etc.

À ce moment, Louis Bonaparte fut nommé représentant dans des élections complémentaires. Déjà ses agents agitaient la France et exploitaient le mécontentement du peuple.

Bientôt les intrigants du royalisme, entraînant avec eux des républicains affolés par la peur, demandèrent, par la bouche de M. de Falloux, la dissolution immédiate des ateliers nationaux, ce qui détermina la sanglante insurrection de juin. (V. juin 1848.)

Dès le commencement du combat, la commission exécutive dut cesser ses fonctions, et le général Cavaignac fut nommé chef du pouvoir exécutif.

Après ces terribles journées, après les répressions impitoyables et les déportations sans jugement, la majorité de l’Assemblée s’enfonça de plus en plus dans les voies de la réaction. L’état de siège ne suffisait pas, il fallut encore des lois contre la presse et le droit de réunion ; puis des poursuites contre Louis Blanc et Caussidière, etc.

Toutefois, dans l’élaboration de la constitution, les républicains modérés, qui s’étaient montrés souvent aussi violemment réacteurs que les royalistes, repoussèrent les deux chambres, le vote à la commune et le scrutin public ; mais ils repoussèrent également l’amendement Grêvy, qui déléguait le pouvoir exécutif à un simple président du conseil des ministres, et ils se rallièrent à la solution d’un président de la République nommé par le suffrage universel. C’était livrer la France à Bonaparte, personne n’en pouvait douter, et l’on ne s’explique pas cet inconcevable aveuglement.

La France était, en effet, empestée d’agents bonapartistes, qui représentaient leur patron comme un républicain sincère, comme un ami du peuple, même comme un socialiste. D’un autre côté, on avait tant travaillé la légende napoléonienne, pendant et depuis la Restauration, que les habitants des campagnes en étaient tombés dans un véritable fétichisme, eux qui avaient tant maudit l’Empire lors des grandes levées d’hommes et d’argent.

Bonaparte fut élu au 10 décembre, comme il était facile de le prévoir. Il prêta solennellement serment à la République, quand tout le monde savait bien qu’il n’avait d’autre but que de la renverser ; mais l’Assemblée, dont la majorité voulait cependant la République, puisqu’elle avait voté la constitution qui la consacrait, était ou pusillanime ou aveuglée, et les derniers temps de son existence ne furent qu’une suite de défaillances.

Elle renonça même au vote des lois organiques, qu’elle devait instituer avant de se séparer, et elle n’eut pas l’énergie de s’opposer à l’expédition romaine, autrement que par un vote insignifiant, une invitation qui fut méprisée.

Cette Assemblée, qui était souveraine, qui eût pu fonder la République sur des bases solides qui, même après l’élection du président, eut plusieurs fois prise sur lui pour des violations réelles de la constitution, ne sut ni se défendre, ni protéger ses propres institutions, ni rien réparer, comme elle n’avait rien su prévoir. Elle s’affaissa au milieu de l’indifférence publique et se sépara le 26 mai 1849, laissant la France livrée aux attaques des factions monarchiques.

L’Assemblée législative, qui lui succéda, fut en majorité composée, comme on devait s’y attendre après tant de fautes, d’ennemis de la République, débris des divers partis dynastiques ligués dans une coalition qui était surtout l’œuvre du fameux comité électoral de la rue de Poitiers. Un peu plus d’un tiers des représentants appartenaient à l’opinion républicaine. L’extrême gauche, comme sous la Constituante, avait reçu de ses adversaires le nom de Montagne, comme une injure, et l’avait gardé en se faisant honneur de ce grand souvenir.

Une question brûlante se présenta presque aussitôt, l’intervention contre la république romaine, l’attaque de Rome par nos troupes. Ledru-Rollin dénonça la violation de la constitution dans les termes les plus énergiques. Ce débat émouvant donna lieu à la manifestation du 13 juin (v. juin), qui fut réprimèe et qui amena la mise en accusation d’un certain nombre de montagnards, Ledru, Félix Pyat, Boichot, Considérant et autres. À Lyon, il y eut également un mouvement qui fut écrasé dans le sang des citoyens. La réaction triomphait, Louis Bonaparte se faisait ainsi le restaurateur du pape pour obtenir l’appui du clergé.

Dès lors, les partis monarchiques, en haine de la République, semblèrent dans leur aveuglement n’avoir d’autre but que de faciliter les voies à l’ambition du président. Les mesures de réaction se succédèrent sans interruption : lois contre la presse, contre le colportage, contre le droit de réunion, sur l’état de siège ; loi Falloux sur l’instruction publique, loi sur la déportation, qu’on nomma la guillotine sèche, etc. Enfin, pour répondre aux élections républicaines, qui ne cessaient de se produire dans les scrutins complémentaires, le président et ses ministres prirent l’initiative de la mutilation du suffrage universel, qui fut préparée par les burgraves et consommée par la loi du 31 mai 1850.

Il est clair qu’en votant toutes les mesures de réaction, en anéantissant le droit de réunion, en bâillonnant la presse, en mutilant le suffrage universel, etc., en désarmant enfin la nation de tous ses droits, de toutes ses libertés, on préparait l’établissement du despotisme.

Rien n’éclaira cette majorité, ni les manœuvres significatives du président, ni ses manifestations publiques, ni les intrigues audacieuses de son parti ; elle devait être dupe jusqu’au bout, tant elle était aveuglée par sa haine de la République.

La politique cauteleuse de Bonaparte était de la déconsidérer et d’augmenter son impopularité. Par la loi du 31 mai, dont il avait pris l’initiative, il l’avait prise au piège, et bientôt il va faire du rétablissement du suffrage universel l’une des bases de son coup d’État.

Cette solution violente ne faisait doute pour personne ; mais la majorité comptait que la crise prévue lui servirait à se débarrasser à la fois du prétendant et de la République. On sait que ces calculs furent déjoués par l’exécution militaire du 2 décembre, dont nous avons raconté les péripéties. (V. décembre.) L’Assemblée législative, après avoir opprimé et démoralisé la France, l’avait finalement livrée au plus brutal et au plus grossier despotisme, par son esprit de réaction et son stupide aveuglement.

La démocratie vaincue, décimée, éprouvée par de longues et odieuses persécutions, devait se relever après de longs combats et triompher enfin de la tyrannie napoléonienne, qui venait de livrer la France à l’invasion étrangère. La République reparut, fit les plus nobles efforts pour défendre, avec une épée brisée, le pays, qu’un despotisme odieux avait plongé dans l’abîme, et parvint du moins à sauver l’honneur de la patrie. Pour les faits de cette nouvelle période, v. septembre 1870.

Ainsi, l’œuvre de la Révolution française s’est continuée jusqu’à l’heure présente. Elle est vivante, et elle vivra jusqu’à ce qu’elle ait détruit tous les abus, fondé toutes les institutions que réclament la justice et l’esprit moderne.