Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Provençaux (LES Frères)

Administration du grand dictionnaire universel (13, part. 1p. 322).

Provençaux (LES Frères). Sous ce nom, on désigne encore aujourd’hui un restaurant longtemps célèbre dans les fastes de la vie parisienne. Le restaurant des Frères-Provençaux est situé au Palais-Royal, galerie Montpensier. Il doit son nom à trois jeunes gens, tous trois fils de la Provence, unis par une étroite amitié, MM. Barthélemy, Manneilles et Simon, qui, en 1786, commencèrent par créer une maison analogue aux abords du Palais-Royal. Peu de temps après la construction des galeries de pierre actuelles, ils ouvrirent sous ces galeries l’établissement et les salons qui forment encore aujourd’hui le restaurant dit des Frères-Provençaux. La maison primitive, ouverte en 1785, était d’une simplicité pour ainsi dire patriarcale, et le service de table était celui des plus humbles gargotes ; mais on y trouvait des vins naturels, une cuisine excellente et saine ; ces qualités, jointes à l’attrait de mets spéciaux, dits à la provençale, y avaient attiré, dès le début, une nombreuse clientèle, qui la suivit lorsqu’elle émigra sous les galeries. L’un des trois Provençaux prit alors seul la direction et la surveillance du nouvel établissement ; les deux autres, tout en conservant un intérêt dans la maison, étaient attachés, dans la maison du prince de Conti, au service des cuisines et de office. Parmi les hôtes les plus anciens, en même temps que les plus célèbres, des Frères-Provençaux, il faut citer le général Bonaparte et le directeur Barras, qui y dînaient régulièrement toutes les fois qu’ils devaient assister le soir à la représentation du théâtre de la Montansier (aujourd’hui théâtre du Palais-Royal). L’Empire vit croître encore la renommée des Frères-Provençaux, dont la fortune date surtout de 1808, époque de la première guerre d’Espagne. « On fit venir alors, dit un historien contemporain, des troupes pour cette guerre de tous les points de l’Allemagne ; ces troupes traversaient Paris ; généraux et officiers avaient choisi les salons des trois frères provençaux pour y faire bombance. L’or était rare à cette époque et les recettes étaient telles, que plusieurs fois dans la journée et dans la soirée on était obligé de vider la caisse surchargée d’argent dans des caisses supplémentaires. Les recettes ne s’élevaient pas à moins de 12, 000 à 15, 000 francs par jour. » En 1814 et en 1815, le restaurant eut un regain de ces beaux jours, grâce à la fréquentation assidue des alliés, pressés de juger par eux-mêmes de nos célébrités dans tous les genres, et Prussiens, Anglais et Russes envahirent les salons du Palais-Royal. Après une exploitation de cinquante ans par les propres fondateurs, le restaurant des Frères-Provençaux fut acheté, en 1836, par les frères Bellenger, qui ne s’y maintinrent que pendant un an. Ils furent remplacés par M. Collot, qui n’a pas fait déchoir dans ses mains la vieille renommée de l’établissement. Il serait injuste d’oublier, dans ce rapide historique, le fidèle Lionnet qui, naguère encore, exerçait aux Frères-Provençaux les fonctions de sommelier. Il conserva cette charge pendant plus de cinquante ans et datait de la fondation. Le restaurant des Frères-Provençaux est, indépendamment de sa clientèle ordinaire, choisi pour les dîners d’apparat, ou réunions, banquets à propos d’anniversaires, rendez-vous annuels de sociétés diverses, etc. C’est aujourd’hui, avec la maison Véfour, le meilleur restaurant du Palais-Royal.