Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Paul Ferroll, roman anglais, par un anonyme

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 2p. 426).

Paul Ferroll, roman anglais, par un anonyme. Cette œuvre étrange et dramatique, qui excita lors de son apparition une si grande émotion parmi les lecteurs anglais, est, dit-on, le coup d’essai de son auteur, et c’est un coup de maître. Un intérêt palpitant, des situations extrêmement fortes sans être exagérées, une analyse très-délicate du cœur humain, un style correct et sobre, telles en sont les principales qualités. Un gentleman, M. Paul Ferroll, apprend en rentrant chez lui que sa femme, qu’il a quittée pleine de santé peu d’heures auparavant, a été trouvée assassinée dans son lit. Les recherches faites pour découvrir l’assassin n’ayant pas abouti, bien que plusieurs personnes aient été compromises, M. Ferroll rend à son beau-frère le douaire de sa femme et quitte le pays seul et appauvri. Quelques années après, on apprend qu’il s’est remarié et vient habiter de nouveau son domaine de Mainwarey. Leurs voisins de campagne s’empressent de faire de nombreuses avances aux nouveaux arrivés, mais M. Ferroll, loin d’y répondre, semble décidé à vivre dans la retraite entre sa femme et sa fille, à l’éducation de laquelle il consacre tous les instants qu’il peut dérober à ses travaux littéraires. Cependant M. Ferroll se départ un peu de sa sauvagerie et se lie intimement avec lady Lucy Bartlett, sa voisine de campagne. Il rencontre dans son salon lord Ewyas, le lieutenant du comté, qui, frappé de la sagacité et de l’énergie de M, Ferroll, tente vainement de lui faire accepter sous ses ordres une magistrature. Bientôt M. Ferroll donne des preuves de son courage dans une épidémie et dans une sédition populaire, où, pour sauver les jours des magistrats du comté, il brûle la cervelle à un émeutier. Traduit devant le jury pour ce meurtre illégal, M. Ferroll est condamné à mort, mais gracié par la reine. Sorti de prison, il s’aperçoit à son retour que le fils de lady Lucy, Hugh Bartlett, est amoureux de sa fille Jeanne ; contrarié de cette passion naissante, il se résout à faire un voyage dans le midi de la France avec sa famille et vient s’établir à Pontaube, petit port de mer auprès de Bordeaux, où il se brise accidentellement les deux jambes et réside plusieurs mois. Il part ensuite pour l’Orient et retourne enfin en Angleterre. Après un hiver paisible passé au milieu de sa famille, M. Ferroll reçoit un matin la visite de l’attorney Monkton, qui lui apprend qu’une vieille femme nommée Marthe Franck a en sa possession des bijoux ayant appartenu à sa première femme et qu’elle est accusée d’avoir commis le meurtre ou d’y avoir participé. Le procès s’instruit en effet, et la vieille femme est condamnée. M. Ferroll se rend alors auprès du shérif sir Amyas Rufford et lui déclare que Marthe Franck est innocente parce qu’il est l’assassin de sa première femme, crime dont il ne se serait jamais avoué l’auteur sans la crainte de voir un innocent puni à sa place. M. Ferroll est donc de nouveau mis en prison et condamné une seconde fois à mort. Sa femme, déjà malade depuis longtemps, meurt en apprenant cette nouvelle par une lettre de son mari, qui lui annonce que c’est pour la posséder qu’il a commis ce crime dix-neuf ans auparavant. M. Ferroll, résigné au terrible sort qui l’attend, et que depuis si longtemps il s’est habitué à considérer sans pâlir, voit les portes de sa prison s’ouvrir, grâce au dévouement de Hugh Bartlett toujours amoureux de sa fille Jeanne et à l’adresse d’un vieux médecin français, le docteur Lahorste, qui l’a soigné à Pontaube. Une fois délivré, M. Forroll se rend en Amérique, où il se fixe dans la ville de Boston. Il y meurt au bout de quelque temps, brisé par la douleur, mais consolé par la tendre affection de sa fille, qui recueille son dernier soupir. On ne sait si Jeanne retourne en Europe, et si, bravant les préjugés moins forts que son amour Hugh Bartlett l’épouse. L’auteur anonyme de ce roman en a bien publié une suite, mais c’est un récit rétrospectif dans lequel il reprend les événements de plus haut et qu’il a intitulé Pourquoi Paul Ferroll a tué sa femme. Ce dernier roman n’est pas traduit ; celui qui fait l’objet de cet article l’a été par Mme Marie Souvestre (1859, in-12).