Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PIE VII (Grégoire-Barnabé CHIARAMONTI), pape, successeur immédiat du précédent

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 958-959).

PIE VII (Grégoire-Barnabé Chiaramonti), pape, successeur immédiat du précédent, né à Césène en 1742, mort à Rome en 1823. Il était fils du comte Scipion Chiaramonti. Dès l’âge de seize ans, il prit l’habit de bénédictin dans sa ville natale, puis fit ses études théologiques qu’il termina à Rome. Il professait depuis neuf ans la théologie dogmatique dans cette ville, lorsque Pie VI, son parent, le nomma abbé, puis successivement évêque de Tivoli (1782), d’Imola et cardinal (1783). Pendant quinze ans, Chiaramonti gouverna avec sagesse son diocèse. En 1796, lorsque Imola fut détaché des États pontificaux et annexé à la république Cisalpine, son évêque fit paraître une homélie dans laquelle il déclara que la religion chrétienne n’est incompatible avec aucune forme de gouvernement, et s’attira par là l’estime des vainqueurs et la reconnaissance de son diocèse, auquel il épargna beaucoup de malheurs. Après la mort de Pie VI, il fut élu pape en 1800 par le conclave ouvert à Venise. Il revint à Rome, occupée alors par les troupes de Naples et de l’Autriche, prit pour secrétaire d’État le cardinal Consalvi, à qui il devait en partie son élévation, s’attacha à rétablir l’ordre dans les finances et donna de sages règlements sur l’administration civile et l’organisation judiciaire. Après la victoire de Marengo, qui rétablissait l’influence française en Italie, le premier consul Bonaparte ayant fait des ouvertures au cardinal Martiniana sur son intention de rétablir en France la religion catholique, Pie VII accrédita aussitôt auprès de lui Spina, archevêque de Corinthe. C’est alors que furent jetées les bases du concordat et, malgré les intrigues du chevalier Acton, ministre du roi de Naples, te cardinal Consalvi (v. ce nom) fut chargé d’aller à Paris pour terminer cette importante négociation (1801). Quelques personnes en jetèrent les hauts cris et on fit alors courir cette épigramme : Pio VI per conservar la fede, perde la sede ; Pio VII, per conservar la sede, perde la fede. Le pape ne ratifia pas moins le concordat par une bulle du 14 août 1801, nomma cinq cardinaux français, écrivit aux titulaires des évêchés français de se démettre de leurs sièges, envoya comme légat a latere le cardinal Caprara chargé de rétablir le culte en France, et obtint, par ordre du premier consul, la restitution de Bénévent et de Ponte-Corvo. Toutefois, une longue série de mécontentements et de démêlés ne tarda point à naître de l’exécution ou de l’interprétation du concordat ; et, dès le 18 avril 1802, jour de la publication officielle de ce traité, Bonaparte promulgua la loi du 18 germinal an X, connue sous le nom d’Articles organiques, laquelle atténue en plusieurs points la portée du concordat, et que ni Pie VII ni ses successeurs n’ont voulu reconnaître.

Lorsqu’en 1804 Bonaparte fut devenu empereur, il chargea son oncle, le cardinal Fesch, d’engager le saint-père à venir le sacrer. Pie VII ne se dissimulait pas qu’en accédant à cette demande il allait s’attirer l’animadversion de toutes les têtes couronnées ; mais il se flattait qu’il y trouverait l’occasion d’obtenir ce qu’il demandait dans l’intérêt de l’Église. Il céda donc aux désirs du nouveau César, donna à Consalvi tout pouvoir pour gouverner pendant son absence, arriva à Paris le 28 novembre et, le 2 décembre, il sacra Napoléon comme empereur sous les voûtes de Notre-Dame (1804). Mais la mésintelligence ne tarda pas à éclater entre les deux puissants souverains. En 1806, Napoléon exigea du pape le renvoi des Anglais, Russes, Suédois et Sardes des États de l’Église, et, sur le refus de Pie VII, il s’empara de Bénévent et de Ponte-Corvo, fit occuper militairement Rome en 1808, annexa au royaume d’Italie les légations d’Urbin, d’Ancône, de Macerata, de Camerino, et enfin réunit (1809) tous les États pontificaux à l’Empire français. Pie VII répondit par une bulle d’excommunication qui lui attira de nouvelles rigueurs. Lorsque, avant d’en venir contre le pape aux dernières extrémités, Napoléon voulut tenter sur lui un dernier effort, l’officier chargé de ses propositions força le passage et pénétra insolemment jusqu’au saint-père. Il soupait ; deux plats de poisson composaient tout le service. Après l’avoir écouté, le pape ne lui répondit que par ces mots : « Monsieur, un souverain qui n’a besoin pour vivre que d’un écu par jour n’est pas un homme qu’on intimide aisément. » Sur son refus formel de renoncer à la souveraineté temporelle des États de l’Église, le général Radel l’enleva du Quirinal avec le cardinal Pacca, le fit monter dans un carrosse escorté par des gendarmes et le conduisit prisonnier à la chartreuse de Florence, puis à Alexandrie et à Grenoble. Amené ensuite à Savone, le pape y fut gardé comme un véritable prisonnier d’État. Il refusa de toucher les 2 millions de revenu que lui assurait le décret par lequel Rome était annexée à l’Empire, protesta de nouveau contre la conduite de Napoléon et refusa constamment de donner l’institution canonique aux évêques nommés par lui.

Sur ces entrefaites, l’empereur, ayant appelé à Paris treize cardinaux pour assister à son mariage avec Marie-Louise et ayant éprouvé un refus, signa l’ordre de leur exil et leur assigna des résidences séparées. Profondément irrité de ne rien obtenir du pape pour les affaires ecclésiastiques, il résolut de se passer de lui en convoquant à Paris un concile national (1811), interdit à Pie VII de communiquer avec les évêques de l’Empire, le menaça d’une déposition et lui envoya à Savone, pour lui arracher une adhésion aux actes de ce concile, une députation d’évêques, qu’il reçut avec une grande sévérité et qui ne put rien obtenir de lui. En 1812, avant de partir pour sa funeste campagne de Moscou, Napoléon fit transférer Pie VII à Fontainebleau. C’est là que, vaincu par l’opiniâtreté de l’empereur et par l’obsession de certains cardinaux, le malheureux pontife consentit à signer, le 25 janvier 1813, un nouveau concordat, par lequel il abdiquait sa souveraineté temporelle, une partie de son autorité spirituelle, et consentait à venir résider en France. Toutefois, à l’instigation de Consalvi et de Pacca, il se rétracta peu de temps après et fut de nouveau traité en prisonnier d’État. Au commencement de 1814, Napoléon lui permit cependant de rentrer à Rome. Chassé un instant pendant les Cent-Jours, il y retourna définitivement lors de la chute de son puissant ennemi. Le rétablissement des jésuites, un nouveau concordat signé avec la France (1817), des efforts pour rétablir l’ordre dans les Églises catholiques d’Allemagne, de Suisse, de Hollande et d’Angleterre furent les événements les plus considérables de ses dernières années. Il mourut en 1823, à l’âge de quatre-vingt-un ans, à la suite d’une chute dans laquelle il s’était fracturé le col du fémur. Ce pontife bon, sobre, pieux s’était fait aimer des Romains par la douceur de son gouvernement et s’était concilié la sympathie générale par la fermeté qu’il montra dans sa lutte contre son formidable adversaire. On a de beaux portraits de lui par Louis David et Lawrence, et Thorwaldsen a exécuté à Rome son cénotaphe surmonté des statues de la Modération et de la Force.

— Iconogr, Le portrait de Pie VII, par David, est un des chefs-d’œuvre du maître, un de ceux où il a atteint sa plus grande puissance. David n’était lui-même que lorsqu’il peignait sous le coup de l’enthousiasme ou d’une vive émotion, comme dans le Serment du Jeu de paume et Marat expirant : alors il se débarrassait de la roideur académique et arrivait à la véritable grandeur en ne cherchant que le vrai. Le Portrait de Pie VII, où le maître a réellement fixé la vie sur la toile, dont l’expression est telle que le pontife semble suivre du regard le visiteur, est une de ses plus belles inspirations. Le pape est représenté assis dans un fauteuil, tourné de trois quarts vers la gauche, dans une attitude pleine de simplicité ; le masque est plein de vie, d’un modelé puissant, d’un contour ferme. Cette tête est animée d’une expression de douceur et de résignation trop vraie pour n’avoir pas été saisie sur le vif, avec un talent exceptionnel et dans un moment de vive sympathie du peintre pour son modèle. « Lorsque, en 1797, dit Delécluze, David, traçant le profil de Bonaparte sur le mur de l’atelier de ses élèves, disait : « Mes amis, voilà mon héros ! » il était sincère. Mais s’il eût osé faire un aveu de la même sorte en 1804, il se serait certainement écrié en sortant de chez Pie VII : « Voici mon pape ! »

Ce portrait fut exécuté aux Tuileries dans l’appartement que Pie VII y occupait on 1804. David en avait fait deux répétitions. Un beau portrait de Pie VII se trouve aussi dans le Couronnement de Napoléon, par David. V. COURONNEMENT.

D’autres portraits de Pie VII ont été gravés par S. Amsler (d’après Hermann), P.-M. Alix (d’après Wicar), P. Bettelini (1800), J. Bouillard, Angelo Bertini (d’après V. Camuccini), etc.

Ingres a peint deux fois le Pape Pie VII tenant chapelle, la première fois en 1810, la seconde en 1821. Dans le premier de ces tableaux, le pape, vêtu de ses longs vêtements blancs, est debout sous un dais de velours rouge, écussonné des armes du saint-siége ; les cardinaux, en robe écarlate à camail d’hermine, sont debout et un peu tournés vers le pontife ; à leurs pieds sont assis des évêques vêtus de violet ; près de Pie VII, il y a un monsignor habillé de noir, quelque cameriere qui se tient debout en lisant. Sur le devant du tableau, en dehors de la balustrade, se groupent quelques personnes, hallebardiers, prêtres, curieux. L’assemblée est réunie dans la chapelle Sixtine. Au fond, dans la demi-teinte, s’esquissent sur la muraille quelques-uns des groupes terribles de la fresque du Jugement dernier. Cette peinture, dont les figures sont de petite proportion, est une des plus vigoureuses qu’ait exécutées Ingres. « Il est impossible, dit M. Du Camp, de rien voir de plus vivant, de plus animé, de plus pensant que cette assemblée de gens d’Église ; on sent bien, à voir la façon dont ils prient, qu’ils font là une chose habituelle à laquelle ils n’attachent pas grande importance ; on voit bien qu’ils sont dans la maison de Dieu comme chez eux ; je ne sais pas si l’on peut pousser la vérité plus loin ; et quelle couleur ! quelle harmonie dans ces tons verts, rouges et violets qui se marient si bien les uns aux autres sous la lumière un peu sombre tombant des hautes fenêtres qu’on n’aperçoit pas ! » Cette toile, qui a été gravée au trait par Réveil, a paru pour la première fois au Salon de 1814 et a figuré à l’Exposition universelle de 1855 ; à cette dernière date, elle appartenait à M. Marcotte ; en 1867, lors de l’exposition posthume des œuvres d’Ingres, elle appartenait à M. Legentil. L’autre composition, que le catalogue de cette dernière Exposition dit avoir été exécutée en 1810, à la même date que la première, et que le livret de l’Exposition universelle de 1855 signale comme ayant été peinte en 1821 seulement, représente à peu près la même scène, avec cette différence que Pie VII et les cardinaux sont assis et qu’un moine franciscain vient, selon l’usage, baiser les pieds du pape, avant de prêcher. Cette toile offre la même finesse de détails, la même science d’arrangement et la même vérité que nous avons remarquées dans l’autre. Elle appartenait en 1867 à Mme Hauguet,

Une aquarelle d’Ingres, datée de 1808 et représentant Pie VII priant dans l’église de Saint-Pierre de Rome, a figuré à l’exposition posthume des œuvres du maître.

Une gravure de J.-J. Boissieu représente la Promenade de Pie VII sur la Saône lors du passage de ce pape à Lyon (27 avril 1805).

Nous devons parler, en terminant, du beau tombeau de Pie VII, sculpté par Thorwaldsen. Ce tombeau est placé dans la chapelle Clémentine, à Saint-Pierre de Rome. Les statues de la Force et de la Sagesse accompagnent la statue du pontife, qui est représenté assis.