Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PHILIPON (Charles), dessinateur et journaliste français

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 3p. 807).

PHILIPON (Charles), dessinateur et journaliste français, né à Lyon en 1800, mort à Paris en 1862. Son père, Étienne Philipon, marchand de papiers peints, était parent de la célèbre Mme Roland, du général Philipon et de Philipon de La Madelaine. D’un premier mariage, il n’avait eu qu’un enfant, Mme Aubert ; de son second mariage avec Mlle Fleurie Lisfranc, tante du célèbre chirurgien Lisfranc, il eut six enfants, dont l’aîné fut Charles Philipon. Après avoir fait d’assez mauvaises études à Lyon et à Villefranche, Charles Philipon apprit le dessin à l’école Saint-Pierre dans sa ville natale, puis se rendit à Paris en 1819 et entra dans l’atelier de Gros, où il eut pour condisciples Decamps et Bonnington. Pendant l’année qu’il passa sous la direction de ce grand artiste, Philipon s’occupa beaucoup moins d’étudier le grand art que de faire des charges. En 1821, son père, qui le destinait au commerce, le rappela à Lyon. Il s’occupa alors du dessin de fabrique ; mais ce genre de travail ne pouvait convenir à sa nature ardente, exubérante, à l’allure satirique de son esprit. En 1823, il quitta Lyon et revint à Paris. Pour vivre, il fit des dessins pour les imagiers, des étiquettes, des rébus, des vignettes, des éventails, des aquarelles, des planches pour les journaux de modes. C’est vers cette époque qu’il dessina l’histoire de Polichinelle, enfant prodigue, l’Histoire de Touche-à-tout, le mauvais sujet et un grand nombre d’autres histoires à deux sous. Peu après, il s’occupa de lithographie et eut l’idée d’appliquer cet art aux devants de cheminée. Cette invention lui rapporta 200 francs, prix convenu pour deux énormes dessins sur pierre. Quant au fabricant, il y gagna une grosse somme et s’adressa immédiatement à des artistes qu’il payait moins cher.

Philipon s’était lié avec les écrivains libéraux et satiriques de l’époque, lorsqu’il fit venir à Paris son beau-frère, M. Aubert, ancien notaire, et fonda avec lui, en 1830, la maison depuis si connue sous ce nom. Après la révolution de Juillet 1830, il fit paraître les premières caricatures politiques et mit au jour un journal hebdomadaire d’images, la Caricature, qui, après avoir été pendant quelque temps un gai recueil dans lequel on se moquait des vices et des ridicules du moment, devint un véritable pamphlet contre les hommes au pouvoir.

Philipon, Juvénal de la caricature,

comme l’appelait Barthélémy dans sa Némésis, vit son journal succomber sous les procès de presse (1834). Le 1er novembre 1832, il avait fondé le Charivari, dont il fut six ans directeur et qu’il vendit, en 1842, à une société d’actionnaires. D’une activité infatigable, sans cesse à la recherche d’idées nouvelles, Charles Philipon créa le Robert Macaire, en collaboration avec Daumier ; le Musée pour rire (1839-1840), avec Louis Huart, Maurice Alhoy, etc. ; les Physiologies (1840), qu’il mit à la mode ; le Journal pour rire (1849), qui devint, en 1857, le Journal amusant ; le Musée anglo-français (1854), avec Doré. Outre les articles et les dessins de lui répandus dans ses journaux, dans les Cent et un Macaire, dans l’Almanach prophétique, on lui doit des brochures politiques, entre autres : Aux prolétaires (1838) : enfin la Physiologie du flâneur (1842, in-32), la Parodie du Juif errant (1844, in-18), complainte constitutionnelle en 10 parties, avec Louis Huart. « Doué d’une nature énergique, dit M. B. de La Chavignerie, Philipon, rieur en apparence, était en réalité un penseur et un philosophe. Il ne s’est jamais fait que des ennemis politiques, ne s’étant jamais attaqué, proclamons-le à sa louange, à la personnalité. » Il a été à la tête de tout ce qui, à notre-époque, a tenu la plume ou le crayon de la satire et il a indiqué leur voie ou donné leur formule à presque tous les artistes en ce genre. — Son fils, Eugène Philipon, mort en janvier 1874, devint, en 1862, directeur du Journal amusant et de deux autres journaux illustrés. C’était un homme d’un sens droit, d’un esprit sûr, d’une grande générosité. Pendant le siège de Paris, il n’avait reculé devant aucun sacrifice pour dérober à la misère le nombreux personnel placé sous sa direction.