Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PAUL-TROIS-CHÂTEAUX (SAINT-), ville de France (Drôme)

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 2p. 419).

PAUL-TROIS-CHÂTEAUX (SAINT-), ville de France (Drôme), ch.-l. de cant, arrond. et à 29 kilom. de Montélimar ; pop. aggl. 1,025 hab. — pop. tot., 2,315 hab. Exploitation de carrières de pierres de taille.

Histoire. Saint-Paul-Trois-Châteaux n’est autre chose que l’ancienne cité des Tricastins, dont le pays avait reçu une sorte de célébrité, dès l’an 153 de Rome, du séjour qu’y fit Bellovèse. Plus tard (536), Annibal y passa, si l’on en croit du moins une tradition contestée par M. V. Roussillon. Auguste y établit une colonie romaine appelée Augusta Tricastinorum. Ce nom de Tricastins prenait naissance de trois tours ou citadelles (castellum, castrum), défendant à cette époque les entrées du territoire. La ville avait alors trois portes : l’une d’elle subsiste, encore sous le nom de Fan-jou, corruption de Fanum Jovis, dû sans doute à ce qu’elle était voisine d’un temple dédié à Jupiter. On a, en effet, trouvé à peu de distance de ce monticule, jadis couvert d’une forêt épaisse, des restes de mosaïques justifiant cette étymologie. L’antique cité romaine, dévastée en 260 par les Vandales et en 730 par les Sarrasins, prit, au milieu du Ve siècle, le nom d’un de ses premiers êvêques ; quant à son surnom de Trois-Châteaux, elle le dut vraisemblablement aux trois forteresses ou châteaux dont nous avons déjà parlé ci-dessus (Tricastins). On voit donc qu’au fond son nom moderne diffère moins de son nom primitif qu’il ne le semble au premier abord. Les évêques de Saint-Paul-Trois-Châteaux se maintinrent dans le gouvernement temporel de la ville pendant tout le moyen âge. Au XVIe siècle, la ville embrassa le parti de la Réforme, qui y régna pendant quarante-quatre ans ; le culte catholique n’y fut rétabli qu’en 1599. Depuis cette époque, aucun incident remarquable n’est venu signaler Saint-Paul-Trois-Châteaux à l’attention de l’histoire.

Monuments et curiosités. Il reste encore des vestiges fort reconnaissables des trois châteaux forts auxquels Saint-Paul doit sa dénomination actuelle : le premier, nommé Arx Vallis (fort de la vallée), était situé au débouché de la vallée qui communiquait avec les Voconces ; le second, dit aujourd’hui tour Magne (Turus magna), regardait la frontière des Sigalauniens ; le troisième, connu sous le nom de Barri, était tourné du côté des Cavarros. On remarque dans ce dernier quartier les ruines d’un grand édifice, dont les alentours fournissent depuis longtemps aux antiquaires des médailles en or, en argent et en bronze. Les dimensions de cet édifice devaient être assez étendues, car la portion de mur qui existe encore a trente pas de longueur. Saint-Paul possède encore quelques autres débris de sa splendeur ancienne ; au nord et sous les murs de l’ancien évêché se trouvent les restes d’un monument qu’on croit avoir été un amphithéâtre. Enfin, dit M. Delacroix dans sa Statistique des départements de la Drôme : « Dans le quartier de la ville appelé Saint-Jean, on aperçoit des vestiges d’un monument et une portion de muraille qui porte des colonnes d’un goût exquis, le tout bâti de très-grosses pierres où l’on ne voit aucune trace de ciment ni de mortier. Contre cette muraille, on a bâti des maisons dans les caves desquelles on trouve des mosaïques et des carrés de pierre où sont délicatement sculptées des guirlandes d’où pendent des grenades, fruit dédié au dieu Priape. »

On a déterré, il y a quelques années, soit dans Saint-Paul-Trois-Châteaux, soit dans la campagne environnante, plusieurs statues en pierre, en marbre ou en bronze, un grand nombre de débris de mosaïques, d’aqueducs, des tombeaux, des urnes, des instruments de mécanique, des nécessaires en or, en argent et en bronze, des lampes sépulcrales, des coupes, des soucoupes en verre et en bronze, des lacrymatoires, des inscriptions mortuaires, etc. Nous mentionnerons encore, parmi les objets alors découverts, deux très-remarquables bas-reliefs représentant, l’un la Force vaincue par l’Amour, l’autre une Visite de Jupiter à son fils Bacchus ; une statue qui fait aujourd’hui partie du musée fondé à Avignon par M. Calvet, et représentant un personnage inconnu, vêtu d’une espèce de tunique grecque et d’une peau de loup. « Cette statue, dit M. Delacroix qui la considère comme un des plus beaux morceaux de l’antiquité, tient dans ses mains, élevée à la hauteur de la tête, une cassolette où brûla l’encens. Est-ce un attribut de la divinité ou une offrande qu’on lui présente ? » Un autre objet, non moins précieux, découvert à Saint-Paul en 1770, est une agate onyx, gravée en relief, mesurant six lignes dans sa plus grande dimension, quatre dans la moindre, et d’un dessin aussi fin que pur. Suivant l’abbé Barthélémy, ce dessin représente la Pudeur abandonnant la terre pour se retirer au ciel avec sa compagne Astrée.

La cathédrale de Saint-Paul-Trois-Châteaux, aujourd’hui classée au nombre des monuments historiques, passe aux yeux de certains historiens pour avoir été fondée par Charlemagne ; mais sa construction ne paraît par remonter au delà du XIIe siècle. L’abside principale est décorée de huit colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens ; de plus, dans chacun des bras de la croisée il existe une autre abside demi-circulaire, orientée comme celle du chœur. L’intérieur de la grande nef, d’une élévation très-considérable, est orné de deux ordres dont les entablements à profil grave et sévère sont d’un grand effet et exécutés avec une rare perfection. Le portail, ouvert sur la façade occidentale, est un des meilleurs morceaux d’architecture de l’édifice. La tour du clocher appartient à plusieurs époques. On voit encore l’ancien fronton à consoles, et, jusqu’à la hauteur de l’église, les pilastres, chapiteaux et corniches portent le caractère de l’antiquité. À l’intérieur de la cathédrale, et sous le triforium aveugle des deuxième et troisième travées, s’étend une longue draperie sculptée assez semblable à celles qu’on rencontre dans quelques églises postérieures, notamment dans la cathédrale de Metz. Citons enfin quelques peintures assez curieuses.

La carrière de pierres de taille qui est la source principale de l’industrie de Saint-Paul-Trois-Châteaux était déjà connue du temps des Romains. Elle occupe aujourd’hui environ 300 ouvriers et produit annuellement plus de 20,000 mètres cubes d’une pierre tendre, du grain le plus fin et résistant bien à la gelée. L’exploitation actuelle s’étend sur une longueur de 400 à 500 mètres, et sur 11 mètres de hauteur ; le banc de pierre a environ 22 mètres d’épaisseur sur une superficie totale de 2,000 mètres carrés.

Saint-Paul-Trois-Châteaux a vu naître Raymond des Agyles, historien de la première croisade.