Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/PADILLA (doña Maria DE), favorite du roi de Castille Pierre le Cruel

Administration du grand dictionnaire universel (12, part. 1p. 14).

PADILLA (doña Maria DE), favorite du roi de Castille Pierre le Cruel, morte en 1361. Elle descendait d’une ancienne famille castillane de haute noblesse, mais déchue de sa splendeur, et dont les membres subsistants étaient réduits à un état voisin de la pauvreté. Maria de Padilla était au service d’Alphonse d’Albuquerque et placée dans un de ses châteaux des Asturies, lorsque Pierre la vit, dans un de ses voyages (1352), et fut tellement frappé de sa beauté, de son esprit, de ses qualités brillantes et séductrices, qu’il conçut pour elle la plus ardente passion. À cette époque, le roi de Castille était fiancé à Blanche de Bourbon. Ne pouvant rompre l’alliance projetée sans s’exposer à une guerre avec la France, il retarda le plus possible cette union, qui eut lieu néanmoins en 1353. Mais, dès le lendemain, il abandonna la jeune reine pour aller retrouver, dans le château de Montalvan, celle qui avait su prendre sur son esprit un empire absolu, et que d’ailleurs il avait rendue mère. Cédant aux pleurs et aux supplications de la reine, sa mère, et de la princesse Éléonore, sa tante, le roi revint à Blanche de Bourbon, mais ce fut pour l’abandonner de nouveau, deux jours après, et revenir près de doña Maria de Padilla. « On crut, dit Moreri, qu’il y avait là du sortilège, car, dans ce siècle, tout ce qui était un peu extraordinaire était attribué au démon. » Alors les grands de la cour, Albuquerque, la reine et les frères du roi en tête, tentèrent de balancer la haute influence acquise par la maîtresse et de rompre cette liaison. Une ligue formidable se forma contre don Pedro et échoua complètement ; Albuquerque et ses partisans furent chassés de la cour et leurs emplois donnés aux parents de la favorite. Diego de Padilla, frère de Maria, fut nommé grand chambellan, puis grand maître de l’ordre de Calatrava ; Jean de Padilla, son autre frère, fut fait grand maître de Saint-Jacques, à la place de don Frédéric, frère du roi, quoiqu’il fût marié : dérogation sans exemple aux lois de l’ordre. Blanche de Bourbon fut enfermée-dans un château fort, comme coupable de connivence avec la ligue des princes, et.bientôt après la jeune reine mourut empoisonnée.

Doña Maria survécut peu à celle dont elle avait causé la mort. Elle expira la même année que sa victime, dans les premiers jours de juillet 1361. Son corps fut inhumé avec une pompe royale dans le monastère de Notre-Dame d’Estervillo, dans la Vieille-Castille, et plus tard transféré dans le lieu de sépulture dos rois de Castille, car, l’amour survivant à la mort de sa maîtresse dans le cœur de don Pedro, il avait déclaré qu’un mariage secret l’unissait à Maria de Padilla. Il fit même reconnaître comme son successeur légitime un fils qu’il avait eu de sa maîtresse, mais qui mourut peu de temps après sa mère.

Padilla (MARIA), tragédie en cinq actes et en vers, d’Ancelot (Comédie-Française, 29 octobre 1838). Cette estimable composition débute par le songe classique : Maria Padilla, innocente et pure jeune tille, raconte qu’elle rêve chaque nuit d’un bel inconnu qui la prend par la main et la fait asseoir sur un trône. À force de songer qu’on l’enlève, Maria est toute prête à passer du rêve à la réalité. Elle apprend le soir même que don Pèdre, le roi de Castille, vient pour l’enlever ; et, au lieu d’avertir son père et son frère, elle ouvre la porte au séducteur, elle reçoit le roi dans sa propre chambre, puis, après quelques instants passés à se défendre, tant bien que mal, elle consent à épouser le roi en secret et à le suivre comme sa maîtresse. La condition convient à Sa Majesté ; don Pèdre épouse Maria Padilla et il quitte le château avec elle. Amenée à la cour, Maria donne des fêtes sans fin, bals, concerts, festins ; elle distribue toutes les grâces, .elle reçoit chez elle tous les seigneurs du royaume, elle est folle de joie, elle gouverne l’État au milieu des plaisirs. Divers incidents surviennent coup sur coup : ici c’est don Pèdre qui poignarde un homme, parce que cet homme lui a déplu, et uniquement pour justifier un peu le nom de Cruel ; plus loin, c’est le peuple qui s’entasse sous les fenêtres de Maria Padilla en criant : • Meure la favorite ! »

Cependant, don Pèdre est obligé d’épouser Blanche de Bourbon. Le dénoûment a lieu à l’église, pendant la cérémonie nuptiale ; l’auteur a fait en cela violence à la vérité historique. Au moment même où don Pèdre va jurer foi et fidélité à Blanche de Bourbon, Maria Padilla, que rien n’arrête, se précipite. Elle s’empare de la couronne préparée et la met sur sa tête, déclarant qu’elle est la femme du roi, qu’elle est la reine, puis elle se tue d’un coup de poignard. Cet ouvrage obtint un honorable succès, grâce au mérite de certaines situations et aux beautés vraiment tragiques de la versification.

Padilla (MARIA), opéra italien, musique de Donizetti, représenté à Milan en 1841. Cet ouvrage renferme un duo de femmes délicieux, souvent intercalé dans d’autres ouvrages, et qui a été chanté avec un grand succès aux Italiens, à Paris, par Mmes Persiani et Castellan.