Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Mousquetaires (LES TROIS), roman d’Alexandre Dumas

Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 2p. 643).

Mousquetaires (les trois), roman d’Alexandre Dumas (1844, 8 vol. in-8°). Les Trois mousquetaires méritent une place à part parmi ces prodigieux romans de cape et d’épée à l’aide desquels Alexandre Dumas a entrepris d’écrire à sa façon l’histoire de France. Rien de plus mouvementé et de plus intéressant ; on est comme entraîné, à la lecture, dans le courant d’aventures de ces héros dont le courage, l’esprit et l’entrain vous captivent de volume en volume et ne vous laissent pas le temps de respirer. Leurs hauts faits se trouvent mêlés le plus naturellement du monde aux grands événements de l’époque, au point de vous faire illusion. On est tenté, après avoir lu les Trois mousquetaires, d’accuser d’ignorance les historiens qui les ont oubliés parmi les acteurs principaux de cette sanglante tragédie qu’on nomme le ministère de Richelieu. Les trois mousquetaires sont au nombre de quatre, a-t-on dit spirituellement ; Alexandre Dumas n’a pas eu tort non plus en disant les trois mousquetaires, car le quatrième ne devient mousquetaire qu’au milieu du roman. Leurs noms sont Athos, Porthos, Aramis et d’Artagnan ; chacun a sa personnalité bien tranchée. Athos, de son vrai nom le comte de La Fère, est le type du gentilhomme accompli. Porthos, ou M. du Vallon, est la personnification de la force physique. Aramis, le chevalier d’Herblay, fait son noviciat pour entrer dans les ordres sous la casaque de mousquetaire ; c’est la finesse du jésuite sous le manteau du soldat. D’Artagnan, le quatrième, est un véritable compatriote de Henri IV, brave et rusé comme un Gascon. Unis par l’amitié, ces quatre hommes accomplissant des prodiges d’audace et d’habileté, et tiennent tête à Richelieu lui-même. Nous n’entrerons pas dans les détails de cette singulière épopée, dont les héros marquent les étapes par de furieux coups d’épée. L’épisode principal est celui-ci : Anne d’Autriche, dans un moment de faiblesse, a donné à Buckingham une parure de diamants. Louis XIII, sur un conseil de Richelieu, ordonne à la reine de montrer cette parure dans un bal, et nos quatre braves partent pour aller la chercher en Angleterre. Trois sont arrêtés en route, mais d’Artagnan surmonte tous les obstacles, parvient jusqu’au duc, rapporte la parure et sauve la reine en confondant Richelieu. L’adversaire le plus sérieux contre lequel il a dû lutter est une femme. Les hommes, son épée l’en a promptement débarrassé. Cette femme, appelée Milady, et qui est l’agent secret de Richelieu, le romancier en a fait le type achevé de la perversité. Bigame, elle empoisonne son second mari, se prostitue à ceux qui peuvent servir ses vengeances, tente plusieurs fois de faire assassiner d’Artagnan, qui a découvert son secret, met le poignard à la main du fanatique Felton, qui tue Buckingham et empoisonne la maîtresse de d’Artagnan. Tant de forfaits trouvent enfin leur châtiment. Tombée au pouvoir des quatre inséparables, elle s’entend condamner à mort par ce tribunal secret, sans espoir de pardon ; car elle a reconnu son premier mari, le comte de La Fère, sous l’uniforme du mousquetaire Athos. Sa mort termine le roman.

Alexandre Dumas lui a donné une suite dans Vingt ans après, continué lui-même par le Vicomte de Bragelonne. Disons aussi qu’il avait puisé dans les curieux Mémoires de d’Artagnan, livre presque inconnu en 1844 et auquel son roman a fait quelque réputation, les plus précieux renseignements historiques sur ce capitaine d’aventures et sur les événements auxquels il avait pris part.