Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MENOU (Jacques-François, baron DE), général et homme politique français

Administration du grand dictionnaire universel (11, part. 1p. 36).

MENOU (Jacques-François, baron DE), général et homme politique français, né à Boussay-de-Loches (Indre-et-Loire) en 1750, mort à Venise en 1810. Il était maréchal de camp lorsque la noblesse de Touraine l’envoya siéger aux états généraux. Monarchiste, mais excellent patriote et partisan sincère de la liberté, il s’opposa avec force à l’adoption d’une religion de l’État, demanda que le droit de paix et de guerre fût attribué à la nation, proposa la conscription (qui ne fut votée que sous le Directoire), fit adopter le pavillon tricolore pour la marine, élever la solde des troupes, et décréter une levée de 100,000 hommes au moment où nos frontières étaient menacées (1791). En 1792, il commanda en second le camp de 20,000 hommes sous Paris, se fit battre par H. de La Rochejacquelein l’année suivante, réprima, le 2 prairial an III, l’insurrection du faubourg Saint-Antoine, eut le commandement en chef de l’armée de l’intérieur, qu’il dut céder à Bonaparte le 13 vendémiaire. Mis en jugement pour sa conduite équivoque dans cette dernière journée, il fut renvoyé absous, et fit partie ensuite de l’expédition d’Égypte, dans laquelle il montra une grande bravoure. Menou se maria à une musulmane, et ajouta à son nom celui d’Abdallah. Comme le plus ancien général de division de l’armée, il en prit le commandement en chef après la mort de Kléber ; mais, soit impéritie, soit mauvais vouloir de la part de ses lieutenants, et surtout du général Reynier, son compétiteur, il alla de défaite en défaite jusqu’à la perte entière de l’Égypte. Le premier consul, loin de le mal accueillir à son retour, le nomma membre du Tribunat (1802), lui confia, peu après le gouvernement du Piémont, puis celui de Venise, où il mourut. Le duc de Raguse, dans ses mémoires, a tracé un portrait piquant de Menou, qu’il traite avec une sévérité peut-être excessive. « Pourvu d’esprit et de gaieté, dit-il, il était agréable conteur, fort menteur, et ne manquait pas d’une certaine instruction ; son caractère, le plus singulier du monde, approchait de la folie. D’une activité extrême pour les très-petites choses, jamais il ne pouvait se décider à rien exécuter d’important. Écrivant sans cesse, toujours en mouvement dans sa chambre, montant chaque jour à cheval pour se promener, il ne pouvait jamais se mettre en route pour entreprendre un voyage utile ou nécessaire. Après avoir montré son incapacité comme administrateur du Piémont, et en quittant cette fonction, on trouva dans son cabinet neuf cents lettres qui n’avaient pas été ouvertes. Constamment et partout le même, on ne cessa cependant de l’employer. À Venise, dont il eut le gouvernement, il devint éperdument amoureux d’une célèbre cantatrice, dont il fut la risée, courant après elle dans toute l’Italie, arrivant toujours dans chaque ville après son départ. Toujours perdu de dettes, et de dettes criardes, s’élevant souvent à trois cent mille francs, et acquittées plusieurs fois par Bonaparte, il ne pouvait se résoudre à rien payer et donnait tout ce qu’il avait. C’était un extravagant, un fou, quelquefois assez amusant, mais un fléau pour tout ce qui dépendait de lui. »