Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MAYENNE (Charles DE LORRAINE, duc DE), deuxième fils du duc François de Guise

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1381-1382).

MAYENNE (Charles DE Lorraine, duc de), deuxième fils du duc François de Guise, né en 1554, mort à Soissons eu 1611. Il fit ses premières armes contre les huguenots, commandés par Coligny, en 1569, puis se rendit à Venise, se mit au service de cette république, alors en guerre avec les Turcs (1571), et fit partie de l’expédition que dirigea don Juan d’Autriche. Ce fut pendant qu’il guerroyait au loin qu’eut lieu le massacre de la Saint-Barthélemy (1572). Peu après son retour en France, il fut nommé par Charles IX duc et pair (1573) et alla prendre part au siège de La Rochelle sous les ordres du duc d’Anjou. Au commencement de l’année suivante, ce prince ayant été élu roi de Pologne, Mayenne l’accompagna dans ce pays, puis se rendit en Italie. Il était à Padoue lorsqu’il apprit la mort de Charles IX (1574). Peu après, il rejoignit le duc d’Anjou, qui accourait en France pour succéder à Charles IX sous le nom de Henri III, et assista au sacre de ce prince (15 février 1575). La faveur dont il jouissait à la cour vint s’accroître encore par le mariage du roi avec Louise de Lorraine. Pendant que son frère le duc de Guise devenait le chef incontesté des catholiques, Mayenne était mis à la tête de l’armée royale chargée de combattre les huguenots (1576). Il s’était emparé du Poitou, et s’apprêtait à attaquer La Rochelle lorsque Henri III, craignant que la défaite complète des protestants ne donnât aux Guises une trop grande influence dans les affaires de l’État, conclut un traité de paix avec les huguenots (17 septembre 1577). Pour contrecarrer cette politique d’apaisement, le duc de Guise se mit alors à organiser la Ligue, à fomenter partout le fanatisme catholique et à pousser à la guerre, qui recommença en 1580. Le duc de Mayenne forma alors dans son gouvernement de Bourgogne une armée de 8,000 hommes et enleva aux protestants le Dauphiné ; mais la paix de 1581 lui fit encore déposer les armes. Toutefois, son frère et lui furent loin de renoncer à leur projet d’exterminer le protestantisme. Comme Henri III n’avait point d’enfants, comme, d’un autre côté, les princes du sang étaient soit protestants, soit ralliés à la cause du protestantisme, les Guises, dont l’ambition n’avait cessé de grandir, songèrent à un moment donné à s’emparer du trône de France. Dans ce but, ils signèrent, à Joinville, avec des envoyés du roi d’Espagne, une convention par laquelle les contractants s’engagèrent à faire déclarer le cardinal Charles de Bourbon héritier de la couronne (31 décembre 1584). Appuyés par l’Espagne, les Guises résolurent de faire prendre les armes à la Ligue, et au commencement de 1585 la guerre civile recommença sur une grande partie du territoire. Henri III se vit contraint d’adhérer à la Ligue, qu’il ne pouvait plus maîtriser (7 juillet 1585). Mayenne se rendit avec une armée dans la Guyenne, mais n’obtint aucun succès décisif, revint à Paris (1586), alla combattre ensuite auprès de son frère les protestants allemands qui venaient au secours de leurs coreligionnaires de France, et contribua à leur défaite (novembre 1587). Peu après, Henri III, effrayé de l’influence croissante des princes lorrains, quittait Paris, convoquait les états de Blois, faisait assassiner le duc de Guise (décembre 1588) et donnait l’ordre d’arrêter Mayenne, qui se trouvait alors à Lyon. Mais celui-ci, prévenu à temps, se réfugia dans la Bourgogne, qu’il souleva, puis se rendit à Paris (15 février 1589)

Proclamé alors chef de la Ligue et lieutenant général du royaume, Mayenne prit des mesures habiles et énergiques pour organiser à Paris un gouvernement qui reçut le nom de Conseil générai d’union, et dont il eut la présidence ; et, après avoir convoqué les états généraux pour le 15 juillet, il marcha vers la Loire, où Henri III et le roi Henri de Navarre avaient réuni leurs forces pour une action commune. Forcé de battre en retraite après la défaite du duc d’Aumale près de Senlis (17 mai 1589), Mayenne dut se replier sur Paris, dont les deux rois vinrent faire le siège (28 juillet). Mais, le 1er août, Henri III était assassiné, et le roi de Navarre, qui prit alors le nom de Henri IV, s’étant vu abandonner par l’armée catholique de son allié, dut lever le siège.

En ce moment, Mayenne, investi d’une autorité presque souveraine, eût pu se faire proclamer roi. Tous les partisans des Guises le pressaient de s’emparer du trône ; mais, comprenant les inextricables difficultés dans lesquelles le lancerait une pareille détermination, voyant qu’il ne serait point appuyé par l’Espagne, gêné à Paris par l’indépendance du conseil des Seize, ayant enfin en face de lui un adversaire aussi redoutable que Henri de Navarre, il n’osa prendre pour lui la couronne, et la fit décerner à un fantôme de roi, au vieux cardinal de Bourbon, qui prit le nom de Charles X et mourut peu après. Investi du titre de lieutenant générai du royaume, Mayenne marcha contre Henri IV. Il essaya vainement de le déloger de la position qu’il occupait à Angers, se replia sur Amiens, puis revint sur Paris, où Henri IV venait de se porter par une marche rapide. Il contraignit Henri de Navarre à battre en retraite ; mais il s’aperçut bientôt que les principaux chefs de la Ligue, mus par leur intérêt personnel, songeaient à négocier avec Henri IV, et lui-même reçut de ce prince des propositions avantageuses. Après quelque hésitation, il repoussa ces ouvertures, alla attaquer Henri IV à Ivry (14 mars 1590), fut battu, se replia sur Paris, dont le roi de Navarre fit alors le siège, et passa en Flandre pour obtenir une armée du duc de Parme, gouverneur des Pays-Bas. Après avoir fait entrer un convoi à Paris (17 juin), il fut rejoint par l’armée du duc de Parme, débloqua Paris et contraignit encore une fois Henri IV à lever le siège.

Cependant le peuple, fatigué de la guerre civile et des souffrances qu’elle lui faisait endurer, penchait pour la paix. Mais les catholiques exaltés ne voulaient point entendre parler de négociation avec Henri IV. Ils obtinrent de Grégoire XIV une bulle qui excommuniait ce prince et lançait l’anathème contre ses partisans, et résolurent de donner le trône à une princesse espagnole. Le conseil des Seize, arrivé au dernier degré du fanatisme, se rallia à ces idées, rêvant une nouvelle Saint-Barthélemy contre les modérés. Mayenne résolut de réagir contre ces tendances antipatriotiques. Il se rendit à Paris, fit arrêter les principaux meneurs du conseil des Seize, et, voyant la dislocation de la Ligue, il reprit les négociations interrompues avec Henri IV et convoqua les états généraux le 26 janvier 1593. Ces états ne prirent aucune décision relativement à la succession au trône, et pendant que le roi d’Espagne intriguait pour faire proclamer sa fille reine de France, Henri IV abjurait le protestantisme (25 juillet 1593). Mayenne dut alors signer une trêve avec ce prince ; mais, craignant que Henri IV n’arrivât au trône avant qu’il eût pu stipuler pour lui des conditions avantageuses, il se rapprocha de l’Espagne et essaya sans succès de réveiller le fanatisme populaire. Henri IV entra à Paris le 21 mars 1594, après avoir obtenu un arrêt du parlement en sa faveur et sans avoir souscrit aux exigences du chef de la Ligue. Celui-ci résolut de continuer la guerre, passa dans les Pays-Bas pour y réunir des troupes, tenta vainement de débloquer Laon, où il avait laissé sa famille, puis se retira dans son gouvernement de Bourgogne, lutta encore une année et finit par signer avec Henri IV, en janvier 1596, un traité qui mettait fin à la guerre civile. Par ce traité, le roi donnait à Mayenne 350, 000 écus, la possession pour six ans de Châlons, Soissons et Seurre, comme places de sûreté, le gouvernement de l’Île-de-France, etc. Le 31 janvier, Mayenne se rendit à Monceaux où il eut une entrevue avec Henri IV et se réconcilia avec lui. Il était d’une énorme corpulence et atteint d’une sciatique. On raconte que le Béarnais le prit par la main et se mit à se promener à grands pas dans le parc de Monceaux. Le voyant essoufflé, hors d’haleine, il s’arrêta enfin et lui dit en riant : « Allez, touchez là, mon cousin, car, pardieu, voilà tout le mal et le déplaisir que vous recevrez de moi. » À partir de ce moment, l’ancien chef de la Ligue ne s’occupa plus des affaires publiques ; mais, après l’assassinat de Henri IV, il fit partie des seigneurs qui demandèrent et obtinrent sans peine que la direction des affaires fût enlevée à Sully. Il avait eu de son mariage avec Henriette de Savoie deux fils, dont l’aîné fut le duc d’Aiguillon, qui lui succéda dans ses titres, et deux filles. Mayenne était un habile homme de guerre, et se montra en maintes circonstances non moins habile politique. Placé au milieu d’un centre de fanatiques, il fit preuve d’une grande modération relative et se concilia de vives sympathies par la facilité de son commerce et par sa libéralité.