Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE DE MÉDICIS, reine de France

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1189-1190).

MARIE DE MÉDICIS, reine de France, née à Florence en 1573, morte à Cologne en 1642. Fille du grand-duc de Toscane François Ier, elle épousa Henri IV en 1600 et devint mère de Louis XIII. Marie était loin d'être aussi belle que l'avait cru Henri IV sur la foi d’un portrait. Grande, grosse, avec des yeux ronds et fixes, « elle n’avait rien de caressant dans les manières, dit Sismondi, aucune gaieté dans l’esprit ; elle n’avait point de goût pour le roi ; elle ne se proposait point de l’amuser ou de lui plaire ; son humeur était acariâtre et obstinée ; toute son éducation avait été espagnole, et dans l'époux, qui lui paraissait vieux et désagréable, elle soupçonnait encore l'hérétique relaps. » Une telle princesse était peu faite pour fixer enfin le cœur volage du Vert-galant qui, rebuté dès le début, alla chercher des consolations auprès de sa maîtresse la belle marquise de Verneuil, et l'installa bientôt au Louvre, dans un appartement voisin de celui de la reine. À partir de ce moment, la mésintelligence régna à peu près constamment entre les deux époux. Marie avait avec Henri IV des querelles incessantes, se montrait altière, irascible, violente à l’excès. Un jour, elle allait frapper le roi, lorsque Sully, qui était présent, retint fort à propos son bras. Sans rancune, Henri faisait toujours les premiers pas pour amener une réconciliation toujours éphémère. Il donna à la reine des témoignages d'une affection sincère lorsqu'elle devint mère du dauphin ; il consentit, sur ses instances, à rétablir l’ordre des jésuites (1603), à la nommer régente (1610), enfin à la faire couronner et sacrer à Saint-Denis. Le lendemain du sacre, Henri IV était assassiné par Ravaillac (14 mai 1610). Marie fut soupçonnée d’avoir trempé dans le crime qui coûta la vie à son époux. Devenue régente, elle se confia à d’indignes favoris (v. CONCINI), fit sortir du conseil Sully, Villeroi, Jeannin, s’attacha à détruire l'ouvrage et à condamner les projets de son époux, et accabla le peuple d'impôts, après avoir dissipé en folles prodigalités, en largesses faites aux grands qui montraient quelque velléité de résistance, le trésor amassé par Sully. Le mécontentement qu’excita sa conduite fut bientôt universel. Ayant eu à lutter contre le parti des princes, à la tête duquel se trouvait Condé, Marie de Médicis se vit contrainte de signer avec les rebelles le traité de Sainte-Menehould (1614). Cette même année, Louis XIII fut reconnu majeur, mais la reine mère continua à administrer le royaume. Presque aussitôt la guerre civile recommença. Forcée de céder, Marie de Médicis prodigua en gratifications pécuniaires plus de six millions, congédia Sillery et d'Épernon, mit Condé à la tête du conseil (1616), mais le fit arrêter au bout de quelques mois. Sur ces entrefaites, Louis XIII, dont elle s’était aliéné le cœur, fit mettre à mort Concini, remit l'autorité à son favori de Luynes et éloigna sa mère de la cour (1617). Marie tenta, mais sans succès, de ressaisir par les armes son influence perdue, fit la guerre à son fils et fut vaincue aux Ponts-de-Cé. Richelieu la réconcilia avec le roi (1620) ; mais, quelques années plus tard, après la journée des Dupes, il fut obligé de la faire exiler de nouveau, à cause de ses intrigues et de ses complots (1631). Envoyée à Compiègne, elle s'échappa peu après de cette ville, quitta la France, se réfugia successivement à Bruxelles, puis à Londres, et enfin à Cologne, où elle mourut (1642) dans un dénuement presque absolu. Cette princesse, au caractère faible, aux passions vives, sans cesse conduite par d’obscurs confidents, vindicative par entêtement, constamment la première victime de son goût pour l’intrigue, hautaine dans sa prospérité, humble et suppliante dans les jours mauvais, devenue par son détestable caractère insupportable à son mari, à son fils, à ses favoris eux-mêmes, n’eut qu’un seul mérite, héréditaire du reste dans sa famille, celui de protéger et d’aimer les lettres et les beaux-arts. Elle donna des pensions à Malherbe, au cavalier Marin, nomma Philippe de Champaigne son premier peintre. C’est elle qui fit construire le palais du Luxembourg, l’aqueduc d’Arcueil, l’hôpital de la Charité. On lui doit aussi une collection de tableaux de Rubens, représentant les principaux faits de sa vie et de celle de Henri IV, qu’on voit aujourd’hui au musée du Louvre.

- Iconogr. On possède un portrait de Marie de Médicis gravé sur bois en 1587. La jeune princesse y est représentée en buste, de profil, la bouche légèrement ouverte, les cheveux nattés et couverts d’une espèce de coiffure à la romaine. Cette pièce passe généralement pour être l’œuvre de Marie de Médicis elle-même ; mais M. Charles Blanc a combattu cette opinion ; il a fait remarquer que, loin d’être l’œuvre d’un simple amateur, cette gravure attestait une très grande habileté et une très grande pratique de la xylographie.

Deux portraits de Marie de Médicis, par F. Porbus, appartiennent au Louvre ; l’un, daté de 1612, provient de l’ancienne collection Campana. Au palais Pitti est un portrait de cette princesse par Scipione Pulzone. Outre le tableau qui est au Louvre (no 457), et qui a été gravé par J .-B. Massé en 1708, Rubens a peint Marie de Médicis vêtue de deuil ; ce dernier portrait est au musée de Madrid. Divers portraits de cette reine ont été gravés par Th. de Leu.

Le musée d’Amsterdam a un tableau de Sandrart représentant la Compagnie des archers assistant à l’arrivée de Marie de Médicis, M. Jules Ravel a peint Marie de Médicis et Leonora Galigaï (Salon de 1864).

Marie de Médicis (VIE DE), suite de vingt et un tableaux allégoriques, par P.-P. Rubens (musée du Louvre). Cette belle série avait été commandée au peintre, en 1620, par la veuve de Henri IV, pour servir de décoration à l’une des galeries du Luxembourg ; l’autre galerie parallèle devait être consacrée à la vie de Henri IV, mais l’exil de Marie de Médicis empêcha de donner suite à ce projet. Rubens vint à Paris en 1621 et fit en grisaille les esquisses de la première série, qu’il peignit ensuite dans son atelier, à Anvers, en se faisant aider de quelques-uns de ses élèves : J. Jordaens, Diepenbeck, Van Thulden, Van Egmont, C. Schut, Simon de Vos ; il acheva les tableaux sur place, dans divers séjours qu’il fit à Paris, de 1623 à 1625. En voici les sujets : I. La destinée de Marie de Médicis. II. Sa naissance à Florence le 26 avril 1573. III. Son éducation. IV. Henri IV reçoit le portrait de Marie de Médicis. V. Le grand-duc épouse par procuration sa nièce au nom du roi. VI. Débarquement de la reine au port de Marseille. VII. Mariage de Henri IV et de Marie de Médicis, accompli à Lyon le 9 décembre 1600. Ce tableau est un des plus frappants de la collection, et la tête de Henri IV est peut-être le portrait le plus parfait qui existe de ce roi. VIII. Naissance de Louis XIII à Fontainebleau le 27 septembre 1601. IX. Henri IV part pour la guerre d’Allemagne et laisse à la reine le gouvernement du royaume. X. Couronnement de Marie de Médicis. Cette belle composition est regardée comme la plus parfaite de cette suite historique, et on la met au nombre des chefs-d’œuvre de Rubens. XI. Apothéose de Henri IV et régence de Marie de Médicis. XII. Gouvernement de la reine. XIII. Voyage de Marie de Médicis aux Ponts-de-Cé. XIV. Échange de la princesse Isabelle de Bourbon, qui doit épouser Philippe IV, et d’Anne d’Autriche, destinée à Louis XIII. XV. Félicité de la régence. XVI. Majorité de Louis XIII. XVII. La reine s’enfuit du château de Blois, où son fils l’avait reléguée par le conseil de ses courtisans. XVIII. Réconciliation de la reine avec son fils. XIX. Conclusion de la paix. XX. Entrevue de Médicis et de son fils. XXI. Le Temps fait triompher la Vérité.

C’est une opinion assez accréditée parmi un certain nombre de critiques que cette série, quoique fort belle, ne suffit pas pour faire connaître complètement Rubens. Les juges les plus compétents ne partagent pas cet avis. À leurs yeux, la galerie Médicis est une des œuvres les plus prodigieuses de ce fécond génie. Ce qui rend cet ouvrage non moins admirable, c’est le peu de temps que l’artiste mit à l’exécuter ; il est vrai qu’il se fit aider par ses élèves, qui ébauchaient ordinairement ses tableaux, et il serait même aisé de désigner ceux où Jordaens a mis la main ; mais cette promptitude n’en est pas moins extraordinaire, et c’est une qualité de plus quand elle ne nuit pas à la perfection.

« Cette histoire de Marie de Médicis, dit M. Viardot, qui n’était que la décoration d’un palais, rapportée du Luxembourg au Louvre, sera désormais l’ornement du musée ; elle sera aussi l’une des principales gloires de son auteur. Sans doute, si l’on considère d’abord le sujet, ce vaste poëme en vingt et un chants n’est pas précisément un livre d’histoire, mais seulement une suite d’allégories ou, mieux encore, de flatteries allégoriques à travers lesquelles il est assez difficile de reconnaître l’altière, opiniâtre et fausse Marie de Médicis qui, épouse, se fit détester de son époux, mère, se fit détester de son fils, et, régente, se fit détester de la France. Sans doute aussi, en les considérant comme de simples œuvres d’art, il ne se trouve pas dans ces vingt et un chapitres une page aussi magistrale que la fameuse Descente de croix d’Anvers ; mais, toutefois, par la grandeur inusitée de l’ensemble, par l’invention inépuisable et l’infinie variété des sujets, ainsi que par la merveilleuse exécution de leurs détails, la Vie de Marie de Médicis, prise en masse, ne cède à nulle page de Rubens le premier rang dans son œuvre immense. » Il est à regretter que les précieuses esquisses, faites en grisaille par Rubens en 1621, et qui seraient si bien auprès des tableaux, se trouvent à la pinacothèque de Munich. De ces nombreuses toiles, celle du Couronnement de Marie de Médicis est considérée comme la plus belle ; elle a été gravée par J. Audran et Landon.

La Vie de Marie de Médicis a été l’objet, dans les premières années du second Empire et sous la direction de M. de Nieuwerkerke, d’un rajeunissement qui a été diversement apprécié par la critique. On a détaché le vernis jaune qui couvrait toutes les toiles, et Rubens est apparu avec des tons rutilants et des carnations sanguinolentes qu’on ne lui connaissait pas. Il paraît que tels durent être les tableaux quand ils sortirent de la main du maître, et le vernis qui les avait fait rancir nous empêchait d’en avoir une idée vraie. Ainsi soit-il. Mais ceux qui étaient habitués à l’aspect des Rubens tels qu’on les connaissait jusqu’alors crièrent comme si on les avait écorchés eux-mêmes.