Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE, duchesse de Bourgogne et dauphine de France, fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1201).

MARIE-ADÉLAÏDE DE SAVOIE, duchesse de Bourgogne et dauphine de France, fille de Victor-Amédée II, duc de Savoie, née à Turin en 1685, morte à Versailles en 1712. Elle fut élevée par la spirituelle comtesse Dunoyer, conduite à Versailles à onze ans et mariée au jeune duc de Bourgogne avec une pompe extraordinaire le 7 décembre 1697. Lorsqu’elle eut achevé son éducation à Saint-Cyr, elle fut installée à la cour. Par sa gaieté, son esprit, sa familiarité, ses hardiesses même, elle devint aussitôt l’amusement et la joie de l’inamusable Louis XIV et l’enfant gâté de Mme de Maintenon. « Elle était régulièrement laide, dit Saint-Simon, qui a tracé de cette princesse un portrait des plus piquants. Les joues pendantes, le front avancé, le nez qui ne disait rien, de grosses lèvres tombantes, des cheveux et des sourcils châtain brun, fort bien plantés, des yeux les plus parlants et les plus beaux du monde, le plus beau teint et la plus belle peau, le cou long avec un soupçon de goitre qui ne lui seyait pas mal, un port de tête galant, gracieux, majestueux, et le regard de même ; le sourire le plus expressif, une taille longue, ronde même, aisée, parfaitement coupée, une marche de déesse sur les nuées ; elle plaisait au dernier point… En public, sérieuse, mesurée, respectueuse avec le roi, et en timide bienséance avec Mme de Maintenon. En particulier, causant, voltigeant autour d’eux ; tantôt penchée sur le bras d’un fauteuil de l’un ou de l’autre, tantôt se jouant sur leurs genoux, elle leur sautait au cou, les embrassait, les caressait, les chiffonnait… Elle était l’âme des fêtes, des plaisirs, des bals, et y ravissait par les grâces et la perfection de sa danse. » Sa conversation était aussi vive qu’animée. « Savez-vous, ma tante, disait-elle un jour à Mme de Maintenon devant Louis XIV, pourquoi les reines d’Angleterre gouvernent mieux que les rois ? C’est que les hommes gouvernent sous le règne des femmes et les femmes sous celui des hommes. » Avec sa passion pour les plaisirs, son goût pour la parure, les fêtes, le jeu, il n’est point surprenant qu’elle n’ait eu qu’une affection médiocre pour son mari, prince gourmé, confit en dévotion, au sujet duquel elle disait spirituellement un soir devant Louis XIV : « Je désirerais de mourir avant mon mari, et de revenir ensuite pour le trouver marié avec une sœur grise ou une tourière de Sainte-Marie. » Ses coquetteries imprudentes avec Nangis, Maulevrier et autres ont laissé planer de graves soupçons sur sa fidélité conjugale. Elle avait vingt-six ans et était depuis dix mois dauphine lorsqu’elle mourut d’une rougeole pourprée, laissant un fils qui fut Louis XV. Après sa mort, on trouva dans sa cassette des lettres qui prouvèrent que, admise par Louis XIV aux délibérations dans lesquelles se prenaient les résolutions politiques les plus importantes, elle abusait de cette confiance en informant son père de tout ce qui pouvait l’intéresser.