Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/MARGUERITE DE PROVENCE, reine de France, fille du comte de Provence

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 4p. 1170).

MARGUERITE DE PROVENCE, reine de France, fille du comte de Provence, née en 1219, morte en 1295. Elle épousa saint Louis en 1234, se montra par ses vertus et par son affection digne d’être sa compagne, et se fit tendrement aimer de son mari, malgré les efforts constants de la reine Blanche pour séparer les deux époux, dans la crainte que Marguerite ne prît à son détriment de l’ascendant sur l’esprit du roi. « La reine Blanche, dit à ce sujet le chroniqueur Joinville, ne vouloit souffrir à son pouvoir que son fils fust en la compagnie de sa femme, sinon le soir quand il alloit coucher avec elle. Les hostels où il plaisait mieux au roi et à la reine à demeurer, c’estoit à Pontoise, pour ce que la chambre du roi estoit dessus et la chambre de la reine dessous, et avoient ainsi accordé leur besogne qu’ils tenoient leur parlement en un escalier à vis qui descendoit de l’une chambre en l’autre. Et avoient ordonné que quand les huissiers voyoient venir la reine Blanche en la chambre du roi son fils, ils battoient les portes de leurs verges, et le roi s’en venoit courant en sa chambre pour que sa mère l’y trouvast. Une fois estoit le roi auprès de la reine sa femme, et estoit en grand péril de more pour ce qu’elle estoit blessée d’un enfant quelle avoit eu. Là vint la reine Blanche, et prit son fils par la main et lui dit : « Venez-vous-en, vous ne faites rien ici. » Quand la reine Marguerite vit que la reine emmenoit le roi, elle s’écria : « Hélas ! vous ne me laisserez voir mon seigneur ni morte ni vive ! » En 1248, Marguerite accompagna Louis IX à la première croisade et resta à Damiette pendant que le roi faisait l’expédition de Mansourah. Au moment où elle apprit la captivité de saint Louis, elle était enceinte et assiégée dans Damiette par les Sarrasins. N’ayant plus d’espoir d’être secourue, elle détermina les croisés à résister et pria un vieux chevalier de lui couper la tête si la ville était prise. « Vous serez obéie, lui répondit le chevalier ; j’y avais déjà pensé. » Quelques jours après, Marguerite devint mère d’un fils, à qui elle donna le nom de Tristan. Elle parvint à sortir de Damiette avant la reddition de la place, trouva l’argent nécessaire pour la rançon du roi et revint avec Louis IX en France, lorsque la mort de la reine Blanche rappela le roi dans ses États (1254). Sans prendre part au gouvernement, Marguerite devint le conseiller secret de son mari, à qui elle donna d’utiles conseils, et qu’elle détourna notamment d’abdiquer et de se faire dominicain (1255). Après la mort de saint Louis (1270), elle se retira dans un couvent qu’elle avait fondé au faubourg Saint-Marcel, à Paris, multiplia les fondations pieuses, et s’occupa en même temps de faire valoir ses droits sur la Provence, dont s’était emparé Charles d’Anjou. Cette princesse avait eu onze enfants de son mariage avec Louis IX.