Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Langue française (OBSERVATIONS SUR LA), par Ménage

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 1p. 160-161).

Langue française (OBSERVATIONS SUR LA), par Ménage (Paris, 1672, 2 vol.). On trouve dans le premier volume une foule de remarques très-justes et très-ingénieuses, appuyées sur un très-grand nombre de citations et d’exemples savants. L’auteur corrige beaucoup d’erreurs de Vaugelas et d’autres grammairiens. Ménage tient un grand compte de l’usage, qui est l’arbitre souverain en fait de langage. Malheureusement, on remarque aussi dans Ménage beaucoup d’observations puériles ou trop minutieuses.

Le second volume a un caractère un peu différent. Il est précédé d’un avis au lecteur dans lequel Ménage se plaint amèrement du P. Bouhours, « qui a écrit, dit-il, contre la première partie de ces Observations avec une fureur indigne d’un prêtre et d’un religieux. » Le P. Bouhours avait, en effet, publié un livre intitulé : Doutes sur la langue française proposés à Messieurs de l’Académie française par un gentilhomme de province, et, dans cet ouvrage, il relevait quelques-unes des Observations de Ménage. Là-dessus, celui-ci a cru devoir faire semblant de croire que Bouhours n’était pas l’auteur du livre des Doutes, et il lui répond par d’assez mauvaises plaisanteries : « Les raisons que j’avais de douter que le P. Bouhours fût l’auteur du livre des Doutes sont si fortes et en si grand nombre, qu’on ne peut douter que je n’en aie douté… Si je l’avais nommé, j’aurais peut-être été cause que son supérieur lui aurait fait une sévère réprimande pour s’être amusé à régler la langue au lieu de régler ses passions, à apprendre à bien parler au lieu d’apprendre à bien vivre, à lire sans cesse Voiture et Sarrazin, Molière et Despréaux, au lieu de lire sans cesse la Bible et les Pères, l’Histoire de l’Église et les Conciles… On m’a persuadé qu’il y allait de l’intérêt public de punir l’insolence de ce petit grammairien en langue vulgaire, qui, n’ayant pas de jugement, juge souverainement de toutes choses, qui, n’ayant point d’érudition, fait le procès aux plus savants écrivains du siècle, et qui croit être grand théologien parce qu’il trouve quelques légères fautes de langue dans quelques livres de théologie. » Le P. Bouhours répondit, comme on peut bien le penser. Cette petite querelle est un épisode du second volume, un pamphlet grammatical aussi lourd qu’ennuyeux contre le P. Bouhours. On lit à chaque ligne, dans la table des matières : Le P. Bouhours n’a point lu la Bible ; le P. Bouhours ne sait pas l’italien ; le P. Bouhours est ignorant des étymologies, mauvais logicien ; fausse délicatesse, bévues, remarques puériles, fautes de langue du P. Bouhours ; fausses règles de grammaire du P. Bouhours, etc., etc.