Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LUCQUES, en latin Luca, en italien Lucca, ville du royaume d’Italie

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 3p. 768-769).

LUCQUES, en latin Luca, en italien Lucca, ville du royaume d’Italie, autrefois capitale de l’ancien duché de Lucques, actuellement chef-lieu de la province de l’arrondissement de son nom et de deux mandements (cantons), sur l’Ozorra, bras du Serchio, à 55 kilom. N.-O. de Florence, à 1,392 kilom. S.-E. de Paris, par 43» 50’ de latit. N. et 8» 9’ de longit. E. ; 65,435 hab. Archevêché ; résidence des autorités civiles et militaires de la province, tribunaux, université, collège CartoLudoaico, école de peinture ; Académie des sciences, lettres et arts, fondée en isoâ par la princesse Bacciochi ; deux bibliothèques, jardin botanique. Fabrication de soieries, velours, draps, lainages, fez, couvertures de laine, toiles de chanvre et de coton, papier, etc. Lucques fait un commerce considérable en soie et en’ huile d’olive de son territoire, réputée la meilleure de l’Italie ; en céréales, fruits, graines oléagineuses et bois à brûler. L’importation consiste principalement en poisson salé, denrées coloniales, vin, charbon, etc. Depuis l’établissement du chemin de fer de Livourne à Pistoia, dont Lucques est une des principales stations, le mouvement commercial et l’industrie de cette place tendent à se développer considérablement. Les opérations de Lucques avec l’étranger, qui se faisaient autrefois par le petit port de cabotage de Viareggio, s’effectuent maintenant par le port libre de Livourne, avec lequel le chemin de fer met Lucques en communication.

Lucques, située dans une plaine fertile, près de la rive gauche du Serchio, est entourée de remparts percés de quatre portes et formant de magniriques boulevards plantés de platanes, de trembles et d’acacias qui cachent la ville comme dans un nid de verdure. « Quand ou approche de Lucques, dit M. Du Pays, on n’en aperçoit rien, que le clocher carré du dôme qui domine. Du haut de ses boulevards, qu’on peut parcourir en voiture, la vue s’étend sur une plaine verdoyante et fertile, couverte d’arbres et bordée du côté du nord, par une chaîne de montagnes à peu de distance, La ville a 3 milles de circuit ; elle est bien bâtie ; les rues sont bien percées et bien aérées. »

Le plus remarquable édifice de Lueques est la cathédrale Saint-Martin, fondée on 1060 par l’évêque Badagio, qui fut pape sous le nom d’Alexandre H, et altérée par des addi LUCQ

tions et des restaurations. L’ensemble du monument rappelle l’architecture française du xnie siècle. La façade, élevée par Guidetto en 1204, offre trois galeries à arcades superposées. Les sculptures du portique représentent les douze mois et des sujets tirés de l’histoire de saint Martin. Sur les murs sont flfurés des griffons, des lions, des serpents, es cerfs, des aigles, des guerriers et divers ornements. Les sculptures qui décorent la dessus des portes représentent : Saint Régu~ lus en controverse aoec les ariens • une hescente de croix, par Nicolas de Pise, et une Adoration des mages qui passe pour être l’œuvre de Jean de Fise. L intérieur du monument a la forme d’une croix latine ; il se divise en trois nefs. On y remarque : une Nativité, de D. Passignano ; une Adoration des mages, de Fed. Zucchero ; une Cène, du Tintoret ; un Crucifiement, de Passignano ; une belle chaire en marbre (xvo siècle), de Matteo Civitali ; une Madone et des Saints, par Ghirlandajo ; une croix du xivo siècle, excellent ouvrage d’orfèvrerie ; le monument en marbre de Carrare du Père da Noceto, secrétaire de Nicolas V, par Matteo Civitali ; le tombeau et le buste du comte Dom. Bertini, par Matteo Civitali ; l’autel de saint Régulus, en porphyre et eu marbre, avec huit colonnes ; les statues de saint Sébastien et de saint Jean-Baptiste, par Matteo Civitali ; l’auiel de la Liberté, érigé en mémoire de la délivrance du joug des Pisans ; les statues de saint, Pierre et de saint Paul, par Jean Bologne ; Sainte Péironille, belle peinture de Daniel de Volterre ; le monument, en marbre de Carrare, d’Ilaria del Cnretto, épouse de Paolo Guinigi, par Jac. délia Quercia ; une Madone avec des saints et un ange qui joue du luth, œuvre admirable de Frà Bartolommeo ; une petite chapelle en marbre, richement décorée, dans laquelle se voient la statue de saint Sébastien, par Matteo Civitali, et un crucifix qui, selon la tradition, a ététrouvé miraculeusement en 782 ; des fresques de Cosimo Roselli, etc.

L’église San-Frediano, une des plus grandes et des plus anciennes de Lucques, fut fondée au vu» siècle et construite avec différents matériaux de l’amphithéâtre de Lucques, Cette église a été complèteraeût»*^our ; iee au XII» siècle, c’est-à-dire que l’entrée actuelle a pris la place de l’abside. La façade offre une belle mosaïque représentant Jésus-Christ sur un trône entre deux anges. L’intérieur est divisé en trois nefs ; celle du milieu est formée de vingt-deux colonnes de marbres divers, supportant des arcades plein cintre. On remarque à l’intérieur du monument : une grande cuve en marbre pour le baptême par immersion, ornée de sculptures du xiie siècle ; les nouveaux fonts baptismaux, de Nie. Civitali ; un Couronnement de ta Vierge, par Francia ; la chapelle du Saint-Sacrement, décorée de sculptures de Jac. délia Quercia ; les fresques de la chapelle Saint-Augustin, par Amico Aspertino. L’église Saint-Augustin du xiv« siècle, possède une Assomption, de Zacchia le Vieux. Dans l’église San-Carmine se voient une Conception, de Vasari, et une Madone, du Pérugin. L’église San-Cristoforo, dont la façade montre la transition du style lombard au gothique italien, renferme le tombeau de Matteo Civitali. L’église San-Giovanni, curieuse basilique du x.u° siècle, est ornée d’une fresque remarquable du xve siècle. L’église San - Crooinsso dé Bianchi possède : une Assomption, de l’Espagnolet ; le Martyre de saint Barthélémy, par Battoni. San-Francesco : tombeau de Castruccio Castracani. Santa-Maria in Corte Orlandini ; copies de tableaux du Guide, Assomption, par Luca Giordano. Santa-Maria Fonsportam : Sainte Lucie, Madone et saints, par le Guerchin. San-Michele : Madone, par Frà Filippo Lippi ; Martyre de saint André, par Pietro Paolino. Sau-liomano : Madone, Lieu, te Père, Sainte Marie-Madeleine et sainte Catherine de Sienne, deux chefs-d’œuvre de Frà Bartolommeo. San-Salvatore : belles sculptures des portes (xiie siècle), représentant la Parabole du festin et le Martyre de saint Nicolas, par Biduino ; à l’intérieur, Ascension, de Zacchia Vecchio. Santa-Trinità : Madone sur le trône, sculpture de Matteo Civitali.

Nous signalerons aussi : le palais ducal, commencé en 157S par Ammanati, et dans lequel se voient un bel escalier en inarbre et quelques bonnes peintures modernes ; le Palazzo Pretorio, qui date du xvo siècle ; le Palazzo-Borghi, bâti en 1413 par Paolo Guinigi ; le cabinet d’histoire naturelle ; les théâtres ; le Palazzo Mansi, où l’on remarque des tableaux italiens, flamands et hollandais ; les restes d’un grand amphithéâtre de cinquante-quatre arcades, bâti, dit-on, au uo siècle, et pouvantcontenir 10,000 spectateurs ; les restes d’un théâtre ; l’évêchè, qui possède un beau sarcophage de marbre, et l’aqueduc, qui a 2 milles de longueur, et a coûte 1,130,151 fr. Aux environs de Lucques se trouvent une foule de villas magnifiques et des bains très-fréquentés, situés dans une des vallées les

plus riantes et les plus fraîches de la Toscane. « On a donné le nom de bains de Lucques, dit M. Du Pays, à quatre villages rapprochés et aux différentes sourocs qui s’y trouvent. La plus anciennement connue de ces eaux thermales est celle de Bagno-Caldo, dont la célébrité date du xuo siècle. La température varie de 27» à 43° Réaumur. Elles sont considérées comme efficaces dans les fièvres intermittentes, les affections ner- veuses, les obstructions, la gravelle, etc. La vallée où sont situés les bains de Lucques est vantée pour sa salubrité. On y jouit pendant l’été d’une fraîcheur agréable, relativement à cette région de l’Italie. L’affluence des étrangers aux bains de Lucques est très-considérable. Dans les environs, se trouve aussi l’ancien palais d’été du grand-duc, entouré de jardins et d’un vaste parc.

L’origine de Lucques se perd dans la nuit des temps ; quelques auteurs regardent sa fondation comme contemporaine de celle de Rome. Toutefois, l’histoire de cette ville ne devient authentique qu’après la conquête romaine, l’an 178 av. J.-C. Bien que soumise aux Romains, elle jouissait du privilège de se gouverner par ses propres lois. Jules César y passa l’hiver de l’an 53 av. J.-C, et y reçut une grande partie du Sénat et de la noblesse de Rome. Pillée par les Goths en 491, elle était à peine relevée de ses ruines qu’elle fut de nouveau saccagée par les Lombards, qui la conservèrent jusqu’à l’avènement des Carlovingiens au trône de France. Charlemagne, après avoir détruit la puissance des Lombards en Italie, rendit à Lucques quelque splendeur, et cette ville jouit d’une liberté assez étendue. Les guerres qui précédèrent et suivirent la mort de Louis le Débonnaire lui firent subir diverses vicissitudes, au milieu desquelles elle se signala par sa fidélité à l’empire. Lors de la lutte de Frédéric Barberousse contre l’Italie méridionale (1173), Lucques fournit à cet empereur une puissante armée, à la tête de laquelle Frédéric envahit le territoire de Florence. Mais les Pisans, alliés de cette dernière ville, firent contre Lucques une diversion qui obligea les habitants à venir défendre leurs foyers. Des agitations intérieures désolèrent cette malheureuse cité pendant toute la durée du moyen âge. Guelfes et Gibelins se disputèrent longtemps la possession de Lucques. Parmi les différents maîtres qui la gouvernèrent, il faut distinguer le brave Castruccio Castracani, qui fut reconnu seigneur de Lucques en 1316. Après la mort de Castruccio, l’empereur Louis de Bavière, sous prétexte de protéger les fils de ce seigneur, entra dans Lucques et s’en empara ; il la vendit à Gérard Spinola de Gênes, auquel succéda un certain Pierre Rossi, qui la céda à Mastino della Scala, lequel à son tour la rendit aux Florentins. L’empereur Charles IV la fit gouverner par un vicaire qui lui rendit sa liberté moyennant 25,000 florins d’or. À partir de cette époque, Lucques se gouverna par elle-même jusqu’au moment où elle tomba au pouvoir des Français, qui lui imposèrent une nouvelle constitution. En 1805, Lucques et son territoire furent réunis, sous le titre de principauté, à Piombino, et Napoléon en fit don à Bacciochi, qui avait épousé Élisa Bonaparte. En 1815, Lucques et son territoire furent occupés par les Autrichiens. Le congrès de Vienne donna comme indemnité Lucques et ses dépendances, qui formaient le duché de Lucques, à la famille du grand-duc de Parme, dont les États formèrent une principauté attribuée à Marie-Louise. Toutefois, à la mort de cette princesse, Lucques et son territoire devaient être réunis à la Toscane. À partir de ce moment, le duc titulaire prit peu de souci d’un État qu’il ne possédait en quelque sorte que par intérim. Le grand-duc de Toscane prit possession du duché de Lucques en 1847. Cette possession ne fut pas de longue durée : quand éclata la guerre de 1859 entre l’Autriche et l’Italie, les sujets du duc de Toscane se prononcèrent en faveur de la cause italienne, et, en 1861, entrèrent spontanément dans l’unité de l’Italie.

De nos jours la ville de Lucques et son territoire, ancien duché de Lucques, forment une province du nouveau royaume d’Italie. Cette province, comprise entre celles de Pise au S., de Florence à l’E., de Modène au N., et la Méditerranée à l’O., mesure 1,493 kilom. carrés ; elle a pour chef-lieu Lucques, et se trouve divisée en 13 prétures, 21 communes, avec une population totale de 256,161 hab. La frontière orientale de cette province touche à la chaîne principale des Apennins, dont quelques ramifications hérissent la contrée, qui n’est arrosée que par le Serchio et quelques autres ruisseaux insignifiants. Le sol n’est pas, il est vrai, également fertile partout, mais il est cultivé partout avec le plus grand soin, ce qui justifie le dicton italien suivant : « Si la Toscane est le jardin de l’Italie, Lucques est le jardin de la Toscane. » Les principaux produits de cette province sont les fruits de toute espèce, les olives, les châtaignes, les amandes, les oranges, les citrons et les figues ; on y cultive beaucoup aussi le mûrier. La récolte en céréales ne suffit pas à la consommation locale. On y fait d’excellent vin et de l’huile très-renommée.