Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LOUIS IX ou SAINT LOUIS, roi de France, fils et successeur du précédent

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 2p. 699-701).

LOUIS IX ou SAINT LOUIS, roi de France, fils et successeur du précédent, né à Poissy le 25 avril 1215, mort devant Tunis le 25 août 1270. Il n’avait pas douze ans quand il succéda à son père, en novembre 1226. Sa mère, l’énergique Blanche de Castille, prit la régence, malgré l’attitude suspecte et menaçante des grands barons et des seigneurs, se hâta de conduire son fils à Reims pour ajouter le prestige du sacre à ses droits d’héritier, et fit avorter une première tentative de soulèvement en gagnant à sa cause un des plus puissants feudataires, Thibaut, comte de Champagne. Néanmoins, les seigneurs renouèrent leurs trames et se rassemblèrent en force à Corbeil, pour enlever le jeune roi à son passage d’Orléans à Paris. Mais Blanche s’arrêta prudemment à Montlhéry et envoya demander des secours aux Parisiens, qui sortirent en foule et obligèrent les coalisés à battre en retraite (fév. 1227). Les années suivantes, elle eut des luttes sérieuses à soutenir contre Mauclerc, duc de Bretagne, contre le duc de Bourgogne, les barons de Guyenne, de Poitou, etc., comme il a été dit au mot Blanche de Castille, auquel nous renvoyons le lecteur pour les détails relatifs à la reine mère et qui ne peuvent trouver place ici. Il suffira de rappeler que, par sa vigueur, ainsi que par d’adroites négociations, Blanche brisa en partie la ligue de ses puissants ennemis et termina la guerre civile par la trêve de Saint-Aubin-du-Cormier (1231). Ce fut la fin des troubles de la minorité de Louis IX. Cette période orageuse avait encore été marquée par la continuation de l’implacable guerre contre les albigeois, par l’établissement de l’inquisition à Toulouse, par la dissolution et la reconstitution de l’Université de Paris, et par quelques autres événements de moindre importance.

En 1234, Blanche fit épouser au jeune roi Marguerite de Provence ; mais le mariage ne fut consommé que plusieurs années après, la jeune princesse n’étant pas encore nubile. Marguerite eut beaucoup à souffrir du caractère impérieux de sa belle-mère, jalouse de toute autre influence que de la sienne, et qui, jusqu’à sa mort, continua à gouverner de fait le royaume et la famille royale. Elle avait élevé son fils dans les sentiments d’une piété ardente, en même temps qu’elle le dressait à une obéissance absolue ; la soumission de Louis IX était si entière, que souvent il se cachait pour jouir de la conversation et de la compagnie de sa femme, la reine mère séparant le plus qu’elle le pouvait les deux jeunes gens, dans la crainte de voir diminuer son ascendant.

Peu de temps après son mariage, Louis fit une expédition en Bretagne (la trêve venait d’expirer), et contraignit Mauclerc à renouveler l’hommage féodal, à livrer trois châteaux et à renoncer aux fiefs qu’il possédait hors de son duché (nov. 1234). Une nouvelle trêve conclue avec l’Angleterre et le départ d’un grand nombre de barons pour la terre sainte assurèrent mieux encore la tranquillité du royaume.

Déclaré majeur en 1236, le roi prit en main la conduite des affaires, sans cesser, d’ailleurs, de se soumettre à la haute direction de sa mère. En 1239, il acquit de Baudouin, empereur latin de Constantinople, la couronne d’épines qui passait pour celle qui avait ceint le front de Jésus-Christ et qui faisait partie du trésor de Sainte-Sophie. Baudouin, pressé d’argent, l’avait mise en gage entre les mains d’usuriers vénitiens. Connaissant la passion du roi de France pour les reliques, il lui offrit la couronne en toute propriété, moyennant un prix digne de l’objet. Louis, fort affligé en ce moment de la perte récente d’un très-saint clou du Seigneur que l’on conservait à Saint-Denis, consentit avec joie au marché, remboursa les préteurs et paya grassement Baudouin. Déjà Saint-Denis possédait une « vraie couronne ; » désormais on en eut deux à offrir à la vénération des fidèles. Deux ans plus tard, Baudouin, qui se trouvait bien de son brocantage, vendit au même client une portion considérable de la sainte croix, le fer de la lance et l’éponge. Il eût fini sans doute par négocier le fiel et le vinaigre, pour compléter tous les ustensiles de la Passion. Louis IX achetait tout, sans aucun doute et sans hésitation. Pour loger dignement les précieuses reliques, il fit construire l’admirable édifice connu sous le nom de Sainte-Chapelle, le seul monument à peu près intact qui nous soit resté du grand architecte Pierre de Montreuil.

En 1241, Louis tint à Saumur une cour plénière, pour armer chevalier son frère Alphonse et l’investir solennellement du Poitou et de la suzeraineté d’Auvergne. C’était la continuation de la lutte de la royauté contre la féodalité. Depuis trente-cinq ans que le Poitou avait été conquis par Philippe-Auguste, aucun traité définitif n’avait réglé la possession française et les anciens droits anglais. Les barons poitevins prêtèrent à contre-cœur le serment féodal, mais bientôt allèrent se rallier au château de Lusignan, autour du comte de La Marche, et préparèrent une prise d’armes avec l’appui de Henri III, roi d Angleterre. Louis IX arma rapidement, enleva les principales places du Poitou, et, par les victoires de Taillebourg et de Saintes (juillet 1242), brisa complètement la ligue de ses ennemis, du moins réduisit le comte de La Marche et tous les barons à se soumettre humblement ; mais, en voulant poursuivre ses succès jusqu’en Aquitaine, contre les Anglais, il vit son armée décimée par les maladies et les privations ; lui-même fut assez gravement atteint, et peut-être fut-il heureux de conclure avec Henri III un traité de paix qui, d’ailleurs, était fort avantageux pour la couronne.

Cependant le Midi se souleva de nouveau pour tenter de s’affranchir de la tyrannie sanguinaire des inquisiteurs ; mais bientôt Raymond VII, comte de Toulouse, le chef naturel de toutes les révoltes albigeoises, dut faire une nouvelle soumission et se mettre à la disposition du roi de France, qui le traita avec générosité, mais ne garantit point les populations languedociennes de la terreur ecclésiastique. Cette campagne de 1242 avait terminé la lutte contre les grands vassaux. La suzeraineté royale s’étendit dès lors depuis l’Escaut et la Meuse jusqu’au Rhône et aux Pyrénées. En même temps, des changements assez considérables dans la législation vinrent coïncider avec cette évolution politique. C’est ainsi que Louis IX obligea les seigneurs normands et autres à opter entre la France et l’Angleterre, c’est-à-dire à choisir entre les fiefs qu’ils possédaient dans l’un et dans l’autre pays (1243).

Pendant que ces événements s’accomplissaient en Europe, l’Orient était agité. Le contre-coup des invasions mongoles avait rejeté sur la Syrie une foule de barbares asiatiques. Une de ces peuplades errantes, les Kharismiens, avait dévasté Jérusalem, exterminant musulmans et chrétiens. La nouvelle de la ruine des lieux saints produisit un effet terrible sur l’âme de Louis IX. Malade déjà depuis la campagne d’Aquitaine, ce prince tomba dans un état qui fit craindre pour ses jours. Dans le délire de sa maladie, il fit vœu d’aller en terre sainte pour délivrer lo tombeau du Christ ; cette prise de croix était, d’ailleurs, depuis longtemps au fond de son âme et dans sa pensée. Sa santé, qui ne se rétablit que lentement, ne lui permit pas d’exécuter son projet au gré de son impatience et de son enthousiasme religieux. Mais rien ne put l’y faire renoncer, ni les affaires de son royaume, ni celles de l’Europe, ni les représentations de la reine Blanche, de l’évêque de Paris et d’autres personnes judicieuses. Arrivé en quelque sorte à l’état de voyant et d’extatique, Louis ne pouvait s’arrêter à aucune considération politique. Le 28 août 1248, il s’embarqua à Aiguës-Mortes et gagna l’île de Chypre, dans l’intention de conquérir d’abord l’Égypte, au lieu de descendre directement en terre sainte. Son long séjour dans cette île, où ses barons n’arrivèrent que successivement, ne fut pas favorable à l’expédition. Les approvisionnements s’épuisèrent, une épidémie décima l’armée, qui enfin s’embarqua le 13 mai 1249 et débarqua devant Damiette, où elle entra après un combat heureux contre les troupes égyptiennes, qui se retirèrent dans la direction du Caire, que les croisés prenaient pour Babylone. Louis IX perdit un temps précieux dans Damiette, troublé d’abord par la crue du Nil, puis en attendant la retraite des eaux. Ce ne fut qu’au mois de novembre qu’il s’ébranla pour marcher sur le Caire. Cette nouvelle période de l’expédition fut signalée par des fautes encore plus grossières, qui amenèrent enfin le désastre de Mansourah. Dans la retraite, le roi fut fait prisonnier et ne recouvra la liberté qu’en restituant Damiette et en payant une énorme rançon. Au milieu des calamités de toute nature, désastres militaires, épidémie, etc., il avait, d’ailleurs, montré autant de constance que de fermeté, mais, il faut le dire, autant d’imprévoyance que d’incapacité. Sa femme, Marguerite, qui l’avait suivi jusqu’à Damiette et qui était sur le point d’accoucher, montra aussi beaucoup d’énergie ; en apprenant les malheurs de l’armée et la captivité de son époux, elle avait fait jurer à un vieux chevalier de sa suite de la tuer si les Sarrasins prenaient la ville et pour la sauver elle-même des outrages de l’ennemi.

Cette déplorable expédition avait dévoré des sommes immenses et moissonné les principales forces militaires de la France. Tel était le résultat le plus clair obtenu par cette politique chevaleresque et chrétienne qui devait multiplier les miracles,

Louis resta en Palestine quatre années encore après sa délivrance, réparant les places maritimes qui restaient encore aux croisés, intervenant dans les affaires des princes chrétiens, bien moins préoccupé de son royaume que de la reprise aléatoire de Jérusalem. Cette pensée l’obsédait seule, et il eût sacrifié très-pieusement la France à sa réalisation. Il offrit même au roi d’Angleterre de lui rendre la Normandie et le Poitou, à la condition que ce prince viendrait le joindre en Orient avec une armée. Pendant sa longue absence, la reine Blanche avait d’ailleurs administré le royaume avec intelligence et fermeté, et, avec un grand sens politique, elle avait évité de prendre part dans la lutte de l’empire et de la papauté. Elle mourut en décembre 1252. Cet événement décida le roi, sinon à renoncer à ses chimères, du moins à revenir en France. Toutefois, il resta encore plus d’un an en Palestine, et ne fut de retour qu’au printemps de 1254 ; encore n’entra-t-il à Paris qu’en septembre.

Il s’attacha dès lors à écarter de son royaume toute cause de guerre, en se réconciliant avec ses adversaires, resserra son alliance avec la maison de Champagne par le mariage de sa fille Isabelle avec le jeune Thibaut, conclut avec le roi d’Aragon le traité de Corbeil (11 mai 1258), par lequel il abandonnait la Catalogne et le Roussillon en échange des fiefs que le roi Jayme possédait en France, et enfin poussa l’amour de la concorde jusqu’à l’oubli des intérêts nationaux, en restituant au roi d’Angleterre le Périgord, le Limousin et quelques autres portions de province. Henri III, il est vrai, renonçait à ses prétendus droits (qu’il n’était pas en état de soutenir) sur la Normandie, l’Anjou, la Touraine, etc. Ce traité impolitique et déplorable fut universellement désapprouvé. Louis s’occupa ensuite d’œuvres et de réformes utiles : il fonda plusieurs grands hôpitaux, notamment les Quinze-Vingts, pour trois cents chevaliers aveugles, interdit la prostitution et institua des établissements religieux pour recueillir les filles de mauvaise vie, encouragea les lettres et les arts, protégea l’établissement de la Sorbonne, s’efforça d’interdire les guerres privées, abolit le duel judiciaire dans ses domaines, publia la pragmatique sanction, institua les appels comme d’abus, et enfin, par ses réformes judiciaires, commença une révolution dont il était loin de prévoir les résultats (V. ÉTABLISSEMENTS DE SAINT LOUIS : c’est le nom donné au recueil de ses lois et ordonnances). Ce fut lui aussi qui constitua le parlement ; mais il ne se contentait pas d’élaborer les mesures législatives avec ses conseillers et de présider les grandes assises, il croyait de son devoir de rendre quotidiennement la justice en personne à tous ceux qui la demandaient, voulant imiter ainsi les rois et les juges d’Israël. « Lorsque le sire de Nesles, le comte de Soissons et moi et autres des siens amis, raconte Joinville, avions esté le matin à la messe, il falloit que nous allassions ouïr les plaids de la porte, puis le bon roi nous demandoit s’il y avoit quelques gensvqu’on ne pût dépêcher sans lui. S'il y en avoit, il les envoyoit quérir et les contentoit, et les mettoit en raison et droiture. Maintes fois, après qu’il avoit ouï messe en été, il s’alloit esbattre au bois de Vincennes, et s’asseyoit au pied d’un chêne (v. CHÊNE) et nous faisoit tous seoir auprès de lui. Ceux qui avoient affaire à lui venoient lui parler, sans qu’aucun huissier ni autre leur donnât empêchement, et il leur demandoit hautement, de sa propre bouche, s’il y avoit nul qui eût partie (procès) ; et quand il y en avoit aucun, il les expédioit l’un après l’autre. »

Cette simplicité de mœurs, il la portait dans tous ses actes. Doué de toutes les qualités du cœur et pratiquant les vertus privées sans aucun apparat, il était, d’ailleurs, livré aux pratiques de la plus minutieuse dévotion ; cette piété toute monacale, exclusive, étroite, était déjà un sujet de critique pour les contemporains ; on lui reprochait d’être moins un roi qu’un moine. Ce caractère étant bien connu, il n’y a pas à s’étonner de sa haine contre les hérétiques, de la protection qu’il accorda à l’inquisition et de ses rigueurs excessives contre les juifs, les blasphémateurs, etc. En réalité, il semble s’être regardé moins comme le chef politique d’un grand peuple que comme le soldat de l’Église, ou comme un justicier chargé de réprimer les pécheurs et le péché. Toutefois, malgré sa piété ardente, il montra une grande indépendance à l’égard de la cour de Rome. L’appel des sentences ecclésiastiques à la cour du roi, l’appel comme d’abus, ainsi que la pragmatique, notamment, ont fourni aux légistes de puissants moyens pour résister à la cour romaine, constituer le gallicanisme et commencer l’affranchissement du pouvoir civil et de la société laïque. Il est assez remarquable que les premiers coups portés à la suprématie ecclésiastique l’aient été par la main d’un saint.

Il faut citer encore de Louis IX la réforma monétaire qu’il accomplit et qui fut fort utile à cette époque, où quatre-vingts seigneurs environ avaient le droit de monnayage et étaient tous autant de faux-monnayeurs ; et enfin la réunion en un recueil de toutes les coutumes des métiers, sorte de code industriel et commercial qui fut comme l’origine des libertés bourgeoises, et qui, à cette époque, par les soins du prévôt Étienne Boileau, passa de l’état de coutumes orales à celui de législation écrite.

Cette seconde partie du règne de saint Louis fut une des époques les plus paisibles et les plus prospères qu’eût encore connues notre patrie, et elle contrastait avec l’état de troubles et de guerres où était alors plongée l’Europe. Malheureusement, le pieux monarque n’avait pas cessé de nourrir au fond de son âme le dessein d’une nouvelle croisade. La délivrance des lieux saints lui paraissait un objet d’une bien autre importance que les soins à donner à la direction de son royaume et de son peuple. Les nouvelles désastreuses de l’Orient vinrent raviver en lui cette pensée funeste. En 1270, après de grands préparatifs, il fit son testament, confia la régence du royaume à l’abbé de Saint-Denis et au comte de Ponthieu, et partit pour une nouvelle croisade. Comme dans la première de ces folles et héroïques aventures, il s’embarqua à Aigues-Mortes et alla débarquer sur la côte de Carthage ; il s’était déterminé à cet itinéraire assez singulier par des motifs plus ou moins chimériques, et surtout d’après les instances de son frère Charles d’Anjou, roi de Naples, qui avait des projets de conquête sur cette partie de l’Afrique. Les mêmes fautes militaires de la première expédition se renouvelèrent dans cette courte et fatale campagne. En attendant l’arrivée de son frère, Louis et son armée campèrent dans les restes misérables de l’antique Carthage et aux environs, exposés aux ardeurs meurtrières du climat, harcelés par le roi de Tunis, qui évitait tout engagement sérieux, et bientôt décimés par les maladies épidémiques et par la plus cruelle de toutes, la peste. Le roi lui-même fut atteint et mourut un mois et quelques jours après son arrivée (25 août). Il n’était âgé que de cinquante-six ans et en avait régné quarante-quatre. Charles d’Anjou fit porter comme reliques ses entrailles dans l’abbaye de Montréal, en Sicile ; les ossements furent transportés à Saint-Denis. On a cru découvrir le cœur de saint Louis à la Sainte-Chapelle, mais l’authenticité de cette relique est fort douteuse. Voyez, à ce sujet, une note sur les cœurs conservés comme reliques et que nous avons placée à la suite de l’article cœur.

La consternation fut grande dans l’armée chrétienne, abattue déjà par tant de souffrances ; cependant elle dut rester deux mois encore sur ce funeste rivage avant de pouvoir se rembarquer. Charles d’Anjou y gagna un traité avantageux pour la Sicile qu’il parvint à imposer au roi de Tunis.

Louis IX avait eu de son mariage onze enfants, parmi lesquels Philippe le Hardi, son successeur, Pierre, comte d’Alençon, et Robert, comte de Clermont, souche de la branche de Bourbon.

Louis IX fut canonisé en 1297 par Boniface VIII. Sa vie a été écrite par son ami Joinville, sénéchal de Champagne, et par son confesseur, Guillaume de Nangis ; et, parmi les modernes, par Filleau de La Chaise, l’abbé de Choisy, M. de Villeneuve de Trans, etc. Voyez aussi : Essai sur les institutions de saint Louis, par Beugnot ; De la féodalité, des institutions de saint Louis et de la législation de ce prince, par Mignet, etc.

Jugements et appréciations. « Louis IX, a dit Voltaire, paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elle avait pu l’être ; il a rendu la France triomphante et policée, et il a été en tout le modèle des hommes. Sa piété, qui était celle d’un anachorète, ne lui ôta point les vertus royales ; sa libéralité ne déroba rien à une sage économie ; il sut accorder une politique profonde avec une justice exacte, et peut-être est-il le seul souverain qui mérite cette louange. Prudent et ferme dans le conseil, intrépide dans les combats, sans être emporté, compatissant comme s’il n’avait jamais été que malheureux, il n’est guère donné à l’homme de pousser la vertu plus loin. »

Voici l’appréciation de M. Henri Martin : « La gloire de Louis IX, tout enveloppé que Louis se soit trouvé dans la plus fatale erreur de son temps, a survécu à toutes les vicissitudes de l’opinion, à toutes les révolutions politiques et religieuses ; les ennemis les plus implacables du passé ont rendu hommage à cette grande figure dans laquelle se résume tout ce qu’il y eut de pur et d’élevé dans le catholicisme du moyen âge. Le nom de saint Louis a protégé ses descendants durant des siècles, et c’est dans son souvenir qu’on doit surtout chercher l’origine de cette religion de la royauté qui a subsisté si longtemps en France, qui a eu, à certains égards, de dangereuses conséquences, mais qui, par la création d’une grande force morale propre à notre nation, a servi puissamment à nous empêcher de retomber sous le joug ultramontain, alors que l’ultramontanisme n’était plus qu’un obstacle à la marche de la civilisation et aux destins de l’humanité. »

M. Mignet a écrit de son côté : « Ce roi, qui était le plus religieux et le plus juste des hommes, et qui, durant le cours d’une longue vie, ne manqua pas une seule fois à la morale du christianisme suivie dans toute sa rigidité, profita de l’accroissement de sa puissance, du respect et de la confiance sans bornes qu’il inspirait, pour opérer des réformes appropriées au nouvel état social de la France. Il rattacha plus fortement à la couronne les trois classes des ecclésiastiques, des bourgeois et des feudataires, que leur législation indépendante en isolait trop, et il prépara leur réunion prochaine dans les états généraux. Il rendit le clergé national par la Pragmatique sanction, qui posa des limites à l’autorité qu’exerçait et aux impôts que levait sur lui la cour de Rome, et qui lui donna le roi pour chef temporel et pour appui. Tout en conservant aux villes la libre élection de leurs magistrats et leur administration intérieure, il les soumit à ses officiers en ce qui concernait la justice et les armes. Il plaça la noblesse féodale dans une dépendance plus étroite de la couronne, en faisant relever ses tribunaux de la juridiction royale, et en modifiant d’une manière grave le régime sous lequel elle vivait… Ce système d’administration, qui rendit amovibles les fonctions que le régime précédent avait rendues héréditaires, et qui fit une magistrature de ce qui était devenu un patrimoine, remplaça peu à peu le système féodal sur le territoire. Ainsi saint Louis créa un nouvel ordre de choses, et c’est de lui que date la monarchie moderne, sous le rapport politique, comme elle date de Philippe-Auguste sous le rapport territorial. Ses institutions et sa sagesse portèrent leurs fruits pendant sa vie même ; « car, dit Joinville, le royaume se multiplia tellement par la bonne droiture qu’on y voyoit régner, que le domaine, censive, rente et revenu du roi, croissoit tous les ans de moitié. »

— Iconogr. Une des plus anciennes figures que nous possédions de Louis IX est une statue en bois d’if, exécutée au XIIIe siècle, qui est au musée de Cluny (no 1964). Elle provient de la décoration de l’ancien retable de la Sainte-Chapelle. Les vêtements sont rehaussés de couleurs et le manteau est orné de fleurs de lis d’or. On voit, dans la collection des portraits des rois de France et dans la collection des figures de saints, au cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale, à Paris, un grand nombre de gravures relatives à saint Louis. Dans la galerie de Versailles, il y a un portrait équestre de Louis IX, peint en 1844 par M. Émile Signol. Le même musée possède, entre autres toiles historiques relatives à ce monarque : Louis IX vainqueur à Taillebourg, par Eugène Delacroix ; le Débarquement de saint Louis en Égypte ; Saint Louis recevant à Ptolémaïs les envoyés du Vieux de la montagne ; Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes ; Saint Louis médiateur entre le roi d’Angleterre et ses barons, et la Mort de saint Louis, par Rouget ; Saint Louis recevant à Damiette le patriarche de Jérusalem, par Oscar Gué. Nic.-Aug. Hesse a peint Saint Louis visitant la Sorbonne ; Sébastien Cornu : Saint Louis faisant ses adieux à la reine Blanche au moment de partir pour la croisade (Salon de 1833) ; Bergeret : Saint Louis délivrant des prisonniers chrétiens et Saint Louis secourant les pestiférés en Égypte ; Lethière : Saint Louis à Damiette (gravé au trait par Réveil, dans la Galerie des arts, V, pl. 383) ; Jouvenet : Saint Louis soignant les blessés sur le champ de bataille de La Massoure (chapelle du château de Versailles) ; Ducornet, peintre né sans bras : Saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes (Salon de 1831).

La mort de saint Louis a été peinte par Belloc (Salon de 1838) ; par Glaize fils, pour l’église de Saint-Louis-d’Antin, à Paris (Salon de 1872) ; par Félix Barrias (église de Saint-Eustache, à Paris). Pour cette dernière église, M. Barrias a exécuté deux autres peintures murales : Saint Louis faisant la dédicace de la Sainte-Chapelle et Saint Louis faisant enterrer les chrétiens massacrés à Sion. Un tableau de Lesueur, qui est au musée de Munich, représente saint Louis assistant à une messe où l’hostie prend la forme lumineuse de Jésus. J. Mariette a gravé, d’après J.-B. Corneille, la Communion de saint Louis. L’Apothéose de saint Louis a été peinte par Lagrenée (Salon de 1765), Bodem (Salon de 1827), liesse (pour la chapelle de l’École militaire), J.-B. Corneille (gravé par Mariette). Sous ce titre : la Glorification de saint Louis, M. Cabanel a exécuté une grande composition dont nous donnons ci-après la description.

Un bas-relief de la chapelle de Versailles, par M.-A. Slodt, représente Saint Louis servant les pauvres. M. Gaston Guitton a exposé au Salon de 1850 un groupe figurant Saint Louis consolant un blessé.

Simon Vouet a peint, pour l’église de Saint-Louis-du-Marais, à Paris, quatre tableaux relatifs à saint Louis. Une peinture de ce maître, représentant Saint Louis enlevé au ciel par les anges, appartient au musée de Dresde.

— Allus. hist. Saint Louis sous le chêne de Vincennes. V. CHÊNE.

Louis (saint) ou la Couronne reconquise, poëme héroïque du P. Lemoyne, jésuite (1658). Cette composition a dix-huit chants et vingt mille vers. Laharpe, tout en la critiquant, en a fait encore un trop grand éloge, quoiqu’il lui dénie sa seule véritable qualité, qui est d’être fort amusante. Après la Magdelaine du Père Pierre de Saint-Louis et les Loyales amours du sieur Scalion de Virbluneaux, qui sont les chefs-d’œuvre du genre, la palme reviendrait sans conteste au Père Lemoyne. La Pucelle de Chapelain est certainement mnoins drôle.

Le Père Lemoyne, dont Pascal s’est tant moqué à propos de son traité de la Dévotion aisée, faisait, paraît-il, non moins aisément les vers. Il a dit de lui-même que les perles, l’or et les diamants sortaient de sa plume sans qu’il les comptât. Dans la préface de son Saint Louis, il se discute et s’apprécie avec le plus grand sang-froid, persuadé qu’il a fait un chef-d’œuvre. « Quoique je donne ce poëme achevé, dit-il, je ne pense pas le donner parfait. Il y auroit de la présomption à le promettre et de l’imprudence à s’y attendre. La perfection, je dis la consommée et la dernière perfection, n’est pas des ouvrages de cette étendue et de cette force. Un château de cartes se fait en jouant et s’achève en moins d’une heure ; le Louvre n’est pas encore achevé, depuis tant d’années qu’il est commencé. Et si nous en croyons les disciples de Vitruve, Fontainebleau ne s’est pas achevé sans beaucoup de fautes. » Le modeste poète compare son œuvre au Louvre, au palais de Fontainebleau ! puis il gourmande Virgile qui a calomnié Didon, et le Tasse qui n’est pas assez sérieux. Pour lui, sans doute, il se croit moral et grave ; il n’a réussi qu’à être réjouissant.

Le sujet de son poëme est la conquête de la couronne d’épines que garde le sultan, aidé d’un dragon de papier peint. Comme composition épique, c’est un travail complet. Le Père Lemoyne ayant saisi son sujet in medias res, suivant le précepte, quand saint Louis est déjà à Damiette, il fait ingénieusement savoir le commencement de l’aventure à l’aide de tapisseries que l’on montre à des ambassadeurs et qui retracent la vie du roi jusqu’à son débarquement. Le moyen était nouveau et le Père Lemoyne abonde en ce genre d’imagination. Les chants suivants sont consacrés à des récits qui achèvent de mettre le lecteur au courant ; puis on assiste à un tournoi, le plus grotesque à imaginer, au bout duquel saint Louis est emmené au ciel par quatre chérubins, ce qui remplace avec avantage la traditionnelle descente aux enfers. Quel innovateur que ce Père Lemoyne ! Saint Louis à peine redescendu, l’on tombe dans un long épisode : Archambault, sire de Bourbon, va pourfendre un monstre dans les forêts ; le tout entremêlé d’amours de haut goût. Le sultan aime Lisamante, Archambault aime Almazonte ; Zahide, Alzir, Meledor, Alfazel opèrent un chassé-croisô d’intrigues. Cependant une grande bataille est livrée, les Français sont vainqueurs, le camp sarrasin est envahi. Saint Louis tue le dragon farouche et remporte la couronne d’épines. Olim efflorescet ! Auparavant, les héroïnes et les amoureux se sont tous tués dans un malentendu ; ils avaient pris des déguisements, de sorte qu’Almazonte tue Alzir, croyant tuer Archambault ; Zahide tue Meledor, croyant tuer le sire de Culans, et, pour comble, Alfazel tue Zahide, croyant tuer Lisamante. Telle est la contexture du poëme par lequel le Père Lemoyne croyait faire un grand tort à la Jérusalem délivrée.

La niaiserie de la composition n’a d’égale que celle du style. Le Père Lemoyne se flattait que son poème « répondroit sans déchet aux clairons de la gloire ; » c’est là son style. Ce travail peut se lire encore, mais le déchet est considérable. Les descriptions surtout, — et il y en a des milliers de vers — sont curieuses ; il met dix vers à dire que le vent roule des feuilles ou que l’eau coule dans la rivière. Les comparaisons valent leur pesant d’or. Voici une des plus jolies ; il a à peindre la surprise « pleine d’horreur » d’un de ses héros :

Ainsi, quand le chasseur trouve, au lieu de la beste
Qu’il poursuit dans un bois, un spectre qui l’arreste,
Immobile et perclus, sans pouls et sans chaleur,
Il perd avec les sens le souffle et la couleur ;
Sa voix meurt en sa gorge et son poil se hérisse,
Le froid qui le saisit dans ses veines se glisse,
Son arme entre ses mains paroît en frissonner,
Et le chien qui le suit semble s’en étonner.

Cette arme qui frissonne et l’étonnement du chien ne sont-ils pas de vraies trouvailles ? Le Père Lemoyne aime, du reste, à associer la nature à tous ses petits événements ; saint Louis n’avance pas le pied sans que le Nil tremble ; un pas de plus et il s’enfuit à la mer, par sept bouches à la fois ! Le jour se revêt de deuil pour faire cortège à ses morts ; le soir, le soleil se couche dans son lit ; l’hiver, le printemps se retire dans sa maison. Son triomphe, c’est, dans les batailles, la description des derniers moments d’un héros. L’âme du mourant va quitter le corps ; le Père Lemoyne la voit, il la guette sortir, sous l’apparence d’un souffle ; la voici déliée, elle est sur la porte, elle ouvre ses ailes (un souffle qui ouvre ses ailes !) ; elle est emportée par le vent. Une telle peinture exige chez lui une vingtaine de vers.

Comme couleur locale, ce poëme est précieux par le choix des noms donnés aux héros. Il faut absolument s’intéresser à Siracon, Algofran, Méledin, Mulécasse, Almirondart. Le baroque de telles appellations séduit le Père Lemoyne et amène de temps à autre des tirades comme celle-ci :

Le calife Erafit, encore tout sanglant De la barbare mort du jeune Aridoglant, Qu’Arazel destinait à sa fille Orifrale…

Tout cela mérite d’être lu et est plus amusant qu’on ne pense. Un admirateur de ce poëme l’a réduit en huit chants et fait imprimer de nouveau (Besançon, 1816, in-8o). Malgré tout, on n’en connaît guère que ce vers excentrique cité dans tous les cours de littérature :

Déjà dans notre sang ils trempent leur pensée !

Louis IX, tragédie en cinq actes et en vers, d’Aucelot (Théâtre-Français, 5 novembre 1819). Conçue dans toutes les règles, cette pièce est un des derniers modèles de la vieille tragédie classique. Louis IX, Marguerite de Provence et le jeune Philippe, leur fils, le sire de Joinville, Châtillon, Montmorency et une foule d’autres chevaliers chrétiens sont prisonniers d’Almodan, Soudan d’Égypte. Châtillon, égaré par le sentiment des maux qu’il souffre et de ceux dont le menace une plus longue captivité, ose reprocher à son roi les malheurs de tant de guerriers ; les autres chevaliers s’indignent de l’injustice de ses reproches ; laissez, leur dit Je saint roi :

Laissez, je lui pardonne ; il n’offense que moi.

Cependant les fers de Louis et de ses compagnons d’infortune vont être brisés. Un traité vient d’être signé avec le Soudan ; mais celui-ci, excité par son vizir Raymond, chrétien apostat, rétracte sa parole. Cette déloyauté exaspère les musulmans eux-mêmes, qui se révoltent contre leur souverain, sous la conduite de Nouradin ; les rebelles, auxquels se joignent des chevaliers français, offrent la couronne d’Égypte à saint Louis, qui ne se contente pas de la refuser ; il veut combattre pour son ennemi et s’écrie avec beaucoup plus de magnanimité que de vraisemblance ;

Non ; marchons au Soudan que son peuple abandonne ;
C’est peu de nos rançons, rendons-lui sa couronne !

La pièce offre quelques scènes dramatiques et des incidents pleins d’intérêt. L’auteur a su enchâsser avec art quelques mots historiques. Ainsi la reine, craignant pour son honneur au milieu de la révolte des musulmans, supplie son écuyer, Joinville, de la tuer plutôt que de la laisser tomber entre leurs mains : « J’y songeais, » répond naïvement l’écuyer. Le style de cette tragédie, sans avoir un grand éclat, est toujours noble et soutenu.

Louis IX en Égypte, tragédie en cinq actes et en vers de Népomucène Lemercier (Odéon, août 1821). La pièce ne fait guère que reproduire la donnée de celle d’Ancelot, et c’était bien inutile. Louis est tombé, avec ses principaux chevaliers, au pouvoir des infidèles. Chargés de fers, ils sont renfermés dans le camp des Arabes. Louis IX a près de lui son frère et le brave Joinville. Le soudan paraît et demande aux prisonniers français qui d’entre eux est leur roi. Tous seront épargnés s’ils le désignent, tous périront s’ils se taisent. Joinville cherche à égarer sur lui les soupçons du farouche Almodan ; mais celui-ci ne prend pas le change, et l’ordre fatal va s’exécuter. Louis IX alors se déclare. Cette scène est pathétique. Mais l’auteur n’est encore qu’à son troisième acte, et les deux premiers ont presque été entièrement remplis par les débats qui divisent la famille du soudan, par ses soupçons contre Zaïme et le jeune Octaïr qui, de simple berger, est parvenu au rang de général. Octaïr est plutôt le héros de l’ouvrage que Louis IX. On le trouve sur le premier plan dans les deux premiers actes ; il partage l’intérêt avec Louis dans le troisième, et fixe presque seul l’attention des spectateurs dans les deux derniers. Ce défaut d’unité d’action avait été évité par Ancelot. Lemercier a su toutefois créer des situations plus fortes, et l’âpre indépendance de son style imprime à son dialogue quelque originalité.

Louis IX en Égypte, opéra en trois actes, paroles de Guillard et Andrieux, musique de Lemoyne ; représenté à l’Académie royale de musique le 15 juin 1790. La scène principale est celle où Louis IX, près d’être massacré par les assassins envoyés par le Soudan, triomphe de leur fureur par sa grandeur d’âme. La musique n’est pas à la hauteur du sujet. On ne peut remarquer, dans la faible partition de Lemoyne, qu’un air : Je veux réparer leurs malheurs, et deux romances : l’une : O ma mère, ma tendre mère, et l’autre : Du Français asservi j’ai su briser les chaînes. Voilà pourtant la musique que le public préférait alors à celle de Sacchini.

Louis (glorification de saint), tableau de M. Cabanel ; Salon de 1855, Louis, en manteau fleurdelisé, le sceptre en main, est assis sous un dais rouge, de face, et dans l’attitude de l’apothéose. Deux anges se tiennent à ses côtés, soutenant au-dessus de sa tête la couronne d’épines qu’il préférait à celle de roi. L’une de ces figures tient un glaive, l’autre porte la croix et le calice à l’hostie rayonnante ; elles symbolisent la religion et la justice. Derrière le dais, des colonnettes gothiques enchâssent des vitraux et rappellent sans doute l’édification de la Sainte-Chapelle. De chaque côté du trône se groupent les personnages qui ont contribué à l’accomplissement des œuvres de ce prince : le sire de Joinville, son naïf historien ; Philippe de Beaumanoir, Pierre Fontaine, saint Thomas d’Aquin, Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris ; Geoffroi de Beaulieu, Robert de Sorbon, le sire de Nesle, Étienne Boileau, l’auteur du Livre des métiers, dont il déroule le titre écrit sur une pancarte, et enfin un des chevaliers aveugles pour lesquels furent fondés les Quinze-Vingts. Plus bas se placent des ouvriers, le marteau sur l’épaule, des pèlerins avec chapeau, bourdon et coquilles ; une femme malade étendue à terre, une veuve entourée de ses enfants chétifs et tristes, une vieille allongeant la main sur une bourse. « L’exécution de ce tableau, dit M. E. About, s’éloigne bien peu de la perfection. Toutes les têtes sont belles, largement étudiées, sans aucun luxe d’archéologie. Les draperies sont originales et ne doivent rien à personne. La couleur sobre et savante se répand avec égalité, sans soubresauts, sans caprices, sans vacarme de tons ; elle a cette unité, cet ensemble et surtout cette continuité qui distinguent les grands maîtres de Rome et de Florence. » Ajoutons avec M. T. Gautier que l’ordonnance de ce tableau est très-belle et que l’allégorie s’y mêle à la réalité dans des proportions heureuses. M. Cabanel, sans tomber dans les puérilités de l’imitation gothique, a su conserver le caractère de l’époque : le mélange des costumes militaires, civils et religieux produit des contrastes d’un effet pittoresque. La cuirasse avoisine le froc, et l’étole frôle le surcot. Les têtes sont dessinées avec une fermeté rare, et, si elles ne sont pas des portraits, elles en ont l’air. Ce tableau obtint beaucoup de succès à l’Exposition de 1855.