Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/LOUIS (le baron Joseph-Dominique), homme d’État français

Administration du grand dictionnaire universel (10, part. 2p. 722).

LOUIS (le baron Joseph-Dominique), homme d’État français, né à Toul en 1755, mort en 1837. Il était prêtre et en même temps conseiller-clerc au parlement de Paris lorsque la Révolution éclata. À la fédération du 14 juillet 1790, il assista Talleyrand en qualité de diacre, fut chargé par Louis XVI de diverses missions diplomatiques dans le Nord, et émigra en Angleterre après l’arrestation de ce monarque à Varennes (juin 1791). Une étude attentive du régime financier de la Grande-Bretagne le mit à même, lorsqu’il revint en France après le 18 brumaire, de montrer de remarquables talents en matière de finances. Attaché d’abord au ministère de la guerre en qualité de liquidateur des créances arriérées, il apura en peu de temps les comptes de ce grand service, puis fut chargé d’un travail analogue à la Légion d’honneur, et devint alors maître des requêtes. La rapidité avec laquelle il liquida les dettes de la Hollande et de la Westphalie lui valut le titre de conseiller d’État (1811), celui de baron, puis la direction du contentieux au ministère des finances. Lors des événements de 1814, Louis XVIII lui conserva le portefeuille des finances, mis entre ses mains par le gouvernement provisoire. Le baron Louis occupa encore ce ministère après la deuxième Restauration, en 1815, puis de décembre 1818 à novembre 1819, époque où il se retira pour ne pas prendre part à la réaction dont l’assassinat du duc de Berry fut la suite. Lorsqu’il était arrivé au pouvoir, non-seulement le Trésor était vide, mais encore les finances étaient dans le plus piteux état. Persuadé, comme il le disait un jour à Napoléon Ier que, loin de se ruiner en payant leurs dettes, les gouvernements fondent au contraire leur crédit, il voulut que la Restauration acceptât et reconnût les dettes antérieures à 1814, et professa un respect inviolable pour les droits des créanciers de l’État. Il paya ces créanciers en bons du Trésor, dont les porteurs furent bientôt autorisés à convertir leurs titres en inscriptions de rente, fit rétablir les droits réunis sous le nom de contributions indirectes, établit en 1815 une contribution extraordinaire de 100 millions, sorte d’emprunt forcé sur les riches, simplifia les affaires, déconcerta la routine et se montra aussi ferme et intelligent que loyal. Remplacé aux finances par Corvetto à la fin de 1815, il reprit son portefeuille en 1818. Ce fut alors qu’il établit dans les départements, sous le nom de petits grands-livres, des livres auxiliaires de la dette publique, et qu’il s’attacha particulièrement à simplifier la comptabilité. Le baron Louis se montra toujours franchement constitutionnel. Aussi fut-il, à partir de 1815, constamment envoyé à la Chambre par les libéraux. En 1830 il fit partie des 221 et signa la protestation contre les ordonnances. Après la révolution de Juillet, il prit le portefeuille des finances, qu’il conserva jusqu’au 20 novembre 1830. En 1831, Louis-Philippe lui confia de nouveau le ministère des finances, qu’il quitta le 11 octobre 1832, et il reçut alors un siège à la Chambre des pairs. C’était un homme d’une grande droiture d’esprit, un administrateur inflexible, un financier de talent. D’un caractère plein de rudesse, il s’était fait de nombreux ennemis par son langage acerbe et souvent violent. Interpellé un jour par Napoléon, il lui répondit avec brusquerie : « Un État qui veut avoir du crédit doit tout payer, même ses sottises. » C’est également le baron Louis qui prononça en 1830, en conseil des ministres, ces paroles mémorables : « Faites-moi de la bonne politique et je vous ferai de bonnes finances. »