Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/JOSÉPHINE (Marie-Josèphe-Rose TASCHER DE LA PAGERIE), impératrice des Français


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JOSÉPHINOS, nom donné aux Espagnols qui, lors de l’avènement de Joseph Bonaparte au trône d’Espagne (1808), se rallièrent à ce prince  ►
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JOSÉPHINE (Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie), impératrice des Français, née aux Trois-Ilets (Martinique) le 23 juin 1763, morte à la Malmaison (Seine-et-Oise) le 29 mai 1814. Elle appartenait à une famille originaire du Blaisois. Elle fut amenée en France à l'âge de quinze ans, et y épousa, en 1779, le vicomte de Beauharnais, dont elle eut deux enfants, le prince Eugène et la reine Hortense. Son mari ayant été emprisonné pendant la Terreur, Joséphine lui rendit en prison les soins les plus affectueux, essaya vainement de l'arracher à l'échafaud, fut arrêtée elle-même et ne dut son salut qu'au 9 thermidor. Mise en liberté par le crédit de Tallien, qui lui fit rendre une partie de ses biens, elle acquit ensuite l'amitié et la protection de Barras, et ce fut celui-ci qui lui proposa d'épouser le général Bonaparte, que les manières distinguées de Joséphine, sa grâce et sa douceur eurent bientôt captivé. Le mariage purement civil eut lieu le 9 mars 1796. Le mariage religieux ne fut célébré que la nuit qui précéda la cérémonie du sacre, huit ans plus tard. Elle partagea dès lors la fortune de Bonaparte, qui, malgré de fréquents accès d'une jalousie trop motivée, ne cessa point de l'aimer beaucoup. Pendant l'expédition d'Égypte, Joséphine s'établit à la Malmaison, et, aux approches de l'attentat du 18 brumaire, elle rendit les plus grands services au futur empereur par sa dextérité et l'influence que sa grâce irrésistible exerçait sur les principaux personnages de l'époque. Le 2 décembre 1804, elle fut sacrée impératrice par le pape Pie VII en même temps que Napoléon. Cinq années s'écoulèrent, et l'union de Joséphine avec Napoléon étant demeurée stérile, l'empereur, qui tenait à avoir un héritier, résolut de faire rompre son mariage.

Ce fut en dînant tête à tête avec sa femme qu'il lui apprit sa résolution de divorcer avec elle. En l'entendant, Joséphine, s'évanouit. Aussi effrayé qu'ému de l'effet qu'il venait de produire, dit M. d'Haussonville, Napoléon entr'ouvrit la porte de son cabinet et appela à son aide le chambellan de service, M. de Bausset. L'évanouissement durant toujours, il demanda au chambellan si, pour éviter toute esclandre, il se sentait la force de porter l'impératrice jusque dans ses appartements, qui communiquaient avec les siens par un escalier dérobé. M. de Bausset prit l'impératrice dans ses bras, et l'empereur, marchant le premier, à reculons, lui soutint soigneusement les pieds. Ils descendirent ainsi l'escalier. Rien n'avait paru feint ni arrangé à M. de Bausset dans la triste scène dont il était le témoin involontaire ; cependant, ses jambes s'étant un moment embarrassées dans son épée tandis qu'il descendait cet escalier étroit, comme il se roidissait pour ne pas laisser tomber son précieux fardeau, sa surprise fut assez grande d'entendre Joséphine lui dire tout bas : « Prenez garde, monsieur, vous me serrez trop fort. »

Malgré les supplications et les larmes de Joséphine, la volonté du maître s'accomplit.

Le divorce fut prononcé le 16 décembre 1809, et Joséphine se retira à la Malmaison. Napoléon lui fit de magnifiques dotations, lui constitua une rente de 2 millions de francs et entretint même avec elle une correspondance dont Marie-Louise se montra plus d'une fois jalouse. Une lettre excessivement intime et entièrement de la main de Napoléon, adressée à Joséphine à la Malmaison, jetterait un jour assez curieux sur la vie que menait dans cette résidence l'ex-impératrice. Cette lettre, imprimée en partie dans la Revue politique du 24 octobre 1868, figurait parmi les raretés dépendant de la riche collection de feu Félix Drouin ; elle avait été vendue aux enchères publiques, à la salle Silvestre, dans les premiers jours de novembre 1865, quelque chose comme 1,100 francs.

En voici le passage le plus curieux :

« ….. Je te défends de voir Mme X*** (le nom est en toutes lettres), sous quelque prétexte que ce soit : je n'admettrai aucune excuse. Si tu tiens à mon estime et si tu veux me plaire, ne transgresse jamais le présent ordre. Elle doit venir dans tes appartements, y rester de nuit : défends à tes portiers de la laisser entrer. Un misérable (c'était un prince) l'a épousée avec huit bâtards ! Je la méprise elle-même plus qu'avant : elle était une fille aimable, elle est devenue une femme d'horreur et infâme. Je serai à Malmaison bientôt. Je t'en préviens pour qu'il n'y ait point d'amoureux la nuit. Je serais fâché de les déranger. »

Joséphine mourut d'une esquinancie, après six jours de maladie, juste au moment où Napoléon tombait, entraînant dans sa chute l'honneur de la France dont l'étranger foulait le sol. Elle put deviner les malheurs que l'insatiable ambition et la folie guerrière du despote de brumaire, dont elle s'était faite la complice et l'associée, faisaient fondre sur nous. Napoléon lui reprochait son amour du luxe et ses goûts de dépense. En 1827, on a publié les Lettres de Napoléon à Joséphine, et les Lettres de Joséphine à Napoléon et à sa fille.