Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Henri iv (la mort de)

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 190).

Henri IV (la mort de), tragédie en cinq actes, de G. Legouvé (Théâtre-Français, 25 juin 1806.) L’auteur a deviné le secret de l’histoire ; il a montré que la mort de Henri IV eut des instigateurs et des complices jusque sur les marches du trône. Par une étrange ignorance des dépositions, des accusations et des preuves diverses consignées par les contemporains dans leurs mémoires ou dans les papiers d’État, les critiques accusèrent le poëte d’avoir sacrifié la vérité historique aux intérêts de sa fable. Ils lui contestèrent même le droit d’évoquer sur la scène des personnages modernes, et le blâmèrent de n’avoir pas choisi un meilleur sujet. Le sujet est tout à fait, au contraire, dans les données du drame contemporain, et, en le choisissant, G. Legouvé s’est montré supérieur à son époque. Mais, tout en devinant la complicité de Marie de Médicis et de d’Épernon dans le coup de couteau de la rue de la Ferronnerie, il a eu le tort de réduire cette catastrophe aux proportions d’une querelle de ménage. C’est la jalousie qui, dans sa pièce, décide la reine à donner son adhésion : on lui montre une vieille lettre écrite autrefois par Henri IV à l’une de ses maîtresses, et elle la croit adressée à la princesse de Condé. L’auteur n’a pas été assez hardi ; il eût pu faire agir des ressorts plus puissants que des ambitions et des jalousies vulgaires. Le caractère de Marie de Médicis n’est pas dessiné avec assez de relief, et la destinée de d’Épernon n’est pas suffisamment liée à celle de la reine. La conjuration manque d’ensemble et d’unité ; mais le caractère de Henri IV conserve bien les divers aspects sous lesquels il se montre dans l’histoire et dans la tradition, il en est de même du personnage de Sully, qui fait naître quelques scènes très-belles. Cette tentative en dehors des règles usées de la tragédie classique était louable et reçut du public un bon accueil, malgré l’hostilité de la critique. Geoffroy, entre autres, n’a pas laissé échapper l’occasion de montrer, à ce propos, l’étroitesse ordinaire de ses vues.