Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Henri iv, le grand

Administration du grand dictionnaire universel (9, part. 1p. 188).

HENRI IV, le Grand, empereur d’Allemagne, célèbre par ses luttes contre la papauté, fils et successeur du précédent, né en 1050, élu en 1056. Placé d’abord sous la tutelle d’Agnès, sa mère, le jeune empereur fut, pendant sa minorité, le jouet des grands et des prélats, qui se disputaient l’influence et l’autorité. À treize ans, il fut déclaré majeur, dépouilla les ducs de Carinthie et de Bavière, réprima les brigandages féodaux, et commença contre les Saxons révoltés une guerre implacable, qui fut l’occasion de sa rupture avec le saint-siége. Les deux partis en avaient appelé à l’arbitrage du pape Grégoire VII ; l’illustre et ambitieux pontife saisit habilement ce prétexte pour étendre son influence en Allemagne et pour revendiquer le droit des investitures ecclésiastiques, dont les empereurs étaient depuis longtemps en possession. Cette prétention, repoussée avec dédain en Allemagne, fut la cause première des longues luttes entre le sacerdoce et l’empire. Sommé de comparaître au tribunal du pape pour se justifier de sa désobéissance, Henri ne répondit qu’en chassant les légats pontificaux et en rassemblant à Worms un concile de prélats allemands (1076), qui prononça la déposition de Grégoire. Celui-ci fulmina alors Contre l’empereur la sentence d’excommunication, délia ses sujets du serment de fidélité, et emplit l’Allemagne d’émissaires qui suscitèrent de toutes parts des révoltes et des compétitions redoutables. Henri, effrayé, s’humilia ; il traversa les Alpes dans la saison la plus rude de l’année, et vint implorer son pardon du pontife, qui s’était retiré dans la forteresse de Canosse, appartenant à la comtesse Mathilde (1077). On vit alors une scène extraordinaire : le puissant empereur, abaissé au rôle des suppliants antiques, fut obligé de solliciter son orgueilleux ennemi, qui le laissa pendant trois jours sous ses fenêtres, en altitude de pénitent, pieds nus, couvert d’un cilice, exposé à toutes les rigueurs de l’hiver, et ne lui accorda l’absolution qu’à des conditions qui le rendaient en réalité le vassal du saint-siège. Henri rougit bientôt de sa faiblesse, et, à l’instigation des Lombards, il se prépara à recouvrer son indépendance. Grégoire souleva l’Allemagne contre lui, le fit déposer par la diète de Forchheim, et lui suscita deux compétiteurs, Rodolphe, duc de Souabe, et Hardouin de Luxembourg (1077-1081). Après avoir vaincu ses ennemis, Henri descendit en Italie, prit Rome, d’où il chassa le pontife, et fit proclamer à sa place l’archevêque de Ravenne, Guibert, qui prit le nom de Clément III. La mort de Grégoire (1085) no termina pas cette lutte, qui se continua avec le même acharnement sous les deux pontificats suivants (Urbain II, Pascal II). Ces deux papes renouvelèrent contre l’empereur les sentences d’excommunication, et soulevèrent successivement contre lui ses deux fils (1093-1105), dont le dernier, Henri, quoique vaincu et pardonné, le fit arrêter par trahison, enfermer dans le château de Bingenheim, et le dépouilla enfin de la puissance impériale (1106). Errant et misérable, le vieil empereur sollicita vainement de l’évêque de Spire un office de lecteur ou de chantre dans son église. Il se réfugia à Liège, où il mourut presque aussitôt dans la misère et l’abjection, après avoir rempli le monde du bruit de ses victoires et de l’éclat de sa puissance. Son fils, exécuteur fidèle des ordres de Pascal II, fit déterrer son cadavre et le laissa pendant cinq ans dans une cave, privé de sépulture. Henri IV avait de grandes qualités comme guerrier et même comme législateur, et la grandeur de ses infortunes a fait oublier ses vices et sa tyrannie. Les classes pauvres furent l’objet de sa sollicitude, et son palais servit plus d’une fois d’hôpital pour les malades nécessiteux.