Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France sous Louis XIV (La)


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France sous Louis XIV (la), 2 vol. par M. Eugène Bonnemère (1863). La monarchie absolue trouve dans le règne de Louis XIV sa formule la plus complète ; elle s’affirme despotiquement en face de la nation, elle l’absorbe, et, quand le pays sort épuisé des mains du grand roi, « il n’a plus, comme le dit Saint-Simon, le désir ni la force de veiller lui-même à sa conservation et à ses destinées. » M. Eugène Bonnemère a entrepris de nous retracer en détail, d’une part ce despotisme, et de l’autre cet épuisement. La France sous Louis XIV est un tableau navrant de cette époque que les classiques appellent ordinairement le grand siècle, et, malgré le ton sombre du style et de la couleur, il a un caractère de triste vérité auquel on ne peut j se méprendre. En nous retraçant, avec l’indignation d’un honnête homme, des spoliations et des actes du plus criant arbitraire, l’auteur s’appuie sur des documents et des citations levant tous les scrupules et tous les doutes. Après avoir longuement et savamment parlé des vols et des brigandages de tous genres commis pendant la Fronde, par les princes révoltés ou par Mazarin ; après nous avoir donné sur l’immoralité sans vergogne de ces années de trouble des détails et des preuves impossibles à récuser, il entre dans une ère nouvelle. C’est le règne personnel de Louis XIV qui commence. Le prince est jeune, il est généreux, magnifique, presque populaire. Le peuple, taillé jusqu’alors à merci par la reine et par la noblesse, respire un peu ; il est misérable, mais il espère. L’illusion ne sera pas de longue durée. Au système d’intimidatfon persuasive, de basses intrigues, de cauteleuses machinations, employé jusque-là par Mazarin, succède un despotisme implacable, fruit d’un orgueil insensé. Plus de lois, plus de coutumes, plus de justice ; la volonté du roi tient lieu de tout. C’est le triomphe de l’adulation et du bon plaisir. Avec le temps, le désordre, l’injustice et la misère prennent les plus effrayantes proportions. Mme de Maintenon elle-même, sur laquelle, à tort ou à raison, on veut rejeter, pour l’honneur do Louis XIV, une bonne partie de ces infamies, s’indigne et gémit dans le particulier. En 1698, au moment où l’épuisement des finances était presque achevé, elle se plaint « qu’on fait encore un corps de logis. » Marly sera bientôt un second Versailles. « Je n’ai pas plu, dit-elle, dans une conversation sur les bâtiments. Ma douleur est d’avoir fâché sans fruit. Il n’y a qu’à prier et souffrir ; mais le peuple, que deviendra-t-il ? » Et M. Bonnemère ajoute : « Lorsqu’au nom de la politique, non moins qu’au nom de la religion, la fondatrice de Saint-Cyr demandait de l’argent pour les pauvres à Louis XIV, il répondait sèchement : « Un roi fait l’aumône en dépensant beaucoup ! » Il spoliait ses peuples pour gorger d’or ses courtisans ; il gaspillait tout en dépenses superflues, en travaux qui ne profitaient qu’à un petit nombre d’êtres parasites, et, dans son orgueil, il se flattait de maintenir ainsi la prospérité dans ses Etats, lorsqu’il ne faisait, au contraire, qu’établir la ruine en principe et la réaliser en mettant en pratique ses ineptes théories. » Tel est le ton général du livre de M. Bonnemère, et les faits qu’il cite, malheureusement trop nombreux, autorisent cette chaleureuse indignation. Peut-être l’auteur l’a-t-il poussée un peu loin, entraîné par le désir de réagir contre l’erreur historique qui a fait de Louis XIV le grand roi.


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