Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France au XVIIIe siècle (Histoire de la)


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France au xviiie siècle (histoire de la), par Charles Lacretelle, 1808. Cette histoire, écrite avec goût, a placé l’auteur au rang des écrivains les plus distingués de notre époque. En général, on y remarque une grande rapidité dans les récits, une originalité piquante dans les portraits, de la sagacité dans les jugements sur des personnages qui ont figuré sur la scène politique ou littéraire, une juste appréciation des événements les plus compliqués et des ouvrages de nos auteurs les plus célèbres de l’époque dont Lacretelle écrit l’histoire.

L’auteur compléta son Histoire de la France au xviiie siècle par quatre annexes : Histoire de la France pendant les guerres de religion (1816) ; Histoire de l’Assemblée constituante (1821) ; l’Assemblée législative (1824), et la Convention nationale (1825).

L’ouvrage commence aux dernières années de Louis XIV et s’arrête à la convocation des états généraux : « J’entreprends, dit l’auteur, d’écrire l’histoire de ma patrie durant un siècle qui s’ouvrit par une austérité chagrine, tomba bientôt dans une licence impétueuse, s’arrêta longtemps dans une licence systématique, se dirigea pourtant avec ardeur vers les améliorations dans l’ordre social, renversa tout par un excès d’orgueil et de précipitation et finit par d’épouvantables crimes entremêlés à une grande gloire militaire. »

Ce siècle, dans l’histoire de M. Lacretelle, offre deux parties bien distinctes, l’une où la Révolution française se prépare et l’autre où elle éclate. La première occupe un grand nombre d’années, la seconde n’en renferme que dix ; dans cette dernière, où les événements se pressaient avec une rapidité foudroyante, l’historien semble tout déconcerté, et cependant l’intérêt s’était surtout soutenu dans sa première partie parce qu’il faisait pressentir le coup de tonnerre de 1789.

Le xviiie siècle, d’après l’auteur, offre un caractère particulier : c’est le règne de l’opinion. Jusque-là, l’histoire avait été celle de l’autorité ; à cette époque, l’opinion publique se fortifie de tout ce que l’autorité abandonne ou se laisse enlever ; elle dicte ses lois au gouvernement, qui n’exerce plus sur elle qu’une action timide et faible. Les guerres ne paraissent plus que des épisodes subordonnés à une action principale, le maniement des esprits. Loin de le ralentir, elles l’accélèrent. Le pouvoir législatif passe en quelque sorte des mains des hommes d’État, qui n’ont aucun plan arrêté, aux philosophes, qui créent des théories. En répétant les opinions de ces derniers, les oracles de la capitale doublent leur puissance et la partagent. Les parlements attaquent directement l’autorité, maintenus par l’opinion publique. C’est elle qui leur donne leur force, les entraîne, les égare, les relève, leur assure la victoire sur le gouvernement et finit par se déclarer contre eux. C’est aux classes intermédiaires de la société qu’arrive le pouvoir, jusqu’à ce qu’elles s’en laissent déposséder par la multitude.

Cet avènement de l’opinion publique est parfaitement caractérisé par M. Lacretelle, et cependant on sent que l’auteur ne le voit pas avec satisfaction. Il laisse pressentir le ton pamphlétaire qu’il prendra plus tard dans l’Histoire de la législative, et surtout dans celle de la Convention. Néanmoins, à cette époque, il avait encore quelques tendances libérales qui lui firent maintenir une certaine impartialité dans ses appréciations.

Quant à l’Histoire des guerres de religion, qui semble ne pas se relier au restant de ses études historiques, l’auteur l’a écrite pour se soustraire aux préoccupations des événements dans lesquels il avait dû jouer un rôle. Il s’est surtout efforcé, en la composant, d’appliquer à l’histoire moderne ce mouvement de narration dont les anciens nous ont laissé le parfait modèle. C’est autant une œuvre littéraire qu’une histoire.


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