Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France (Histoire de), par M. de Genoude


◄  France (Histoire de), de M. Théodore Burette
Index alphabétique — F
France (Précis de l’histoire de)  ►
Index par tome


France (Histoire de), par M. de Genoude (1er série, 1844-1847, 16 Vol. in-8º ; 2e série : Révolution, 7 vol. ; 3e série : Restauration, par M. Lubis, 7 vol.). Malgré les idées exclusivement monarchiques et religieuses au point de vue desquelles elle est écrite, cette histoire est une œuvre considérable et estimable à certains égards. M. de Genoude n’a ni la sagacité d’Augustin Thierry, ni la profondeur de M. Guizot, ni la pénétration de M. Michelet et son art magique de faire revivre les personnages ; mais il sait user avec discernement des découvertes faites avant lui et grouper avec art les faits propres à corroborer la thèse qu’il soutient. Comme Rollin pour son Histoire romaine, il avoue qu’il a largement mis à contribution ses devanciers. Rédigeant ainsi sur des documents tout trouvés, sur des faits élucidés d’avance, et ne cherchant pas à puiser à de nouvelles sources, il s’est trouvé plus à l’aise pour tirer de la longue suite de nos annales l’enseignement qu’il se proposait d’en faire sortir. Il ne faut pas chercher dans cette Histoire des données nouvelles, des solutions originales à tel ou tel problème, des recherches et des études sur des points controversés ; on n’y trouverait rien qui ne soit déjà développé dans l’abbé Mably, dans Augustin Thierry, dans Guizot, dans Michelet. M. de Genoude s’est borné le plus souvent au récit des faits ; mais il les a éclairés à sa façon. Tout en montrant, comme M. Guizot, dès l’origine de notre histoire, la lutte des trois grandes forces sociales : la royauté, les seigneurs, les communes, c’est en réalité au clergé qu’il donne le plus de relief, et il en exagère considérablement le rôle en l’idéalisant. Cependant, on ne saurait nier ce que ses recherches sur l’influence catholique dans les Gaules et pendant les premiers siècles de notre histoire ont d’intéressant et de complet. L’auteur a mis à profit avec un rare savoir les écrivains ecclésiastiques, et, s’il faut se défier de ses conclusions, du moins son érudition a-t-elle du charme.

« L’histoire d’un pays, c’est sa constitution politique se développant dans les faits. » Cette phrase de la préface de M. de Genoude sert d’épigraphe à son livre et donne en même temps le point de vue auquel il s’est placé pour l’éclairer. À travers les successions de dynasties et les faits d’armes, c’est surtout l’histoire de la constitution française qu’il s’est proposé de raconter ; cette constitution, le régime politique qui est l’essence même de la France, qui ressort de tout son passé, c’est « l’hérédité monarchique et la représentation nationale. » M. de Genoude a cherché surtout à démontrer que, depuis les premiers siècles, ce qu’il appelle la représentation nationale avait été fondé, s’était peu à peu accru, sous la tutelle de la royauté, et, entravé un moment par la Réforme, mouvement tout aussi féodal que religieux, avait enfin reçu sa pleine consécration à l’ouverture des états généraux par Louis XVI. La conclusion est facile à tirer. La France, ayant alors la meilleure constitution possible, celle qui répondait le mieux à ses vœux, eut grand tort d’en changer. Pour soutenir cette thèse, qui est une exagération singulière des faits, et qui parfois, comme pour la Réforme, les dénature entièrement, M. de Genoude isole avec une certaine adresse des citations de MM. Guizot et Michelet, extrait des textes oubliés, et le lecteur, qui n’est pas prévenu d’avance, voit avec une certaine stupeur que, sous la seconde race, par exemple, nous jouissions déjà d’un gouvernement « en grande partie démocratique. » Le rôle des états généraux, même sous la royauté moderne, a été si mince, et la place du peuple si étroite dans les états généraux, que c’est tout au plus si l’on pourrait dire que le gouvernement d’alors était, en partie, représentatif. Pour les dynasties suivantes, xive et xve siècle, M. de Genoude s’étaye de l’assentiment de Machiavel. « Le gouvernement de France, dit le secrétaire florentin, est à notre connaissance le plus tempéré par les lois. Le royaume de France est heureux et tranquille par ce que le roi est soumis à une infinité de lois qui sont la sûreté des peuples. » Nous voudrions bien connaître cette infinité de lois qui gênaient Louis XI et Louis XIV.

Fidèle à son point de vue, M. de Genoude ne veut voir dans la Réforme qu’une résistance féodale an système représentatif qui était le vœu de la France entière et de ses rois. Ces protestants austères, qui réclamaient comme base de toutes les libertés la liberté de conscience, sont transfonnés en aristocrates, parce qu’ils avaient pris leurs chefs militaires dans la seule classe qui put leur en fournir, la noblesse. Cette insurrection à la fois religieuse et fédérative, presque républicaine, changée en une lutte des nobles contre le pouvoir royal, et la Saint-Barthélémy, considérée comme un simple coup d’Etat, sont de ces énormes hérésies trop bien réfutées maintenant pour être acceptées même par le lecteur le plus distrait.

Quant à la continuation de l’Histoire de France, c’est-à-dire aux 7 volumes concernant la Révolution, qui sont aussi de M. de Genoude, et à l’Histoire de la Restauration (7 vol. in-8º), qui est de M. Lubis, les travaux récents beaucoup plus complets de MM. Thiers, Michelet, Louis Blanc et de Vaulabelle ont fait entièrement oublier ces ouvrages, estimables sous quelques rapports, mais trop empreints de l’esprit de parti.


◄  France (Histoire de), de M. Théodore Burette
France (Précis de l’histoire de)  ►