Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/France (Formation territoriale et politique de la)


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France (Formation territoriale et politique de la) depuis la fin du xie siècle jusqu’à la fin du xve, mémoire de M. Mignet, lu à l’Académie des sciences morales et politiques dans les séances des 21 et 28 juillet et août 1838. Cet essai est un de ces beaux mémoires qui ont si justement fait la réputation de M. Mignet. L’éminent historien, chez qui la pensée philosophique s’appuie sur une science précise, a fait ressortir d’une manière saisissante, avec un style sobre et sévère, parfois élevé, l’idée générale qu’il a si bien indiquée dans le titre même de son mémoire. Il a voulu retracer la marche, indiquer les phases et montrer les résultats « de cette Révolution lente qui a fait passer la France de la forme féodale à la forme monarchique, qui a produit la réunion des provinces, le rapprochement des peuples, la communauté des lois et la centralisation de l’autorité. » Il nous montre les progrès successifs qui ont constitué à la fois la royauté et le royaume. Il nous fait voir, à la fin du xie siècle, la France divisée en puissances féodales, plus fortes que leur suzerain le roi de France, et, à la fin du xve siècle, la France formant une seule nation, obéissant à un même souverain. La société féodale, si puissante sous les premiers capétiens, a complètement disparu sous Louis XI. Louis VI (l’Eveillé, le Gros), le premier, a essayé d’abolir l’ordre féodal d’abord dans son fief, puis dans le royaume. Philippe-Auguste, par ses importantes acquisitions, contribua surtout à former le royaume ; la formation territoriale de la France est particulièrement son œuvre, comme la formation politique est l’œuvre de ses successeurs saint Louis et Philippe le Bel. Ce grand travail de formation fut suspendu par des réactions féodales, et principalement par la longue lutte contre l’Angleterre ; mais il ne fut jamais complètement arrêté, et Charles V et Charles VII, malgré la guerre, malgré les troubles intérieurs, continuèrent à fonder des institutions durables. Il faut suivre avec M. Mignet cette longue révolution, cette politique si bien observée par nos grands rois. M. Mignet a consacré quelques pages excellentes à la révolution communale ; il nous a parfaitement montré le rôle de la royauté, qui favorisait, ailleurs que dans ses Etats, l’indépendance et la liberté des communes ; nous renvoyons aussi le lecteur à ce qu’il a écrit sur la constitution de l’armée française. « Le système militaire d’un pays, dit-il très-justement, est ordinairement l’expression de son état, et la composition de l’armée est l’image assez fidèle d’un peuple. » Et il nous retrace en quelques pages fortes et originales toute l’histoire de notre armée, depuis les Francs jusqu’à l’institution d’une armée permanente sous Charles VII. Enfin, M. Mignet termine par le règne de Louis XI, qui abattit définitivement la féodalité et consomma l’union entre toutes les provinces françaises. « Par la réunion du territoire et la fondation d’un gouvernement général, la royauté fit triompher le principe de la sociabilité, qui était le sien, du principe de l’individualité, qui était celui de l’époque féodale et par suite la règle de la force. Ces résultats ne furent atteints que peu à peu. Mais les tribunaux fondèrent la justice ; la permanence de l’armée conduisit à la discipline, la durée de l’administration à l’ordre, et la toute-puissance de la couronne à l’homogénéité de la nation. Il se forma des débris des anciennes classes un peuple nouveau qui s’avança, dès lors, lentement, mais sûrement, vers l’ère de la liberté politique et de l’égalité civile. » On peut ne pas partager l’opinion de M. Mignet sur les heureux résultats de la centralisation monarchique ; on peut regretter la ruine des libertés communales et provinciales qui auraient entretenu la vie politique dans le corps de la nation ; mais on est forcé de rendre justice à son talent, et tout le monde s’accordera pour admirer avec quelle science et quelle profondeur philosophique il a soutenu sa thèse.


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