Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/ESMENARD (Joseph-Alphonse), publiciste et poëte français, membre de l’Institut

Administration du grand dictionnaire universel (7, part. 3p. 877).

ESMENARD (Joseph-Alphonse), publiciste et poëte français, membre de l’Institut, né à Pélissane (Bouches-du-Rhône) en 1769, mort en 1811. Il eut une jeunesse très-orageuse. Après avoir parcouru l’Europe et l’Amérique, il se fixa à Paris au commencement de la Révolution, écrivit dans les journaux de la cour, et crut prudent de reprendre le cours de ses voyages après le 10 août 1792. Il visita l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne, la Turquie, l’Italie, s’aboucha avec Louis XVIII en passant à Venise, rentra, en 1797, en France, où il prit part à la rédaction du journal royaliste la Quotidienne, subit une détention de quelques mois après le 18 fructidor, puis fut exilé. En 1799, il revint à Paris et travailla au Mercure de France avec La Harpe et Fontanes. Le consulat établi, Esmenard, voyant la cause des Bourbons perdue, prodigua à Bonaparte l’encens de ses vers et de sa prose. De 1802 à 1804, il remplit les fonctions de secrétaire du général Leclerc à Saint-Domingue, et de consul de France à La Martinique et à l’île Saint-Thomas. Des poésies et des ouvrages dramatiques en l’honneur de Napoléon lui valurent les places lucratives de censeur des théâtres et du Journal de l’Empire, de chef de division au ministère de la police, et son entrée à l’Institut (1810). Parmi ses œuvres bonapartistes, nous devons citer son opéra de Trajan (1808), apothéose assez fade du maître, honorée de cent et quelques représentations. De mauvaises langues ont assuré que Fouché avait mis la main à cet ouvrage si bien accueilli. En 1811, il publia, dans le Journal de l’Empire, une satire violente contre la Russie, écrit composé sans doute par ordre, pour tâter l’opinion publique. Le gouvernement, feignant d’être irrité de cette attaque contre un État avec lequel on était encore en paix, ordonna à l’auteur de quitter la France. Après un séjour de trois mois à Naples, Esmenard revenait dans sa patrie lorsque, près de Fondi, il se brisa la tête contre un rocher en s’élançant hors de sa voiture, que les chevaux entraînaient dans un précipice.

Le meilleur ouvrage de cet écrivain est un poëme didactique en huit chants, intitulé : la Navigation (1805, in-8o). On y trouve des vers élégants et châtiés, des tableaux exacts, faits sur nature et pendant les voyages de l’auteur ; mais nul mouvement, nulle chaleur. Esmenard est un élève de Delille ; comme lui, il écrit avec élégance et avec goût ; mais, comme lui, il est monotone et froid. Cet écrivain était d’un commerce agréable et facile ; mais il sacrifia souvent à son goût effréné pour les plaisirs sa considération personnelle et même ses devoirs. « Aucun écrivain, dit Michaud, n’eut plus d’ennemis ; mais aucun de ses ennemis n’a contesté son talent. » Parmi ses autres écrits, nous citerons : Fernand Cortez, opéra en 3 actes, musique de Spontini (Paris, 1809) ; Recueil de poésies extraites des ouvrages d’Helena Maria Williams, trad. de l’anglais (1808, in-8o) ; des pièces de vers de circonstance, imprimées pour la plupart dans la Couronne poétique de Napoléon (Paris, 1807) ; des articles dans la Biographie universelle, etc.