Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Damiette
DAMIETTE, en arabe Dimiat, ville de la basse Égypte, à 158 kilom. N.-E. du Caire, à 128 kilom. E. de Rosette, près du lac Menzaleh, et sur la branche du Nil qui porte son nom et qui se jette dans la Méditerranée à 11 kilom. plus bas, par 31° 25’de lat. N. et 29° 26’ 50" de long. E. ; 30, 000 hab. Évêché copte ; consulats étrangers ; école militaire d’infanterie. « Cette place, dit le Dictionnaire de la navigation et du commerce, après avoir été jadis l’entrepôt du commerce égyptien avec la Syrie et la Grèce, a vu son importance commerciale diminuer par la prospérité d’Alexandrie. Néanmoins elle est encore le centre d’un grand mouvement commercial. En 1860, ses importations se sont élevées à 3, 536, 000 fr. et ses exportations à 5, 448, 000 fr. L’intérieur de l’Égypte lui envoie des poteries, des essences, des pâtes ; les tribus du Tory amènent des chameaux et des chèvres ; les Arabes voisins du Sinaï apportent des amandes, des gommes, du charbon ; le café, les gommes d’Arabie lui sont expédiés par le Caire ; les cotons et les soies par Beyrouth. La Méditerranée lui fournit les vins de Samos, les fruits de Chio, de Chypre, de Malte. Damiette réexporte à son tour la plupart de ces produits en y joignant ceux de son territoire, du riz qui est considéré comme le meilleur de l’Égypte, des grains, des chanvres, des suifs, des cuirs bruts de bœufs et de buffles, enfin les poissons de ses lacs. Damiette, quoique, à proprement dire, sans port, offre un abri suffisant aux bateaux plus ou moins grands qui ont descendu le Nil, ainsi qu’à ceux qui doivent entrer dans le fleuve. »
Cette ville, une des plus saines et des mieux bâties de toute l’Égypte, possède des bazars spacieux, plusieurs mosquées, dont quelques-unes sont remarquables par leurs belles proportions, des bains où le marbre domine et où s’étale avec profusion tout le luxe oriental. Damiette est fameuse par ses souvenirs historiques. Les anciens lui donnèrent le nom de Thamiatis et les Coptes ont longtemps continué à l’appeler Tamiati ; mais il ne faut pas confondre la ville actuelle avec l’ancienne, qui était placée prés de l’embouchure du Nil. Celle-ci acquit de l’importance à mesure que Péluse déclinait ; la ruine de cette dernière ville y fit passer tout le commerce de la partie orientale du Delta. Les Byzantins, auxquels elle avait été enlevée par les Arabes, s’en emparèrent en 860, mais ils la perdirent bientôt. En 866, le sultan El-Metounkel la fit fortifier, ce qui n’empêcha pas Roger de Sicile de s’en emparer en 1155. Saladin repoussa les chrétiens qui l’attaquèrent vainement quinze ans plus tard, soutenus par une flotte de 1, 200 voiles. Plus heureux en 1217, les chrétiens parvinrent à se rendre maîtres de la ville, malgré la résistance opiniâtre des musulmans ; mais bientôt investie par ces derniers, près du champ de bataille de Mansourah, ils cédèrent la ville pour recouvrer leur liberté. Trente et un ans après, en 1248, saint Louis débarqua à Damiette et s’empara de la ville sans coup férir ; le triomphe des Français ne fut pas de longue durée ; les désastres qui terminèrent cette malheureuse expédition délivrèrent pour longtemps les musulmans de toute crainte des puissances occidentales. Mais, fatigués des attaques continuelles des chrétiens contre Damiette, les Arabes détruisirent cette ville de fond en comble et bâtirent, à 8 kilom. dans les terres, le bourg de Menchié, qui devint la moderne Damiette, dont une place porte encore le nom.