Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/DU GUESCLIN (Julienne), sœur du précédent, religieuse de l’ordre des bénédictines

Administration du grand dictionnaire universel (6, part. 4p. 1362).

DU GUESCLIN (Julienne), sœur du précédent, religieuse de l’ordre des bénédictines, plus tard abbesse de Saint-Georges, à Rennes. Julienne fut bonne, douce et pieuse ; elle passa ici-bas, comme Jésus, en faisant le bien. Mais l’histoire a oublié sa piété, sa bonté, sa douceur, pour ne se souvenir que de l’action courageuse, du haut fait d’armes que nous allons raconter et qui prouve qu’elle était la digne sœur de son héroïque frère. Les Anglais, en l’absence de Du Guesclin, voulurent s’emparer par surprise de Pontorson, place importante par sa position. Le couvent des bénédictines, dont les murs formaient une partie des remparts de la ville, leur parut facile à emporter, car il n’était gardé que par de saintes filles qui ne songeaient guère à se transformer en amazones. Au milieu de la nuit, une troupe d’Anglais, que devait suivre l’armée entière à un signal donné et que commandait le capitaine Felton, s’avance vers la sévère et silencieuse retraite à pas de loup ; ils appliquent les échelles d’assaut contre les murs ; ils montent ; ils sont sur le point de les franchir, de crier victoire, lorsque, l’épée en main, apparaît une religieuse ; intrépide, ardente, elle se précipite sur le premier soldat qui veut franchir la fenêtre de sa chambre et le culbute ; un second, puis un troisième a le même sort et va se briser la tête au pied de la sainte maison. Cette digne devancière de Jeanne Darc et de Jeanne Hachette qui venait de sauver son couvent et la ville, — car bientôt, au bruit du cliquetis de son épée contre l’épée ennemie, à ses cris on était accouru et les assiégeants avaient été forcés de renoncer à leur projet, — cette héroïque femme, cette courageuse amazone, c’était Julienne Du Guesclin.

Le lendemain, le connétable de Charles V accourait au secours de la place que venait de sauver sa sœur et qui craignait une seconde surprise de l’ennemi ; il rencontre l’armée anglaise, la met en déroute et s’empare de Felton, son général.

La chronique rapporte que lorsque Tiphaine Raguenel, l’épouse de l’heureux vainqueur, aperçut l’infortuné vaincu au milieu des prisonniers, elle ne put s’empêcher de lui dire, non sans une pointe d’ironie ou mieux de malice toute féminine : « Comment ! brave Felton, vous voilà encore !… C’est vraiment trop pour un homme de cœur comme vous d’avoir été battu, dans l’intervalle de douze heures, une fois par la sœur, une fois par le frère. »

Julienne Du Guesclin mourut en 1405, à l’âge de soixante-douze ans. Elle était alors, ainsi que nous le disions en commençant, abbesse de Saint-Georges-sur-Rennes.