Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Confession de Zulmé (LA), gracieuse et spirituelle poésie de Ginguené

Administration du grand dictionnaire universel (4, part. 4p. 903).

Confession de Zulmé (LA), gracieuse et spirituelle poésie de Ginguené, imprimée pour la première fois dans VAlmanach des Muses de, et au succès de laquelle se rattache une particularité assez piquante., Ginguené, âgé de vingt-quatre ans, était venu de Rennes à Paris, vers 1772, ayant dans son porte « feuille —quelques productions légères, entre autres la Confession de Zulmé, qu’il lut à plusieurs personnes, notamment àl académicien Rochefort. Un tour heureux et d’un goût très-pur, UDe donnée agréable et badine, telles étaient les qualités qui devaient ouvrir les portes des salons galants de la fin du xvmc siècle à cette jolie bagatelle. En peu de temps la Confession de Zulmë se répandit dans le monde, où elle circula d’abord manuscrite et sans nom d’auteur. Des hommes d’esprit, des rimeurs en renom se laissèrent attribuer ce péché charmant et ne s’en défendirent point. Ginguené s’en amusa quelque temps ; mais, voyant nombre de gens se disputer la paternité de son œuvre, il perdit patience et trouva un excellent moyen de mettre chacun d’accord : il fit imprimer la Confession de Zulmé dans 1"Almanach des Muses, la signa de son nom, et personne ne s’avisa de réclamer. Ello a depuis été corrigée à diverses reprises jusqu’en 1814. Cebadinagea conservé le premier rang parmi les compositions poétiques de Ginguené, et c’est par lui bien plus que par des travaux d’une importance réelle que cet écrivain est généralement connu et apprécié. Sans nous étendre plus que de raison sur un morceau devenu d’ailleurs fort rare, nous ferons seulement remarquer aux lettrés d’un goût fin et délicat combien il y a de grâce et de fraîcheur dans cette petite pièce où l’auteur a su varier avec un tact exquis le rhythme poétique, et qui a toute l’harmonie des vers de Gresset avec une précision qui manque quelquefois ; à eeux-ci. Transformé en confesseur •le la beauté, le poète, après quelque hésitation, accepte le « sacré ministère ; « et, tout ému. mais de cette émotion tempérée d’un sourire qui caractérise la fin du xvin" siècle, il dit:

Recueillez-vous, ma aœur, le guichet va s’ouvrir.

La gravité n’est point dans son rôle, et c’est au nom du dieu le plus aimable, le plus facile, le plus tolérant qu’il interroge sa jolie pénitente. Aussi lorsqu’elle lui avoue qu’à l’orgueil elle s’est parfois livrée, il excuse bien vite en elle cette faiblesse ; car, dit-il, L’humilité ne sied qu’à la laideur.

Mais l’avarice lui inspire une de ces remon

  • trances à double sens fort communes chez les

poètes erotiques ;,

Inutile dépositaire

—De tous les trésors de l’amour, N’en doutez-pas, vous répondre ! un jour Du bien que vous aurez pu faire. ItiSBurez-vous pourtant; non, il n’est point d’erreur » Qu’un bon repentir ne répare:

Renoncez donc a vos rigueurs ;

Soyez, pour gagner tous les cœurs, Econome de vos faveurs;

Mais n’en soyez jamais avare.

La gourmandise, la colère, l’en vie sont passées en revue sur le même ton facile et léger. Un petit abbé galant, franc coureur de ruelles, ne ferait pas mieux et ne serait pas plus coquet CONF

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tement effronté ni plus audacieusement indiscret. La fin couronne lestement l’œuvre : fl est un péché moins affreux,

Auquel, je l’avoùrai, je vous crois "fort sujette, Péché que plus d’une fillette

Entre deux draps commet souvent seulelte… Ne baissez point vos deux grands yeux, Que rien n’alarme ici votre délicatesse ; Ce péché-Ia, Zulmé, ce n’est que la paresse. Ne cherchez point à vous en corriger ; Et de l’amour si le souffle léger Au point du jour vous berce d’heureux songes,

Pour le bien de l’humanité,

Puissent de si riants mensonges Vous inspirer du goût pour la réalité ! Enfin, ma tâche est bientôt achevée : De six péchés, objet du céleste courroux, Votre conscience est lavée.

11 en reste un, le plus charmant de tous : De celui-là, s’il est sur la liste des vôtres, Non-seulement je vous absous,

Mais en faveur de ce péché si doux Je vous pardonne tous les autres.

On devine quel est ce péché qui n’est ni l’orgueil, ni l’avarice, ni la gourmandise, ni l’envie, ni la paresse, ni la colère. Le confesseur de Zulmé pourrait bien être un Faublas quelconque ; il s’entend à merveille à jeter sur toutes choses un voile aimable, et c’est le sourire aux lèvres qu’il’sème des roses sur les pensées libertines que font naître ses jolis vers. Nos grands-pères et nos grand’mères goûtaient fort ce genre de poésie, et les plus graves personnes’n’y voyaient aucun danger, soulignant volontiers les malices de l’auteur, clignant des yeux à la dérobée aux passages égrilbirds. La Confession de ZvÀmé laissa passer la Révolution sur elle et reparut sous le Consulat et l’Empire. Elle eut beaucoup de succès, en compagnie de plates imitations et de chansons anacréontiques qui ne la valaient pas à beauegup près.