Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/Brissotins (HISTOIRE DES), ou Fragments de l’histoire secrète de la Révolution et des dix premiers mois de la République, par Camille Desmoulins

Administration du grand dictionnaire universel (2, part. 4p. 1288-1289).

positivement d’être les instruments d’un comité anglo-prussien, et en outre d’une ténébreuse conjuration orléaniste contre la République. Il en est convaincu, il tient les fils, il en a les preuves ; — absolument comme les girondins étaient persuadés que Marat, puis Robespierre, puis Danton voulaient se faire proclamer rois, ni plus ni moins. Il faut reconnaître d’ailleurs que les brissotins, pour parler le langage du temps, par leur petit esprit de secte et leur acharnement, par leurs diffamations continuelles et leur guerre incessante, avaient bien un peu provoqué contre eux les représailles de leurs ennemis.


BRISSOTISME s. m. (bri-so-ti-sme — rad. Brissot). Hist. Système et parti politique de Brissot.


BRISTED (Charles Astor), littérateur américain, né en 1820 à New-York, où son grand-père maternel, Jacob Astor, s’était rendu célèbre par ses opérations commerciales. Avant terminé ses études à l’université de Cambridge, en Angleterre, il retourna en Amérique en 1847, après cinq années d’absence, et prit une part active à la rédaction littéraire de différentes revues. Fixé depuis à Paris, il continue cette collaboration par une correspondance adressée a certains journaux de New-York et au recueil anglais, le Fraser’s Magazine. C’est dans ce recueil qu’il a commencé, en 1852, l’examen de la littérature et la description des mœurs américaines. Ces études satiriques, réunies en volume, ont paru à Londres et à New-York, sous le titre de : Plus de dix mille traits de la société américaine. Bristed est encore auteur d’une étude intéressante : Cinq ans dans une université anglaise.

BRISTOL s. m. (bri-stol — rad. Bristol), Comm. Sorte do papier à dessiner : Lucien, son album sur les genoux, laissait glisser au hasard son crayon sur le bristol. (H. de Kock.)

BRISTOL, ville d’Angleterre, formant a elle seule avec sa banlieue un comté sur les limites de ceux de Sommerset et de Glocester, au confluent de la Severn et de l’Avon, à l’endroit où cette dernière rivière devient navigable pour les grands bâtiments avant de se jeter dans la Severn, qui prend alors le nom de canal de Bristol ; à 100 kilom. O. de Londres, par 51» 20’ lat. N, et 5° long. O. ; pop., en 1841, avec les faubourgs, 140,158 hab. ; d’après le dernier recensement, 155,728 hab. Evêché depuis 1541, écoles nombreuses, université ; école de médecine et de chirurgie, école de sciences appliquées, bibliothèque publique. L’industrie de Bristol se divise en plusieurs branches, dont les plus importantes sont celles qui mettent le fer en œuvre ou qui se rattachent au gréement des navires ; fabriques de machines à vapeur, ancres, voiles, cordages, chantiers de constructions maritimes, verreries, papeteries, fabriques de voitures, tissus de soie, de laine, de coton, bonneterie, dentelles, raffineries de sucre, etc. Cette ville était encore, sous tes derniers Stuarts, la seconde place de commerce de l’Angleterre ; mais aujourd’hui elle ne tient plus que le huitième rang parmi les places du Royaume-Uni. En communication avec la capitale et les autres comtés par de nombreux chemins de fer et plusieurs rivières canalisées, elle fait un grand commerce avec les Indes occidentales, ainsi qu’avec l’Espagne et le Portugal, Terre-Neuve et les colonies anlaises du nord de l’Amérique. L’importation u port de Bristol consiste principalement en sucre, rhum, café, coton et autres produits coloniaux ; l’exportation, en matériaux à construire, produits des manufactures de la. ville, sel et houille des environs, draps, tissus de coton et lainages, boissons, bouteilles. Dans ces dernières années, l’exportation formait une valeur de 13,567,000 francs, et le mouvement de la navigation présentait le chiffre de 7S6 bâtiments jaugeant 198,261 tonneaux. L’effectif des armements maritimes de ce port s’élève annuellement, en moyenne, à 238 navires, jaugeant 79,103 tonneaux. Bristol, bâtie sur plusieurs collines, et dans les vallées qui les séparent, se divise en deux parties : la ville proprement dite est resserrée, mais les faubourgs sont plus aérés et plus agréables, surtout celui de Clifton. Au milieu de 750 rues, places et ruelles et des 10 marchés qui composent cette cité, on rencontre plusieurs édifices remarquables, parmi lesquels nous citerons : la cathédrale, fondée en 1140 ; cette ancienne église collégiale d’un monastère présente quelques beaux morceaux d’architecture gothique, une tour ornée de quatre flèches, des croisées à vitraux coloriés et plusieurs tombeaux célèbres, entre autres celui d’Harriet Hesketh, l’amie de Cowper. Les stalles du chœur sont ornées de figures grotesques, parfois indécentes ; le portail occidental est un beau reste d’antiquité. Les docks terminés en 1809 méritent d’attirer l’attention ; il en est de même du pont suspendu sur l’Avon, Bristol est le Brito des anciens Bretons, qui était près d’une station romaine, sur la voie Julia. Les Saxons nommaient cette ville Bryststow, et en 1068, elle est appelée Bristow dans la statistique de Guillaume le Conquérant. Du temps de Henri II, elle faisait un grand commerce avec le nord de l’Europe ; sous Édouard III, elle fournit vingt-deux navires peur le siège de Calais. En 1613, elle était au pouvoir de Charles Ier, mais deux.

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ans après elle fut prise par Fairfax et Cromwell, qui rasèrent l’ancien château fort construit en 1130. C’est à Bristol que Davy fit ses premières expériences publiques sur les gaz ; cette ville est la patrie de plusieurs célébrités anglaises : do Séb. Cabot, navigateur qui découvrit le Labrador ; du poète Chatterton, et de Barry.

BRISTOL (canal de), Bristol-Channel, golfe de l’océan Atlantique, sur la côte O. de 1 Angleterre, entre la principauté de Galles au N. et la principauté de Cornouailles au S. C’est le golfe le plus considérable de la Grande-Bretagne ; il mesure 190 kilom. de long sur 160 de large, à l’entrée ; ses marées atteignent la plus grande hauteur connue en Europe (16 m. 50) ; la côte sud n’offre pas de port naturel, mais il s’y trouve plusieurs petites baies, dont la plus importante est celle de Barnstaple ; la côte nord a plusieurs bons ports et forme les baies de Swansea, Caermarthen et Milford.

BRISTOL, ville et port de mer des États-Unis de l’Amérique du Nord, dans l’État de Rhode-Island, ch.-l. du comté de son nom, à 24 kilom. S, de Providence, sur la baie de son nom ; 5,900 hab. Port sûr et commode, commerce actif avec l’Europe et les Antilles. Exportation d’oignons récoltés dans les environs. Il Ville des États-Unis de l’Amérique du Nord, dans l’État de Pensylvanie, sur la rive droite de la Delaware, à 32 kilom. N.-E. de Philadelphie ; 3,257 hab. Nombreuses villas. Il Autre ville, dans l’Étatde New-York, comté d’Ontario, à 15 kilom. S.-O. de Canondaigua ; 2,000 hab. Dans les environs, nombreuses sources de gaz inflammable, il Autre ville, dans l’État de Connecticut, à 72 kilom. S.-O. d’Hartford ; 2,900 hab. Importante fabrication d’horloges en bois.

BRISTOL (Frédéric-William Hervey, marquis de), pair d’Angleterre, né en 1769, mort en 1859. Membre de la Chambre des communes de 1796 à 1803, sous le nom de baron Hervey, il remplaça ensuite son père, le comte de Bristol, à la Chambre des lords. De 1801 à 1803, il fut secrétaire d’État aux affaires étrangères. Le long et chaleureux appui qu’il avait prêté à la politique des tories lui valut du ministère Canning, en 1826, une promotion dans l’ordre nobiliaire ; il obtint le titre de marquis. — Son fils, Frédéric-William Hervey, marquis de Bristol, né en 1800, lui succéda à la Chambre des lords en 1859, après avoir siégé à la Chambre des communes depuis 1830. Robert Peel le nomma trésorier de la maison de la reine, charge qu’il occupa de 1831 à 1846.— Ilaun fils, Frédéric-William, comte Jermyn, né en 1834, et qui est depuis 1859 membre du parlement.

BRISTOW (Richard), théologien anglais, né en 1538 à Worcester, mort en 1381, fut un des plus brillants élèves de l’université d’Oxford. Il soutint les idées catholiques dans une controverse publique qu’il eut avec Humphrey, et se vit contraint de se retirer à Louvain en 1569. Après être entré dans les ordres, il devint professeur à Douai et à Reims. Atteint d’une maladie mortelle, il partit pour l’Angleterre et mourut près de Londres. Parmi ses ouvrages, nous citerons les suivants, qui sont écrits en anglais : Court traité des voies et moyens de découvrir la vérité en ces temps d’hérésie (Anvers, 1599) ; Réplique au docteur Fulk, en défense des théories du docteur Allen sur le purgaioire ■ (1580) ; Questions, au nombre de cinquante, proposées par les catholiques aux hérétiques (in-8°).

BRISTOW (Henri-William), géologue anglais, né en 1817. Après avoir reçu au collège du Roi, à Londres (1540-1841), deux certificats d’honneur dans la classe du génie civil et des sciences appliquées aux arts et aux manufactures, il fut nommé géologue adjoint du cadastre géologique (1842T, puis géologue titulaire, et enfin membre de la Société de géologie, en 1843. Il a écrit un Catalogue descriptif des roches types du muséum de géologie pratique de Londres ; les articles : Minéraux et Roches, Manufactures et Mines, dans le Dictionnaire des arts, de Ure ; des Mémoires sur la géologie de Vile de Wight ; un Glossaire de minéralogie (1861). Le cadastre géologique lui doit aussi des cartes, coupes, etc.

BRISURE s. f. (bri-zu-re — rad. briser). Fente, éclat, solution de continuité dans un objet brisé, cassé : Une gazelle ou un chacal se glissait furtivement entre les brisures de la roche. (Lamart.) Aux tremblantes clartés d’une lampe, je vis tout à coup une brisure à mon bracelet. (A. Houssaye.) Je ne fus pas couché deux minutes sans trouver au paravent protecteur une brisure par laquelle je pouvais voir la dame mystérieuse. (E. Sue.) il Fragment, débris d’un objet brisé : Une coupe de cristal tombe à terre et se brise. Tout à l’heure elle était utile, vous pouviez l’approcher de vos lèvres et y puiser une liqueur agréable et fortifiante, à présent ses brisures tranchantes ne peuvent qu’ensanglanter la main. (H- Martin.)

— Argot. Genre d’escroquerie qui consiste à capter la confiance d’un négociant par des achats fidèlement soldés, pour arriver à un achat plus considérable que l’on ne paye point.

— Phys. Angle formé par des rayons réfléchis ou réfractés :Le phénomène de la réfraction nous est démontré par la brisure apparente que présente à l’œil un bâton plongé obliquement dans l’eau, (Lecoq.)

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— Mar. Disposition d’un mât ou do toute autre partie d un bâtiment composée de plusieurs pièces guindées les unes au-dessus des autres : La brisure de la cheminée d’un bateau à vapeur.

— Fortifie. Prolongement de la’ligne de défense dans le renfoncement d’un rjastion à orillons : Brisure de la courtine.

—Techn. Joint, endroit de contact de deux

Earties d’un ouvrage qui peuvent se replier une sur l’autre : Les brisures d’un volet.

— Blas. Modification apportée à des armoiries, pour distinguer une branche cadette ou bâtarde de la branche principale ou légitime : Avoir fait une brisure dans ses armes. Les armes des bâtards des princes anglais, qui sont toujours celles d’Angleterre, ont des sortes de brisures distinctes. (St-Sim.) Il Fig. Modification, changement, différence : La goutte et le rhumatisme sont des frères, et ce dernier a seulement une brisure de cadet, parce qu’il ne revient pas comme cette cruelle goutte. (Mme de Sév.)

— Encycl. Blas. La brisure est une modification héraldique qu’on fait subir à une armoirie pour indiquer qu’elle est spéciale à la branche cadette ou puînée d’une famille. Quelquefois elle a lieu au moyen de l’addition d’une pièce ; d’autres fois, c’est par la suppression d’une pièce de l’écu ; c’est enfin par la modification de la couleur des pièces qu’on laisse subsister en les altérant. La branche d’Orléans porte les armes de France avec une brisure. Cette brisure indique que l’on descend de la branche cadette d’une maison.

Parmi les pièces qui sont d’un usage habituel pour opérer les brisures, il faut citer le lambel, qui est ordinairement de trois pendants. Ce sont les puînés qui l’emploient volontiers et en chargent les armes pleines de leur maison, en le plaçant en chef, comme brisure. Cette pièce n’est pas sujette à enquerre, et elle peut être indifféremment de métal ou d’émail, appliquée sur un fond de même. Famille de Bourbon-Orléans -• D’azur à trois fleurs de lis d’or surmontées d’un lambel à trois pendants pour brisure.

La bordure est employée par les cadets et les puînés, mais sa présence sur un écu n’implique pas forcément une idée de brisure, puisqu’elle est employée parfois comme pièce unique ou principale.

Le bâton péri sertpresque exclusivement de brisure.Famille de Bourbon - Duisant : D’azur, à trois fleurs de lis d’or, au bâton de gueules péri en bande, chargé de trois lionceaux d’argent ; à la bordure de gueules dentelée d’argent. Posé en barre, le bâton devient une brisure de bâtardise. Famille de BourbonLonguemlle : D’azur, à trois fleurs de lis d’or, au lambel d’argent de trois pendants de même ; à la barre de gueules.

Le franc-canton sert aussi de brisure, mais plus rarement ; d’ailleurs, on se sert encore de menues pièces qui s’ajoutent à celles qui chargent déjà l’écu, telles que des biîlettes, des croisettes, etc. Souvent aussi on écartèle d’un quartier d’alliance, et enfin quelques grandes familles ne craignirent pas d’altérer leur blason en changeant leurs émaux. C’est ainsi qu’on voit les diverses branches de la famille de Mailly, qui porte d’or à trois . maillets de sinople, porter ces maillets de gueules ou de sable. Il en est même qui vont jusqu’à modifier le champ de l’écu : dans la famille de Grolée, qui porte gironné d’or et de sable, une branche cadette a choisi pour brisure : Gironné d’argent et de sable. Certaines familles étrangères, particulièrement allemandes, établissent leurs brisures en changeant seulement les cimiers.

— Argot. Ce genre d’escroquerie se pratique ainsi qu’il suit : Un individu, qui se dit marchand ambulant, se présente dans une fabrique ou une maison de gros, et achète une petite quantité de marchandises, qu’il paye comptant. À ce premier achat en succèdent plusieurs autres, dans les mêmes conditions. Quand le négociant s’est habitué à son nouveau client, celui-ci prétexte le développement de son commerce et se fait livrer une masse considérable de produits, partie au comptant, partie à terme. Les billets sont exactement payés à l’échéance. D’autres opérations semblables ont lieu successivement, et toujours en augmentant d’importance. Enfin, quand l’escroc croit avoir suffisamment capté la confiance de sa dupe, il fait un achat énorme à terme, et disparaît sans qu’il soit, le plus souvent, possible de le découvrir, car il a eu le soin d’opérer avec de faux papiers.

BR1TANN1, peuples qui habitaient le sud de l’ancienne Grande-Bretagne et qui, refoulés par les Saxons, vinrent s’établir dans la presqu’île occidentale des Gaules, à laquelle ils donnèrent leur nom. V, Bretagne et Angleterre.

BSITANNIA, nom latin de la Grande-Bretagne.

BIUTANN1A (pont), pont tyibulaire jeté entre l’Angleterre et l’île d’Anglesey. Ce travail remarquable, exécuté par Stephenson de 1847 à 1850, est assez solide pour supporter le passage des convois de chemin de fer. Il est divisé en deux parties : l’une, sur le golfe de Conway, a 121 m. 84 de long, 4 m. 15 de large et 7 m. 31 de hauteur ; l’autre, sur le canal cte Menai, mesure 454 m. 75 de long.

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BRITANNICA lfiSOLA, nom latin des îles Britanniques.

BR1TANNICDS (Claudius-Tiberius), fils de Claude et de Messaline, né à Rome 1 an 42 de Jésus-Christ. Il était l’héritier présomptif de l’empire ; mais Agrippine, seconde femme de Claude, parvînt a 1 écarter en faisant adopter Néron, qu’elle avait eu d’un premier époux, et qu’elle fit revêtir de la pourpre après le meurtre de l’empereur. La discorde éclata bientôt entre la mère et le fils, et Agrippine, qui voyait l’influence et le pouvoir lui éenapper, menaça Néron de rétablir le jeune Britannicus dans ses droits. Ce fut l’arrêt de mort de ce jeune prince, que Néron empoisonna dans un festin, l’an 56 de l’ère chrétienne. Il avait à peine quinze ans et était le dernier rejeton de l’illustre maison Claudia, aussi ancienne que la cité et qui avait donné trois empereurs au monde. Cette tragédie césarienne forme le sujet de l’un des plus beaux drames de Racine.

Britaiinicug, tragédie de Racine en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, le 15 décembre 1669. Rappelons en quelques mots l’horrible histoire de ce temps. Lorsque la mère de Claude rencontrait un idiot, elle avait coutume de dire : « Il est moins stupide encore que mon fils. « Tel était l’enfant destiné à gouverner un jour le peuple romain. Claude n’arriva pas au pouvoir avant l’âge de cinquante ans ; mais l’âge n’avait

fuère corrigé la nature. Tiré par force de essous une tapisserie où il s’était caché pendant qu’on assassinait Caligula, il se vit conduire au trône des Césars en croyant marcher au supplice. Les premières années du règne de Claude, par suite d’une réaction nécessaire après les horreurs de Caligula, furent marquées d’une certaine bénignité ; mais le naturel ne tarda pas à reparaître. Claude tomba entre les mains de ses affranchis et de ses femmes, qui le poussèrent à des crimes dignes de son prédécesseur. Les imbéciles couronnés ne sont pas moins dangereux que les plus cruels tyrans. Claude ne fut pas heureux en femmes, et ce fut Messaline, dont Tacite et Juvénal ont cruellement immortalisé le nom, qui osa, à la face de Rome, lui vivant et régnant, épouser un de ses amants, Julius. Agrippine, à son tour, s’empara des volontés

’ de Claude. L’empereur n’y gagna pas, ni Rome non plus. Après l’adoption du fils d’Agrippine, des champignons apprêtés par la fameuse empoisonneuse Locuste aidèrent Claude à passer de la table au tombeau. Sénèque fit, dit-on, l’oraison funèbre que prononça Néron en l’honneur de Claude, ce qui n’empêcha pas Sénèque d’écrire plus tard YApokolokyntose (v. ce mot), ou métamorphose de Claude en citrouille. Mais lorsque le jeune Néron, fils jusque-là soumis, eut senti le diadème assuré sur son front, lorsque le manteau impérial fut attaché à ses épaules, l’affreux génie de ses prédécesseurs se révéla en lui ; les griffes du tigre s’allongèrent, impatientes de sang. Malheur à ceux qui traversèrent ses intérêts ou ses caprices ! Agrippine en fut la première victime. On le lui avait prédit ; mais, poussée par son ambition, elle avait répondu, selon Tacite : Occidat, dumimperet ••« Qu’il me tue, pourvu qu’il règne. »

Racine a placé l’action de sa tragédie à Rome, dans le palais de Néron. Le jeune fils de Claude, âgé de quinze ans, dépossédé du trône par son père en faveur de Néron, aime une jeune fille de la famille d’Auguste, Junie, sœur de Silanus. Agrippine, de plus en plus délaissée par son fils, protège leurs amours. Néron déjoue le projet de sa mère, devient amoureux de Junie, lui commande de renoncer à la tendresse qu’elle éprouve pour Britannicus. Il fait arrêter ce dernier, garder Junie, l’affranchi Pallas et Agrippine elle-même. Cette dernière réussit cependant à revoir son fils, lui rappelle tous les crimes qu’elle a commis pour l’élever au trône et lui repro . che son ingratitude ; Néron feint de se réconcilier avec elle et de consentir au mariage des deux amants ; mais, par les conseils de l’affranchi Narcisse, et en dépit des sollicitations de son précepteur Burrhus, il prépare la mort de son rival et l’invite à un festin, ’où il l’empoisonne.

■ C’est, dit Voltaire, la pièce des connaisseurs. • Racine, en effet, y réunit l’art de Tacite et celui de Virgile. Tout y porte l’empreinte de la maturité, tout est mâle, tout est fini. La conception de cette terrible jeunesse de Néron est vigoureuse, et l’exécution sans aucune tache. C’est le treizième livre des Annales de Tacite qui a fourni à Racine le sujet de Britannicus ; mais, bien que le poste ait, indépendamment des faits, emprunté quelques traits à l’historien, la création des caractères n’appartient qu’à lui seul. Celui d’Agrippine. surtout, est une des plus fortes créations de Racine ; il domine toute la pièce ; c’est le symbole vivant de l’ambition : » Agrippine, dit M. Gérusez, est une des plus graves figures qui soient au théâtre : son ambition et ses vices tirent de l’énergie de la peinture je ne sais quoi de noble et de saisissant, qui attache. » Burrhus représente la vertu dans une cour corrompue ; Narcisse est le type du vice et de la bassesse ; Racine en a fait le mauvais génie de Néron. Junie est une figure touchante, où l’on reconnaît le peintre sensible et délicat d’iphigénie, de Monime et d’Aricie. Il y aurait de nombreuses citations à faire de cette tra 162